Enoncé D1851 (Diophante) L’orthocentre prend sa place
Pour un point P quelconque d’un triangle acutangle ABC, on suppose seulement connues les distancesP A,P B,P C aux trois sommets ainsi que les distances P A0,P B0,P C0 aux trois côtés (A0,B0,C0 désignant les pro- jections orthogonales de P sur les trois côtés).
Les principaux points remarquables du triangle réalisent le minimum d’une fonction n’utilisant que ces 6 distances. Ainsi par exemple :
– Le centre de gravité, intersection des médianes, réalise le minimum sur le triangle de la fonction Fg(P) =P A2+P B2+P C2.
– Le centre du cercle inscrit, intersection des bissectrices, réalise le mini- mum sur le triangle de la fonction Fci(P) = max(P A0, P B0, P C0).
– Le centre du cercle circonscrit, intersection des médiatrices, réalise le minimum sur le triangle de la fonction Fcc(P) =max(P A, P B, P C).
– Le point de Fermat-Torricelli est le point du triangle qui minimise la fonc- tion Ff t(P) =P A+P B+P C; c’est la définition-même qu’en a donnée Pierre de Fermat (1636). Evangelista Torricelli a montré peu après (1640), en réponse à Fermat, qu’il se trouve à l’intersection des trois cercles cir- conscrits aux triangles équilatéraux construits extérieurement sur les côtés du triangle.
– Le point de Lemoine, intersection des symédianes (les droites symé- triques de la médiane par rapport à la bissectrice), réalise le minimum sur le triangle de la fonction Fl(P) =P A02+P B02+P C02.
Qu’en est-il de l’orthocentre, intersection des hauteurs ? Trouver une (ou plusieurs) fonctions n’impliquant que ces 6 distances, dont le minimum sur le triangle coïncide avec l’orthocentre
Solution de Jean Moreau de Saint-Martin
Comme le montrent les exemples des centres des cercles circonscrit ou inscrit, le minimum d’un maximum (minP maxA,B,C) est un moyen efficace de réaliser l’égalité de 3 mesures par rapport aux 3 sommets ou 3 côtés du triangle.
A cet égard, quandP est l’orthocentre, on a
P A.P A0 =P B.P B0 =P C.P C0 = 4R2cosAcosBcosC.
Je vais donc partitionner le triangle selon l’ordre des quantités P A.P A0, P B.P B0, P C.P C0.
Je travaille en coordonnées barycentriquesP(x, y, z) de baseA, B, C. Les côtés ont pour longueurBC = a, CA = b, AB = c, l’aire est S, le cercle circonscrit a O pour centre etR pour rayon.
P A0 est la hauteur issue de P dans le rriangle P BC d’aire Sx; 2R.P A0 = 2R.2Sx/a=bcx.
VectoriellementAP =yAB+zAC, d’où P A2=c2y2+b2z2+ (b2+c2−a2)yz, puis
(2R.P A.P A0)2 =b2c2x2(c2y2+b2z2+ (b2+c2−a2)yz).
on a de même (2R.P B.P B0)2 =c2a2y2(a2z2+c2x2+ (c2+a2−b2)zx), et (2R.P C.P C0)2=a2b2z2(b2x2+a2y2+ (a2+b2−c2)xy).
La différence (2R.P B.P B0)2−(2R.P C.P C0)2 se factorise en a2(a2yz+b2zx+c2xy)·((c2−b2)yz−b2zx+c2xy).
Le premier facteur vaut R2 −OP2, et est positif à l’intérieur du cercle circonscrit.
Le second facteur s’annule sur la courbe rouge de la page suivante ; l’équa- tion (c2−b2)yz−b2zx+c2xy = 0 est satisfaite parA, B, C, par le symé- triqueA00(−1,1,1) deApar rapport au milieu deBC, et par l’orthocentre H. Cette conique est, dans le faisceau d’hyperboles équilatères passant par A, B, C, H, celle qui passe parA00.
Dans le triangle, cette courbe sépare la partie où P C.P C0 < P B.P B0 (à gauche, car P C0 = 0 sur AB) et la partie où P C.P C0 > P B.P B0 (à droite).
L’hyperbole bleue AHBCB00 sépare de même la partie où P C.P C0 <
P A.P A0 (à gauche) et la partie où P C.P C0 > P A.P A0 (à droite).
Enfin, l’hyperbole verteAHCBC00sépare la partie oùP A.P A0 < P B.P B0 (à gauche) et la partie où P A.P A0 > P B.P B0 (à droite).
Examinons comment une marche d’optimisation peut conduire à H; par- tant par exemple d’un point de BC, où P A0 etP A.P A0 sont nuls, cette marche doit nous éloigner de BC dans le triangle curviligne HBC où P A.P A0 < P B.P B0 < P C.P C0. On va ainsi augmenter P A.P A0; si l’on atteint l’arc BH de la courbe rouge, on peut le suivre avec P A.P A0 <
P B.P B0 = P C.P C0 jusqu’en H; on peut aussi le dépasser jusqu’à at- teindre la courbe bleue, mais au-delà de celle-ci on aP C.P C0 < P A.P A0 <
P B.P B0, et la maximisation de P A.P A0 ne conduit plus à H. De même si l’on atteint la courbe verte, qu’il vaut mieux suivre que traverser.
On voit ainsi que la marche conduisant P à H consiste à maximiser min(P A.P A0, P B.P B0, P C.P C0).
L’énoncé demandant une fonction à minimiser, je propose donc la fonction (négative, s’annulant sur les côtés du triangle)
Fo=−min(P A.P A0, P B.P B0, P C.P C0) =
= max(−P A.P A0,−P B.P B0,−P C.P C0).