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VALÈRE. Oui, Monsieur, je crois que vous serez satisfait: et nous vous avons amené le plus grand médecin du monde.

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Academic year: 2022

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ACTE II, SCÈNE PREMIÈRE

GÉRONTE, VALÈRE, LUCAS, JACQUELINE.

VALÈRE.— Oui, Monsieur, je crois que vous serez satisfait: et nous vous avons amené le plus grand médecin du monde.

LUCAS.— Oh morguenne, il faut tirer l'échelle après ceti-là: et tous les autres, ne sont pas daignes de li déchausser ses souillez.

VALÈRE.— C'est un homme qui a fait des cures merveilleuses.

LUCAS.— Qui a gari des gens qui estiant morts.

VALÈRE.— Il est un peu capricieux, comme je vous ai dit: et parfois, il a des moments où son esprit s'échappe, et ne paraît pas ce qu'il est.

LUCAS.— Oui, il aime à bouffonner, et l'an dirait par fois, ne v's en déplaise qu'il a quelque petit coup de hache à la tête51.

VALÈRE.— Mais dans le fond, il est toute science: et bien souvent, il dit des choses tout à fait relevées.

LUCAS.— Quand il s'y boute52, il parle tout fin drait, comme s'il lisait dans un livre.

VALÈRE.— Sa réputation s'est déjà répandue ici: et tout le monde vient à lui.

GÉRONTE.— Je meurs d'envie de le voir, faites-le-moi vite venir.

VALÈRE.— Je le vais quérir.

JACQUELINE.— Par ma fi, Monsieu, ceti-ci fera justement ce qu'ant fait les autres. Je pense que ce sera queussi queumi53: et la meilleure médeçaine, que l'an pourrait bailler à votre fille, ce serait, selon moi, un biau et bon mari, pour qui elle eût de l'amiquié.

GÉRONTE.— Ouais, nourrice, ma mie, vous vous mêlez de bien des choses.

LUCAS.— Taisez-vous, notre ménagère54 Jaquelaine: ce n'est pas à vous, à bouter là votre nez.

JACQUELINE.— Je vous dis et vous douze55, que tous ces médecins n'y feront rian que de l'iau claire56, que votre fille a besoin d'autre chose, que de ribarbe, et de sené, et qu'un mari est un emplâtre qui garit tous les maux des filles.

GÉRONTE.— Est-elle en état, maintenant, qu'on s'en voulût charger, avec l'infirmité qu'elle a? Et lorsque j'ai été dans le dessein de la marier, ne s'est-elle pas opposée à mes volontés?

JACQUELINE.— Je le crois bian, vous li vouilliez bailler cun homme57 qu'alle n'aime point.

Que ne preniais-vous ce Monsieu Liandre, qui li touchait au cœur? Alle aurait été fort

51 Quelque petit coup de hache à la tête: on dirait aujourd'hui: «il est un peu tapé!»

52 Quand il s'y boute: quand il s'y met.

53 Queussi queumi: tout à fait de même.

54 Ménagère: femme, épouse.

55 Je vous dis et vous douze: jeu de mots campagnard destiné à renforcer l'affirmation avancée.

56 N'y feront rian que de l'iau claire: n'arriveront à rien (cf. L'Étourdi, III, 1, vers 919-920).

57 VAR. Vous li vouilliez bailler eun homme. (1682). (La graphie cun est employée pour qu'un, avec omission de la négation ne: vous ne li vouilliez bailler qu'un homme…).

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obéissante: et je m'en vas gager qu'il la prendrait li, comme alle est, si vous la li vouillais donner.

GÉRONTE.— Ce Léandre n'est pas ce qu'il lui faut: il n'a pas du bien comme l'autre.

JACQUELINE.— Il a un oncle qui est si riche, dont il est hériquié.

GÉRONTE.— Tous ces biens à venir, me semblent autant de chansons. Il n'est rien tel que ce qu'on tient: et l'on court grand risque de s'abuser, lorsque l'on compte sur le bien qu'un autre vous garde. La mort n'a pas toujours les oreilles ouvertes aux vœux et aux prières de Messieurs les héritiers: et l'on a le temps d'avoir les dents longues58, lorsqu'on attend, pour vivre, le trépas de quelqu'un.

JACQUELINE.— Enfin, j'ai, toujours, ouï dire, qu'en mariage, comme ailleurs, contentement passe richesse. Les pères et les mères ant cette maudite couteume, de demander toujours,

«Qu'a-t-il?» et: «Qu'a-t-elle?» et le compère Biarre59, a marié sa fille Simonette, au gros Thomas, pour un quarquié de vaigne qu'il avait davantage que le jeune Robin, où alle avait bouté son amiquié: et velà que la pauvre creiature en est devenue jaune comme un coing, et n'a point profité tout depuis ce temps-là. C'est un bel exemple pour vous, Monsieu; on n'a que son plaisir en ce monde: et j'aimerais mieux, bailler à ma fille, eun bon mari qui li fût agriable, que toutes les rentes de la Biausse.

GÉRONTE.— Peste! Madame la nourrice, comme vous dégoisez! Taisez-vous, je vous prie, vous prenez trop de soin, et vous échauffez votre lait.

LUCAS. En disant ceci, il frappe sur la poitrine à Géronte60.— Morgué, tais-toi, T'es cune impartinante61. Monsieu n'a que faire de tes discours, et il sait ce qu'il a à faire. Mêle-toi de donner à téter à ton enfant, sans tant faire la raisonneuse. Monsieu est le père de sa fille; et il est bon et sage, pour voir ce qu'il faut.

GÉRONTE.— Tout doux, oh, tout doux.

LUCAS.— Monsieu, je veux un peu la mortifier: et li apprendre le respect qu'alle vous doit.

GÉRONTE.— Oui, mais ces gestes ne sont pas nécessaires.

SCÈNE II

VALÈRE, SGANARELLE, GÉRONTE, LUCAS, JACQUELINE.

VALÈRE.— Monsieur préparez-vous, voici notre médecin qui entre.

GÉRONTE.— Monsieur, je suis ravi de vous voir chez moi: et nous avons grand besoin de vous.

SGANARELLE, en robe de médecin, avec un chapeau des plus pointus.— Hippocrate dit…

que nous nous couvrions tous deux.

GÉRONTE.— Hippocrate dit cela?

SGANARELLE.— Oui.

GÉRONTE.— Dans quel chapitre, s'il vous plaît?

58 Avoir les dents longues: avoir faim.

59 VAR. Et le compère Pierre. (1682).

60 VAR. En disant ceci, il frappe sur la poitrine de Géronte. (1682).

61 VAR. T'es eune impartinante. (1682). (Tu n'es qu'une impertinente.)

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SGANARELLE.— Dans son chapitre des chapeaux62. GÉRONTE.— Puisque Hippocrate le dit, il le faut faire.

SGANARELLE.— Monsieur le médecin, ayant appris les merveilleuses choses…

GÉRONTE.— À qui parlez-vous, de grâce?

SGANARELLE.— À vous.

GÉRONTE.— Je ne suis pas médecin.

SGANARELLE.— Vous n'êtes pas médecin?

GÉRONTE.— Non vraiment.

SGANARELLE. Il prend ici un bâton, et le bat, comme on l'a battu.— Tout de bon?

GÉRONTE.— Tout de bon. Ah! ah! ah!

SGANARELLE.— Vous êtes médecin, maintenant, je n'ai jamais eu d'autres licences63. GÉRONTE.— Quel diable d'homme m'avez-vous là amené?

VALÈRE.— Je vous ai bien dit que c'était un médecin goguenard.

GÉRONTE.— Oui, mais je l'enverrais promener avec ses goguenarderies.

LUCAS.— Ne prenez pas garde à ça, Monsieu, ce n'est que pour rire.

GÉRONTE.— Cette raillerie ne me plaît pas.

SGANARELLE.— Monsieur, je vous demande pardon de la liberté que j'ai prise.

GÉRONTE.— Monsieur, je suis votre serviteur.

SGANARELLE.— Je suis fâché…

GÉRONTE.— Cela n'est rien.

SGANARELLE.— Des coups de bâton…

GÉRONTE.— Il n'y a pas de mal.

SGANARELLE.— Que j'ai eu l'honneur de vous donner.

GÉRONTE.— Ne parlons plus de cela. Monsieur, j'ai une fille qui est tombée dans une étrange maladie.

SGANARELLE.— Je suis ravi, Monsieur, que votre fille ait besoin de moi: et je souhaiterais de tout mon cœur, que vous en eussiez besoin, aussi, vous et toute votre famille, pour vous témoigner l'envie que j'ai de vous servir.

GÉRONTE.— Je vous suis obligé de ces sentiments.

62 VAR. Dans son chapitre… des chapeaux. (1682)

63 D'autres licences: d'autres titres à exercer la médecine. La licence (on mettait souvent le mot au pluriel) donnait pleinement le droit d'exercer la médecine. Le titre de docteur en médecine ouvrait l'accès à des honneurs et à des responsabilités essentiellement universitaires.

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SGANARELLE.— Je vous assure que c'est du meilleur de mon âme, que je vous parle.

GÉRONTE.— C'est trop d'honneur que vous me faites.

SGANARELLE.— Comment s'appelle votre fille?

GÉRONTE.— Lucinde.

SGANARELLE.— Lucinde! Ah beau nom à médicamenter! Lucinde!

GÉRONTE.— Je m'en vais voir un peu ce qu'elle fait.

SGANARELLE.— Qui est cette grande femme-là?

GÉRONTE.— C'est la nourrice d'un petit enfant que j'ai.

SGANARELLE.— Peste! le joli meuble que voilà. Ah nourrice, charmante nourrice, ma médecine est la très humble esclave de votre nourricerie; et je voudrais bien être le petit poupon fortuné, qui tétât le lait de vos bonnes grâces (Il lui porte la main sur le sein). Tous mes remèdes; toute ma science, toute ma capacité est à votre service, et…

LUCAS.— Avec votte parmission, Monsieu le Médecin, laissez là ma femme, je vous prie.

SGANARELLE.— Quoi, est-elle votre femme?

LUCAS.— Oui.

SGANARELLE. Il fait semblant d'embrasser Lucas: et se tournant du côté de la nourrice, il l'embrasse.— Ah vraiment, je ne savais pas cela: et je m'en réjouis pour l'amour de l'un et de l'autre.

LUCAS, en le tirant.— Tout doucement, s'il vous plaît.

SGANARELLE.— Je vous assure, que je suis ravi que vous soyez unis ensemble (Il fait encore semblant d'embrasser Lucas: et passant dessous ses bras, se jette au cou de sa femme). Je la félicite d'avoir un mari comme vous: et je vous félicite vous, d'avoir une femme si belle, si sage, et si bien faite, comme elle est.

LUCAS, en le tirant encore.— Eh testigué, point tant de compliments, je vous supplie.

SGANARELLE.— Ne voulez-vous pas que je me réjouisse avec vous, d'un si bel assemblage?

LUCAS.— Avec moi, tant qu'il vous plaira: mais avec ma femme, trêve de sarimonie.

SGANARELLE.— Je prends part, également, au bonheur de tous deux (Il continue le même jeu): et si je vous embrasse pour vous en témoigner64 ma joie, je l'embrasse de même, pour lui en témoigner aussi.

LUCAS, en le tirant derechef.— Ah vartigué, Monsieu le Médecin, que de lantiponages65.

SCÈNE III

SGANARELLE, GÉRONTE, LUCAS, JACQUELINE.

GÉRONTE.— Monsieur, voici tout à l'heure66, ma fille qu'on va vous amener.

64 VAR. pour vous témoigner (1682).

65 Lantiponages: lenteurs, simagrées.

66

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SGANARELLE.— Je l'attends, Monsieur, avec toute la médecine.

GÉRONTE.— Où est-elle?

SGANARELLE, se touchant le front.— Là-dedans.

GÉRONTE.— Fort bien.

SGANARELLE, en voulant toucher les tétons de la nourrice.— Mais, comme je m'intéresse à toute votre famille, il faut que j'essaye un peu le lait de votre nourrice: et que je visite son sein.

LUCAS, le tirant, et lui faisant faire la pirouette.— Nanain, nanain, je n'avons que faire de ça.

SGANARELLE.— C'est l'office du médecin, de voir les tétons des nourrices.

LUCAS.— Il gnia office qui quienne, je sis votte sarviteur.

SGANARELLE.— As-tu bien la hardiesse de t'opposer au médecin? Hors de là.

LUCAS.— Je me moque de ça.

SGANARELLE, en le regardant de travers.— Je te donnerai la fièvre.

JACQUELINE, prenant Lucas par le bras, et lui faisant aussi faire la pirouette.— Ôte-toi de là, aussi, est-ce que je ne sis pas assez grande pour me défendre moi-même, s'il me fait quelque chose, qui ne soit pas à faire?

LUCAS.— Je ne veux pas qu'il te tâte moi.

SGANARELLE.— Fi, le vilain, qui est jaloux de sa femme.

GÉRONTE.— Voici ma fille.

SCÈNE IV

LUCINDE, VALÈRE, GÉRONTE, LUCAS, SGANARELLE, JACQUELINE.

SGANARELLE.— Est-ce là, la malade?

GÉRONTE.— Oui, je n'ai qu'elle de fille: et j'aurais tous les regrets du monde, si elle venait à mourir.

SGANARELLE.— Qu'elle s'en garde bien, il ne faut pas qu'elle meure, sans l'ordonnance du médecin.

GÉRONTE.— Allons, un siège.

SGANARELLE.— Voilà une malade qui n'est pas tant dégoûtante: et je tiens qu'un homme bien sain s'en accommoderait assez.

GÉRONTE.— Vous l'avez fait rire, Monsieur.

SGANARELLE.— Tant mieux, lorsque le médecin fait rire le malade, c'est le meilleur signe du monde. Eh bien! de quoi est-il question? qu'avez-vous? quel est le mal que vous sentez?

LUCINDE répond par signes, en portant sa main à sa bouche, à sa tête, et sous son menton.— Han, hi, hon, han.

SGANARELLE.— Eh! que dites-vous?

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