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La profession d ergonome, composer avec l hétérogénéité

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Academic year: 2022

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54ème Congrès International Société d’Ergonomie de Langue Française

Archivé électroniquement et disponible en ligne sur :

www.ergonomie-self.org https://www.ebscohost.com/corpor ate-research/ergonomics-abstracts Texte original*.

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SELF 2019

La profession d’ergonome, composer avec l’hétérogénéité

Jennifer LAUSSU

Laboratoire Printemps (UVSQ-CNRS) Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 47 boulevard Vauban, 78047 Guyancourt

jennifer.laussu@gmail.com

Résumé.

La profession d’ergonome apparaît comme hétérogène. La communication propose de présenter les différentes dynamiques mises en oeuvre par le groupe professionnel afin d’unifier la discipline. Ainsi, en développant une analyse socio-historique de la constitution de la discipline et de son autonomisation, nous montrerons de quelles façons celles-ci profitent à l’unification du groupe. Au cours du processus historique, l’ergonomie évolue et plusieurs pratiques du métier émergent, participant de la segmentation du groupe et impliquant une nécessaire recomposition. C’est en observant les pratiques professionnelles, les rapports avec les autres acteurs de la santé au travail, que l’on perçoit les proximités entre segments. Mais cela est-il suffisant pour ré-unifier les segments ?

Mots-clés : Profession, Discipline, Ergonomie

Liste des mots clefs téléchargeables à l’adresse suivante : https://ergonomie-self.org/wp- content/uploads/2017/10/The-Classification-Scheme-for-Ergonomics-Abstracts.pdf

The profession of ergonomist, dealing with heterogeneity

Abstract.

Ergonomics appears to be a heterogeneous occupation. Our presentation focuses on explaining the different means set forth by its professionals to make the field more unified.

Hence, by developing a socio-historical analysis of the inception of the discipline and its empowerment, we will explain how it positively affects its unification. Through the years,

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54ème Congrès International Société d’Ergonomie de Langue Française

Archivé électroniquement et disponible en ligne sur :

www.ergonomie-self.org https://www.ebscohost.com/corpor ate-research/ergonomics-abstracts Texte original*.

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ergonomics evolved, causing different practices to emerge, challenging its overall unification by fragmenting the field. It is by observing the professional practices or the relations ergonomists develop with other stakeholders of the workplace health environment that similarities can be noticed. Is it nonetheless enough to re-unify the segment?

Keywords: Profession, scientific field, ergonomics

To download keywords list, following this link: https://ergonomie-self.org/wp- content/uploads/2017/10/The-Classification-Scheme-for-Ergonomics-Abstracts.pdf

*Ce texte original a été produit dans le cadre du congrès de la Société d’Ergonomie de Langue Française qui s’est tenu à Tours, les 25, 26 et 27 septembre 2019. Il est permis d’en faire une copie papier ou digitale pour un usage pédagogique ou universitaire, en citant la source exacte du document, qui est la suivante :

Laussu, J. (2019). La profession d’ergonome, composer avec l’hétérogénéité. Actes du 54ème Congrès de la SELF, Université de l’Ergonomie : Comment contribuer à un autre monde ? Tours, 25, 26 et 27 septembre 2019

Aucun usage commercial ne peut en être fait sans l’accord des éditeurs ou archiveurs électroniques. Permission to make digital or hard copies of all or part of this work for personal or classroom use is granted without fee provided that copies are not made or distributed for profit or commercial advantage and that copies bear this notice and the full citation on the first page.

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Contribuer à un autre monde, SELF 2019 Introduction

La communication s’attache à décrire la profession d’ergonome dans son ensemble.

Elle s’inscrit dans le cadre d’un travail de thèse de sociologie en cours.

L’ambition est de dresser les grands angles, de présenter les principales interrogations et les résultats obtenus au moment de la rédaction de la communication sur le groupe professionnel des ergonomes. Dans une perspective de sociologie des groupes professionnels et de sociologie du travail, nous proposons de présenter les étapes du développement et les processus qui concourent à constituer le groupe professionnel des ergonomes.

A la création de l’ergonomie francophone, les fondateurs tentent d’unifier et d’homogénéiser la discipline autour de la définition d’un objet d’étude − l’analyse du travail − mais aussi de dresser un modèle de l’intervention. De façon concomitante, les pratiques se diversifient et des segments professionnels apparaissent. Ces derniers se constituent en lien avec l’insertion professionnelle des ergonomes et les statuts d’emploi. Les segments ainsi formés tendent à remettre en question l’homogénéité par des dynamiques de mises en visibilité, notamment par le biais d’organisations professionnelles.

L’analyse des activités des ergonomes révèle par ailleurs des proximités en matière d’intervention entre les différentes pratiques. L’enjeu commun de toutes pratiques professionnelles repose sur l’articulation de deux logiques : la santé au travail et la performance. En saisissant les formes d’intervention et les relations avec les autres acteurs de l’écologie de la santé au travail (Abbott, 1988), nous pouvons ré- interroger, à travers d’autres prismes, la segmentation du groupe professionnel.

Aussi, il est question de présenter et d’analyser les processus d’unicité à l’oeuvre au sein du groupe professionnel.

Encadré 1 : méthodologie

Les méthodes d’enquêtes mobilisées

reposent sur des données ethnographiques.

Une soixantaine d’entretiens réalisés dans le cadre de la thèse avec des praticiens qui occupent différents statuts, sur leur pratique et leur vision du métier. De plus, nous avons observé plusieurs réunions d’associations.

Nous mobiliserons également des documents du fond d’archive de la SELF déposés aux archives départementales de Seine Saint-Denis.

Comment composer avec

l’hétérogénéité ? Structuration et unification du groupe professionnel La première partie présente les processus d’unification mis en oeuvre par le groupe professionnel en construisant un modèle de l’intervention. Tout groupe professionnel en construction s’inscrit dans une dynamique de « clôture interne » et

« externe » (Ollivier, 2012, p. 244), et de délimitation des frontières et d’une « juridiction professionnelle ». (Abbott, 1988). Les enjeux pour le groupe professionnel sont de définir « une visibilité sociale », et d’occuper « une place différenciée dans la division sociale du travail » (Demazière et Gadéa, 2009, p.

51).

Plusieurs phénomènes sont marquants dans l’histoire de l’ergonomie. Le premier montre la création de la spécificité de l’ergonomie de langue française via la construction d’un objet qui lui est spécifique et son autonomisation des disciplines desquelles elle s’est inspirée.

Dans un deuxième temps, la structuration collective du groupe et la diffusion sont permises par les formations universitaires et « l’apparition d’organisations professionnelles » (Ollivier, 2012, p. 236) comme la SELF. Dans les années 1960- 1970, l’ergonomie entre dans l’entreprise, d’abord avec les fondateurs, enseignants- chercheurs, puis les consultants et les ergonomes des entreprises. Aussi, les pratiques se diversifient et viennent modifier l’apparente homogénéité.

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4 L’analyse du travail : l’objet de

l’ergonomie

En 1947, la France met en place une législation qui organise la médecine du travail, la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles des travailleurs dans les entreprises.

Ainsi, des laboratoires et centres de recherche se construisent en physiologie et psychologie autour généralement d’une personnalité (Laville, 1976). Cazamian crée un centre d’ergonomie minière (1960) à la demande des charbonnages de France, Wisner un centre de recherche pour l’amélioration du confort et de la sécurité (1954) des véhicules chez Renault.

La création de laboratoires permet d’accroître la demande de formation universitaire et devient une source de revenus pour les chercheurs universitaires.

Ils sont également un moyen de « raffermir ainsi par leurs réseaux de contacts les liens université-entreprise » (Gingras, 2013).

C’est au cours de cette période que l’ergonomie francophone va construire progressivement sa spécificité par rapport à l’ergonomie anglo-saxonne, en particulier, une ergonomie centrée sur l’analyse de l’activité. Selon les propos de Laville et Teiger (1980) « avant les années 1950- 1960, les principales méthodes ne sont pas spécifiques à l’ergonomie, elles sont empruntées à d’autres disciplines ». Puis, le centre de toute « recherche ergonomique devient « l’analyse du travail », développée par Ombredane et Faverge1 : elle consiste à décrire le travail de l’opérateur dans ses multiples aspects ».

Les années 1970 marquent l’émancipation de l’ergonomie des disciplines dont elle tient ses origines. Elle se sépare de la psychologie du travail « puisqu’elle vise davantage à transformer l’environnement du travail humain que l’homme au travail lui-même » (Le Bianic, 2004).

L’ergonomie se sépare également de la physiologie qui reste concentrée sur des expériences en laboratoire. L’analyse du

1 Ces derniers publient L’analyse du travail en 1955.

travail, pour certains, est avant tout un processus qui apporte et favorise une nouvelle « identité professionnelle pour les ergonomes » (Montmollin, 1986).

Uniformisation du modèle par la formalisation de l’enseignement en ergonomie et la création de la SELF L’enseignement en ergonomie débute au CNAM sous la direction de Wisner au cours des années 1960. D’après Cazamian (Laville, 2000), d’autres enseignements en ergonomie se développent, chacun d’eux s’étant constitué à partir d’une discipline- mère : physiologie du travail pour Hugues Monod et Alain Wisner, psychologie du travail pour Jacques Leplat, biomécanique pour Simon Bouisset, ergonomie cognitive pour Montmollin.

Selon Hughes (1996), chaque groupe professionnel va chercher à fixer les limites de l’activité puis établir et contrôler le territoire de la pratique. Les frontières peuvent ainsi être établies par des diplomes. L’ergonomie et ses enseignements se développent autour de la

« recherche des formes d’efficacité économique compatibles avec la santé de la population » (Laville, 2004). Cela aboutit à la structuration de l’enseignement par un DEA d’ergonomie, des formations doctorales, des DESS, un diplôme d’ergonomiste au CNAM et plusieurs DU.

Le contenu des formations repose sur la mise en application de connaissances issues, en grande partie, de la physiologie et de la psychologie. La spécificité est toujours le modèle d’analyse et d’intervention propre : l’analyse du travail.

D’après Metz (1991), l’idée de fonder la SELF vient d’initiatives d’enseignants chercheurs à la suite du premier congrès de l’IEA (Ergonomic Research Society) en 1961 qui voulaient se différencier de la conception anglo-saxonne de l’ergonomie.

La Société d’Ergonomie de Langue Française est officiellement fondée le 20 mars 1963. A cette époque, le Commissariat français à la productivité

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Contribuer à un autre monde, SELF 2019 avait initié un programme « ergonomie » et

souhaitait un interlocuteur « officiel » susceptible de gérer « une subvention assez importante pour des travaux de recherche et contribuer à des actions de formation et d’information ».

La création de la société est alors une opportunité pour les ergonomes de prendre part au champ disciplinaire des sciences du travail. En effet, comme le précise Offerlé (1998), obtenir des subventions des pouvoirs publics est un début de reconnaissance et « constitue bien entendu un gage d’efficacité pour des organisations prétendant être consultées sur les mesures à prendre ou à ne pas prendre dans tel ou tel domaine ».

Diffusion du modèle et création des segments du groupe professionnel par les différentes pratiques

Le début des années 1970 présente un contexte économique, social et politique particulier dû à une contestation forte de l’organisation taylorienne et fordienne du travail qui se manifeste par des grèves soutenues d’organisation syndicale2. Le terrain d’étude des ergonomes s’ouvre sur l’entreprise et les postes de travail (Coutarel et Petit, 2009) principalement grâce aux demandes croissantes des syndicats3.

Les ergonomes s’interrogent sur le lien entre conditions de travail et productivité.

Ils insistent sur le fait que le produit des connaissances ergonomiques n’est pas neutre et qu’il peut à la fois améliorer les conditions de travail mais aussi être vecteur d’un accroissement de la productivité, qui parfois, peut conduire à une augmentation de la charge de travail.

La présence sur le « terrain », en

2 Le pouvoir politique tente de répondre à la demande syndicale par des dispositions législatives, par la création de l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) en 1973 et par des programmes de formation

« Recherche scientifique et amélioration des conditions de travail » (RESACT).

3Voir Laurence Théry (2006), sur la question de la santé au travail et de l’action syndicale.

entreprise, des chercheurs en ergonomie, ainsi que l’exercice professionnel des ergonomes praticiens ont progressivement amené les ergonomes, tout du moins un certain nombre d’entre eux, à considérer l’analyse du travail comme un moyen de Comprendre le travail pour le transformer.

C’est en effet le titre de l’ouvrage de Guérin et al (1991). Cette période rassemble bon nombre d’ergonomes autour d’un consensus : l’ergonomie est une

« discipline d’action » et son but est « la transformation de la situation de travail ».

(Guerin et al. 1991)

En 2002, par la loi de Modernisation Sociale, les pouvoirs publics modifient le champ de la santé au travail : la médecine du travail devient la « santé au travail ». La pluridisciplinarité s’impose comme une obligation légale. Ainsi, le médecin du travail, « anime et coordonne » une équipe pluridisciplinaire dans laquelle le statut d’IPRP (Intervenant en prévention des risques professionnels) est crée.

Aux débuts des années 2000, on voit se constituer quatre segments pour le groupe professionnel des ergonomes reposant sur des statuts d’emploi spécifiques. On retrouve : les ergonomes exerçant en service de santé au travail interentreprises, les ergonomes salariés des entreprises, les ergonomes consultants et les enseignants- chercheurs en ergonomie.

L’ergonomie, tout au long de son histoire, a tenté de se construire une identité propre, de s’affranchir des autres disciplines des sciences du travail. L’institutionnalisation, même partielle, le développement de formations universitaires et l’instauration d’une méthodologie d’intervention ont contribué à la construction de savoirs et de savoir faire spécifiques aux ergonomes.

Parallèlement à ces processus d’unification, la segmentation du groupe professionnel tend à proposer des visions différentes du métier et à interroger, de nouveau, l’homogénéité.

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6 La santé et la performance : un

objectif commun des ergonomes dans l’écologie de la santé au travail Cette partie revient sur la précédente conclusion et propose un processus d’unification alternatif qui repose sur la vision commune de l’articulation santé au travail et performance. Apparaissent des éléments constitutifs de « l’identité professionnelle » (Dubar, 2000) des ergonomes qui découlent de leur activité quotidienne et des rapports qu’ils établissent avec les autres acteurs de la santé au travail.

Un objectif commun4 : l’amélioration des conditions de travail et de la performance

Au cours des années 1970, l’ergonomie souhaite prendre part et inscrire la discipline dans le champ des sciences du travail privilégiant ainsi l’articulation entre la santé au travail et la performance.

L’ergonomie, sur le site internet de la SELF se définit comme « la mise en œuvre des connaissances scientifiques relatives à l’homme et nécessaires pour concevoir des outils, des machines et des dispositifs qui puissent être utilisés par le plus grand nombre avec le maximum de confort, de sécurité5 et d’efficacité6 ».

4 Certains ergonomes s’interrogent sur ce qui les unit, sur leur base commune. Voir, par exemple Van Belleghem, L. (2013) « Diversité des domaines d’intervention, nouvelles pratiques de l’ergonomie : Qu’avons-nous encore en commun ? »

5http://ergonomie-self.org/lergonomie/definitions- tendances/. Plus tard la notion de bien-être remplacera le confort et la sécurité.

6Pourtant certains s’y opposent. Pour exemple, un extrait de l’entretien de Cazamian éclaire ce débat

« j’ai toujours soutenu qu’à l’instar du médecin du travail, l’ergonomie devait n’avoir d’autre but que d’améliorer le sort des travailleurs, sans avoir à poursuivre, concurremment, des objectifs économiques ou de productivité, que je croyais incompatibles avec la finalité précédente. Ici encore, je ne fus pas suivi. Et on m’objecta avec raison qu’en 1988, la SELF avait donné mission à l’ergonomie de « maximaliser » conjointement le « confort » et « l’efficacité » du travailleur ».

(Entretien Cazamian, réalisé le 22 Novembre 2000

Lors des entretiens, lorsque l’on pose la question de cette articulation on comprend que quel que soit le mode d’exercice, les ergonomes cherchent à améliorer à la fois la performance et les conditions de travail des travailleurs. A titre d’exemple, citons un ergonome travaillant dans l’industrie, qui décrit l’objectif de l’ergonomie en ces termes : « comment aider l’opérateur pour qu’il soit performant... Ce qui nous intéresse c’est pas uniquement les conditions de travail... mais des conditions de travail qui seraient meilleures et qui permettraient l’amélioration de la performance ».

Outre cette conception de la discipline et de son utilité, une autre proximité se construit dans les liens entre les activités de travail. Les ergonomes ont plusieurs types d’activité et interviennent à des niveaux de prévention différents. On pourrait penser que certains ergonomes, selon leur statut professionnel, seraient davantage sollicités pour certains types d’intervention comme les aménagements de poste de travail individuel. En réalité, cette activité fait partie de la palette d’intervention de tous les segments professionnels. Pourtant ce degré d’intervention au niveau de l’individu, laisse peu de marge de manœuvre aux ergonomes pour analyser et remanier l’organisation de travail. De plus, tous interviennent, de manière plus ou moins régulière, sur des projets de conception d’espace de travail. Ces interventions sont davantage mises en avant dans les entretiens et présentées comme le « coeur de métier », car on accède à l’organisation du travail et à la prévention primaire.

L’idéal de l’intervention « l’idéal à atteindre » serait « de passer d’une logique corrective à une logique de conception ».

(Ergonome en entreprise).

Aussi, dans la perception de la division du travail et de la répartition des tâches, tous

par Antoine Laville et actualisé le 11 décembre 2006).

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Contribuer à un autre monde, SELF 2019 les ergonomes mettent au coeur de leur

activité le modèle idéal de l’intervention qui permettrait de suivre la prescription du modèle et de déployer la méthodologie de l’intervention. En réalité, tous sont tiraillés et contraints par des enjeux temporels, économiques et gestionnaires, du consultant à l’ergonome exerçant en service de santé au travail, tous effectuent certaines missions qui s’éloigneraient de l’idéal de l’intervention.

Ecologie de la santé au travail : concurrences et coopérations

Une écologie de la santé au travail signifie plusieurs professionnels dont l’expertise serait proche. On peut évoquer par exemple les préventeurs (Kubiak, 2016) ou les psychologues du travail (Le Bianic 2004). Outre la diffusion d’une expertise spécifique, il s’agit aussi de « délimitation par différenciation vis-à-vis de ses concurrents » (Ollivier, 2012, p. 244).

Toutefois, comme le souligne Abbott (1988, p. 73), les « relations entre les professions au sein d’une écologie ne sont pas nécessairement concurrentielles ». On peut y trouver des « relations de collaboration […] caractérisées par un partage du travail ».

Les premiers résultats montrent que les concurrents, quel que soit le segment concerné, sont régulièrement les mêmes.

Par ailleurs, le partage du travail entre les différents professionnels de l’écologie semble se répartir de manière similaire.

Lors des entretiens avec les ergonomes des services de santé au travail interentreprises, on perçoit les différentes injonctions qui ordonnent les différents métiers des IPRP et le rôle de coordinateur du médecin du travail. Les demandes abordant les risques psychosociaux sont à destination des psychologues en santé au travail, les ergonomes ne sont pas sollicités. En effet, les psychologues sont majoritairement

appelés sur des demandes

organisationnelles qui ont trait au collectif tandis que la plupart des demandes pour les

ergonomes concernent le maintien dans l’emploi et les modifications de poste (soit des démarches individuelles).

Aux métiers cités précédemment, on peut ajouter les ingénieurs et les designers pour les entreprises industrielles. Il existe encore d’autres acteurs de l’écologie de la santé au travail, la communication ne prétendant pas en faire une liste exhaustive.

Conclusion et mise en perspective On observe, en retraçant l’histoire de l’ergonomie francophone et sa construction, des dynamiques d’unification au travers de la définition d’un objet, de savoirs et d’un modèle de l’intervention communs. Ces mouvements sont modifiés par la segmentation professionnelle et l’apparition de différents statuts d’emploi.

Mais, lorsque l’on s’intéresse à l’activité de travail des ergonomes, on remarque des recompositions des frontières entre les différents statuts. Les pratiques entre les segments constitués apparaissent plus proches que ne le laisse penser la segmentation indigène. Aussi, les ergonomes semblent partager une vision de leur métier similaire quelle que soit la pratique professionnelle et les conditions de travail : agir sur la santé au travail et la performance.

Reste à prendre en compte d’autres éléments qui n’ont pas été présentés ici, telle que l’importance des trajectoires professionnelles et biographiques des ergonomes dans la constitution de l’homogénéité et la circulation des connaissances et des savoirs.

La communication que nous proposons s’inscrit dans l’axe 7 des congrès de la SELF « Structuration professionnelle et associative ».

Bibliographie

Abbott, A. (1988). The System of Professions : An Essay on the Division of Expert Labor. Chicago, University of

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8 Chicago Press.

Cazamian, P. Entretien réalisé le 22 Novembre 2000 par Antoine Laville et actualisé le 11 décembre 2006.

Coutarel, F., Petit, J. (2009). « Le réseau social dans l'intervention ergonomique : enjeux pour la conception organisationnelle ». Management &

Avenir 7 (n° 27), p. 135-151.

Demazière, D., Gadéa, C. (2009).

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