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Travail domestique en Suisse : défis liés à la réglementation d'un emploi atypique

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Travail domestique en Suisse : défis liés à la réglementation d'un emploi atypique

LEMPEN, Karine, SALEM, Rachel

LEMPEN, Karine, SALEM, Rachel. Travail domestique en Suisse : défis liés à la réglementation d'un emploi atypique. Droit du travail, 2017, no. 2, p. 79-91

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:96356

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Travail domestique en Suisse

Travail domestique en Suisse

Défis Liés à La réglementation d'un emploi atypique

Prof. Dr. Karine Lempen/Mla w Rachel Salem, Université de Genève*

Le travail domestique présente diverses particu- larités qui rendent sa réglementation difficile. La présente contribution expose les différentes règles applicables et souligne la nécessité d'introduire une durée maximale et impérative du travail dans ce secteur. L'article présente ensuite les défis liés à la mise en œuvre du droit, en particulier dans le can- ton de Genève. Dans ce canton, l'inspection du tra- vail contrôle le respect, par les ménages privés, des salaires minimaux impératifs prévus par le contrat- type de travail cantonal. En outre, les tribunaux genevois sont fréquemment amenés à trancher des litiges relatifs au personnel domestique. Eu égard à l'absence d'obligation d'enregistrer la durée du travail domestique, la preuve des horaires de tra- vail représente la principale pierre d'achoppement pour les travailleuses et travailleurs domestiques qui font valoir leurs droits.

Sommaire

!. Introduction

II. Les diverses règles applicables à la relation de travail 1. Les contrats-types de travail

a) Les contrats-types ordinaires

b) Les contrats-types avec salaires minimaux impératifs

ba) Généralités

bb) Le contrat-type fédéral be) Le contrat-type genevois 2. L'ordonnance sur les domestiques privés 3. Le code des obligations

III. L'inapplicabilité de la loi fédérale sur le travail 1. Les raisons avancées pour exclure les

ménages privés

2. La nécessité d'interdire les horaires de travail excessifs

Die Hausarbeit weist verschiedene Besonderheiten aut die ihre Regelung schwierig machen. Der vor- liegende Beitrag weist auf die verschiedenen an- wendbaren Vorschriften hin und betont die Not- wendigkeit, eine zwingende Hochstarbeitszeit in diesem Sektor einzuführen. Sodann zeigt der Bei- trag die Herausforderungen aut die mit der An- wendung des geltenden Rechts verbunden sind, ins- besondere am Beispiel des Kantons Genf. Das Arbeitsinspektorat kontrolliert, ob die privaten Haushalte die zwingenden Mindestlohne einhalten, die im kantonalen Normalarbeitsvertrag vorge- schrieben sind. Ausserdem haben die Genfer Ge- richte oft Streitigkeiten im Bereich der Hausarbeit zu entscheiden. Da es in diesem Bereich keine Pflicht zur Arbeitszeiterfassung gibt, stellt der Be- weis der geleisteten Arbeitszeit den grossten Stol- perstein für die Arbeitnehmerinnen und Arbeit- nehmer im Hausdienst dar, die ihre Rechte geltend machen.

IV. Les défis liés à la mise en œuvre de la réglementation à Genève

1. Le contrôle des salaires minimaux par l'inspection du travail

2. La jurisprudence cantonale

a) La qualification du contrat de travail b) La preuve des horaires de travail V. Conclusion

* Le présent article s'inspire des discussions menées dans le cadre du panel «La réglementation du travail domestique en Europe et en Suisse», qui a eu lieu à l'Université de Genève le 15 novembre 2016. Nous tenons à remercier les oratrices lors de cet évènement, à savoir Mme Manuela Tomei (OIT), Mme Natacha Tolstoï (Délégation de l'UE auprès de l'ONU), Mme Ursula Scherrer (SECO), Mme Muriel Golay (OCIRT} et Mme Natalia Baume (OCIRT).

ARV/DTA 2017 79

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1. Introduction

Longtemps invisible, le personnel domestique se trouve, ces dernières années, au cœur des débats relatifs au vieillissement de la population et à l'in- tégration des femmes qualifiées sur le marché du travail. En effet, ces deux phénomènes mènent à une augmentation de la demande d'aide à domicile, sous la forme de soins aux personnes âgées ou de prise en charge des enfants et du ménage1

L'Organisation internationale du travail recense 67 millions de travailleuses et travailleurs domes- tiques dans le monde, dont 17.2% sont des per- sonnes migrantes. Les travailleurs domestiques mi- grants sont des femmes ou des filles dans la grande majorité des cas2 Le nombre de personnes em- ployées dans l'économie domestique est en réalité encore plus élevé. Dans ce secteur, les arrangements

«informels» ou clandestins sont, en effet, très fréquents3

Le travail domestique présente diverses caractéris- tiques, qui rendent difficile sa réglementation. Une de ces spécificités tient au fait que la branche de l'économie domestique remet en question la sépara- tion classique entre activité professionnelle rému- nérée et travail domestique non rémunéré. Les acti- vités domestiques - comme le nettoyage, la cuisine ou les soins aux enfants ou aux personnes âgées - sont généralement accomplies gratuitement par les membres de la famille et ne sont pas valorisées par la société4De plus, le travail domestique a lieu dans la sphère privée, sphère qui échappe traditionnelle- ment au champ d'application des normes de droit public en matière de protection des travailleuses et des travailleurs5

1 OIT, Formalizing Domestic Work, 2016, Genève, p. 5; Conseil fédéral, Soins aux personnes âgées: encadrer la migration pendulaire, Rapport en réponse au postulat Schmid-Federer 12.3266 du 16 mars 2012, 8 mai 2015, p. 6-7. Voir aussi KnopfeljMadorinjldngl, Gutachten: Abschatzung der Folgen der Umsetzung der Fachkrafteinitiative auf den bezahlten Niedriglohnbereich in privaten Haushalten, insbesondere für niedrigqualifizierte Migrantinnen und Migranten und Sans-Papiers, Fachhochschule Nordwestschweiz, Hochschule für Soziale Arbeit, Mars 2016.

2 73.4%. OIT, Decent work for migrant domestic workers:

Moving the agenda forward, 2016, Genève, p. 25.

3 OIT, Formalizing Domestic Work, op. cit., p. xi.

4 Ibid., p. 25.

5 Rodgers, Labour Law, Vulnerability and the Regulation of Precarious Work, Cheltenham, Northampton (Edward Elgar) 2016, p. 162-163.

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Karine 1 empenjRachel Salem

Sous réserve des cas- dont nous ne traiterons pas- où un placement a lieu par l'intermédiaire d'une agence, le personnel domestique ne travaille pas pour des entreprises, mais pour un ou plusieurs in- dividus. Parfois, la personne salariée loge au sein du ménage qui l'emploie, ce qui crée une forte dépen- dance pouvant conduire à des abus de la part des personnes employeuses6

Enfin, le fait que les travailleuses et travailleurs domestiques se retrouvent isolés dans un ménage privé rend particulièrement difficile la négociation individuelle ou collective des conditions de travail?.

Le nombre de travailleuses et travailleurs domes- tiques syndiqués est, toutefois, en constante aug- mentation8.

La Suisse a été un des premiers pays à ratifier la convention de l'OIT (no 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques9 En comparaison interna- tionale, le droit suisse offre, selon le Conseil fédé- ral, «un niveau de protection élevé et efficace des travailleurs domestiques»10

La présente contribution passe en revue, tout d'abord (II), les diverses règles applicables à la re- lation de travail entre la travailleuse ou le travail- leur domestique et les individus qui l'emploient au sein d'un ménage privé. L'accent est mis sur le droit du travail au sens étroit. Les aspects relevant du

6 Ibid., p. 161-162.

7 OIT, Formalizing Domestic Work, op. cit., p. 22-23.

8 Fin 2016, plus de 700 travailleurs de l'économie domestique étaient affiliés au syndicat genevois SIT (conversation té- léphonique du 12 décembre 2016 avec Madame Martine Bagnoud, secrétaire syndicale pour le secteur de l'économie domestique). Le syndicat Unia a enregistré 309 travailleurs domestiques dans le canton de Genève en 2016, mais estime que le nombre de ces travailleurs syndiqués est en réalité plus élevé, du fait que des personnes enregistrées sous une autre profession effectuent parfois des heures de ménages en parallèle de leur emploi principal (statistiques au 23 dé- cembre 2016, communiquées par Monsieur Jamal Al-Amine, responsable du secteur tertiaire à Unia Genève). Voir aussi, au niveau international, la Fédération internationale des travailleurs domestiques: http:/ jwww.idwfed.org.

9 Convention no 189 concernant le travail décent des travail- leuses et travailleurs domestiques du 16 juin 2011, ratifiée par la Suisse le 12 novembre 2014-RS 0.822. 728.9. Pour une présentation de cette convention et des travaux qui ont mené à son adoption, voir TomeijBelser, Nouvelles normes de l'OIT sur le travail décent pour les travailleurs domestiques:

résumé des débats, in Revue internationale du Travail, vol.

150 (2011), no 3-4, p. 471-479.

10 Message du Conseil fédéral du 18 août 2013 relatif à la convention no 189 de l'OIT, FF 2013 6215, 6217.

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Travail domestique en Suisse

droit des assurances sociales ou du droit des étran- gers ne sont pas traités. Par la suite (III), nous nous interrogeons sur la pertinence des arguments qui ont conduit à exclure les ménages privés du champ d'application de La Loi du 13 mars 1964 sur Le travail (LTr)11 Enfin (IV), nous identifions les principaux défis Liés à l'application du droit en vigueur, en par- ticulier dans Le canton de Genève.

II. les diverses règles applicables à La relation de travail

1. Les contrats-types de travail

En Suisse, la réglementation du travail domestique s'effectue principalement par Le biais de contrats- types de travail (CTT). Actes normatifs édictés par la Confédération ou Les cantons (art. 359a, al. 1, CO), Les CTT sont nécessaires pour protéger les per- sonnes actives dans des branches, comme l'écono- mie domestique, qui pratiquent peu la négociation collective12 et sont exclues du champ d'application de la loi sur Le travail13

Le régime des CTT dits ordinaires (art. 359-360 CO) doit être distingué de celui des CTT avec salaires minimaux impératifs (art. 360a-360f CO).

a) Les contrats-types ordinaires

Les cantons sont tenus d'édicter des CTT pour Leser- vice de maison, qui doivent contenir au moins des clauses sur La conclusion, l'objet, la fin du contrat de travail (art. 359, al 1, CO), la durée du travail et du repos, ainsi que les conditions de travail «des jeunes travailleurs» et «des travailleuses» (art. 359, al. 2, CO) enceintes, accouchées ou allaitantes14. En pra-

11 Loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964, LTr- RS 822.11.

12 Aubert, in ThévenozjWerro (éd.), Commentaire romand, Code des obligations I, 2' éd., Genève, Bâle, Munich (Helbing) 2012, N. 2 ad art. 359 CO. Voir les explications sur le taux de syndicalisation des travailleuses et travailleurs domesti- ques, supra I.

13 Cf. JeanneratjMahon, in Dunand/Mahon (éd.), Commentaire du contrat de travail, Berne (Stampfli) 2013, N. 5 ad art. 359 CO; Streiff/Von KaeneljRudolph, Arbeitsvertrag, 7' éd., Zurich (Schulthess) 2012, N. 6 ad art. 359 CO.

14 Similaires à celles prévues aux articles 35 ss LTr. A ce sujet, voir Streiff/Von KaeneljRudolph, op. cit., N. 6 ad art. 359 CO.

tique, toutefois, seuls quelques contrats-types rela- tifs au travail domestique prévoient des dispositions de protection de la maternité15.

Le contrat-type de travail s'applique, dès son entrée en vigueur, directement aux rapports de travail qu'il régit (art. 360, al. 1, CO), sans qu'il soit nécessaire d'intégrer ses dispositions au contrat individuel et même Lorsque les parties n'en ont pas connais- sance16. Le CTT ordinaire étant de nature disposi- tive, les parties à La relation de travail peuvent convenir de déroger à certaines de ses dispositions.

Dans le secteur de l'économie domestique, les ac- cords contraires au détriment de la travailleuse ou du travailleur doivent, cependant, respecter l'exi- gence de forme écrite (art. 360, al. 2, C0)17.

A L'exception d'Appenzell Rhodes-Intérieures, la totalité des cantons a édicté des CTT régissant Le travail domestique18. Le champ d'application de ces textes varie. Alors que certains CTT portent unique- ment sur les relations de travail dans Les ménages privés19, d'autres couvrent, en outre, les «ménages col- lectifs» (homes, pensions, institutions ou hôpitaux)20.

15 A titre d'exemple, voir l'art. 12 du CTT valaisan (Contrat-type de travail pour le personnel au service de l'économie domes- tique, paru dans le Bulletin officiel no 24 du 12 juin 2015, p. 1504) ou l'art. 19 du CTT argovien (Normalarbeitsvertrag für Hauspersonal du 19 novembre 2008 - RS/AG 963.374).

16 TF, 4P.277/2003 du 2 avril 2004, consid. 3.1; TF, 4C_2/2013 du 10 juillet 2013, consid. 1.3. Voir PortmannjRudolph, in HonselljVogt/Wiegand (éd.), Basler Kommentar, Obligatio- nenrecht I, 6' éd., Bâle (Helbing Lichtenhahn) 2015, N. 1 ad art. 360 CO.

17 Voir Medici, Migrantinnen als Pflegehilfen in Schweizer Privathaushalten: Menschenrechtliche Vorgaben und staat- liche Handlungspflichten, Zürich (Schulthess) 2015, p. 89, qui constate que tous les CTT cantonaux régissant le travail domestique prévoient une telle exigence de forme.

18 Medici, Migrantinnen, op. cit., p. 87.

19 Cf. art. 1, al. 1 du CTT zougois (Normalarbeitsvertrag Privat- haushalt du 18 décembre 1984- RS/ZG 831.521).

2

°

Cf. art. 1 du CTT zurichois (Normalarbeitsvertrag für haus- wirtschaftliche Arbeitnehmer du 29 mai 1991- RS/ZH 821.12) et art. 1, al. 2 du CTT neuchâtelois (Contrat-type de travail pour le service de maison du 5 mai 1988 - RS/NE 225.42).

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Da

[

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b) Les contrats-types avec salaires minimaux impératifs

ba) Généralités

Entré en vigueur le 1er juin 200421, le régime des

en

avec salaires minimaux impératifs (art. 360a-360f CO) a été adopté simultanément à la loi fédérale du 8 octobre 1999 sur les travailleurs détachés (LDét)22, comme mesure d'accompagnement à l'Accord du 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et les pays de l'Union européenne (ALCP)23

Un

en

avec salaires minimaux impératifs ne peut être édicté que si, «au sein d'une branche écono- mique ou d'une profession», les salaires «font l'objet d'une sous-enchère abusive et répétée» et qu'il n'existe aucune convention collective de travail pouvant être étendue afin de remédier à cette situa- tion (art. 360a, al. 1, CO). En outre, les salaires prévus

«ne doivent pas léser les intérêts légitimes d'autres branches» (art. 360a, al. 2, CO). Le

en

est adopté sur proposition de la commission tripartite fédérale ou cantonale (art. 360a, al. 1, CO, art. 360b CO).

Contrairement au

en

ordinaire (art. 359 CO), le

en

fixant des salaires minimaux impératifs n'est valable que pour une durée limitée (art. 360a, al. 1, CO). Si ces dispositions «font l'objet d'infractions répétées ou s'il existe des indices que l'arrivée à échéance du contrat-type peut conduire à de nouveaux abus», l'autorité compétente peut, «sur demande de la com- mission tripartite», proroger le contrat «pour une durée limitée» (art. 360a, al. 3, C0)24

Seules les dérogations en faveur de la partie salariée sont autorisées (360d, al. 2, CO). Le contrôle et les sanctions en cas d'infraction sont réglés, depuis le 1er janvier 2013, par la loi sur les travailleurs déta-

21 Les articles 360b et 360c CO sont entrés en vigueur le 1er juin 2003, les articles 360a et 360d à 360f CO le 1er juin 2004 (cf. ch. 2 de l'annexe à la LDét; RO 2003 1370).

22 Loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement. LDét- RS 823.20.

23 Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999, ratifié par la Suisse le 16 octobre 2000- RS 0.142.112.681.

24 Introduit par le ch. II de la loi du 30 septembre 2016 portant modification de la LDét (FF 2016 7465), en vigueur depuis le 1er avril 2017 (RO 2017 2077).

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Karine Lempen/Rachel Salem

chés25 Les comm1ss1ons tripartites fédérales ou cantonales sont chargées de vérifier le respect des normes relatives aux salaires minimaux (art. 7, al. 1, let. b, LDét). Les cantons désignent une autorité compétente pour infliger des sanctions en cas de violation (art. 7, al. 1, let. d et art. 9 LDét). Une sanction administrative d'un montant maximal de CHF 30 000.- peut être prononcée (art. 9, al. 2, let. f, LDét)26 Une amende pénale d'un montant maximal de CHF 40 000.- peut être infligée, en sus de la sanc- tion administrative, si la partie employeuse ren- seigne de manière inexacte l'autorité chargée du contrôle, refuse de collaborer (art. 12, al. 1, let. a et b, LDét) ou enfreint les normes sur les salaires mini- maux de façon systématique et dans un esprit de lucre (art. 12, al. 1, let. d, LDét).

bb) Le contrat-type fédéral

Le

en

fédéral a été adopté par ordonnance du Conseil fédéral le 20 octobre 201027Il s'applique à toute la Suisse (art. 1, al. 1,

en

économie domes- tique), sauf au canton de Genève qui, lors de l'entrée en vigueur du

en

fédéral, connaissait déjà un

en

avec salaires minimaux impératifs (art. 1, al. 2,

en

économie domestique).

Initialement prévu pour une durée de trois ans, le

en

fédéral a été prorogé à deux reprises, soit une première fois, le 13 novembre 201328 puis, récemment, le 9 décembre 201629La commission tripartite fédé- rale a jugé que les conditions de prorogation étaient réunies. En effet, les contrôles effectués par les commissions tripartites cantonales au cours des an- nées précédentes ont révélé des infractions répé-

25 Le titre de la loi est alors devenu le suivant: «Loi fédérale du 8 octobre 1999 sur les mesures d'accompagnement ap- plicables aux travailleurs détachés et aux contrôles des sa- laires minimaux prévus par les contrats-types de travail»

(RO 2012 6703).

26 Introduit par le ch. Ide la loi du 30 septembre 2016 portant modification de la LDét (FF 2016 7465), en vigueur depuis le 1er avril2017 (RO 2017 2077).

27 Ordonnance sur le contrat-type de travail pour les travail- leurs de l'économie domestique, CTT économie domestique- RS 221.215.329.4.

28 RO 2013 4109.

29 RO 2016 4825.

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Travail domestiq11e en S1Jisse

tées aux normes du Cn économie domestique30En outre, La «forte demande en main-d'œuvre étrangère», ainsi que L'absence «de réglementation impérative sur Le nombre maximal d'heures de travail et de repos» dans ce secteur, donnaient des raisons de penser «qu'en cas de suppression du salaire mini- mum prescrit dans Le

en,

La pression sur Les salaires et Le risque d'abus augmenteraient»31

La durée de validité du

en

économie domestique a donc été prolongée jusqu'au 31 décembre 2019 (art. 9, al. 3). A cette occasion, Les salaires mini- maux ont été augmentés de 1,9%32, malgré La désap- probation de certains milieux craignant qu'une telle adaptation porte atteinte aux intérêts Légitimes d'autres branches, comme L'hôtellerie-restauration33

Le

en

fédéral économie domestique régit Les rap- ports de travail entre Les personnes «qui effectuent des activités domestiques dans un ménage privé et Leurs employeurs» (art. 2, al. 1), pour autant que Les individus employés travaillent au moins «cinq heures en moyenne par semaine auprès du même emplo- yeur» (art. 2, al. 3, Let. i).

Sont exclus de son champ d'application Les per- sonnes engagées « au pair» (art. 2, al. 3, Let. a), Les jeunes baby-sitters occasionnels (art. 2, al. 3, Let. b), et Les «personnes qui prennent en charge des en- fants en dehors de La famille», notamment Lesdites

«mamans de jour» (art. 2, al. 3, Let. c). En outre, Le

en

ne s'applique pas dans Le cadre de certaines rela- tions familiales, en particulier entre «époux», «par- tenaires enregistrés», «concubins», enfants et pe- tits-enfants (art. 2, al. 2). Enfin, Le

en

fédéral ne régit pas Les conditions de travail du personnel sou- mis à L'ordonnance fédérale du 6 juin 2011 sur Les

30 Voir les chiffres cités dans SECO, Rapport explicatif sur le projet de prorogation et de révision du contrat-type de tra- vail (CTT) pour les travailleuses et travailleurs de l'économie domestique, juillet 2016, p. 6-7 et 9 ainsi que dans le rap- port FlaM du 12 mai 2016 pour la période du 1e'janvier au 31 décembre 2015, p. 28.

31 SECO, Rapport explicatif 2016, op. cit., p. 9.

32 SECO, Rapport explicatif 2016, op. cit., p. 10-12.

33 Voir la position de l'Union Patronale Suisse via le lien sui- va nt: http :/ jwww. a rb eitg e ber. ch/fr j ma rch e-d u-travai lju ne- hausse-des-salaires-minimaux-non-justifiee-dans-leconomie- domestique/

domestiques privés34 (art. 2, al. 3, Let. k), dont il sera question plus Loin (infra II, 2).

L'article 3

en

économie domestique énumère Les tâches considérées comme des «activités domes- tiques», en particulier Les travaux de nettoyage (Let. a), L'entretien du Linge (Let. b), Les commissions (Let. c), La cuisine (Let. d), La participation à La prise en charge d'enfants, de personnes âgées et de ma- Lades (Let. e) ainsi que L'assistance aux personnes âgées et aux malades dans La vie quotidienne (Let. f). Les deux dernières catégories (qui couvrent, par exemple, Le fait de couper La viande ou de tendre un objet à une personne qui en a besoin35) ne doivent pas être confondues avec Les soins infirmiers, qui ne relèvent pas du

en

fédéral. Lorsqu'une même per- sonne effectue dans un ménage privé à La fois des tâches d'assistance ou de soins - non visées par Le

en

fédéral - et des activités domestiques, Les or- ganes d'exécution doivent examiner dans quelles proportions Les différentes activités sont accom- plies. Si Le travail domestique joue un rôle «tout à fait secondaire» en L'espèce, «on partira plutôt du principe que Le

en

ne s'applique pas»36

Le

en

économie domestique fixe Les salaires ho- raires minimaux en fonction de La qualification et de L'expérience professionnelle (art. 4, al. 1). Depuis Le 1er janvier 2017, Le «salaire minimum brut, sans Les suppléments pour vacances et jours fériés payés», s'élève à CHF 18.90 pour une personne non qualifiée, CHF 20.75 pour une personne non qualifiée disposant d'au moins quatre ans d'expérience ou d'une attesta- tion fédérale de formation professionnelle (AFP) et CHF 22.85 pour une personne au bénéfice d'un cer- tificat fédéral de capacité (CFC) «gestionnaire en intendance»37 (art. 5 et 4, al. 3). Le salaire mensuel se calcule sur La base du nombre d'heures hebdoma-

34 Ordonnance fédérale sur les conditions d'entrée, de séjour et de travail des domestiques privés des personnes bénéficiaires de privilèges, d'immunités et de facilités, ODPr- RS 192.126.

35 SECO, Rapport explicatif sur le projet de contrat-type de tra- vail (CTT) contenant des salaires minimums impératifs pour les travailleurs de l'économie domestique, Berne, 8 octobre 2010, p. 16. Medici, Hauswirtschaft und Betreuung im Privathaushalt: Rechtliche Rahmenbedingungen, 2. Auflage, Zurich, 24 février 2012, p. 14.

36 SECO, Rapport explicatif 2010, op. cit., p. 14; Medici, Hauswirtschaft und Betreuung, op. cit., p. 14-15.

37 D'une durée de trois ans, cette formation est réglée par l'Or- donnance du SEFRI du 10 septembre 2015 sur la formation professionnelle initiale gestionnaire en intendance avec certificat fédéral de capacité (CFC), RS 412.101.220.09.

ARV/DIA 2017 83

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daires de travail et «repose sur le versement de douze salaires mensuels par an» (art. 5, al. 2). Lors- qu'une partie de la rémunération est versée en na- ture, «sous la forme d'un logement ou de nourriture, la valeur de ces prestations est déterminée par les montants fixés à l'article 11 du règlement du 31 oc- tobre 1947 sur l'assurance-vieillesse et survivants»38 (art. 7). Selon cette disposition, la nourriture et le logement du personnel de maison est évalué à CHF 33.- par jour.

Les contrôles du respect des salaires minimaux dans les ménages privés sont effectués par les commis- sions tripartites cantonales39 ou par les organes auxquels ces dernières ont délégué cette compé- tence. Dans le canton de Neuchâtel, par exemple, l'Office de contrôle (OFCO) assume cette tâche sur délégation de la commission tripartite cantonale40

be) Le contrat-type genevois

Edicté par la Chambre des relations collectives de travail (CRCT)41, le contrat-type de travail pour les travailleurs de l'économie domestique (Cn-EDom)42 est entré en vigueur le 1er juillet 2004. Sur proposi- tion du Conseil de Surveillance du Marché de l'Em- ploi (CSM E)43, qui avait constaté, dans ce secteur, une sous-enchère abusive et répétée au sens de l'ar- ticle 360a, alinéa 1, CO, les salaires minimaux prévus par le en-EDam sont devenus impératifs le 3 mai 200544

38 RAVS- RS 831.101.

39 SECO, Rapport explicatif 2016, op. cit., p. 6.

40 Art. 15, al. 3 du règlement d'organisation de la commission tripartite ·chargée de l'observation du marché du travail du 2 juin 2004 (RS/NE 813.111) et art. 56, al. 2 de la loi sur l'emploi et l'assurance-chômage du 25 mai 2004 (LEmpl - RS/NE 813.10).

41 Conformément aux articles 1, al. 1, let. c, de la loi genevoise concernant la Chambre des relations collectives de travail du 29 avril1999 (LCRCT-RS/GE J 1 15), 20 et 20A du règle- ment d'application de la loi concernant la Chambre des rela- tions collectives de travail du 7 juillet 1999 (RCRCT- RS/GE J 1 15.01) et 33 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (URT-RS/GE J 1 05).

42 CTT-EDom - RS/GE J 1 50.03.

43 Art. 360b, al. 3, CO. Le conseil de surveillance assure la fonction de commission tripartie cantonale (art. 34, al. 1, LIRT).

44 Modification du contrat-type de travail pour les travailleurs de l'économie domestique à temps complet et à temps par- tiel du 1" mars 2005.

84 ARV/DTA 2017

Karine l empen/Rachel Salem

A l'instar du en fédéral, le en-EDam ne s'applique pas aux personnes liées par certaines relations fami- liales (art. 1, al. 3), prenant en charge des enfants en dehors de la famille (art. 1, al. 4, let. i) ou aux jeunes baby-sitters occasionnels (art. 1, al. 4, let. j).

Dans le canton de Genève, l'engagement de per- sonnes «au pair», majeures ou mineures, n'est pas régi par le en-EDam (art. 1, al. 4, let. a et b), mais par deux contrats-types de travail sans salaires mi- nimaux impératifs45 Le personnel soignant (art. 1, al. 4, let. h) ou celui visé par l'ordonnance sur les domestiques privés46 est aussi exclu du champ (art. 1, al. 4, let. g). En revanche, contrairement au en fédéral, le en-EDam ne subordonne pas son ap- plication à la condition d'un horaire hebdomadaire de cinq heures au moins auprès de la même personne ou entité employeuse.

Le en-Edam fixe des salaires minimaux impératifs mensuels calculés sur la base d'une durée hebdoma- daire de 45 heures47 En pareille hypothèse, alors que le en fédéral prévoit un salaire mensuel de CHF 3685.50.- pour les personnes non qualifiées et de CHF 4046.25.- pour celles non qualifiées avec au moins quatre ans d'expérience48, le en genevois fixe un minimum de CHF 3756.-, respectivement CHF 4029.-, pour ces deux catégories (art. 10, al. 1).

Le en genevois consacre donc un salaire minimal plus élevé que le en fédéral pour les employé-e-s domestiques sans qualification et sans longue expé- rience. En outre, depuis le 1er janvier 2016, le en- EDam prévoit que lorsque la personne salariée

«accomplit des veilles de nuit, les salaires minimaux sont majorés d'une indemnité de 7,55 F par heure de veille, pour les heures entre 20h00 et 07h00»

(art. 10, al. 1bis).

Depuis 2013, le contrôle des salaires minimaux re- lève de la compétence du CSME (art. 34A, al. 1, LIRT), qui a délégué cette tâche à l'Office cantonal

45 Contrat-type de travail des jeunes gens au pair majeurs du 13 décembre 2011 (CTT-TPMaj - RS/GE J 1.50.12); Contrat- type de travail des jeunes gens au pair mineurs du 13 dé- cembre 2011 (CTT-TPMin - RS/GE J 1.50.15).

46 Voir infra II, 2.

47 En cas de travail à temps partiel, le salaire minimum est calculé prorata temporis (art. 10 al. 7 CTT EDam). Les mon- tants minimaux fixés par le CTT comprennent le salaire en nature (art. 10 al. 3 CTT-EDom).

48 SECO, Informations sur le CTT économie domestique (situa- tion au 1" janvier 2017), p. 3.

(8)

Travail domestiq1Je en Suisse

de l'inspection et des relations du travail (OCIRT), comme nous le verrons plus loin (infra IV, 1).

Les litiges liés à l'interprétation et l'exécution du CTT-EDom sont tranchés par la CRCT, qui agit alors comme tribunal arbitral public (art. 360b, al. 5, 2ème phr., CO, art. 18, al. 5, URT, et 1, al. 1, let. e, LCRCT).

2. L'ordonnance sur les domestiques privés

L'ordonnance sur les domestiques privés (ODPr) a été adoptée par le Conseil fédéral le 6 juin 2011, sur la base de l'article 27 de la loi du 22 juin 2007 sur l'Etat hôte (LEH)49 L'ordonnance est entrée en vigueur le 1er juillet 2011 et remplace la Directive du Départe- ment fédéral des affaires étrangères (DFAE) du 1er mai 2006 sur l'engagement des domestiques pri- vés par les membres du personnel des missions di- plomatiques, des missions permanentes, des postes consulaires et des organisations internationales en Suisse50

Son objectif est de régler les conditions d'entrée en Suisse, d'admission, de séjour et de travail des do- mestiques privés (art. 1, al. 1, ODPr). L'ordonnance constitue une lex specialis par rapport aux CTT fédé- ral et cantonaux sur l'économie domestique (art. 1, al. 2, ODPr), jugés difficiles à comprendre pour «les internationaux» et peu adaptés à leur situation51

49 Loi fédérale sur les privilèges, les immunités et les facilités, ainsi que sur les aides financières accordés par la Suisse en tant qu'Etat hôte, LEH- RS 192.12.

50 Voir le site du DFAE: https://www.eda.admin.ch/missions/

missi on-an u-gen eve/fr/ho mejma n uel-a pplicati on-regi m ej i ntro du cti on/ordonnance-dom es tiques-prives. htm l.

51 Dans son message du 13 septembre 2006 relatif à la LEH, le Conseil fédéral relève qu' «[u]ne partie des difficultés [ ... ] découlent des réglementations divergentes des cantons, mal comprises par les internationaux. Ainsi, certains contrats- types cantonaux renvoient aux salaires prévus par les usages locaux et il est difficile pour les personnes concernées de déterminer leurs droits et obligations, d'autres mentionnent des salaires minimaux indicatifs, auxquels le contrat de travail écrit peut déroger pour autant que les conditions contractuelles ne constituent pas une lésion au sens du droit suisse, et le contrat-type du canton de Genève prévoit un salaire minimum obligatoire, qui ne permet pas de tenir compte d'éventuelles prestations supplémentaires que l'em- ployeur pourrait verser au domestique privé, telles que la prise en charge des frais de retour au pays à l'occasion de vacances ou à la fin de l'engagement, ou le paiement des frais médicaux» (FF 2006 7603, 7659).

Les «domestiques privés» sont définis à l'article 2, alinéas 1 et 2, ODPr et doivent remplir les conditions cumulatives suivantes:

- être employés au service domestique d'une «per- sonne bénéficiaire» (art. 2, al. 2, let. a et b, LEH), par exemple, une personne appelée auprès d'une organisation internationale ou d'une mission per- manente (art. 2, al. 2, let. a, cum art. 2, al. 1, LEH);

- être titulaires d'une carte de légitimation de type F (art. 2, al. 1, ODPr);

- être engagés sur la base d'un contrat de travail de droit privé (art. 2, al. 2, ODPr).

Ainsi, l'ordonnance n'est pas applicable aux per- sonnes de nationalité suisse, titulaires d'une autori- sation de séjour ou d'établissement, ou au bénéfice d'une admission provisoire (art. 1, al. 3, let. b, ODPr).

De même, elle ne s'applique pas aux membres du personnel de service dont le contrat de travail est soumis au droit public de l'Etat étranger (art. 1, al. 3, let. a, cum art. 3 ODPr)52

Afin d'être admis à travailler comme «domestique privé», la personne doit satisfaire aux conditions générales prévues par l'article 9, alinéa 1, ODPr, no- tamment travailler «à plein temps»53 (let. e), «pour un seul employeur» (let. f) et avoir «des connais- sances suffisantes d'une langue officielle suisse, de l'anglais, de l'espagnol ou du portugais» (let. i). Le contrat de travail doit être rédigé dans l'une de ces langues, signé par les parties (art. 10, aL 1, ODPr) et être conforme au modèle établi par le DFAE54 (art. 10, al. 2, 1ère phr., ODPr). La signature du contrat est une condition nécessaire à la délivrance de la carte de légitimation et de l'autorisation d'entrée en Suisse (art. 10, al. 3, et 25, al. 1, ODPr).

L'ordonnance prévoit un salaire net en espèces d'au minimum CHF 1200.- par mois (art. 43, al. 1, 1ère phr., ODPr). Des voix se sont élevées pour critiquer cette

52 Cf. TF, 4A_570/2013 du 4 juin 2014, consid. 4.2.2.

53 Soit pour une durée hebdomadaire de 45 heures (art. 46 al. 1 ODPr).

54 Le modèle de contrat de travail en français peut être trouvé sous le lien suivant: https:jjwww.eda.admin.chjcontent/

da rn/mis sion-an u -am c-aele-gen evejfrjdocu ments/Contrat- de-travail-francais_FR. pdf

ARV/DTA 2017 85

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2

somme55, nettement inférieure aux montants bruts fixés par les CTT fédéral et genevois relatifs au tra- vail domestiquë. Une telle différence peut s'expli- quer par le fait qu'aucune déduction ne peut être opérée sur le salaire minimum prévu par l'ordonnance (art. 43, al. 1, 2ème phr., ODPr). La partie employeuse prend à sa charge l'ensemble des cotisations aux as- surances sociales obligatoires, ainsi que les primes de l'assurance-maladie et de l'assurance accidents (parts salariale et patronale, art. 44, al. 1, ODPr). Elle doit s'acquitter, en outre, de divers frais, tels que les frais de logement, de nourriture et de voyage de la personne salariée (art. 44, al. 2, let. a, b, e et f, ODPr). Le salaire est exonéré d'impôts (art. 45 ODPr).

L'ordonnance règle, par ailleurs, les conditions d'hé- bergement et de nourriture (art. 30 ODPr), le début et la fin des relations de travail (art. 32 ss ODPr) ainsi que les horaires, congés et vacances (art. 46 ss ODPr). Seules les dérogations en faveur de la personne employée sont autorisées (art. 10 al. 2, 3ème phr., et 28, al. 2, ODPr). Le code des obligations s'applique à titre supplétif pour les points qui ne sont pas ex- pressément réglés par l'ordonnance (art. 28, al. 1, ODPr).

En cas de litige, l'une des parties peut demander l'intervention du Bureau de l'amiable compositeur à Genève. D'entente avec le DFAE, cet organe de mé- diation a été créé par le gouvernement genevois en 1995, afin de faciliter la résolution des conflits où l'une des parties bénéficie d'une immunité diploma- tique. En 2014, le Bureau indiquait avoir traité de- puis sa création 1135 cas (soit une moyenne d'envi- ron 60 cas par année). Un arrangement a pu être trouvé dans un tiers des situations57

3. Le code des obligations

Les dispositions impératives du code des obligations l'emportent sur les règles des contrats-types de tra- vail qui leur seraient contraires (art. 359 al. 3 cum

55 Voir l'article du journal Le Courrier, «Le salaire minimum des domestiques de diplomates jugé scandaleux», Jean-Marie Banderet, paru le 9 août 2011.

56 Cf. supra II, 1, bb et be.

57 Article du journal Le Temps, «Dans l'arrière-cour des ambas- sades», Simon Petite, paru le 12 octobre 2014.

86 ARV/DTA 2017

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358 C0)58 • Sont impératives, notamment, les normes relatives aux empêchements de travailler (art. 324a, al. 1 et 3, CO), aux heures supplémentaires (art. 321c, al. 1, CO), aux jours de congé (art. 329, al. 1-3, CO), aux vacances (art. 329a ss CO), au congé de mater- nité (art. 329f CO) et à la fin des rapports de travail (art. 334, al. 3, et 335 CO). De plus, la partie em- ployeuse a un devoir de protection de la personna- lité (art. 328 CO), en particulier dans le cadre d'une communauté domestique (art. 328a C0)59

III. L'inapplicabilité de la loi fédérale sur le travail

1. Les raisons avancées pour exclure les ménages privés

Aux termes de son article 2, alinéa 1, lettre g, la loi sur le travail ne s'applique pas aux «ménages pri- vés». Dès lors, le ménage qui occupe une personne à des fins privées60 n'est pas tenu de respecter la durée maximale de la semaine de travail (art. 9, al. 1 LTr) ni les temps de repos prescrits (art. 15 ss LTr). Le travail de nuit n'est pas soumis aux limites prévues par la loi (art. 16 ss LTr). Le ménage n'est pas tenu d'enregistrer la durée du travail (art. 46 LTr et 73 à 73b OLT1).

Lors de l'élaboration de la loi sur le travail, le Conseil fédéral a justifié, en ces termes, son choix de sous- traire les ménages privés au champ d'application de la loi:

«Les prescriptions de droit public sur la protection des tra- vailleurs n'ont jamais visé le personnel de maison. Il n'existe pas non plus, selon une opinion générale et incontestée, de besoin pour le soumettre à la loi sur le travail, d'autant moins que, pour des raisons évidentes, les prescriptions légales ne pourraient guère être exécutées. Notons d'ailleurs que la plu- part des cantons ont établi spécialement pour ce personnel,

58 Cf. Aubert, op. cit., N. 7 ad art. 359 CO; JeanneratjMahon, op. cit., N. 17 ad art. 359 CO.

59 A ce sujet, voir Du na nd, in DunandjMahon (éd.), Commentaire du contrat de travail, Berne (Stampfli) 2013, N. 3, 18 et 23 ad art. 328a CO, qui s'interroge sur l'utilité de l'article 328a CO en pratique.

60 SECO, Commentaire de la loi sur le travail et des ordonnances 1 et 2, Berne, novembre 2016, art. 2 let. g LTr; GeiserjLüthi, in Geiserjvon KaeneljWyler, Loi sur le travail, Berne (Stampfli) 2005, N. 39 ad art. 2 LTr.

(10)

Travail domestique en Suisse

comme pour les travailleurs agricoles, des contrats-types de travail» 61

Les difficultés liées au contrôle, la protection déjà offerte par les CTT cantonaux et l:absence d'un be- soin de soumettre le personnel de maison à la loi sur le travail sont donc les raisons avancées, en 1960, pour exclure les ménages privés du champ d'applica- tion de cette loi62

2. La nécessité d'interdire les horaires de travail excessifs

Les arguments invoqués par le Conseil fédéral pour justifier l'inapplicabilité de la loi sur le travail aux

ménages privés peinent à convaincre aujourd'hui. Tout d'abord, comme expliqué plus haut63, les com- missions tripartites (art. 360b CO) ont, depuis la modification de la LDét entrée en vigueur le 1er jan- vier 2013, la compétence de contrôler le respect, par les ménages privés, des salaires minimaux prévus dans les CTT du secteur de l'économie domestique.

Dans le canton de Genève, cette compétence a été déléguée à l'inspection cantonale du travail. Nous aborderons plus loin64la façon dont les ménages pri- vés sont effectivement contrôlés.

Ensuite, la protection offerte par les

CTT

cantonaux est limitée puisque, comme déjà exposé, des accords dérogatoires peuvent être conclus en défaveur de la partie salariée65

Enfin, la question de savoir s'il existe, de nos jours, un besoin de soumettre le travail domestique à des normes impératives sur la durée maximale hebdoma- daire du travail et la durée minimale du repos quoti- dien mérite qu'on s'y arrête.

Les seules dispositions impératives sur le temps de travail et de repos figurent dans le code des obliga- tions. La personne salariée doit au moins bénéficier

61 Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concer- nant un projet de loi sur le travail dans l'industrie, l'artisa- nat et le commerce du 30 septembre 1960, FF 1960 885, 922.

62 Conseilfédéral, Soins aux personnes âgées, op. cit., p. 15.

63 Cf. supra II, 1, ba.

64 Cf. infra IV, 1.

65 Cf. supra II, 1, a et Conseil fédéral, Soins aux personnes âgées, op. cit., p. 15.

d'un jour de congé par semaine (art. 329, al. 1, CO) qui pourra, exceptionnellement et avec son accord, être pris en deux demi-journées (art. 329, al. 2, C0)66 Par ailleurs, la partie employeuse a l'obliga- tion de protéger la santé physique et psychique de son personnel (art. 328 C0)67 Le Tribunal fédéral a jugé que des horaires de travail excessifs peuvent

porter atteinte à la personnalité68

Les systèmes, tels que les «chèques-emploi» propo- sés dans le canton de Vaud69, ont le mérite d'inciter les parties à formaliser les rapports de travail, mais ne permettent pas de contrôler le respect des normes de protection de la personnalité et des salaires mi- nimaux impératifs. En effet, afin que Chèques-emploi soit en mesure de calculer le montant des cotisa- tions qui seront versées aux assurances sociales, il est nécessaire que le chèque, rempli chaque mois, indique le salaire mensuel, brut ou net. En revanche, la mention du nombre d'heures effectuées en contre- partie du salaire déclaré est facultative.

Le problème de l'absence d'une durée maximale du travail domestique se pose aujourd'hui avec une acuité particulière. La population suisse vieillit et recourt fréquemment à un modèle de prise en charge 24h/24 des personnes âgées à leur domicile7°. Un nombre croissant de travailleuses domestiques, pour la plupart des migrantes pendulaires, logent sur leur lieu de travail, avec des horaires illimités et une permanente disponibilité. Pareille formule rend la délimitation entre temps de travail et temps libre

66 Le travail domestique a été explicitement cité dans les dé- bats du Conseil National comme étant susceptible de fonder une exception au sens de l'art. 329 al. 2 CO (BD 1969 CN p. 776 ss). D'un autre avis, Wagner et Medici ne voient aucune raison qui justifierait une renonciation à un jour complet de repos par semaine pour les travailleurs domes- tiques (Medici, Migrantinnen, op. cit., p. 80; Wagner, Die Rund-um-die-Uhr-Betreuung in der Pflege, in AJP 2016, p. 776).

67 Dunand, op. cit., N. 13 ad art. 328 CO.

68 TF, 4C.94/2003 du 23 avril2004, consid. 5.3 (travail domes- tique imposé à une jeune fille mineure, à raison de 13 heures par jour sur une période de 13 mois, sans jours de congé ni vacances, avec peu de possibilités de contact avec l'exté- rieur et une faible rémunération). Voir aussi Wagner, op. cit., p. 776-778 et Medici, Migrantinnen, op. cit., p. 217-218.

69 Au sujet de ce système géré par l'Entraide protestante suisse (EPER), voir le site www.cheques-emploi.ch. Des services similaires existent dans d'autres cantons: http:jjwww.

cheques-emploi .ch/autres-ca ntonsj.

7

°

Conseilfédéral, Soins aux personnes âgées, op. cit., p. 6-7.

ARV/DTA 2017 87

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88

difficile71Elle comporte aussi un risque d'isolement social pour la personne salariée72

Déposé par la conseillère nationale Schmid-Federer le 16 mars 2012, un postulat 12.3266 «soins aux per- sonnes âgées: encadrer la migration pendulaire»

charge le Conseil fédéral d'étudier les possibilités d'améliorer les conditions de travail des migrantes pendulaires qui, en Suisse, assurent la prise en charge des personnes âgées à domicile. En réponse à ce postulat, un rapport du Conseil fédéral du 29 avril 2015 propose plusieurs pistes, actuellement à l'étude73, au nombre desquelles figure l'assujettisse- ment des ménages privés à la loi sur le travail74 Il semble donc qu'il n'y ait plus, de nos jours, d'opi- nion «générale et incontestée»75 selon laquelle le personnel de maison n'aurait pas besoin d'être sou- mis à la loi sur le travail.

IV. Les défis liés

à

la mise en œuvre de la réglementation à Genève

1. Le contrôle des salaires minimaux par l'inspection du travail

Dans le canton de Genève, depuis 2013, l'OCIRT contrôle le respect des salaires minimaux prévus par

71 MedicijSchilliger, La prise en charge de personnes âgées par des migrants pendulaires, in Securité sociale CHSS 1/2012, p. 19. Voir aussi Conseil fédéral, Soins aux personnes âgées, op. cit., p. 10; OIT, Note d'information N. 7, op. cit., p. 5. A cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé qu'on «ne saurait considérer, sauf preuve du contraire, qu'une employée logée à domicilé par son employeuse handicapée aurait effectué à bien plaire une partie des tâches ménagères, sous le simple prétexte que l'accomplissement de ces tâches profitait aussi à l'employée» (TF, 4A_743/2011 du 14 mai 2012, consid. 3.6.).

71 Wagner, op. cit., p. 777; Conseil fédéral, Soins aux personnes âgées, op. cit., p. 10-11.

73 Différents documents analysant les pistes proposées par le Conseil fédéral peuvent être trouvés sous le lien suivant:

https:/fwww. se co .ad min .chjsecojfr /hom ej A rbeit/ Arbeits be ding un ge nf A rbeitn eh me rsc h utz/24-stu nd en- be ta gte n betreuung.html

74 Conseilfédéral, Soins aux personnes âgées, op. cit., p. 26- 27. Une autre piste évoquée dans ce rapport consisterait à créer un nouveau type de CTT national fixant une durée im- pérative du travail (Conseil fédéral, Soins aux personnes âgées, op. cit., p. 25-26).

75 Voir le message relatif à la loi sur le travail, op. cit., FF 1960 885, 922.

ARV/DTA 2017

Karine LempenjRachel Salem

le CTT-EDom76Selon les statistiques de cet office, les contrôles dans cette branche augmentent chaque année: alors que 8 employeurs, pour 9 travailleurs, ont été contrôlés en 2013, 61 employeurs, pour 102 travailleurs, l'ont été en 201677En 2017, des contrôles plus fréquents encore devraient avoir lieu dans le cadre d'une «campagne spécifique» visant à «assai- nir le secteur de l'économie domestique» en lien avec une importante opération de régularisation des sans-papiers (Opération Papyrus) à Genève78 Les contrôles effectués dans le secteur de l'écono- mie domestique présentent diverses particularités.

Tout d'abord, les personnes qui emploient ne sont pas des professionnelles et n'ont souvent pas con- science des devoirs liés au statut d'employeur.

Ensuite, le lieu de travail est un domicile privé, non répertorié. Afin d'identifier les ménages à contrôler, l'inspection du travail est, le plus souvent, tribu- taire d'une dénonciation de la personne salariée ou de tiers (syndicat, œuvre d'entraide, voisinage), ou du signalement par une autre administration.

La partie employeuse n'est pas tenue d'autoriser l'inspection à pénétrer dans son domicile privé à des fins d'enquête79 L'inspection adresse au ménage concerné un courrier qui l'informe du contrôle en cours et demande la production des documents re- latifs à l'emploi de personnel domestique (date du début et de la fin du service, durée hebdomadaire du travail, qualification professionnelle de la personne salariée, fiches de salaires, déclaration AVS, etc.).

En pratique, il est rare que la partie employeuse soit en mesure de fournir ces documents.

Des indices, tels qu'un SMS80 ou une note manuscrite donnant des instructions quant aux tâches à effec-

76 Voir supra II, 1, be.

77 OCIRT, contrôles du respect des salaires minima du contrat- type de travail de l'économie domestique, état au 12 dé- cembre 2016. Nous remercions Madame Natalia Baume, ins- pectrice du travail chargée du domaine de l'économie do- mestique, d'avoir répondu à nos questions relatives à ces contrôles lors de l'entretien qu'elle nous a accordé le 10 jan- vier 2017.

78 Voir les informations publiées le 21 vrier 2017 sur le site de l'Etat de Genève: https://demain.ge.chjdossierjopera ti on- pa pyrusjco n tro le-du-marche-du-travail.

79 Camp. avec l'art. 45, al. 2, LTr.

80 Un SMS a été considéré comme suffisant pour prouver l'exis- tence d'un contrat de travail devant les tribunaux genevois, cf. CAPH/2/2010 du 14 janvier 2010, consid. 2.2.

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