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L’indépendance du Tribunal arbitral du sport

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Academic year: 2022

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Master

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L'indépendance du Tribunal arbitral du sport

BRERO, Massimiliano

Abstract

Le Tribunal arbitral du sport (TAS) a été créé en 1984 sous l'impulsion du CIO. Selon le Tribunal fédéral, pour que les décisions du TAS soient assimilables à celle d'un tribunal étatique, il faut que le tribunal arbitral offre des garanties suffisantes d'indépendance et d'impartialité telles que mentionnées à l'art. 30 Cst. En conséquence, nous pouvons nous demander si le TAS peut être considéré comme un tribunal indépendant et impartial ? Cette analyse appelle, dans un premier temps, quelques remarques concernant l'histoire du TAS (II), pour ensuite se pencher sur son organisation (III), puis nous allons analyser son indépendance et son impartialité en tant que telles (IV) et pour finir nous aborderons quelques possibilités d'amélioration (V).

BRERO, Massimiliano. L'indépendance du Tribunal arbitral du sport. Master : Univ.

Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:148377

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Université de Genève – Faculté de droit Mémoire de master

Année académique 2019-2020 Massimiliano Brero

L’indépendance du Tribunal arbitral du sport

Mémoire de master

Travail effectué sous la direction du Professeur Thomas Schultz Dans le cadre du séminaire « Le droit sans l’État »

(3)

Table des matières

I. Introduction ... 1

II. Histoire du TAS ... 2

A. Création ... 2

B. Diverses réformes ... 3

III. Fonctionnement institutionnel du TAS ... 5

A. Remarques générales ... 5

B. Compétence TAS ... 6

C. Organisation du TAS ... 7

1. CIAS ... 7

2. TAS ... 9

D. Recours contre une décision du TAS ... 10

IV. Indépendance et impartialité du TAS ... 12

A. Principes généraux d’indépendance et impartialité ... 12

B. Une indépendance autoproclamée (Statut et Code TAS) ... 13

C. Une indépendance critiquée depuis le départ ... 14

1. Affaire Gundel ... 14

2. Affaire Lazutina ... 15

3. Affaire Pechstein ... 16

D. Critiques actuelles sur l’indépendance et l’impartialité du TAS ... 17

1. Nomination des membres du CIAS ... 17

2. Nomination des arbitres du TAS ... 18

3. Le problème de la liste fermée des arbitres du TAS ... 19

4. Financement du TAS ... 20

5. Le recours à la spécificité sportive et aux particularités de l’arbitrage international pour justifier le manque d’indépendance et d’impartialité du TAS ... 21

6. Le TAS se référant à sa jurisprudence passée ... 22

V. Propositions d’améliorations ... 22

A. Changer le mode de nomination des membres du CIAS ... 23

B. Création d’une liste ouverte ... 24

C. Financement du TAS ... 25

VI. Conclusion ... 26

VII. Annexes ... 28

VIII. Bibliographie ... 30

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I. Introduction

Selon le Tribunal fédéral (TF), « le jeu est un contrat par lequel les parties, sans cause économique, se promettent réciproquement et sous une condition contraire une prestation déterminée - somme d'argent, objet en nature - de telle sorte qu'il y a nécessairement un gagnant et un perdant, désignés par l'accomplissement ou la défaillance de la condition »1.

Les règles de jeu ne sont a priori pas justiciables, car elles ne touchent pas des intérêts juridiquement protégés2. Dans ce contexte, on parle de l’exception sportive, ce qui se passe sur un terrain de jeu doit rester sur celui-ci. On part du postulat que le jeu ne doit pas être continuellement interrompu par des examens judiciaires. Cependant, certaines règles déployant leurs effets au-delà de la compétition sportive ont une portée juridique et sont donc justiciables3.

Dans un célèbre arrêt Kindle, le TF a affirmé que les règles de jeu au sens strict, c’est-à-dire les règles expliquant le déroulement technique d’un sport donné, sont les seules qui ne sont pas justiciables4. Ce qui implique qu’a contrario toutes les autres règles sportives sont sujettes à examen judiciaire. Le TF a notamment relevé que la distinction entre règle de jeu et de droit est floue5. À titre d’exemple, nous pouvons relever que les règles visant les décisions prises dans le domaine sportif par les arbitres, commissaires ou organismes sportifs afin de sanctionner le non-respect des règles au sens strict et les règles concernant « l'organisation et les rapports internes de la communauté sportive, l'organisation des compétitions, l'évaluation des résultats, etc. »6 sont justiciables.

Les conflits en matière sportive sont tranchés en premier lieu par des organismes internes aux fédérations. Cependant, l’article 30 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst) et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) prévoient le droit fondamental et impératif de pouvoir accéder à un tribunal impartial et indépendant. Ce qui implique qu’il doit être externe à la fédération. C’est en 1979, après avoir été assigné en justice, que le CIO a étudié la possibilité de créer un tribunal arbitral

1 ATF 77 II 45, consid. 3.

2 VOUILLOZ, p. 162.

3 VOUILLOZ, p. 162.

4 ATF 118 II 12, S. 15.

5 ATF 103 Ia 410, S. 412.

6 ATF 118 II 12, S. 15.

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sportif dans le but de régler les litiges « à l’intérieur de la famille sportive »7 en évitant ainsi, dans un premier temps, la justice ordinaire. C’est sous cette impulsion que le Tribunal arbitral du sport (TAS) a vu le jour en 1984.

Néanmoins, selon le TF pour que les décisions du TAS soient assimilables à celle d’un tribunal étatique, il faut que le tribunal arbitral offre des garanties suffisantes d’indépendance et d’impartialité telles que mentionnées à l’art. 30 Cst8. En conséquence, nous pouvons nous demander si le TAS peut être considéré comme un tribunal indépendant et impartial ?

Cette analyse appelle, dans un premier temps, quelques remarques concernant l’histoire du TAS (II), pour ensuite se pencher sur son organisation (III), puis nous allons analyser son indépendance et son impartialité en tant que telles (IV) et pour finir nous aborderons quelques possibilités d’amélioration (V).

II. Histoire du TAS A. Création

En 1981, face à la multiplication des conflits en matière sportive et à l’absence d’une autorité juridique indépendante pouvant régler de tels litiges, Juan Antonio Samaranch9 eut l’idée de créer une institution indépendante pouvant régler les différends internationaux relatifs au sport10, une « véritable Cour suprême du Sport mondial »11. C’est ainsi qu’est né le TAS. Il fallut attendre le mois de mars 1983 pour que les statuts du TAS soient ratifiés par le CIO à New Delhi12 et le 30 juin 1984 pour qu’ils rentrent en vigueur. Keba Mbaye13 fut nommé Président exécutif du TAS et Gilbert Schwaar Secrétaire général14.

Il faut attendre 1986 pour que la première affaire soit traitée par le TAS et 1987 pour que la première sentence soit prononcée15. Cependant, très peu de cas furent traités par le TAS au cours des premières années principalement pour deux raisons16.

7 Newsletter Schellenberg Wittmer.

8 ATF 17 Ia 166, S. 168.

9 Président du Comité international olympique (CIO).

10 REEB, p. 22.

11 CASINI, p. 1321 ; MBAYE,p. 409 ; ATF 129 III 445, S. 462.

12 MBAYE, p. 410.

13 Keba Mbaye était juge à la Cour internationale de justice et également membre du CIO.

14 REEB, p. 22.

15 BRÜGGEMANN,p. 4 ; Site du TAS, informations générales.

16 LENSKYJ, p. 8 ; Statistiques du TAS ; Annexe I et II.

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Premièrement, les athlètes doutaient de l’indépendance et de l’impartialité du TAS en raison de la dépendance de ce dernier vis-à-vis du CIO17. En effet, au départ, le CIO finançait entièrement le TAS, il pouvait changer ses statuts et il élisait la moitié des arbitres du TAS18.

Deuxièmement, au départ, les Fédérations internationales (FI) ne reconnaissaient pas la juridiction du TAS en raison, peut-être, du fait que celui-ci manquait d’indépendance, mais certainement du fait que de nombreuses FI avaient leur propre organe judiciaire19. Nous pouvons mentionner à titre d’exemple l’Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme (IAAF) qui « disposait de son propre Panel d’arbitrage »20, avant de reconnaître la juridiction du TAS en 2001. La Fédération Internationale de Football Association (FIFA), quant à elle, n’a pas accepté la juridiction du TAS jusqu’en 200221. Ce qui explique le peu de cas traités par le TAS durant ses débuts.

La Fédération équestre internationale (FEI) fût la première FI à introduire dans ses statuts une clause instaurant la compétence du TAS en cas de conflits, après cela, différentes fédérations nationales et internationales en firent de même22.

En 1992, Elmar Gundel, cavalier membre de la FEI soumit un litige au TAS. Ce dernier lui donnant tort, il décida de recourir au TF en prétextant un manque d’indépendance et d’impartialité du TAS23. En 1993, le TF reconnut le TAS en tant que véritable tribunal arbitral indépendant de la FEI, mais critiqua son manque d’indépendance par rapport au CIO24. Ceci a conduit aux réformes de 1994.

B. Diverses réformes

L'affaire Gundel représente « un tournant dans la structure et la gouvernance du TAS »25. En effet, comme mentionné auparavant, le plus gros reproche adressé au TAS était d’être trop dépendant du CIO et que cela pouvait poser de graves problèmes d’indépendance en cas de

17 LENSKYJ, p. 9.

18 MCLAREN, p. 307 ; GORBYLEV, p. 295 ; Ces points sont analysés en détails dans la partie IV.C.

19 CASINI, p. 1322.

20 LATTY, Thèse, p. 286 ; CASINI, p. 1322.

21 LATTY, Thèse, p. 286.

22 REEB, p. 23.

23 REEB, p. 23.

24 ATF 119 II 271, S. 280 ; Ce manque d’indépendance sera analysé en détails dans la partie IV.

25 DOWNIE, p. 321, traduction libre de l’anglais.

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litige impliquant ce dernier.26 Cette affaire permit une refonte totale du TAS afin qu’il s’émancipe du CIO. En effet, seulement trois mois après la décision de l’arrêt Gundel, le 21 juin 1993, le CIO et l’Association des fédérations internationales olympiques des sports d’été (ASOIF) décidèrent que le TAS devait s’affranchir de la tutelle du CIO. Cet affranchissement a été concrétisé lors d’un meeting à Paris le 22 juin 1994 avec la signature de la Convention relative à la constitution du Conseil International de l’Arbitrage de sport, appelé aussi Convention de Paris27.

Le changement le plus marquant engendré par cette convention est l’instauration du Conseil International de l’Arbitrage en matière de Sport (CIAS). Le CIAS a été créé dans le « but d'assurer la sauvegarde des droits des parties devant le TAS ainsi que l'entière indépendance de cette institution »28.

Une autre modification marquante en 1994 fut l’instauration de deux chambres d’arbitrage au sein du TAS. D’une part, la Chambre d’arbitrage ordinaire chargée de juger les litiges en instance unique. D’autre part, la Chambre arbitrale d’appel ayant la tâche de trancher les litiges engendrés par la décision rendue par un organisme sportif29.

Cette réforme a changé la structure institutionnelle du TAS et lui a permis de « s’ériger en tant qu’organisme juridictionnel indépendant capable de résoudre les différends sportifs sans subir l'influence des organisations sportives, ainsi que les influences nationales ou autres »30.

En 1996, deux modifications mineures sont à répertorier. D’une part, la création de deux bureaux décentralisés du TAS (un aux États-Unis d’Amérique et un autre en Océanie) afin de réceptionner et notifier tout acte de procédure31. D’autre part, la création d’une Chambre ad hoc du TAS pour trancher les litiges relatifs à de grandes compétitions sportives, telles que les Jeux olympiques ou la Coupe du Monde de la FIFA, dans un délai très court32.

Avant le 1er janvier 2012, il fallait utiliser la clé de répartition suivante pour former la liste des arbitres du TAS : « 1/5 des arbitres sélectionnés parmi les personnes proposées par le CIO, 1/5 des arbitres sélectionnés parmi les personnes proposées par le FI, 1/5 des arbitres

26 Cf. supra II.A ; ATF 119 II 271, S. 280.

27 REEB, p. 23.

28 Préambule de la « Convention de Paris ».

29 Art. S3 et S20 Code TAS ; REEB, p. 23.

30 MCLAREN, p. 308, traduction libre de l’anglais.

31 LENSKYJ, p. 9.

32 VAITIEKUNAS, p. 43.

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sélectionnés parmi les personnes proposées par les Comités nationaux olympiques (CNO), 1/5 des arbitres sélectionnés choisis en vue de sauvegarder les intérêts des athlètes, 1/5 des arbitres choisis parmi des personnes indépendantes des organismes chargés de proposer des arbitres conformément au présent article »33. Dès le 1er janvier 2012, le CIAS fait appel à

« des personnalités ayant une formation juridique appropriée, une compétence reconnue en matière de droit du sport et/ou d’arbitrage international, une bonne connaissance du sport en général et la maîtrise d’au moins une des langues de travail du TAS, dont les noms et qualifications sont portés à l’attention du CIAS, notamment par le CIO, les FI, les CNO, ainsi que par les commissions d’athlètes du CIO, des FI et des CNO. »34 Donc, le CIAS n’est plus contraint par la clé de répartition susmentionnée. Le but étant d’améliorer l’indépendance des arbitres35.

Ces réformes avaient pour objectif de faire taire toutes critiques concernant l’indépendance du TAS. Pourtant, son indépendance a été remise en question à d’autres reprises36.

III. Fonctionnement institutionnel du TAS A. Remarques générales

Le TAS est régi par le Code de l’Arbitrage en matière de sport (Code TAS) entré en vigueur en 1994 à la suite des réformes de Paris (la dernière version datant du 1er janvier 2019)37.

Le siège de tout jugement devant le TAS est toujours en Suisse, à Lausanne38. Ce qui implique que le droit suisse est applicable pour les questions relatives à la légitimité de l’arbitrage du TAS39.

Le TAS peut trancher essentiellement des litiges commerciaux en lien avec le sport, ainsi que des différends entre des fédérations et leurs membres ou encore entre membres de la même fédération. Plus généralement, le TAS peut juger tout différend découlant de la pratique d’un sport40.

33 Art. S14 Code TAS 2004 ; GORBYLEV, p. 296.

34 Art. S14 Code TAS.

35 GORBYLEV,p. 296 ; MAISONNEUVE II,p.920.

36 Cf. infra, IV.C.

37 REILLY, p. 65.

38 Art. S1 et R28 Code TAS; MITTEN, p. 13.

39 VALLONI/PACHMANN, p. 125.

40 Art. S1 et R27 Code TAS ; EHLE/TATTEVIN, p. 7.

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B. Compétence TAS

L’article 75 Code civil suisse (CC) prévoit que « tout sociétaire est autorisé de par la loi à attaquer en justice, dans le mois à compter du jour où il en a eu connaissance, les décisions auxquelles il n’a pas adhéré et qui violent des dispositions légales ou statutaires ». Cette norme est de droit impératif, on ne peut pas y déroger41. Les décisions des organismes sportifs, qui sont des associations, peuvent être soumises à un tribunal arbitral pour autant qu’il s’agisse d’une véritable autorité judiciaire indépendante42.

On pourrait penser que le TAS est compétent pour trancher tout différend relatif au sport.

Cependant, plusieurs fédérations ne donnent pas la compétence au TAS pour trancher leurs litiges. À titre d’exemple, les ligues sportives professionnelles nord-américaines (NFL, MLS, NBA, MLB) ont leur propre forme d’arbitrage43. La Fédération internationale automobile (FIA) en fait de même44.

En outre, il faut un accord mutuel des parties pour soumettre un différend au TAS45. Il s’agit de la « pierre angulaire de l’arbitrage »46, car les parties renoncent à faire trancher leur litige par un tribunal étatique établi par la loi47.

Cet accord se manifeste généralement par le biais « d’une clause arbitrale figurant dans un contrat ou un règlement ou d’une convention d’arbitrage ultérieure (procédure d’arbitrage ordinaire), ou avoir trait à l’appel d’une décision rendue par une fédération, une association ou un autre organisme sportif lorsque les statuts ou règlements de cet organisme ou une convention particulière prévoient l’appel au TAS (procédure arbitrale d’appel) »48. Le TAS met à disposition des modèles de clauses sur son site internet49.

Un grand nombre de fédérations sportives et le CIO prévoient la compétence exclusive du TAS pour faire recours contre une décision rendue en dernière instance par leurs organes

41 HIRSCH, p. 1.

42 HIRSCH, p. 1.

43 REILLY, p. 67.

44 SCHULTZ, p. 3.

45 EHLE/TATTEVIN, p. 7.

46 RIGOZZI, Pertinence consentement, p. 2.

47 Art. 30 Cst et l’art. 6 CEDH.

48 Art. R27 Code TAS.

49 Site du TAS/arbitrage/modèles de clauses.

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juridictionnels50. Pour pouvoir participer aux compétitions organisées par les fédérations sportives, l’athlète doit ratifier les statuts de la fédération et accepter la compétence du TAS sans vraiment avoir le choix. Ce constat est encore plus flagrant s’il s’agit d’un athlète professionnel, car l’activité sportive est souvent sa principale source de revenus51.

Un tel consentement forcé peut paraître dénué de sens et pourtant le TF a justifié ce principe dans le célèbre arrêt Canas52. En effet, le TF y a affirmé que l’arbitrage forcé est acceptable53, car il permet aux athlètes de recourir contre les décisions des fédérations sportives par le biais d’un tribunal spécialisé offrant des garanties d’impartialité et d’indépendance54. Selon une partie de la doctrine, il faut exiger « du TAS une indépendance exemplaire », car

« l’organisation et le fonctionnement du TAS ne doivent en réalité pas avantager les institutions sportives par rapport aux athlètes, mais ils ne doivent même pas permettre d’en douter. Le doute est un terrain glissant pour la reconnaissance des sentences du TAS »55.

En outre, cet accord forcé se justifie également par la structure pyramidale et monopolistique du sport56. De plus, le consentement forcé permet de trancher un litige rapidement par des juges spécialisés et favorise ainsi le principe d’égalité de traitement des sportifs57.

C. Organisation du TAS

Afin de trancher les différends en matière sportive par la voie de l’arbitrage, deux organes ont été mis en places : Le CIAS et le TAS58.

1. CIAS

Le CIAS est une fondation de droit privé soumise au droit suisse59. Depuis sa création en 1994, le CIAS est considéré comme l’organe suprême du TAS60. Il a pour tâche de veiller à

50 Règle 61 de la Charte Olympique ; art. 58 des Statuts de la FIFA ; art. 13 Statuts de la Fédération Mondiale d’Echec (FIDE) ; art. 71 Statuts de l’Union Cycliste Internationale (UCI) ; VALLONI/PACHMANN, p. 126.

51 BRÜGEMANN, p. 20 ; VERLY,p. 4.

52 ATF 133 III 235.

53 La Cour européenne des droits de l’Homme (CourEDH) a également conclu que l’arbitrage forcé est

acceptable, car le TAS est considéré comme un tribunal impartial et indépendant dans l’affaire Mutu et Pechstein c/ Suisse, req. nos 40575/10 ET 67474/10 ; LATTY, le TAS marque des points devant la CEDH, p. 32-33.

54 Ces deux derniers points sont discutés davantage dans la partie IV ; ATF 133 III 235, S. 242-243 ; MAISONNEUVE II,p.912.

55 MAISONNEUVE II,p.916.

56 ATF 133 III 235, S. 242-244 ; Annexe III ; RIGOZZI, Pertinence consentement, p. 3 ; MAISONNEUVE I, p.672.

57 MAISONNEUVE I, p.673-674 ;MAISONNEUVE IIp. 912 ; VASSINE, P.89.

58 Art. S1 Code TAS.

59 Art. 80 du CC ; ATF 129 III 445 S. 451.

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l’indépendance du TAS et de sauvegarder les droits des parties en s’assurant de l’administration61 et du financement du TAS62. Le président du CIAS est également le président du TAS63.

Le CIAS est composé de 20 membres64 élus selon la clé de répartition suivante :

« a. quatre membres sont désignés par les Fédérations Internationales (FI), à savoir trois par l’Association des FI olympiques d’été (ASOIF) et un par l’Association des FI olympiques d’hiver (AIOWF), choisis en leur sein ou en dehors ;

b. quatre membres sont désignés par l’Association des Comités Nationaux Olympiques (ACNO), choisis en leur sein ou en dehors ;

c. quatre membres sont désignés par le Comité International Olympique (CIO), choisis en leur sein ou en dehors ;

d. quatre membres sont désignés par les douze membres du CIAS figurant ci-dessus, après des consultations appropriées, en vue de sauvegarder les intérêts des athlètes,

e. quatre membres sont désignés par les seize membres du CIAS figurant ci-dessus, choisis parmi des personnalités indépendantes des organismes désignant les autres membres du CIAS. »65

Les membres du CIAS sont élus pour une période de quatre ans renouvelables66. Ils doivent faire preuve d’objectivité et d’indépendance, c’est pour cela qu’ils ne peuvent pas figurer sur la liste des arbitres et ne peuvent pas agir en tant que conseil d’une partie dans une affaire devant le TAS67. Le CIAS élit lui-même son Président et deux Vice-présidents après consultation avec le CIO, l’ASOIF, l’AIOWF et l’ACNO68.

En outre, le CIAS a la tâche très importante de nommer les arbitres figurant sur les listes du TAS69.

60 CASINI, p. 1323.

61 Par exemple, il est compétent pour modifier le Code TAS ; art. S6 et S8 (2) Code TAS.

62 Art. S6 (6) Code TAS.

63 Art. S9 Code TAS.

64 Il faut que ça soit des juristes expérimentés dans le domaine de l’arbitrage sportif ; art. S4 Code TAS ; EHLE/TATTEVIN, p. 6 ; REEB, p. 24.

65 Art. S4 Code TAS ; BRÜGGEMANN, p. 8.

66 Art. S5 Code TAS ; BRÜGGEMANN, p. 9.

67 Art. S5 Code TAS ; REEB, p. 24.

68Art. S6 (2) Code TAS.

69 Art. S6 (4) Code TAS ; REEB, p. 24.

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2. TAS

Le TAS est composé de trois chambres arbitrales permanentes : la Chambre d’arbitrage ordinaire, la Chambre arbitrale d’appel et la Chambre anti-dopage70. La Chambre d’arbitrage ordinaire résout un litige en instance unique71, alors que la Chambre arbitrale d’appel juge un litige né à la suite de la décision d’une organisation sportive72. La Chambre anti-dopage quant à elle tranche les différends relatifs au dopage en première instance ou instance unique73. Cette dernière a été créée en 201674. Accessoirement, il y a des chambres temporaires ad hoc créées spécialement pour un événement sportif en particulier75. Chacune des trois Chambres permanentes est chapeautée par un Président, ils sont élus par le CIAS76.

Principalement, deux types de procédures différentes sont prévues : la procédure d’arbitrage ordinaire et la procédure d’arbitrage d’appel77. Les dispositions générales des articles R27- R37 du Code TAS s’appliquent aux deux procédures. En revanche, les articles R38-R46 du Code TAS sont consacrés à la procédure ordinaire, alors que les articles R47-R59 Code TAS sont relatifs à la procédure d’appel78. La procédure d’appel est utilisée dans la vaste majorité des cas traitée par le TAS, ce qui représente environ de 80 % des cas79. Pour cette raison, nous allons détailler le mécanisme de la procédure d’appel.

Les arbitres exercent les fonctions du TAS. Les arbitres du TAS sont au nombre de 368 actuellement80. Le nombre d’arbitres minimum sur la liste générale du TAS est de 15081. Ils sont désignés pour une période renouvelable de 4 ans par le CIAS82. Depuis 2012, le CIAS n’est plus contraint par la clé de répartition susmentionnée afin de nommer les arbitres figurant sur les listes du TAS83. Le CIAS doit néanmoins sélectionner des juristes compétents

70 Art. S20 Code TAS.

71 Par exemple, des litiges issus de relations contractuelles ou d’actes illicites ; COCCIA, p. 27 ; Cf. supra, II.B.

72 Art. S3 et S20 Code TAS; REEB, p. 23.

73 Art. S20 Code TAS.

74 Art. 23 Règlement d’arbitrage de la Chambre anti-dopage du TAS.

75 Cf. supra, II.B.

76 Art. S6 (2) Code TAS.

77 A des fins académiques, les procédures de consultation, les procédures de médiation, les procédures ad hoc et les procédures anti-doping ne seront pas abordées. Pour plus de détails Cf. DAVANLOO, p. 159-163.

78 VALLONI/PACHMANN, p. 126 ; Pour plus de détails concernant la procédure Cf. DAVANLOO, p. 159-163.

79 Annexe, tableau statistiques TAS ; REILLY, p. 65.

80 Site TAS/arbitrage/liste des arbitres ; A toutes fins utiles, nous notons qu’il existe une liste spéciale d’arbitres spécialisés dans le football dont font parties 103 des 386 arbitres présents sur la liste générale.

81 Art. S13 Code TAS.

82 Art. S13 Code TAS ; REEB, p. 24.

83 Cf. supra, II.B.

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en matière d’arbitrage sportif et de sport en général84. Le CIO, les FI, les CNO, ainsi que les commissions d’athlètes du CIO, des FI et des CNO peuvent proposer des arbitres au CIAS85. Cette liste d’arbitres est fermée, l’arbitre doit y figurer pour être éligible à l’arbitrage devant le TAS86.

Le TAS met en place des Formations arbitrales tranchant les litiges, celles-ci sont constituées par un ou trois arbitres87. Si les parties ne trouvent pas un accord, le Président de la Chambre prendra la décision en se basant sur les circonstances du cas d’espèce88. Pour ce qui est du choix des arbitres en tant que tel, il faut distinguer la Formation arbitrale constituée d’un arbitre unique et celle composée de trois arbitres89. En ce qui concerne l’arbitre unique, le Président de la Chambre d’appel élit l’arbitre90. Concernant les trois arbitres, chaque partie choisit un arbitre dans un délai de 10 jours91. Le troisième, qui a la charge de Président de la Formation arbitrale, est choisi par le Président de la Chambre d’appel92. À noter que ce dernier doit valider les arbitres choisis par les parties pour qu’ils soient réputés nommer en bonne et due forme. Pour cela, les arbitres doivent répondre aux exigences de l’article R33 Code TAS93. Ce dernier impose à l’arbitre d’être impartial et indépendant et de révéler toute circonstance pouvant faire douter de cela94. Si de tels doutes surviennent, une partie peut demander la récusation d’un arbitre dans un délai de sept jours95.

D. Recours contre une décision du TAS

La formation arbitrale prend une décision à la majorité des voix dans un délai prolongeable de trois mois96. Elle peut revoir « les faits et le droit avec plein pouvoir d’examen »97. Donc, le

84 Art. S14 Code TAS ; GORBYLEV, p. 293.

85 Art. S14 Code TAS ; GORBYLEV, p. 293.

86 Art. R33 Code TAS ; COCCIA p. 44.

87 Art. S12 Code TAS ; DAVANLOO, p. 162.

88 Art. R50 Code TAS.

89 Art. R53 et R54 Code TAS.

90 Art. R54 Code TAS.

91 A noter que si le délai n’est pas respecté, alors le Président de la Chambre d’appel procède à la désignation ; Art. R54 Code TAS.

92 Art. R54 Code TAS ; BRÜGGEMANN, p.9.

93 Art. R54 Code TAS.

94 Ce point sera analysé en détail dans la partie IV.

95 Art. R34 Code TAS ; DAVANLOO, p. 157.

96 Art. R59 Code TAS ; VALLONI/PACHMANN, p. 129.

97 Art. R57 Code TAS ; VALLONI/PACHMANN, p. 130.

(14)

TAS peut rendre une nouvelle décision remplaçant celle qui a été attaquée ou l’annuler et renvoyer la cause à l’autorité précédente98.

Le siège du TAS étant à Lausanne, le recours contre une décision du TAS doit être adressé au TF, plus haute instance judiciaire en Suisse99. Il s’agit d’un recours en matière civile au sens de l’article 77 de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF)100. Les décisions du TAS ne peuvent être attaquées que selon un des griefs très limités exposés à l’article 190 al. 2 de la loi sur le droit international privé (LDIP)101. Nous retiendrons particulièrement l’article 190 al. 2 lettre a LDIP qui se caractérise par le fait qu’il est possible de recourir contre la décision si l’arbitre unique n’a pas été correctement désigné ou si le tribunal arbitral n’a pas été composé de manière idoine. Ce qui implique que le tribunal arbitral doit présenter des garanties d’indépendance et d’impartialité suffisantes et qu’à défaut, sa décision peut être sujette à recours102. Il est possible d’invoquer un tel grief de recours devant le TF, à condition que celui-ci n’ait pas pu être soulevé plus tôt au cours de la procédure103.

Le TF est lié dans sa prise de décision par les faits établis par l’autorité précédente, le TAS in casu104. Le TF ne peut pas prendre une décision à la place du TAS, il peut seulement annuler la décision et la renvoyer au TAS pour que ce dernier prenne une nouvelle décision, comme une Cour de cassation.105

Une critique peut être adressée au TF : le degré de diligence très élevé imposé aux athlètes afin de prouver un manque d’indépendance et d’impartialité d’un arbitre nous paraît excessif106.

Différentes affaires ont été soumises au TF en raison d’un manque d’indépendance et d’impartialité du TAS, les cas les plus célèbres seront traités ci-dessous107.

98 Art. R57 Code TAS.

99 Art. 191 Loi sur le Tribunal fédéral (LTF) ; RIGOZZI, Challenging, p. 218-220.

100 RIGOZZI,Challenging p. 218 ; RIGOZZI, Recours p. 221.

101 VALLONI/PACHMANN, p.134.

102 VALLONI/PACHMANN, p.135.

103 VALLONI/PACHMANN, p.135.

104 Art. 77 al. 2 et 105 al. 1 LTF.

105 VALLONI/PACHMANN, p. 141 ; art. 107 al. 2 LTF.

106 Pour plus de détails Cf. RIGOZZI, Challenging p. 239-242 ; DOWNIE, p.325-327.

107 Cf. infra, IV.C.

(15)

IV. Indépendance et impartialité du TAS

A. Principes généraux d’indépendance et impartialité

Les concepts d’indépendance et d’impartialité sont étroitement liés et peuvent faire l’objet d’une analyse conjointe. L’indépendance et l’impartialité sont les fondements mêmes du principe d’indépendance judiciaire. Ce principe implique que les juges ou les arbitres doivent être indépendants de toutes pressions ou influences extérieures et qu’ils doivent trancher une décision de la manière la plus impartiale possible108.

À teneur de l’art. 30 al. 1 Cst, « toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial ». L’article 6 CEDH prévoit les mêmes standards.

Selon le Tribunal fédéral, « une sentence arbitrale est assimilée à un jugement civil exécutoire dans toute la Suisse, à condition que le tribunal arbitral présente des garanties suffisantes d'indépendance »109.

Le TF a affirmé qu’il est possible de se référer aux lignes directrices prescrites par l’International Bar Association (IBA Guidelines on Conflicts of Interest in International Arbitration)110. Ces dernières mentionnent que « chaque arbitre doit être impartial et indépendant des parties au moment de l’acceptation de sa nomination en tant qu’arbitre et doit le rester jusqu’à ce que la sentence arbitrale finale ait été rendue ou qu’il soit autrement mis fin à la procédure »111. De plus, en ce qui concerne un éventuel conflit d’intérêts, « l’arbitre doit refuser sa nomination ou, si l’arbitrage a déjà commencé, refuser de continuer à siéger en tant qu’arbitre, si il/elle a un doute quelconque quant à sa capacité à être impartial ou indépendant »112.

De plus, il est possible de se référer au Bangalore Principles of Judicial Conduct pour apprécier l’indépendance et l’impartialité d’un organe judiciaire. Ces derniers ont pour but de favoriser un procès juste et équitable113.

108 VAITIEKUNAS, p. 85.

109 ATF 97 I 488, S.489.

110 Arrêt du Tribunal Fédéral 4A_506/2007, consid. 3.3.2.2. ; Arrêt du Tribunal Fédéral 4A_663/2018, consid.

3.1.

111 IBA Guidelines on conflits of Interest in International Arbitration 2014, Partie 1 (1).

112 IBA Guidelines on conflits of Interest in International Arbitration 2014, Partie 1 (2).

113 Site du Judicial Integrity Group.

(16)

Si l’on peut reprocher au TAS un manque d’indépendance et/ou d’impartialité, alors ce sont non seulement ces sentences qui sont remises en question, mais également la légitimité même d’un tel tribunal arbitral114.

B. Une indépendance autoproclamée (Statut et Code TAS)

Le CIAS a comme vocation principale de veiller à l’indépendance du TAS115. Lors de leur désignation, les membres du CIAS doivent signer une déclaration stipulant « qu’ils/elles exerceront leur fonction à titre personnel, en toute objectivité et indépendance, et en conformité avec les dispositions du présent Code. […] Les membres du CIAS ne peuvent figurer sur la liste des arbitres ou des médiateurs du TAS, ni agir comme conseil d’une partie dans une procédure devant le TAS »116. Un membre du CIAS peut être récusé si des doutes légitimes viennent remettre en cause son indépendance117.

En ce qui concerne les arbitres du TAS, ils doivent rester indépendants, impartiaux et ont l’obligation de communiquer toutes situations ou éventualités pouvant discréditer leur indépendance118.

De plus, lors de leur nomination, ils ont l’obligation de signer la même déclaration que les membres du CIAS119. Ce qui implique « il semblerait qu'il s'agisse d'un article de foi selon lequel on peut faire confiance aux juges du TAS pour être à la fois autorégulateurs et impartiaux »120.

Cependant, cela n’a pas empêché que l’indépendance du TAS soit contestée à plusieurs reprises.

114 DOWNIE, p. 320.

115 Art. S2 Code TAS ; VAITIEKUNAS, p. 139.

116 Art. S5 Code TAS.

117 Art. S11 Code TAS ; VAITIEKUNAS, p. 156.

118 Art. R33 Code TAS.

119 Art. S18 Code TAS.

120 LENSKYJ, p. 10, traduction libre de l’anglais.

(17)

C. Une indépendance critiquée depuis le départ 1. Affaire Gundel

L’indépendance du TAS a été remise en cause pour la première fois en 1993 par le cavalier allemand Elmar Gundel lorsqu’il attaqua le jugement du TAS devant le TF en invoquant un manque d’indépendance et d’impartialité du TAS vis-à-vis de la FEI et du CIO121. La plus grosse critique qui pouvait être effectuée à l’époque concernait les liens trop étroits entre le TAS et le CIO. Le TAS pouvait être considéré comme le « petit frère du CIO plutôt qu’un tribunal indépendant »122.

En effet, de 1984 à 1990, le TAS était composé de 40 membres : 20 étaient nommés par le CIO (10 par son président et 10 par le CIO lui-même), les membres restants étaient élus par les FI et les CNO dans la même proportion123. À noter qu’en 1990, le nombre d’arbitres a augmenté à 60, ils sont nommés selon les mêmes proportions124. De plus, le président du CIO était également le président honoraire du TAS et élisait le président exécutif du TAS125. En outre, le CIO finançait la totalité du TAS et était habilité à modifier les statuts du TAS126. Nous pouvons considérer que dans sa conception originelle, le TAS pouvait être perçu comme

« une sorte d’organe judiciaire au sein même du CIO, car ce dernier exerce un contrôle politique et financier sur le premier »127. Ce qui est naturellement totalement incompatible avec l’essence même du concept de tribunal indépendant.

Lors de l’arrêt Gundel le 15 mars 1993, le TF affirma que le TAS est indépendant de la FEI pour deux principales raisons : le TAS n’est pas un organe de la FEI et il ne reçoit pas d’instruction de cette dernière128. Cependant, en ce qui concerne les liens avec le CIO, le TF exprima certains doutes. En effet, le TF souligna les liens organiques et financiers entre le CIO et le TAS129. Ce qui pouvait engendrer un manque d’indépendance en cas de conflit entre ces derniers130. C’est pour cela que le TF recommanda d’améliorer l’indépendance du TAS

121 Cf. supra, II.A.

122 ETTINGER, p. 112.

123 MBAYE, p. 414.

124Art. 7 Statuts du TAS (version 1991) ; REEB, p. 23 ; GORBYLEV, p. 295.

125 MBAYE, p. 413.

126 Art. 6, 71 et 75 Statut du TAS (version 1991) ; ETTINGER, p. 112-113.

127 CASINI, p. 1322, traduction libre de l’anglais.

128 ATF 119 II 271, S. 279-280 ; MCLAREN, P.307.

129 ATF 119 II 271, S. 280 ; REEB, p. 23.

130 ATF 119 II 271, S. 279 ; VALLONI/PACHMANN, p. 138.

(18)

par rapport au CIO tout en affirmant que le TAS constituait un « véritable tribunal arbitral »131.

Le 21 juin 1993, le CIO réagit à l’arrêt Gundel et décida, en accord avec l’ASOIF, que le TAS devait s’affranchir de la tutelle du CIO132. Le 22 juin 1994 fut signée la Convention de Paris.

La création du CIAS fut la pierre angulaire de l’émancipation du TAS vis-à-vis du CIO. La raison d’être du CIAS est d’assurer la gestion et le financement du TAS, fonctions qui étaient exercées par le CIO auparavant133. Le but d’une telle manœuvre était d’instituer le TAS en tant qu’autorité indépendante du contrôle direct du CIO134.

2. Affaire Lazutina

L’indépendance du TAS est une nouvelle fois remise en question dans l’affaire Lazutina135. En 2003, deux athlètes avaient été exclues par leur fédération des Jeux olympiques d’hiver de 2002 en raison de dopage136. Le TAS leur donnant tort, elles décidèrent de recourir au TF.

Leur grief principal était le manque d’indépendance du TAS par rapport au CIO137. Le TF a affirmé que certes, le TAS n’est pas parfait, mais il est érigé en tant que pilier du sport organisé et assure des garanties suffisantes d’impartialité et d’indépendance par rapport aux CIO et aux autres organisations sportives138. Cet arrêt permit d’asseoir davantage l’indépendance du TAS. En effet, si dans l’arrêt Gundel le TF doutait de l’indépendance du TAS en cas de conflits avec le CIO, dans cet arrêt Lazutina tout doute est levé : le TAS est un tribunal indépendant quand bien même le CIO est partie à la procédure139.

De plus, en analysant une partie des jugements du TAS impliquant le CIO, nous nous apercevons que le TAS a donné tort au CIO à plusieurs reprises, ce qui conforte l’indépendance du TAS à son égard de manière plutôt convaincante140.

La question de l’indépendance du TAS semblait être réglée pour de bon, cependant l’affaire Pechstein a ravivé le débat.

131 ATF 119 II 271, S. 280.

132 Cf. supra II.B.

133 Art. S6 Code TAS; GORBYLEV, p. 296.

134 VALLONI/PACHMANN, p. 139.

135 ATF 129 III 445.

136 EHLE/TATTEVIN, p. 6.

137 DOWNIE, p. 323.

138 ATF 129 III 445, S. 463.

139 EHLE/TATTEVIN,p.6.

140 MCLAREN,p. 316-322 et p. 333.

(19)

3. Affaire Pechstein

Claudia Pechstein est une patineuse ayant gagné différentes médailles et fut suspendue pendant 2 ans en 2009 en raison d’un probable dopage par l’International Skating Union (ISU)141. Le TAS confirma cette décision, Pechstein décida de recourir au TF en invoquant un manque d’indépendance et d’impartialité du TAS en raison de la façon dont sont désignés les arbitres ainsi que de la violation de l’art. 6 de la CEDH142. Cet article prévoit, entre autres, la possibilité d’avoir une audience publique.

En février 2010, le TF conclut que la contestation de la décision du TAS n’est pas justifiée et que le recours au TF est donc rejeté143. Le TF affirme que le TAS est un véritable tribunal arbitral ne souffrant pas de problèmes d’indépendance et que l’art. 6 CEDH ne s’applique pas aux procédures d’arbitrage volontaire144.

Ne s’avouant pas vaincu, Pechstein décida de recourir à la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH)145. Cette dernière, dans son arrêt du 2 octobre 2018, affirma que les garanties procédurales de l’art. 6 CEDH s’appliquent pleinement en cas d’arbitrage forcé146. Par conséquent, dans son arrêt la CourEDH a analysé, entre autres, l’indépendance et l’impartialité du TAS. Il en résulte que les organisations sportives exercent une réelle influence concernant la désignation des arbitres, cependant, « cette seule influence ne suffit pas pour conclure que les arbitres sont dépendants ou partiaux vis-à-vis de ces organisations »147. À noter que deux juges de la CourEDH parmi les sept qui siégeaient dans cette affaire ont donné une opinion dissidente sur le sujet. En effet, ils estiment que le TAS n’est pas indépendant en raison de l’influence des organisations sportives dans la désignation des arbitres148.

En ce qui concerne le caractère public de l’audience, la CourEDH affirma que les audiences doivent être publiques, à moins que les circonstances de l’affaire le justifient149. In casu,

141 BRÜGGEMANN, p. 27.

142 Arbitration CAS 2009/A/1912 P. v. International Skating Union (ISU) & CAS 2009/A/1913 Deutsche Eisschnelllauf Gemeinschaft e.V. (DESG) v. International Skating Union (ISU), award of 25 November 2009 § 144 ; HIRSCH,Le Tribunal arbitral du sport et l’art. 6 CEDH, p. 1.

143 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_612/2009 consid. 7 ; BRÜGGEMANN, p. 28.

144 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_612/2009 consid. 3.1.3 et consid. 4.1.

145 Affaire Mutu et Pechstein c. Suisse, Requêtes nos 40575/10 et 67474/10.

146 VASSINE,p. 90 ; MARGUENAUD, p. 852 ; Cf. supra II.B et IV.A.

147 HIRSCH,Le Tribunal arbitral du sport et l’art. 6 CEDH, p. 2 ; VASSINE,p. 90.

148MARGUENAUD, p. 853-854 ; LATTY, le TAS marque des points devant la CEDH, p. 35-36.

149 LATTY, Le TAS marque des points devant la CEDH, p. 32-33.

(20)

l’audience à huis clos ne se justifiait pas150. Pechstein ne s’arrêta pas là et demanda le renvoi de l’affaire à la Grande Chambre de la CourEDH. La CourEDH rejeta la demande de Pechstein, l’arrêt de la CourEDH du 2 octobre 2018 devint donc définitif et exécutoire151.

À toutes fins utiles, nous précisons que Pechstein a également introduit une action en dommages et intérêts contre l’ISU et contre la Fédération allemande de patinage de vitesse devant la Cour régionale de Munich152. Cette dernière lui donnant partiellement tort, elle fit recours contre la décision devant la Haute Cour régionale de Munich153. L’affaire finit devant la Cour suprême fédérale allemande (Bundesgrichtshof) en 2016 et celle-ci déclara également que le TAS est un véritable tribunal arbitral garantissant un procès équitable154.

Par conséquent, l’indépendance et l’impartialité du TAS ont été confirmées non seulement par le TF, mais aussi par la CourEDH et le Bundesgrichtshof. Cependant, nous pouvons tout de même adresser quelques critiques à cet égard.

D. Critiques actuelles sur l’indépendance et l’impartialité du TAS 1. Nomination des membres du CIAS

Les vingt membres du CIAS sont nommés en suivant la clé de répartition susmentionnée155. La première critique est que les vingt membres du CIAS sont élus directement ou indirectement par les FI, par le CIO et par l’ACNO, 12 sont désignés directement par les institutions sportives et les 8 autres sont cooptés par les 12 membres déjà en place156. De plus, les organismes sportifs peuvent désigner comme membre du CIAS un de leurs membres ou un de leurs représentants ou une personne externe, ce qui peut engendrer des conflits d’intérêts157.

Si l’on regarde la liste des membres du CIAS de 2019-2022, on s’aperçoit que plusieurs membres font ou ont fait partie plus ou moins directement d’une FI, du CIO, de l’ACNO et/ou d’une CNO. En effet, un membre du CIAS fait partie de l’ACNO et d’une FI, cinq autres sont

150 HIRSCH,Le Tribunal arbitral du sport et l’art. 6 CEDH, p. 2.

151 Communication aux médias du TAS : La Cour Européenne des droits de l’homme rejette la demande de Claudia Pechstein de renvoyer son affaire devant la Grande Chambre de la CEDH.

152 BRÜGGEMANN, p. 28.

153 BRÜGGEMANN, p. 29.

154 BRÜGGEMANN, p. 30-31.

155 Cf. supra, III.C.1 ; La liste des membres du CIAS est disponible sur le site du TAS.

156 MAISONNEUVE 2019II,p. 913.

157 VAITIEKUNAS, p. 142 et p. 146.

(21)

en lien avec une FI, deux autres sont affiliés à une CNO. Enfin, quatre autres sont membres du CIO (l’un d’eux est également membre d’une FI et un autre est également membre d’une CNO et d’une FI)158. À noter que sur les 20 membres, 13 sont en lien direct avec les organismes sportifs et sept seulement sont indépendants.

Pour cette raison, nous rejoignons l’opinion de VATIEKUNAS, « le pouvoir et l’influence qu’exercent les principaux organismes sportifs dans la composition du CIAS et le fait qu’ils sont susceptibles de partager des intérêts communs tend à nous montrer qu’à la fin des comptes, le CIAS n’est pas si indépendant de ces organismes »159. L’opinion de BRÜGGEMANN mérite également d’être soulevée : « Il faut garder à l’esprit que le TAS n’est plus sous la tutelle du CIO, mais que la composition et la structure du TAS favorisent les intérêts communs des organisations sportives et des fédérations en général »160.

De plus, un membre du CIAS pourrait se sentir redevable envers l’organisme qui l’a élu161. Ce qui pose inévitablement des problèmes d’indépendance et d’impartialité.

Pour finir, quatre membres du CIAS sont élus par les organismes sportifs en tenant compte des intérêts des athlètes, cependant il est fort dommageable que les sportifs eux-mêmes ne puissent pas élire certains membres du CIAS162. Ce qui crée un désavantage des athlètes par rapport à ces organismes, en sachant que les athlètes sont déjà dans une position de faiblesse vis-à-vis d’eux163. En outre, en ce qui concerne l’élection du Président et des Vice-présidents du CIAS, ils sont élus après consultation du CIO, de l’ASOIF, de l’AIOWF et de l’ACNO164. Encore une fois, l’avis des athlètes n’est pas pris en compte.

2. Nomination des arbitres du TAS

Les membres du CIAS élisent les arbitres présents sur la liste du TAS pour une période de quatre ans165. Dès 2012, les membres du CIAS ne sont plus liés par la clé de répartition susmentionnée pour élire les arbitres du TAS. Les FI, les CNO, le CIO et les commissions

158 Site du TAS/Liste des membres CIAS ; Un auteur avait fait déjà fait cette analyse avec les membres du CIAS en 2013, voir VAITIEKUNAS, p. 143-145.

159 VAITIEKUNAS, p. 145-146, traduction libre de l’anglais.

160 BRÜGGEMANN, p. 15, traduction libre de l’anglais.

161 VAITIEKUNAS, p. 146.

162 VAITIEKUNAS, p. 146.

163 LATTY, le TAS marque des points devant la CEDH, p. 36 ; LENSKYJ,p.11.

164 Art. S6 (2) Code TAS.

165 Cf. supra, III.C.1.

(22)

d’athlètes peuvent proposer des noms au CIAS en vue de la désignation des arbitres166. Selon VAITIEKUNAS, « cela n’empêche toutefois pas les instances dirigeantes olympiques de faire pression sur le CIAS pour qu'il sélectionne leurs candidats en vue de la nomination des arbitres »167.

Comme mentionné ci-dessus, les arbitres du TAS sont désignés par les membres du CIAS qui sont eux-mêmes nommés par les principaux organismes sportifs168. Selon la Cour d’appel de Munich dans l’affaire Pechstein : « ces dispositions relatives à la sélection des potentiels arbitres du TAS favorisent les institutions sportives dans le règlement des litiges les opposants aux athlètes, et donc créent un déséquilibre structurel qui menace l’impartialité du TAS »169. Il y a le risque que ce « mode d’inscription sur la liste des arbitres du TAS fasse craindre une communauté d’esprit avec les institutions sportives »170. Les arbitres risquent donc d’être plus sensibles aux intérêts des institutions sportives qu’à ceux des athlètes. Selon MAISONNEUVE,

« tout cela n’est évidemment pas certain. C’est néanmoins parfaitement plausible et cette simple possibilité est en elle-même condamnable »171.

En outre, tout comme les membres du CIAS, un arbitre désigné sur la liste du TAS peut se sentir redevable envers la personne qui l’a élu172. Ce qui peut créer des doutes quant à leur indépendance et à leur impartialité

3. Le problème de la liste fermée des arbitres du TAS

Le TF dans l’arrêt Lazutina a affirmé que le système de liste fermée n’est pas en soi illégal selon le droit suisse, mais celui-ci restreint le choix des parties et peut, suivant les circonstances, porter préjudice à l’égalité des parties173. De plus, toujours selon le TF, il faut tenir compte de l’influence éventuelle, d’une partie, sur la composition de la liste d’arbitres174.

Le TF a justifié l’utilisation de la liste fermée en affirmant que celle-ci était nécessaire afin d’avoir des arbitres spécialisés ayant une formation juridique appropriée, dans le domaine du

166 Cf. supra, II.B.

167 VAITIEKUNAS, p. 145-146, traduction libre de l’anglais.

168 Cf. supra, IV.D.1.

169 Oberlandesgericht München, Claudia Pechstein c/ International skating union (ISU), 15 janvier 2015, Az. U 1110/14 Kart §104 ; MAISONNEUVE 2019II,p. 913.

170 MAISONNEUVE 2019II,p. 915, traduction libre de l’anglais.

171 MAISONNEUVE 2019II,p. 915, traduction libre de l’anglais.

172 VAITIEKUNAS,p. 151.

173 ATF 129 III 445, S. 457-456.

174 ATF 129 III 445, S. 457-456.

(23)

sport et dans le but d’assurer la constance des décisions rendues par le TAS175. Un contre- argument intéressant peut être soulevé. En effet, un juge ordinaire, contrairement à un spécialiste, est moins susceptible d’être influencé en raison de ses connaissances antérieures offrant ainsi un forum où les deux parties peuvent « éduquer » l’arbitre176.

D’autres institutions arbitrales mondialement reconnues n’utilisent pas le système des listes fermées. Si l’on prend le cas de la procédure d’arbitrage devant l’International Centre for Settlement of Investment Disputes (ICSID), on s’aperçoit qu’il y a bel et bien une liste d’arbitres, mais que celle-ci est ouverte177. Les arbitres externes doivent simplement remplir les conditions suivantes : il faut qu’il s’agisse d’une personne avec une haute moralité et compétente dans le domaine du droit, du commerce, de l’industrie et/ou des finances, à qui l’on peut faire confiance pour exercer un jugement indépendant178. Ce qui implique qu’une partie peut proposer un arbitre extérieur à la liste. Il en est de même pour l’arbitrage devant l’International Chamber of Commerce (ICC)179.

4. Financement du TAS

Depuis l’instauration du CIAS en 1994, le TAS n’est plus entièrement financé par le CIO, mais par le CIO, l’ACNO ainsi que par l’AIWF et l’ASOIF conjointement à raison d’un tiers chacun180.

Le TF a affirmé dans l’affaire Lazutina qu’en considérant la structure pyramidale du sport, il ne pouvait envisager d’autres alternatives concernant le financement du TAS. Les athlètes étaient moins aptes à contribuer à son financement que les organismes sportifs181. Le TF va même plus loin en faisant une comparaison avec une cour étatique. En effet, cette dernière est totalement financée par l’État, pourtant son indépendance n’est jamais remise en question lors que l’État est partie à une procédure182. Selon le TF, il devrait en être de même pour le CIO.

175 GORBYLEV, p. 296 ; MITTEN,p.24 ;ATF129III445,S.467.

176 LENSKYJ, p. 10.

177 Art. 40 ICSID Convention.

178 Art. 14 et 40 ICSID Convention.

179 Art. 12 et 13 ICC Rules of Arbitration.

180 Art. 3 Convention de Paris ; VAITIEKUNAS, p. 165.

181 ATF 129 III 445, S. 460.

182 ATF 129 III 445, S. 461 ; La CourEDH suit le même raisonnement dans l’Affaire Mutu et Pechstein c. Suisse, Requêtes nos 40575/10 et 67474/10 § 151.

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