• Aucun résultat trouvé

Entrée dans le monde de l'écrit: démarche de lecture et d'écriture émergente dans deux contextes contrastés

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Entrée dans le monde de l'écrit: démarche de lecture et d'écriture émergente dans deux contextes contrastés"

Copied!
139
0
0

Texte intégral

(1)

Master

Reference

Entrée dans le monde de l'écrit: démarche de lecture et d'écriture émergente dans deux contextes contrastés

HADDAD, Sabrina, GÉROUDET, Séverine

Abstract

Ce mémoire comparatif s'intéresse à la LEE (Lecture/Ecriture Emergente), démarche d'entrée dans l'écrit destinée à la première enfantine, qui a fait l'objet d'une étude à la Maison des Petits (Saint-Antoine, Genève). Or les élèves de cette école sont issus d'un milieu socioculturel et économique aisé. Les résultats obtenus ne sont donc pas représentatifs de l'ensemble des élèves scolarisés à Genève, car les enfants issus de différents milieux n'ont pas, à leur entrée à l'école, le même rapport à l'écrit. C'est pourquoi, dans ce mémoire, cette même démarche est observée à l'école de Cité-jonction, qui est un établissement en REP (Réseau d'éducation prioritaire) et qui accueille des élèves majoritairement non-francophones, issus de milieux populaires. Le but étant, en utilisant la même méthodologie que l'étude précédemment effectuée, de constater si les élèves des deux écoles utilisent les mêmes stratégies, si celles-ci évoluent de la même manière et ont les mêmes dominances.

HADDAD, Sabrina, GÉROUDET, Séverine. Entrée dans le monde de l'écrit: démarche de lecture et d'écriture émergente dans deux contextes contrastés. Master : Univ.

Genève, 2010

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12496

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

Entrée dans le monde de l'écrit:

démarche de lecture et d'écriture émergente dans deux contextes contrastés

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE L’OBTENTION DE LA LICENCE MENTION ENSEIGNEMENT

PAR

Sabrina Haddad & Séverine Géroudet

DIRECTEUR DU MÉMOIRE : Carole Veuthey

JURY : Carole-Anne Deschoux Francia Leutenegger Thérèse Thévenaz

GENEVE, JUIN 2010

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION SCIENCES DE L'EDUCATION

(3)

RESUME

Ce mémoire comparatif s’intéresse à la LEE (Lecture/Ecriture Emergente), démarche d’entrée dans l’écrit destinée à la première enfantine, qui a fait l’objet d’une étude à la Maison des Petits (Saint-Antoine, Genève). Or les élèves de cette école sont issus d’un milieu socioculturel et économique aisé.

Les résultats obtenus ne sont donc pas représentatifs de l’ensemble des élèves scolarisés à Genève, car les enfants issus de différents milieux n’ont pas, à leur entrée à l’école, le même rapport à l’écrit. C’est pourquoi, dans ce mémoire, cette même démarche est observée à l’école de Cité-jonction, qui est un établissement en REP (Réseau d’éducation prioritaire) et qui accueille des élèves majoritairement non-francophones, issus de milieux populaires.

Le but étant, en utilisant la même méthodologie que l’étude précédemment effectuée, de constater si les élèves des deux écoles utilisent les mêmes stratégies, si celles-ci évoluent de la même manière et ont les mêmes dominances.

(4)
(5)

Table des matières

1. Introduction 4

1.1. Choix de la thématique et objectifs de notre recherche

2. Cadre contextuel 6

3. Cadre théorique

9

3.1 Le langage écrit : la lecture et l’écriture 3.2 La litéracie émergente

3.3 Milieux socio-culturels : rapport à l’écrit et relations famille-école

4. Problématique et questions de recherche

35

4.1. Formulation de la problématique 4.2. Questions de départ

4.3 Hypothèse de recherche

5. Démarche méthodologique

37

5.1. Méthode choisie pour notre recherche 5.2. Echantillon d’élèves

5.3. Méthode d’analyse des données

6. Présentation et discussion des résultats

40

6.1 Présentation de la situation didactique

6.2 Présentation des résultats de l’école Cité-Jonction

6.2.1 Description des stratégies de lecture émergente et leur évolution 6.2.2 Description des stratégies d’écriture émergente et leur évolution 6.2.3 Relation entre la lecture et l’écriture émergente

6.3 Comparaison des résultats entre St-Antoine et l’école de Cité-Jonction 6.3.1. Comparaison des résultats de la lecture émergente

(6)

6.3.2 Comparaison des résultats de l’écriture émergente

6.3.3 Comparaison de la pratique enseignante dans les deux écoles

6.3.4 Comparaison entre les deux écoles au niveau de la relation lecture-écriture

7. Conclusion 80

7.1. Mise en perspective de nos résultats par rapport à nos questions de recherche 7.2. Retour sur notre travail : apports et limites de notre démarche

7.2.1. Apports généraux de notre recherche

7.2.2. Apports personnels, en vue de notre future pratique

7.2.3. Limites de notre recherche

8. Références bibliographiques 86

8.1 Webographie

9. Annexes 90

9.1 Fiches des deux livres Léo et Popi 9.2 Résultats pour la lecture émergente

9.2.1 Liste des stratégies de lecture émergente

9.2.2 Retranscription de lecture des élèves de Cité-Jonction aux deux temps 9.2.3 Dépouillement des stratégies de lecture émergente

9.3 Résultats pour l’écriture émergente

9.3.1 Liste des stratégies d’écriture émergente

9.3.2 Productions d’écriture émergente à l’école de Cité-Jonction aux deux temps 9.3.3 Dépouillement des stratégies d’écriture émergente

(7)

1. Introduction

1.1 C

HOIX DE LA THEMATIQUE ET OBJECTIFS DE NOTRE RECHERCHE

En tant que futures enseignantes de l’école primaire genevoise, nous avons décidé d’écrire un mémoire concernant un apprentissage qui nous paraît fondamental, celui de la lecture et de l’écriture. Nous sommes toutes deux intéressées par l’école première et cet apprentissage nous paraît être au cœur de cette dernière. Nous avons entendu parler de la démarche de lecture/écriture émergente mise en place à la Maison des Petit de Saint-Antoine et cette pratique, proposée aux élèves de première enfantine, a aiguisé notre curiosité. En effet, nous n’avons pas eu l’occasion de voir et d’étudier pendant nos stages et notre formation des dispositifs d’apprentissage de la lecture et de l’écriture pour la première enfantine. Il nous a paru donc intéressant d’apprendre à connaître cette démarche et de pouvoir l’observer, une manière, en quelque sorte, d’approfondir notre formation. Ayant par la suite appris que cette pratique n’avait été l’objet d’une étude qu’à St-Antoine, se situant dans un quartier favorisé, nous avons décidé de mener notre observation dans une école se situant dans un quartier socialement différent et d’établir une comparaison. Nous y reviendrons.

Ce mémoire s’intéresse donc à la démarche d’apprentissage appelée : Lecture/Ecriture Emergente. C’est une des quatre situations didactiques de la démarche d’entrée dans l’écrit développée à la Maison des Petits de St-Antoine, école élémentaire publique du canton de Genève, rattachée par un contrat bipartite à la faculté des Sciences de l’Education (DEP-FPSE). Cette démarche de LEE (Lecture/Ecriture Emergente) est destinée à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture au cycle élémentaire (4-8 ans). En 2002, dans le cadre de l’élaboration du nouveau PECARO (Plan d’étude cadre pour la Romandie), le GREF (Groupe de référence intercantonal pour l’enseignement/apprentissage du français) est allé effectué des observations à St-Antoine sur la démarche de LEE. L’objectif était de voir s’il était possible de sensibiliser l’élève à l’écrit dès le début du cycle élémentaire à travers des situations de lecture, d’écriture et de lecture-écriture. L’utilisation des situations didactiques de la LEE s’est avérée probante, puisqu’elle a démontré qu’elle permettait aux élèves de la Maison de Petits de développer des stratégies d’apprentissage efficaces pour la lecture et l’écriture. Or, dans cette école, la population est majoritairement d’origine francophone et d’une catégorie sociale plutôt aisée (non populaire). Cette composante est à

(8)

l’origine de la principale critique qui peut être émise à l’égard de cette étude : il aurait été intéressant qu’elle soit menée également dans d’autres écoles du canton, accueillant des populations différentes, afin qu’une comparaison puisse être établie entre celles-ci. Une tentative de comparaison à déjà été faite par l’équipe de St-Antoine sous forme de compagnonnage dans les écoles des Libellules (Aïre) et des Avanchets, qui sont des écoles accueillant des élèves d’origine majoritairement allophone. Mais il n’existe pas d’analyse de données ou de résultats de cette expérience. Il avait cependant semblé aux enseignantes, que les mêmes stratégies d’apprentissage se retrouvaient. Nous souhaitons dans ce mémoire retenter cette expérience et établir un rapport écrit de cette comparaison. Il nous semble intéressant de comparer les stratégies d’apprentissage d’élèves n’ayant pas la même origine sociale et la même langue maternelle, ainsi qu’observer si la démarche se pratique différemment selon la population visée. Nous avons donc choisi d’observer cette démarche de Lecture/Ecriture Emergente avec une population bien différente de St-Antoine du point de vue des origines et catégories sociales. Nous avons décidé d’effectuer cette recherche à l’école de Cité-Jonction, dans une classe de première enfantine. Nos observations se sont ciblées du point de vue de l’apprenant débutant et de ses processus d’apprentissage. Nous avons également eu la chance d’observer une enseignante qui a elle-même expérimenté la démarche à St-Antoine. Nous avons donc pu lui demander si sa pratique était la même avec ces deux populations d’élèves.

Nous avons appris récemment que St-Antoine s’est étendue en réseau et qu’elle ne comprend plus uniquement l’école de Saint-Antoine et Ferdinand-Hodler, mais aussi, à présent, les établissements de la Roseraie et des Minoteries. L’équipe de St-Antoine a donc eu ce même souci de toucher un échantillon d’élèves plus représentatif de la population genevoise : origines et catégories sociales diverses. La découverte de ce changement a consolidé la logique de notre démarche comparative et l’importance de nos objectifs.

(9)

2. Cadre contextuel

Le contexte est un des éléments clé de ce mémoire, car il constitue le cadre de notre observation et le pourquoi de notre comparaison. C’est en effet parce que la démarche de LEE n’a été observée que dans un seul et unique contexte, qu’il nous a paru nécessaire d’aller l’observer dans un contexte différent. C’est pourquoi il nous paraît important de consacrer un chapitre à ce-dit contexte.

Notre recherche s’effectue dans une classe de première enfantine de l’école de Cité- Jonction, auprès de dix élèves en particulier (environ une moitié de classe), avec le même nombre de filles que de garçons. Cette école est située dans le quartier de la Jonction, quartier où vivent 43,8% de personnes d’origines étrangères contre 24,6% de genevois et 31,7% de confédérés. Ce pourcentage de 43,8% est très proche du taux moyen à Genève (43%). Parmi la population étrangère du quartier de la Jonction, huit personnes sur dix sont européennes.

Deux sur dix proviennent du reste du monde : Afrique, Moyen-Orient, Asie, Amérique du Nord, Amérique Latine, etc.

D’après les données du SRED, il y a, à l’école de Cité-Jonction, par rapport à la moyenne genevoise, 60% d’élèves issus d’un milieu populaire contre 7% issus d’un milieu social aisé et 33% issus de classe moyenne. Derrière l’appellation « milieu populaire » sont comptabilisés les parents étant ouvriers ou de professions diverses ou dont l’Etat ne possède pas d’indications. La « classe moyenne » représente quant-à-elle les parents employés, cadres intermédiaires ou petits indépendants, alors que derrière le terme « classe sociale aisée » se cachent les cadres supérieurs ou dirigeants. La population qui fréquente l’école de Cité- Jonction est donc majoritairement issue d’un milieu populaire. À l’inverse, à St-Antoine qui se situe en Vieille-Ville, seuls 16% d’élèves sont issus d’un milieu populaire contre 36% d’un milieu social aisé et 48% de classe moyenne.

Concernant les origines des élèves, à l’école de Cité-Jonction, 61% d’élèves sont allophones et 39% sont francophones. À St-Antoine, la tendance est inversée, seul 17% des élèves sont allophones contre 83% de francophones (dont 76,5% de Suisses et 6,5% de Français). Ces deux écoles sont donc bien différentes au niveau de la population qui les fréquente.

L’école de Cité-Jonction est une école qui a été placée en REP depuis 2007 par le département de l’instruction publique. Les réseaux d’enseignement prioritaire ont été créés

(10)

par le DIP en 2006, afin d’assurer la qualité des écoles situées dans les quartiers populaires.

Pour entrer en REP, les écoles doivent remplir deux critères : plus de 55% des parents d'élèves doivent être issus de catégories socio-économiques défavorisées et l'ensemble de l'équipe enseignante doit s'engager dans le projet pour une durée de trois ans.

La principale caractéristique de ces écoles est que l’effectif des classes est limité à un nombre restreint d’élèves. La moyenne est de 18 élèves par classe, contre 20 dans les autres écoles. Les écoles en REP ont des projets qui se fondent essentiellement sur les apprentissages avec pour priorité l’apprentissage du français. En effet, pour pouvoir accéder aux savoirs, la maîtrise de la langue est primordiale. Le niveau d’exigence global est cependant aussi élevé que dans les autres écoles du canton.

Une autre caractéristique des écoles en REP est la relation que celles-ci entretiennent avec les parents d’élèves. Le lien famille-école est décisif et crucial dans ce contexte. Outre des rencontres régulières avec les parents pour leur montrer ce qu’apprennent leurs enfants et les objectifs à atteindre, l’équipe enseignante explique les règles et le fonctionnement de l’école et tente d’aider les familles en leur indiquant les possibilités d’actions à la maison pour permettre à leur enfant de mieux apprendre. Le DIP propose aux écoles en REP d’être en étroite relation avec les professionnels de l’Office de la jeunesse, comme des éducateurs sociaux, des psychologues, etc., mais aussi avec les associations locales et les communes dans le but d’établir un bon climat de confiance autour et à l’école. Les éducateurs sociaux exerçant en REP doivent s’assurer de la socialisation et de l’intégration des enfants dans l’école, ceci en collaborant étroitement avec les enseignants et la direction de l’école. Ils sont aussi en charge du soutien éducatif auprès des familles.

Les REP sont apparues avec la réorganisation de l’enseignement primaire, et ceci dans le cadre de treize priorités édictées par le DIP en 2005. Parmi ces treize priorités, certaines concernent plus particulièrement notre sujet, comme celle de la langue française.

Cette priorité préconise une intensification de l’apprentissage du français dès les premières années d’école. L’intégration doit être l’objectif central d’une collectivité multiculturelle comme l’école, et c’est par la pratique de la langue française qu’elle peut avoir lieu, et ceci, sans pour autant dévaloriser les langues des élèves allophones. Au contraire, celles-ci doivent être reconnues. Dans notre société, c’est le français qui donne accès à la culture, à la communication et surtout, concernant l’école, aux autres disciplines. C’est pourquoi son apprentissage est une priorité. Une autre des treize priorités qui touche à notre recherche est celle du partenariat avec les familles. En effet, les familles d’origines étrangères de milieu

(11)

populaire se situent parfois en retrait de l’école, la communication avec celles-ci est souvent plus difficile. Mais il faut tout faire pour que ce lien existe, afin d’éviter des répercussions négatives sur la scolarité des enfants issus de ces familles, en particulier dans le rapport de ceux-ci à l’écrit.

(12)

3. Cadre théorique

3.1 L

E LANGAGE ECRIT

Étudier l’acquisition de la lecture et de l’écriture chez l’enfant nécessite dans un premier temps de définir ce qu’est le langage écrit. En effet, il nous semble important de prendre connaissance de tout ce qui touche à l’apprenti lecteur et scripteur.

Dans cette première partie, nous commençons par tenter de définir la lecture et l’écriture, les processus impliqués, ainsi que les différents modèles théorisant ces actes, puis la relation qui se joue entre les deux. Nous continuons ensuite en abordant la litéracie émergente. Finalement nous terminons avec le rapport à l’écrit et plus particulièrement dans les milieux populaires.

Le langage écrit a pour fonction la conservation et la transmission des informations dans le temps et dans l’espace (Catach, 1986). Il comprend l’acte de lire et celui d’écrire qui permettent de transmettre des idées, des concepts. La connaissance des formes linguistiques, des informations orthographiques et des séquences de mouvement pour la formation des lettres est nécessaire. Lire et écrire sont deux activités complexes faisant appel à de nombreuses compétences.

De plus, Chauveau (1997) expose que lorsque l’on étudie l’enfant et la lecture, il est nécessaire d’étudier les contacts et les rapports de l’enfant avec le monde écrit ainsi que sa manière d’entrer dans le monde de l’écrit.

Schématiquement, le monde de l’écrit est constitué de huit grands domaines : le code écrit, la langue écrite, les écrits et les types de textes, les supports et les techniques, les lieux (les équipements), les usagers, les pratiques, les façons de faire et la pensée écrite, et enfin les façons de penser avec l’écrit. Ce monde de l’écrit est un monde en mouvement, un monde en constante évolution.

Vachek (1973) quant à lui distingue l’écriture de la langue écrite ; si la première est une « liste de signes graphiques pouvant être employés pour la notation de manifestations écrites » la seconde est « un système de moyens graphiques reconnu comme norme au sein d’une communauté. » (Vachek, 1973, cité par Lentin, 1977, p. 22) Ici, la conception générale de l’écriture se distingue de l’usage que peut en faire une société.

(13)

Il existe différents types d’écritures. Pour commencer, on peut repérer les écritures dites logographiques. Il s’agit d’écritures dont les signes représentent des mots comme les hiéroglyphes par exemple. Ensuite, il y a les écritures logosyllabiques telles que celles des Mayas, qui sont des écritures dont les signes représentent des syllabes. Puis, viennent les écritures alphabétiques, dont les lettres sont utilisées pour représenter plus ou moins précisément les phonèmes d’une langue. Cette dernière représente par des lettres différentes (des graphèmes), les consonnes et les voyelles pour ensuite former des phonèmes. Il s’agit par exemple du français.

Selon Jaffré (1997), les écritures alphabétiques, au plan le plus abstrait, le plus conceptuel, fonctionnent selon deux principes qui coexistent avec un poids variable.

Le premier, principe phonographique, s’appuie sur la dimension sonore de la langue.

En effet, les unités de l’écrit (phonèmes ou syllabogrammes) notent les unités de l’oral (phénomène de syllabes). Néanmoins, un phonème peut être transcrit par plusieurs graphèmes. Prenons l’exemple de l’unité de l’oral [o] qui peut se noter de trois manières différentes : o, au et eau. Selon ce principe, ce qui s’écrit est ce qui s’entend. Le principe phonographique est important pour qu’une langue ne se fige pas à un unique contexte culturel, mais qu’il puisse se développer. Prenons maintenant quelques exemples de mots français qui répondent uniquement au principe phonographique : maman, papa, képi, abri, peu, etc. Toutefois, la dimension phonologique ne suffit pas à rendre compte de l’écriture.

C’est pourquoi, il existe une deuxième dimension.

Le deuxième, principe sémiographique, s’appuie sur la dimension morpho-graphique de la langue. Les unités de l’écrit notent les unités de sens (segmentation de phrases par la ponctuation, séparation des mots par des blancs, morphogrammes lexicaux et grammaticaux, logogrammes). Ces unités significatives sont conduites par l'arrangement graphique au sein des mots écrits et par la composition morphologique des langues. Avec ce principe, l’écriture est la représentation d’un sens. Chaque signe correspond alors à une unité de sens. La segmentation des écritures contemporaines compose la marque la plus apparente du fonctionnement sémiographique. Ce principe est très performant pour une prise de sens en lecture. En effet, il lève les ambiguïtés qui peuvent exister à l’oral et dont l'explication n’est possible, à l’oral, que par le contexte. Prenons l’exemple de mots français qui démontrent le principe sémiographique : Vin, vins, vint, vingt et vain ou encore dois, doit, doigt et d’oie.

Le Français est un système alphabétique de type mixte. En effet, il possède un

(14)

système d’écriture relativement complexe qui utilise le principe phonographique ainsi que le principe sémiographique. Le principe phonographique français se décompose en phonèmes et syllabes. Il y a entre 32 et 34 phonèmes, mais environ 130 graphèmes pour les écrire. Le principe sémiographique ou idéographique décompose en morphèmes et en mots.

Les travaux de Ferreiro ont permis de démontrer comment l’enfant parvient à apprendre, puis à intégrer l’ensemble des règles constitutives du système de la langue écrite.

Elle a particulièrement centré son analyse sur les processus d’appropriation de la langue écrite par l’enfant, dans sa façon de concevoir le système d’écriture.

Elle a défini quatre grandes étapes dans la conceptualisation de l’écriture. Ce modèle suggère que les enfants qui débutent leur scolarité primaire construisent leur savoir "lire- écrire" en franchissant des étapes identiques.

La première étape est le stade pré-syllabique où l’enfant est âgé de 3 et 4 ans. Cette étape possède deux niveaux : le premier est le moment, où la trace produite par l’enfant n’est différente du dessin que par quelques éléments proches de l’écriture (des pseudo-lettres, des lignes, des traits, des ronds, etc.). L’enfant ne considère pas encore l’écriture comme étant liée aux aspects sonores de la parole, mais plutôt comme étant liée à certaines propriétés de l’objet. Par exemple, il pense qu’il faut beaucoup de lettres pour écrire ours, car l’ours est un grand animal. Le deuxième niveau arrive lorsque l’enfant utilise des formes graphiques plus conventionnelles telles que des lettres. La quantité de graphies varie en fonction de la longueur de l’émission orale, mais sans qu’il y ait encore de correspondance stricte entre unités orales et graphies. Les productions écrites ne contiennent aucune correspondance entre graphie et sons. L’enfant est toutefois capable de séparer les productions iconiques des autres (« ce n’est pas un dessin »). On peut observer des gribouillages, des pseudo-lettres, des écritures uni-graphiques (une graphie pour un nom) ou encore des écritures sans contrôle de la quantité. Peu à peu, l’enfant va utiliser des graphies conventionnelles et contrôler leur quantité et différencier ses écritures. À la fin de ce stade, la valeur sonore de la syllabique initiale fait son apparition (LAVI=LAPI N).

La deuxième étape est le stade syllabique, où l’enfant âgé de 5 ans tente d'établir des correspondances entre les aspects sonores et les aspects graphiques de son écriture. L'unité sonore qu'il retient est la syllabe et il produit généralement une graphie par syllabe. Il comprend que les différences dans les représentations écrites sont en relation avec les différences de la forme sonore des mots. (ARG = ARAIGNEE) Ce principe n’est cependant pas appliqué lorsque l’on demande à l’enfant d’écrire un mot monosyllabique, ou encore, bi-

(15)

syllabique. En effet, dans cette situation, l’hypothèse syllabique entre en conflit avec une autre hypothèse (élaborée préalablement) selon laquelle : il faut un nombre minimal de lettres (deux ou trois) pour écrire des mots qui ont du sens. Lorsque la quantité minimale d’écrit engendre un conflit, l’enfant le résout en ajoutant des lettres. L’exigence de quantité minimale est donc plus subordonnée à l’hypothèse syllabique.

La troisième étape est celle du stade syllabico-alphabétique. Entre 5 et 6 ans, l’enfant abandonne l’hypothèse syllabique au profit d’une analyse plus poussée du mot. En effet, l’écriture des mots s’établit tantôt sur la base des syllabes, tantôt sur la base des phonèmes.

Cette étape se caractérise par la coexistence de deux manières de faire correspondre les sons et les graphies : le mode syllabique (une graphie est associée à une syllabe) et le mode alphabétique (une graphie est associée à un phonème). Quelques graphies représentent des syllabes et d’autres des phonèmes, avec ou sans prédominance de la valeur sonore (CNMA = CINEMA)

La quatrième et dernière étape est le stade alphabétique. Pour l’enfant de six ans, chaque signe graphique représente un phonème de la langue ; l’enfant écrit une graphie par phonème. Cependant, l’enfant n’a pas encore intégré la notion de segmentation des mots et les règles d’orthographe qui lui permettront d’écrire « juste ». Les erreurs consistent en graphies qui ne correspondent pas à la valeur sonore conventionnelle. (DKTER=DOCTEUR)

En conclusion, les règles de correspondance entre écrit et oral se construisent progressivement, tout d'abord à travers des hypothèses de correspondances entre lettres et syllabes, puis entre lettres et phonèmes, et enfin entre graphies et phonèmes, grâce à un repérage progressif du caractère alphabétique de notre système d'écriture.

Les travaux de Jaffré s’appuient sur les recherches de Ferreiro, élève de Piaget et spécialiste de l’acquisition de l’écrit chez les jeunes enfants. Ces travaux sur l’acquisition de l’écrit ont montré que les enfants «peuvent écrire avant de savoir écrire» et que c’est en écrivant «comme ils le savent» qu’ils apprendront à écrire. Nous abordons par la suite, au chapitre de la litéracie émergente, les théories de Jaffré sur l’écriture émergente à travers les écritures inventées.

À cette étape de notre cadre théorique, nous nous intéressons aux relations entre l’oral et l’écrit, principales composantes du langage. Lentin (1977) défend que :

entre les pratiques orales et écrites du langage, entre parler et lire ou écrire, il existe des différences bien évidentes : les matériaux signifiants, les systèmes

(16)

linguistiques, les usages sociaux dans lesquels chacune de ses pratiques s’actualise sont assurément distincts. Pourtant, écrit ou oral, il s’agit avant tout de langage ; parler, lire et écrire sont des activités langagières. (p.57)

Dans notre société, parler et écrire, autrement dit utiliser le langage oral et écrit, sont deux actes différents. Ils sont toutefois en interaction. Un des liens existant est le fait que l’écrit a un effet sur l’oral. Les communications orales sont ajustées, transformées par le simple fait d’écrire. Lorsque l’on écrit, on n’utilise pas les mêmes mots, les mêmes phrases qu’à l’oral. Il faut donc apprendre aux enfants à parler l’écrit, comme lors de dictée à l’adulte par exemple. Il s’agit alors d’un oral formel, segmenté, qui use d’une syntaxe et de formes verbales que l’on n’utilise pas à l’oral comme, par exemple, l’utilisation du passé simple.

Dans le domaine de recherche qui étudie l’apprentissage d’une langue régie par un principe alphabétique tel que le français, les chercheurs s’entendent pour attribuer une importance capitale au moment, où le jeune apprenant établit une relation entre les unités sonores de la langue orale et celles qui prévalent à l’écrit. Dans cette visée, plusieurs études (Dixon, Stuart et Masterson, 2002; Sprenger-Charolles, et Casalis, 1996; Vernon et Ferreiro, 1999) ont montré une corrélation importante entre la capacité à maîtriser les unités phonologiques de la langue (conscience phonologique) et les performances précoces en lecture et en écriture. (Morin & Montésinos-Gelet, 2005)

(17)

La lecture

Le langage écrit comprend l’acte de lire et celui d’écrire comme nous l’avons décrit précédemment. Il est donc temps de définir la lecture, les actions et les compétences mises en jeu. Nous présentons également trois modèles de l'acte de lire du lecteur expert, ainsi qu’un modèle à 13 composantes. Nous traitons de l’écriture par la suite.

Selon Chauveau (1997), on ne peut donner une définition de la lecture stable,

« éternelle » ou « universelle », une définition qui ignore la façon dont les mots lire, lecture, savoir-lire sont utilisés dans une culture donnée. La définition de la lecture dépend du contexte historique et culturel. En effet, la lecture n’est plus pensée comme une base matérielle, mécanique aux autres matières scolaires, ni même comme un instrument pour apprendre, mais comme une pratique culturelle : celle du livre. (p.17)

Il ajoute qu’il existe une grande diversité de significations données au verbe lire. La première est celle, dite traditionnelle qui s’articule autour du déchiffrage. La deuxième, plus nouvelle, est axée sur l’attribution du sens. (p.16)

Lentin (1977) propose deux principes entrant dans l’acte de lire :

Premièrement, apprendre « réellement » à lire et à écrire nécessite l’activation d’un fonctionnement langagier d’acquisition, dont on suppose qu’il ne doit pas différer profondément de celui qui caractérise l’acquisition du langage chez le jeune enfant. Deuxièmement, un comportement langagier d’acquisition implique un ensemble de phénomènes d’interaction entre un locuteur adulte et un enfant ou, dans le cas qui nous intéresse, entre un locuteur/scripteur compétent et un locuteur qui n’a pas encore acquis cette compétence. (p.59)

Chauveau (1997) définit trois actions de l’acte de lire : une action culturelle, compréhensive et instrumentale et trois niveaux de l’acte de lire : avoir un mobile, questionner le contenu de texte et traiter les informations graphiques. Il distingue également sept compétences mobilisées dans l'acte de lire et divisées en trois champs de compétences.

Le premier champ comprend les compétences métalinguistiques : l’attitude énonciative, la conscience phonique, la compétence grapho-phonétique, la compétence verbo-prédictive et la compétence textuelle. Le deuxième prend en compte les compétences conceptuelles : comprendre la langue écrite et comprendre l’acte de lire. Pour finir, le troisième champ

(18)

intègre les compétences culturelles : connaître les apports écrits, savoir se servir d’un livre et expliciter les fonctions de la lecture.

En d’autres termes, le savoir-lire est une compétence élaborée (une stratégie) de (re)construction de sens, prenant appui sur une série de compétences restreintes : la compétence verbo-prédictive : savoir compléter un énoncé à trous, la compétence grammaticale : avoir une conscience des structures de la langue (par exemple : le mot, la phrase), la compétence idéographique : avoir un capital mots, la compétence grapho- phonique : pouvoir faire l'analyse et la synthèse d'un groupe de phonèmes ou de graphèmes, la compétence fonctionnelle : savoir distinguer des supports et des types d'écrits différents, ainsi que savoir adapter son comportement de questionneur en fonction du texte et de la situation, la compétence culturelle : avoir des connaissances sur le sujet à lire et enfin la compétence tactique : s'efforcer d'intégrer des informations très diversifiées.

La plupart des chercheurs distinguent trois modèles de l'acte de lire du lecteur expert.

Ces trois modèles de lecture courants sont les suivants : le modèle bottom-up, le modèle top- down et le modèle interactif. Dans ce chapitre, nous abordons un nouveau modèle à 13 composantes qui nous vient d’un laboratoire de recherche au Texas (Southwest Educational Development Laboratory). Nous traitons également plus tard des modèles de Frith (1985), d’Ehri (1997), de Seymour, (1997) et de Rieben & Saada-Robert (1997) en tant que modèles d’acquisitions de lecture et d’écriture.

Le premier, de type bottom-up, a été présenté dans les années septante par Gough (1972). Il propose une démarche ascendante, allant des processus primaires de décodage (perception visuelle puis assemblage des lettres) à des processus cognitifs supérieurs permettant de produire du sens. Le décodage commence par le phonème, la syllabe, le mot puis la phrase. Il s’agit d’un modèle, où chaque étape reçoit une information du stade précédent. L’identification des mots écrits est considérée comme un processus de bas niveau et le seul spécifique au langage. L’ensemble de ces opérations permet d’accéder à la compréhension finale du texte. (Gough 1972, cité par Gombert, 1993)

En définitive, ce modèle postule que « lire c’est décoder » et considère le comportement de l’apprenti lecteur comme un modèle réduit du lecteur expert. Ce regard d’adulte sur l’apprenant ne valorise pas les stratégies de l’apprenti lecteur, mais considère uniquement les stratégies du lecteur confirmé comme étant la norme.

(19)

Le deuxième modèle postule que « lire c’est prévoir » et que la lecture ressemble à une devinette, que la recherche d’un mot susceptible de donner du sens à l’énoncé. Ce modèle est de type diamétralement opposé quant au sens du traitement de l’information.

Le modèle top-down de Goodman (1967) donne la priorité au raisonnement, à l’utilisation du contexte et aux anticipations sémantiques. Dans ce cas, le flux d’informations est descendant et les opérations sont dirigées par les connaissances antérieures du lecteur.

Goodman répertorie quatre types d’informations : les informations graphiques, les informations extérieures à la lecture (images, contexte), les informations fournies par le langage (indices syntaxiques, morphologies, ponctuation) et les informations qui viennent du lecteur (stratégies de compréhension, connaissances du monde, expériences du langage). Le but de la lecture est donc de construire du sens. Ce sont les hypothèses du lecteur qui sont premières et commandent son étude de l'écrit. La lecture est alors surtout une affaire d'anticipation et d'utilisation du contexte. (Goodman, 1967, cité par Morais, 1994)

Actuellement, il existe un consensus concernant une conception interactive des processus « top-down » et « bottom-up ». L’idée est que les différentes composantes du traitement fonctionnent toutes simultanément et contribuent à l’élaboration graduelle de la compréhension. Il s’agit du modèle interactif qui se définit par un va-et-vient permanent entre les conduites grapho-phoniques de décodage et les hypothèses de sens. Ce modèle de reconnaissance visuelle directe des mots est présenté par Rumelhart et McClelland (1981). Ils définissent que la lecture est un processus à la fois perceptif et cognitif. Ce modèle a pour but de théoriser la façon dont l’Homme reconnaît les mots écrits tout en réfutant la possibilité d’une médiation phonologique (énoncer un mot non familier pour le reconnaître auditivement). Pour commencer, l’information visuelle est traitée au niveau du trait (constituant la lettre), puis les lettres sont détectées et enfin le mot. (Rumelhart et McClelland, 1981, cité par Ellis, 1989)

Un autre modèle intéressant est proposé par une équipe de chercheurs américains, SEDL (Southwest Educational Development Laboratory) (2008). Leur modèle « the cognitive of learning to read » tient compte du fait que la compréhension du langage et le décodage sont nécessaires à la compréhension en lecture. Ce modèle constitué de treize composantes comporte deux grands domaines : la compréhension du langage et l’identification des mots, chacun comprenant eux-mêmes plusieurs composantes.

(20)

Du point de vue cognitif de l'apprentissage de la lecture, la compréhension en lecture ou tout simplement la lecture, est la capacité à construire du sens à partir des représentations écrites de la langue. Cette capacité est fondée sur deux compétences, toutes aussi importantes. L'une est la compréhension du langage : la capacité de construire du sens à partir des représentations de la langue parlée, la seconde est l’identification des mots : la capacité à reconnaître des représentations écrites des mots.

D’un côté, la compréhension du langage repose sur deux grands domaines de connaissances : le premier comprend les connaissances d'ordre linguistiques ou la connaissance des structures formelles d'une langue. Le second recouvre les connaissances du monde, qui comprend la connaissance du contenu et des procédures acquises par des interactions avec le milieu environnant. Des aptitudes phonologiques, syntaxiques et sémantiques sont également nécessaires à la compréhension du langage.

De l’autre côté, l’identification des mots comprend d’une part, la connaissance des règles du code et d’autre part, la connaissance lexicale. Les sous-composantes essentielles à l’identification des mots sont la conscience phonologique, le principe alphabétique et la connaissance des lettres. La compréhension en lecture repose également sur de bonnes conceptions de l’écrit.

(21)

L’écriture

La deuxième composante du langage étant l’écriture, nous allons maintenant aborder dans ce chapitre, l’acte de l’écrit, les caractéristiques de l’écrit ainsi que l’orthographe. Dans ce travail, nous nous intéressons à l’acte d’écrire chez les enfants en début d’acquisition du langage écrit. Il s’agit pour eux d’essayer de tracer les signes d’un système d’écriture et éventuellement d’acquérir certaines notions d’orthographe, le but étant de produire un écrit doté de sens.

Très souvent, y compris parmi les spécialistes et les chercheurs, l’écriture n’est pensée qu’en termes d’outil et de code. On la définit alors « scientifiquement » comme une technique de conservation d’un message ou comme procédé de représentation de la parole et de la pensée.

Pour Chauveau (1997), cette vision néglige deux faits. D’une part, une telle utilisation n’est présente que dans certaines cultures ou civilisations, d’autre part, les pratiques de cet outil ont parfois considérablement changé, à travers le temps, dans un même espace et dans une même communauté.

Selon lui, il est indispensable de retenir trois caractéristiques essentielles de l’écrit qui vont être déterminantes dans l’acquisition de la lecture.

Premièrement, l’écriture est une représentation graphique linguistique. Ce n’est pas simplement un système de signes graphiques permettant de transmettre de l’information.

C’est de la langue qui est écrite. Deuxièmement, l’écriture est un outil de communication.

Elle transmet un message verbal d’un émetteur vers un récepteur. Elle n’a pas pour mission de noter du son pour du son, mais un contenu linguistique, une production langagière.

Troisièmement, l’écriture est un système mixte. Elle se compose essentiellement de deux types de codes. Un code phonographique, c’est-à-dire un mode de notation qui transcrit le son du langage. Et un code sémiographique ou un ensemble de procédés graphiques, sans relation avec l’oral, qui indiquent le sens (espaces, ponctuation, majuscules, etc.).

Comme le souligne Frith (1980), pour Alegria et Mousty (1994), il est clair que pour écrire le français correctement, l’enfant doit posséder et utiliser un nombre important de connaissances linguistiques - phonologiques, morphologiques, lexicales et syntaxiques – qui vont bien au-delà des seules règles de transcription phonème-graphème. Ces auteurs admettent également qu’il existe deux procédures d’écriture : la procédure phonologique qui

(22)

produit l’orthographe en utilisant des règles de traduction phonème-graphème et la procédure lexicale qui récupère l’orthographe des mots connus dans le lexique orthographique. (Frith 1980)

Les modèles actuels de l’acquisition de la lecture et l’écriture proposent un mécanisme qui prévoit des interactions entre le développement des deux procédures de base, la procédure lexicale et phonologique. La proposition de Frith (1985) concernant la transition entre ces deux procédures constitue un bon exemple de la manière dont celles-ci peuvent interagir durant le développement. Nous l’aborderons plus en détail par la suite.

Catach (1978), dont les travaux ont largement contribué à renouveler l’approche de l’orthographe en tant que discipline scolaire, trace des perspectives simples pour guider le travail des enseignants :

Une écriture comme la nôtre peut être acquise de plusieurs façons, la plupart du temps complémentaires : la mémoire, la répétition (l’« usage ») ; la référence à l’étymologie ou à l’histoire (c’est ce que l’on faisait dans les lycées où l’on étudiait le latin et le grec) ; enfin, et c’est ce que nous préconisons, par référence constante à la langue actuelle (phonologie, mais aussi morphologie, syntaxe, lexique) (p. 94 et 95).

Perfetti (1997) défend que l’orthographe correspond au codage des formes linguistiques en formes écrites. Les unités linguistiques (les chaînes phonologiques, les morphèmes et les mots) proviennent du langage oral. Les unités écrites proviennent du système écrit et de l’inventaire de ses outils graphiques.

Lors de ses études sur la façon dont les élèves apprennent à lire, Ehri (1997) a constaté certaines relations entre la lecture et l’orthographe. Il montre comment ils sont liés au plan du développement. L’orthographe possède deux significations, celle de l’action d’orthographier un mot en le produisant à l’écrit et celle qui désigne le produit écrit, l’orthographe du mot.

L’orthographe des mots est la cible des comportements orthographiques et de la lecture. Parler donc de l’orthographe en lecture dissimule la distinction entre lecture et orthographe. Lorsque l’on écrit, on orthographie des mots, puis on les lit pour vérifier s’ils sont correctement écrits. La lecture et la production de l’orthographe contribuent donc au produit final.

(23)

Dans cette étude, l’auteur nous propose des concepts et des processus de base de lecture et d’orthographe. Les mots disposent d’une orthographe, c’est-à-dire d’une séquence de lettres déterminées. L’orthographe des mots est la cible de trois comportements de base au plan de la langue écrite : lire l’orthographe des mots afin de déterminer leur prononciation et leur signification, produire l’orthographe des mots par écrit, et l’action de lire l’orthographe des mots inclut celle qui consiste à déterminer s’ils sont orthographiés correctement.

Ehri élabore un cadre conceptuel qui distingue et incorpore les différents comportements, processus et sources de connaissances principaux : la familiarité des orthographes, les types de connaissances concernant l’orthographe comprenant deux types de connaissances stockés en mémoire prêts à êtres mobilisés (les connaissances sur le système orthographique général et les connaissances sur l’orthographe de mots particuliers), puis les types d’action sur la langue écrite mettant en jeu les mots (lire des mots pour déterminer leur prononciation et leur signification, produire l’orthographe des mots, et reconnaître si les mots sont orthographiés correctement ou non), la procédure de traitement des mots (lire et orthographier en récupérant les informations stockées dans la mémoire telles que les mots familiers, lire et orthographier en inventant : assemblage de prononciation et de lettres qui forment des symboles plausibles, lire et orthographier en analogie avec des mots connus), et pour finir, le niveau de développement en quatre phases : le niveau pré-alphabétique, le niveau alphabétique partiel, le niveau alphabétique complet et le niveau alphabétique consolidé.

Dans la littérature, on trouve de nombreux modèles en stades pour décrire l’acquisition de la lecture/écriture. Parmi ces modèles, une tendance générale détermine qu’il existe trois phases : logographique, alphabétique et orthographique. Il existe toutefois des différences dans le nombre de stade.

De plus, dans l’ouvrage de Saada-Robert et al. (2003), point de départ de notre mémoire, seul quatre modèles théoriques ont été pris en compte pour la question de la progression des stratégies d’acquisition de la lecture et de l’écriture. En effet, il s’agit d’un modèle d’acquisition par stade, d’un modèle par étapes avec évolution parallèle de la lecture et de l’écriture, d’un modèle à double fonction et enfin d’un modèle dans lequel chaque étape est définie par une dominance de stratégies.

(24)

Modèle d’acquisition par stade (Frith, 1985)

D’après ce modèle maintenant classique, trois stades de développement peuvent êtres distingués dans l’acquisition de la lecture et de l’écriture en alternance. Le stade logographique, lors duquel l’enfant reconnaît dans son environnement des logos, tels que Mc Donald ou Coca Cola. Il identifie aussi globalement un certain nombre de mots familiers comme les prénoms de sa classe. L’enveloppe du mot est prise comme indice principal de reconnaissance. Il s’agit d’une reconnaissance visuelle, sans prise de conscience qu’il existe des lettres. À ce stade, l’écriture est sous forme de gribouillage ou de traces picturales. Au deuxième stade de l’acquisition, le stade alphabétique, l’écriture joue un rôle central. En effet, c’est à ce moment que l’enfant prend conscience de la nécessité d’utiliser des lettres, de les connaître et donc de les apprendre. La construction du système alphabétique commence par cette prise de conscience. Il réalise alors que la communication passe par l’utilisation de lettres conventionnellement et socialement définies. Ce stade débute par la prise de conscience de la nécessité des lettres pour lire et écrire, et se termine par la maîtrise du système alphabétique. Il s’agit d’une étape fondamentale, puisqu’elle permet à l’enfant de découvrir des mots nouveaux et d’entrer dans le décodage d’un texte. Dans le dernier stade orthographique, le troisième, les mots sont lus de manière rapide et peuvent être épelés. Ils sont également orthographiés pour autant qu’ils soient fréquents et réguliers. À cette étape, le lecteur devient expert et automatise sa lecture. Il stocke en mémoire un lexique. La confrontation répétée avec certaines formes orthographiques engendre une voie directe, plus économique en temps et en énergie. Il s’agit de la « voie orthographique directe de reconnaissance». L’utilisation de celle-ci ne signifie pas pour autant l’abandon définitif de la lecture alphabétique nécessaire face à des mots nouveaux.

Modèle par étapes avec évolution parallèle de la lecture et de l’écriture (Ehri, 1997) Ce modèle propose que la lecture et l’écriture évoluent en parallèle pendant quatre phases. L’entrée dans l’écrit est d’abord prélinguistique pour la lecture et l’écriture. L’enfant devine les mots se présentant dans son environnement et reconnaît son prénom. En écriture, il fait des gribouillages. Ensuite, on peut observer des stratégies de lecture et d’écriture dites alphabétiques partielles. En effet, l’enfant tient compte de la première lettre des mots et tente de faire correspondre le premier phonème avec la première lettre correspondante. Puis progressivement, l’enfant va construire le principe alphabétique complet. Il sera alors capable d’utiliser systématiquement des sons pour lire des mots et des lettres pour transcrire des sons.

Une fois ce stade atteint, le système alphabétique va se transformer en lecture et en écriture

(25)

orthographique, portant sur le mot entier. Les dimensions visuelles et phonologiques (l’épellation) sont étroitement liées.

Modèle à double fonction (Seymour, 1997)

Seymour présente un modèle avec une évolution totalement synchrone et en parallèle des stratégies de lecture et d’écriture. Dès le départ, l’enfant produit et reconnaît des mots de manière à la fois logographique et alphabétique. À ce stade, il est capable d’exprimer un écrit en imitant le geste du scripteur par des vagues, par exemple, et de produire des signes graphiques discontinus. Il peut également exprimer des signes de morphologie grammaticale tels que le pluriel des noms en utilisant plusieurs fois la même suite d’unités graphiques. Le système alphabétique et le système logographique vont progressivement s’affiner et se consolider. L’étape orthographique arrive dès que le traitement est de plus en plus conjointement activé sur les mots lus ou écrits. Ces derniers sont alors lus et écrits en tant qu’unités lexicales visuellement conservées en mémoire et en tant que suite d’unités sublexicales épelables. L’étape orthographique se présente sous forme d’une progression entre la prise de conscience des irrégularités les plus fréquentes et les règles du système orthographique et morphologique.

Modèle dans lequel chaque étape est définie par une dominance de stratégies (Rieben &

Saada-Robert, 1997)

Le dernier modèle est le seul à être issu de recherches se déroulant dans le contexte même de l’enseignement et de l’apprentissage scolaire. Il décrit une progression par stades dans laquelle la lecture et l’écriture évoluent en parallèle, ce qui confirme partiellement les résultats d’Ehri. Les phases se limitent à des dominances et les enfants peuvent utiliser simultanément des stratégies élémentaires ou au contraire plus évoluées, ce qui confirme en partie le modèle de Seymour.

Au début de la progression, avant que l’enfant sache lire ou écrire, il élabore des stratégies de prélecture et de préécriture aussi bien logographiques, qu’alphabétiques voire même orthographiques pour quelques mots familiers ou simples. Les stratégies logographiques sont toutefois dominantes. Au début de l’acquisition, et en parallèle à la reconnaissance visuelle logographique des mots, l’enfant se base également sur les indices sémantiques qu’il peut tirer d’un texte, pour tenter de reconnaître un mot. Pour vérifier la signification du mot lu, il peut rapidement utiliser en même temps une stratégie sémantique, une stratégie logographique, ainsi que ses sommaires connaissances alphabétiques. À la

(26)

deuxième étape, les mêmes stratégies demeurent, mais ce sont les stratégies alphabétiques qui dominent car les deux autres, logographique et sémantique, sont estimées moins efficaces par l’enfant. À la troisième étape, les stratégies alphabétiques perdent leur dominance et font place aux stratégies orthographiques. Elles coexistent tout de même en parallèle avec quelques stratégies logographiques utilisées pour des mots rares et irréguliers. Ce modèle permet de mettre en évidence les chemins différents qu’entreprennent les enfants dans la progression de la première à la troisième étape.

Pour terminer cette première partie du cadre théorique, nous tentons maintenant de déterminer la relation entre la lecture et l’écriture, les deux principales composantes du langage écrit.

On dit souvent que l’orthographe est plus difficile que la lecture. En effet, la lecture ne réclame pas le même degré de connaissances des mots que nécessite l’orthographe.

Toutefois, ce dernier présuppose la lecture dans son processus d’acquisition. Perfetti (1997) est un chercheur qui s’est interrogé sur la validité de ces affirmations et la relation entre lecture et écriture.

Concernant les affirmations, il déclare que la lecture peut s’effectuer à partir de représentation incomplète de mots, alors que l’orthographe nécessite des processus de rappel des graphèmes plutôt que leur simple reconnaissance. Ceci complexifie de ce fait l’acte d’orthographier.

Au sujet de leur relation, il avance que l’orthographe et la lecture sont les deux faces d’une même médaille. La première traduit les formes parlées en forme écrites ; la seconde convertit les formes écrites en formes parlées.

Perfetti (1997) présente également que ces deux taches partagent les mêmes représentations lexicales, mais font appel à différents processus. Il s’agit, comme dit précédemment, de la reconnaissance en lecture et du rappel en écriture. Ceci permet de rendre compte des asymétries relevées dans les performances. Cependant, la mobilisation de processus de vérification en lecture comme en écriture accroît la similitude des deux activités.

En somme, lecture et écriture se révèlent plus proches qu’on ne l’avait pensé.

(27)

3.2 L

A LITERACIE EMERGENTE

Lorsque l’on cherche une définition du mot litéracie, on se rend vite compte que la chose n’est pas simple. Ce terme nous vient des anglo-saxons et c’est au moment de le traduire que la tâche est rude. En effet, les auteurs qui se sont essayés à le définir ont éprouvé bien des difficultés (voir notamment Barton, 1994 : Hamilton et al., 1994 ; Wagner, 1999).

Barton (1994) écrit d’ailleurs que définir le terme literacy pourrait bien être une tâche impossible.

Une ambiguïté orthographique existe encore actuellement pour le mot litéracie qui traduit le terme anglais literacy. Nous optons dans notre mémoire pour l’orthographe litéracie. Cette dernière comprend donc deux principales composantes, la lecture et l’écriture, et intègre les pratiques sociales qui participent à leur construction. Pour Saada-Robert et Hoefflin (2000), la litéracie « […] désigne les apprentissages à la fois de la lecture et de l’écriture, y compris leurs pratiques sociales. » Le développement de la litéracie se construit dans tout contexte social avant l’enseignement du langage écrit. Il est influencé par la quantité et la qualité des expériences avec la litéracie dans l’environnement familial.

La polyvalence du concept de litéracie a finalement été très tôt admise et même revendiquée. Jaffré (2004) avance que « la litéracie fait désormais partie d’un nombre extrêmement important et divers de champs qui touchent à l’ensemble des activités humaines et ont en commun de faire usage de l’écriture. » (p. 29) Il présente par la suite d’autres éléments de définition, puis termine en écrivant :

Au terme de ce rapide tour d’horizon, on pourrait donc dire que la litéracie désigne l’ensemble des activités humaines qui impliquent l’usage de l’écriture, en réception et en production. Elle met un ensemble de compétences de base, linguistiques et graphiques, au service de pratiques, qu’elles soient techniques, cognitives, sociales ou culturelles. Son contexte fonctionnel peut varier d’un pays à l’autre, d’une culture à l’autre, et aussi dans le temps. (p.31)

Le Ministère de l’éducation du Québec (2003) définit la litéracie en tant que

« capacité à comprendre, utiliser et traiter l’information écrite nécessaire pour bien fonctionner en société, réaliser des objectifs personnels, développer ses compétences et acquérir des connaissances. » La litéracie nécessite des compétences de base telles que : le décodage et le vocabulaire. Elle fait également appel à des aptitudes plus complexes de

(28)

l’apprentissage de la lecture et de l’écriture comme la compréhension de texte, la pensée critique, ainsi que l’analyse. La litéracie n’est plus seulement la capacité à savoir lire et écrire puisqu’on l’associe à différents environnements tels que le contexte social, familial, scolaire et culturel. En effet, les compétences de la litéracie permettent d’appliquer nos connaissances dans diverses situations, ainsi que dans différents contextes

Barton (1994) signale qu’il existe deux aspects pour analyser les activités sociales de litéracie. Le premier est défini comme les événements de la litéracie (literacy events). Il s’agit des activités où la litéracie joue un rôle. Il existe différentes occasions, où la lecture et l’écriture occupe une place dans notre quotidien. On peut distinguer les événements de la litéracie avec des exemples d’activités comme la lecture d’histoires à un enfant, une discussion sur un événement lu dans un journal ou encore faire une liste de courses. En définitive, il s’agit de toutes situations où les compétences de lecture et d’écriture sont utilisées. La majorité des événements de litéracie n’a pas nécessairement un but d’apprentissage. Il s’agit plutôt d’une activité qui se reproduit régulièrement et qui introduit une séquence d’interaction répétitive. Un événement de litéracie est défini comme étant n’importe quelle activité qui est en relation avec l’écrit.

Jaffré et David (1998) ont analysé au jardin d’enfants l’écriture inventée en français.

Ils avancent que les composantes sémiographiques et phonologiques apparaissent toutes deux assez rapidement dans l’écriture inventée. Ils présentent un modèle développemental de l’écriture inventée en quatre stades (Jaffré, 1995) : une première phase logographique basée sur le visuel, une phase alphabétique avec des correspondances phonographiques partielles, une phase logographique qui intègre connaissances morphologiques et phonologiques, et pour finir, une phase orthographique. Dès le premier stade, l’enfant conceptualise la litéracie en accord avec les principes de quantité minimum et de variété interne. Dans le processus de réinvention de l’écriture, l’utilisation de plusieurs genres de textes écrits peut pousser l’enfant à développer les composantes spécifiques de la litéracie, impliquées dans la dimension textuelle de l’écrit.

Au début de sa scolarisation, l’enfant connaît très peu de lettres et n’est pas en mesure d’identifier des mots écrits. En effet, l'enfant de 4 ans ne possède que peu, voire aucune connaissance alphabétique à part l'écriture éventuelle de son prénom. Il possède cependant un certain nombre de connaissances sur la langue écrite. Sa représentation lexicale

(29)

est composée de quelques mots précurseurs : des mots courts tels que des déterminants ou des connecteurs, ainsi que quelques mots familiers. La connaissance de ces mots est basée sur des représentations logographiques, plutôt que sur des représentations alphabétiques ou orthographiques.

Les courants constructivistes et sociocognitifs s’intéressent aux connaissances de l’acte de lire et écrire des enfants dès leur plus jeune âge.

Le terme de litéracie émergente est apparu dans les années 80, à travers une nouvelle conception de la litéracie en tant que processus d’acquisition de la langue écrite s’opérant à la maison, au sein de la communauté ou encore dans les institutions préscolaires.

(Saada-Robert et al., 2003)

La litéracie émergente est liée aux aspects du développement intellectuel, cognitif, affectif et social de l’enfant. Il prend en compte les activités de l’enfant et l’apprentissage qui contribue à la capacité de lire et d’écrire. Il s’agit du développement du vocabulaire, la sensibilisation phonologique (compréhension des sons et du sens du langage oral), les premières tentatives de lecture (récits basés sur les images) et d’écriture (gribouillages). Elle comprend également la compréhension conceptuelle de la nature symbolique et abstraite de la communication. (Conseil canadien sur l’apprentissage, 2006)

Durant de longues années, il a été considéré qu’avant l’école primaire, l’enfant ne pouvait apprendre à lire ou à écrire. A l’école maternelle, l’élève s’initiait à certain prérequis tels que le graphisme. Cependant le réel apprentissage de la lecture et de l’écriture ne commençait que dès l’âge de 6 ans. Un tel point de vue n’est actuellement plus d’actualité.

En effet, de nombreux pays dont la langue est alphabétique (USA, Italie, France, etc.) favorisent dès les premières années d’école une démarche d’apprentissage qui fait une place aux activités de lecture et d’écriture émergentes.

Les travaux de Jaffré sur l’acquisition de l’écrit ont mis le doigt sur un paradoxe. En effet, les élèves peuvent écrire avant de savoir écrire. C’est en écrivant « comme ils le pensent» qu’ils apprennent à écrire. Selon Jaffré (2000) :

apprendre c’est sans aucun doute construire des compétences utiles pour vivre dans un groupe social dont les enfants sont des membres à part entière dès leur naissance. Ils sont donc « naturellement » influencés par ce qui les entoure. Toutefois leur originalité, c’est d’avoir un point de vue sur

(30)

cet environnement, de le percevoir à travers un regard et des représentations qui leur sont propres. Ils doivent par conséquent développer des aptitudes spécifiques non pour « recopier » ce qui les entoure, mais pour se l’approprier. (p.62)

C’est également à l’aide d’un permanant va-et-vient entre des actions à la mesure des compétences enfantines et des ajustements que l’enfant va se rapprocher progressivement des normes sociales.

(31)

3.3 M

ILIEUX SOCIO

-

CULTURELS

:

RAPPORT A L

ECRIT ET RELATIONS FAMILLE

-

ECOLE

Il existe dans notre société plusieurs catégories sociales que les sociologues décrivent comme telles :

Selon la nature de leur travail, leur place dans la société, l’importance de leurs revenus, leur éducation, leurs conditions de logement, etc., les hommes ne vivent pas les mêmes expériences et, par conséquent, n’ont pas les mêmes représentations du monde. […] Cette communauté de caractéristiques dans les conditions d’existence définit une communauté d’expériences conférant certaines propriétés communes à des ensembles d’individus qui se reconnaissent de ce fait comme appartenant à un même groupe social. (Lautrey, 1980, pp.109-110)

D’après Lautrey (1980), trois caractéristiques majeures constituent de réels indicateurs de la classe sociale : la profession, les caractéristiques du logement rapportées au nombre d’occupants, et le niveau d’éducation (niveau d’études des deux parents). Or, la nature de ces groupes sociaux, influencerait le parcours scolaire des élèves qui en font partie, car le domaine familial et le domaine scolaire sont irrémédiablement imbriqués.

On ne peut comprendre, selon nous, les résultats et les comportements scolaires de l’enfant que si l’on reconstruit le réseau d’interdépendances familiales à travers lequel il a constitué ses schèmes de perceptions, d’appréciation, d’évaluation, et la manière dont ces schèmes peuvent

« réagir » lorsqu’ils « fonctionnent » dans des formes scolaires de relations sociales. (Lahire, 1995, p.18)

« Dès l’entrée à l’école, des inégalités sont en place, par rapport au développement cognitif ou langagier de l’enfant. Ces inégalités sont précoces » (Duru-Bellat, 2002, p.59).

Pour Lahire (1995), les inégalités provoquées par les différences entre les origines sociales des élèves ressortent surtout dans le rapport à l’écrit de ces derniers.

Pour comprendre un texte, il faut disposer de connaissances concernant à la fois son contenu et son mode de communication. Nul ne peut comprendre les situations évoquées dans les livres si elles sont totalement étrangères à son expérience et à ses savoirs ou trop extérieures à son environnement.

(Chartier, Clesse & Hébrard 1997, p. 127)

C’est dans ce domaine que les milieux populaires se distinguent. Il y a, selon Lahire

(32)

(1995), des clivages sociaux dans la manière dont les familles ont recours au langage écrit, dans la fréquence avec laquelle elles l’utilisent, dans la manière dont elles en font usage et dans leur représentation de celui-ci.

La familiarité avec la lecture en particulier peut entraîner des pratiques tournées vers l’enfant tout à fait importantes pour la « réussite » scolaire : on sait, par exemple, que la lecture à haute de voix de récits combinée à la discussion autour de ces récits avec l’enfant est extrêmement corrélée avec la

« réussite » scolaire en lecture. […] Lorsque l’enfant connaît, même oralement, des histoires écrites lues par ses parents, il capitalise et ce, dans la relation affective avec ses parents, des structures textuelles qu’il pourra réinvestir dans des lectures ou dans des actes de production écrite […]. (Lahire, 1995, p.19)

Cependant, toujours selon le même auteur, la présence du livre et de l’acte de lecture n’est pas suffisant, il faut, pour qu’il la réinvestisse, que l’expérience soit positive pour l’enfant, de même qu’il ne faut pas que le livre deviennent pour lui un jouet ou, au contraire, un objet sacré intouchable. Il faut qu’il y ait une transmission des parents à l’enfant. Il faut qu’une stratégie familiale se développe. Contrairement aux idées préconçues, il arrive parfois que des parents qui ne savent pas lire transmettent mieux cette envie de lire que d’autres, mais le risque demeure dans le fait qu’ils puissent transmettre également leurs peurs et leurs frustrations.

De même, voir ses parents écrire avec ou sans difficulté, voir ses parents recourir quotidiennement dans la vie familiale à des écritures de tel ou tel type, peut jouer un rôle important du point de vue du sens que l’enfant va donner à l’écrit au sein de l’espace scolaire. (Lahire, 1995, p.20)

Il semblerait que les familles issues de milieux populaires développent plus difficilement en leur sein une culture du langage écrit :

Pour qu’une culture écrite familiale […] puisse se constituer, se déployer et se transmettre, il faut certainement des conditions économiques d’existence particulières. Un divorce, un décès, ou une situation de chômage qui fragilisent la situation économique familiale peuvent constituer des ruptures par rapport à une situation domestique stable. (Lahire, 1995, p.22)

Parmi les familles d’élèves fréquentant les écoles en REP, on rencontre également souvent la barrière de la langue et des habitudes culturelles différentes. Ceci, combiné à des

Références

Documents relatifs

Carouge : Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, 1997, 174 p.

Au cours de cette étape, les processus de feed-back ont une triple fonction pour l'enfant : contrôle de la production du tracé des lettres, disposition spatiale de ces

Rieben et Saada-Robert (1997), sous- tend également des liens très forts entre lecture et écriture, mais pré- sente les étapes d’une manière moins linéaire en montrant qu’un

Les travaux sur l’acquisition de l’écriture chez l’enfant tout-venant ont montré que la production fluente de séquences de lettres repose sur un vaste ensemble de compétences

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. 1

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. 1

Puisque l'œuvre, dans sa gestation et son déchiffrement, est nu objet cinétique, puisque les paradigmes privilégiés sont ceux du débit et de la démarche, on

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. 1