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2458 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 19 décembre 2012

actualité, info

La saveur du quotidien

Il y a peu, je fais la connaissance d’un patient qui vient me demander un deuxième avis car il présente un cancer du pancréas évoluant depuis huit mois ! Je ne lui apprends rien sur l’histoire naturelle de sa maladie ou sur les traitements possibles : une première période de soins et internet l’ont renseigné sur tout.

Durant cet entretien, sa principale question est la suivante : «Mais comment peut-on être oncologue ?»

Cette interrogation, un brin provocante m’a interpellée. Je me retrouvais avec deux pro- blèmes : quelle était la réponse à sa question et surtout pourquoi me la posait-il ?

Vous vous imaginez sans peine les mul- tiples bonnes raisons qui peuvent combler un oncologue, elles vont de l’immense valorisa- tion au quotidien à l’attrait scientifique de ce domaine. Plus complexe se révélait l’interroga-

tion cachée derrière cette provocation. Après réflexion, il m’a semblé que ce patient évoquait, d’une manière détournée, le désarroi que pro- voquait chez lui cette maladie. Le refus qu’il avait d’une certaine réalité. L’impasse dans la- quelle il était pour lui faire face. Avec logique,

il sollicitait le spécialiste de ces affections : celui qui est baigné dans cette problématique et qui l’a même choisie ! Se rapportant à sa propre expérience, à son vécu, il ne pouvait concevoir un choix professionnel qui con duise à un chemin sans issue, à un échec, à une telle détresse intérieure. Dans une certaine confusion, il amal gamait sa pers pective de patient et cel le du médecin, oubliant que les an gles de vue sont très différents. Il tentait de regarder sa situa tion du point de vue d’un thé- rapeute sans pouvoir évidemment quitter son habit de malade. Imaginer une aide, un re- gard positif devenait paradoxal dans ces cir- constances.

Sa demande allait bien au-delà de la pres- tation technique qui constitue souvent la pre- mière requête. Il avait perdu ses références, changé de logique, se trouvait désarçonné dans le quotidien et ne savait plus comment vivre. Il formulait : «Mais comment peut-on être oncologue» alors que sa question, il me semble, était plutôt : «Mais comment vit-on avec de telles maladies ? Comment avancer au bord de ce gouffre ?».

Parce que nous connaissons les étapes carte blanche

… les résultats suggèrent que le traitement serait plus efficace chez les enfant les moins affectés …

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1 Lemonnier E, Degrez C, Phelep M, et al. A randomised controlled trial of bumetanide in the treatment of autism in children. Citation. Transl Psychiatry 2012;2:e202.

d’une maladie, parce que nous avons par- couru certaines voies avec d’autres patients, nous pouvons suggérer des chemins pos- sibles, naviguer ensemble entre espoirs et incertitudes et accepter de faire face à une issue fatale. Ce parcours diffère avec cha- cun et ceci en constitue la richesse.

Si nous nous dérobons à cette interroga- tion, l’essentiel de l’échange thérapeutique et l’intérêt de notre profession s’en trouvent amoindris. Nous aurons soigné des mala- dies et passé à côté de nos malades. Ainsi, lorsque le quotidien nous interpelle, ne per- dons jamais une occasion de nous interro- ger sur le sens caché de certaines formula- tions, il gardera alors toute sa saveur.

Dr Anne Hügli-Dayer Rue de Candolle 18 1205 Genève annehugli@bluewin.ch

ment utilisé, notamment dans le traitement de l’hypertension artérielle. La prise de ces molécules peut toutefois entraîner une baisse de potassium qui nécessite une supplémen- tation.

Le bumétanide appartient au groupe dit des «diurétiques de l’anse». Cette molécule exerce notamment une action diurétique au niveau de la branche ascendante de l’anse de Henle où elle inhibe la réabsorption ac- tive du chlore. Elle augmente le flux san- guin rénal et entraîne une redistribution des flux intrarénaux au profit des zones pro- fondes du cortex. Son action diurétique se traduit par une élimination sodée et chlorée importante associée à une élimination po- tassique proportionnellement moins impor- tante. L’effet natriurétique obtenu, propor- tionnel à la dose, est rapide (il commence aux environs de la trentième minute ; le pic de la natriurèse survient en une ou deux heures), intense et de courte durée.

Les chercheurs ont ensuite démarré un essai randomisé en double aveugle sur 60 enfants «autistes et Asperger» âgés de 3 à 11 ans. Ces enfants ont été suivis pendant qua- tre mois. Un groupe a reçu le traitement diu- rétique (1 mg de bumétanide) et le deuxième groupe un placebo, ce pendant trois mois.

Le dernier mois, aucun traitement n’a été donné. La sévérité des troubles autistiques des enfants a été évaluée au démarrage de

l’essai, à la fin du traitement, c’est-à-dire au bout de 90 jours et à nouveau un mois plus tard.

Dans cet essai, l’échelle comportementale CARS (Childhood Autism Rating Scale) a été utilisée pour évaluer la sévérité des trou bles à partir de séquences filmées des enfants lors d’une activité initiée par un personnel soignant. Les films ont été analysés avec l’aide des parents. Un score est obtenu à partir de l’analyse : entre 30 et 36, l’enfant souffre d’un trouble modéré ou moyen, au-delà de 36, l’autisme de l’enfant est sévère. Deux autres indicateurs permettent d’évaluer la sévérité des troubles : le diagnostic clinique CGI (Cli­

nical Global Impressions) et un indicateur, ADOS G (Autism Diagnostic Observation Sche­

dule Generic), qui regroupe les critères d’éva- luation comme l’interaction sociale et la communication.

«Après 90 jours de traitement, le score moyen au test CARS des enfants traités au bumétanide s’est amélioré de façon signifi- cative, font valoir les auteurs. La sévérité des troubles autistiques du groupe traité passe du niveau élevé (L 36,5) à moyen (CGI)). A l’arrêt du traitement, certains troubles réap- paraissent. Le traitement au bumétanide se- rait donc réversible.» Dans le communiqué de presse de l’Inserm, le Dr Lemonnier ex- pose le cas d’un garçon de six ans. «Avant le traitement, l’enfant avait de faibles capacités de langage, une faible interaction sociale, une hyperactivité et un comportement en constante opposition, explique-t-il. Après trois mois de traitement, ses parents, ses professeurs, le personnel de soin de l’hôpi- tal et ses amis à l’école ont attesté qu’il par- ticipait mieux, notamment aux jeux propo- sés par le psychologue. Son attention et le contact visuel se sont également améliorés.»

Serait-ce probant ?

D’après leurs parents, les enfants appa- raissent «plus présents». Etant donné l’hété- rogénéité de ces troubles, les chercheurs ont supposé que le traitement pourrait agir de manière différente. Après reprise des don- nées, les résultats suggèrent que le traite- ment serait plus efficace chez les enfants les moins affectés.

«C’est pourquoi les chercheurs ont déposé une demande d’autorisation pour réaliser un essai multicentrique à l’échelle européenne afin de mieux déterminer la population con- cernée par ce traitement et, à terme, obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour cette indication» souligne-t-on auprès de l’Inserm. Cet essai est piloté par une entreprise créée par le Pr Ben-Ari et le Dr Lemonnier. Des analyses à venir sont également indispensables pour évaluer l’im- pact de la prise à long terme de ces molé- cules et la dose requise. Enfin, les chercheurs soulignent la nécessité de poursuivre les travaux sur les modèles expérimentaux afin de déterminer comment le chlore est régulé et comment il se dérégule dans les réseaux neuronaux de patients autistes. Ces travaux ont, enfin, fait l’objet d’un dépôt de brevet et d’une concession de licence accordée à l’en- treprise qui a reçu un financement public français.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

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