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les malheurs inhérents à l état de jeune fille

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Academic year: 2022

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LE VIOL COMME « ARME DE GUERRE »1 Hommes et femmes en guerre :

Acteurs et/ou victimes des violences collectives

Même si la prise de conscience concernant les violences spécifiques aux genres est récente, il n'en demeure pas moins que, à toutes les époques et dans toutes les sociétés humaines, la femme a toujours été l'alliée de l'homme pour faire la guerre ou pour mener à terme des complots à caractère collectif. En témoignent les mythes, les légendes, les contes et les récits historiques scientifiquement reconnus.2 Cependant, c'est avec la diffusion du savoir et le rapprochement des cultures que certaines pratiques criminelles sont devenues une réalité mondiale.

Ainsi, certains interdits, qui étaient respectés en temps de guerre dans différents pays, sont désormais transgressés :

« Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées.

Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. (...) Candide qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucherie héroïque.

(...) Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d'abord un village voisin ; il était en cendres (...). Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, (...) là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros rendaient les derniers soupirs (...). Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés. Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des héros Abares l'avaient traité de même.

Candide (...) arriva enfin hors du théâtre de la guerre, portant quelques petites provisions dans son bissac (...). »3 Ce récit de Voltaire, même s'il est fictif, il illustre néanmoins la réalité des guerres civile de nos jours.

L’écrivain nigérian C. Achebe, dans sa nouvelle Femme en guerre4, aura été l’un des premiers intellectuels africains à s’intéresser au problème du « genre » dans les guerres civiles en Afrique, juste après la guerre civile du Biafra. Cependant, à cette époque, le débat intellectuel sur la question du « genre » concernait surtout les rapports sociaux entre les hommes et les femmes en général, surtout le problème de l’égalité des sexes indépendamment des situations de crise.

C’est donc à une époque très récente, suite aux crimes sexuels commis lors des conflits armés en Afrique de l’ouest (Sierra Leone, Libéria) et en Afrique centrale (Rwanda, Burundi, Congo Kinshasa, Congo Brazzaville, Centrafrique) que certains chercheurs se sont intéressés à cette problématique nouvelle et inquiétante.

I. LE VIOL COMME « ARME DE GUERRE »

Certes, la prise de conscience est récente en ce qui concerne l'usage de la violence sexuelle comme arme de guerre. Cependant, depuis la découverte du Nouveau Monde et grâce à l'invention des moyens de transport permettant la découverte des pays lointains, la question était déjà soulevée par certains

1 © SEBUNUMA D., La compulsion de répétition dans les violences collectives, thèse de doctorat soutenue en 2011 à l'Université Paris-Diderot Paris 7, publiée ensuite par L'Atelier National de Reproduction des Thèses, Université Lille3 (2012) ; puis aux Éditions Umusozo, Paris, 2013.

2 CARLIER C. et GRITON-ROTTERDAM N., Des mythes aux mythologies, Paris, Ellipses, 2008.

3 VOLTAIRE, (1759), Candide ou l'Optimiste, in Candide et autres contes, Paris, Gallimard, 1998, pp. 14 – 15.

4 ACHEBE C., (1972), Girls at wor and other stories , Heinemann, African Writers series, no 100, 1977 (publication française : Femmes en guerre et autres nouvelles, Hatier, Paris, 1981).

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penseurs – du moins sur le plan moral - suite aux observations concernant de nouvelles pratiques criminelles et les conflits sociaux à caractère tribal :

« Maroc nageait dans le sang quand nous arrivâmes. Cinquante fils de l'empereur Muley-Ismaël avaient chacun leur parti : ce qui produisait en effet cinquante guerres civiles, de Noirs contre Noirs, de Noirs contre Basanés, de Basanés contre Basanés, de Mulâtres contre Mulâtres. C'était un carnage continuel dans toute l'étendue de l'empire. (...) A peine fûmes-nous débarqués que des Noirs d'une faction ennemie de celle de mon corsaire se présentèrent pour lui enlever son butin. Nous étions, après les diamants et l'or, ce qu'il avait de plus précieux. Je fus témoin d'un combat tel que vous n'en voyez jamais dans vos climats d'Europe (...). On combattait avec la fureur des lions, des tigres et des serpents de la contrée, pour savoir à qui nous aurait. Un Maure saisit ma mère par le bras droit, le lieutenant de mon capitaine la retint par le bras gauche

; un soldat maure la prit par une jambe, un de nos pirates la tenait par l'autre.

Nos filles se trouvèrent presque toutes en un moment tirées ainsi à quatre soldats. Mon capitaine me tenait cachée derrière lui. Il avait le cimeterre au poing, et tuait ce qui s'opposait à sa rage. Enfin, je vis toutes nos Italiennes et ma mère déchirées, coupées, massacrées par les monstres qui se disputaient.

Les captifs mes compagnons, ceux qui les avaient pris, soldats, matelots, Noirs, Basanés, Blancs, Mulâtres, et enfin mon capitaine, tout fut tué ; et je demeurai mourante sur un tas de morts. Des scènes pareilles se passaient, comme on sait, dans l'étendue de plus de trois cents lieues (...). »5

L'extrait ci-dessus du conte philosophique de Voltaire souligne la gravité d'un crime qui, au-delà de la fiction, constitue un des problèmes majeurs de nos sociétés actuelles : le viol est une arme, un moyen d'anéantir les ennemis, un outil d'humiliation, de torture et de destruction de l'autre.

1. Les crimes sexuels génocidaires au Rwanda

Dans son exposé sur « les malheurs inhérents à l’état de jeune fille » dans l'ancien Rwanda,6 A. Kagame reviens sur la question de la virginité des jeunes filles. Ses observations nous permettent de comprendre, du moins en partie, ce qui a pu se passer chez certains criminels pendant et après le génocide au Rwanda de 1994 : violer une femme, porter atteinte à sa virginité en public, c'est la condamner à jamais. Autrement dit, le viol en public d'une femme, surtout si elle encore célibataire, équivaut à une mise à mort tout simplement.

« Nous avons eu, à plusieurs reprises, l’occasion de souligner combien la virginité de la jeune fille est une chose sacrée dans la famille rwandaise. Si, en ce qui regarde son éducation sexuelle, elle était pratiquement sous l’emprise de ses compagnes habitant la localité (…), ses parents veillaient sur ses mœurs, sur ses relations avec les hommes. Les dispositions de la coutume, quoique assez sévères, ne suffisaient pas pour tranquilliser sa mère. Il pouvait arriver qu’une jeune fille trompe la vigilance de ses parents, se laisse aller et qu’un jour on remarque qu’elle est enceinte. Dans le cadre social que nous décrivons, elle était condamnée à mort. Des gouffres déterminés étaient destinés à engloutir les filles-mères. D’autres étaient abandonnés sur une île déserte du Kivu, où elles

5 VOLTAIRE, (1759), Candide ou l'Optimiste, in op. cit., pp. 35 – 36.

6 KAGAME A., Les organisations socio-familiales de l’ancien Rwanda, Mémoires in-8° - tome XXXVIII, Bruxelles, Institut Royal Colonial Belge, 1954., p. 299.

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succombaient à la soif et à la faim. Il n’y avait qu’un moyen de leur sauver la vie : que le complice ou un autre ami de la famille accomplît sur elle les cérémonies du mariage, si même il devait la répudier ultérieurement. Il fallait cependant se hâter avant que l’accident survenu ne fût ébruité. En toute hypothèse, si ce mariage pouvait sauver la vie à la délinquante, son enfant était fatalement condamné à disparaître. Dès sa naissance, il était étranglé, et on devait aller l’enterrer en dehors du Rwanda. »7

Certes, au moment du génocide de 1994, ces règles strictes et atroces n’étaient plus en vigueur envers les jeunes filles au Rwanda – et heureusement ! Mais, l’illusion de la virginité des jeunes filles étaient toujours recommandée. Pour cela, les relations sexuelles avant le mariage se font en cachette, surtout à la campagne ! Ainsi, il a suffi de réveiller le mythe, de remettre en cause la virginité des femmes – la pureté selon la coutume, pour les exposer à tous les dangers. C'est en cela que le viol, dans les circonstances de violences collectives, correspond à un meurtre, un homicide avec préméditation. Dans cette perspective, le Rwanda ne serait pas un cas isolé car, dans d'autres pays en guerre civile, on retrouve la même transgression des interdits dès que l'autorité publique est remise en cause ou inexistante.

Cependant, plus qu'une transgression d'interdits, le viol des femmes au Rwanda pendant le génocide avait une autre signification spécifique liée à l'histoire politique du pays.

2. L’affaire Kalinga et le viol des femmes :

« Voulez-vous nous émasculer ?

Eh bien, nous sommes encore des hommes ! »

Selon divers témoignages que j’ai recueillis récemment, la phrase ci-dessus résumerait le message que certains criminels auraient voulu faire passer en violant des femmes Tutsi. Voici, d’après le contenu des récits et croyances de différents témoins – hommes et femmes confondus – quelle serait l’origine des viols organisés dont plusieurs femmes Tutsi ont fait l’objet pendant le génocide au Rwanda en 1994 :

Lors des entretiens avec des Rwandais, j’ai voulu savoir ce qui s’est passé dans la nuit du 6 au 7 avril 1994 lorsque les Rwandais venaient d’apprendre la mort tragique de leur chef. Curieusement, la majorité des Rwandais ont appris la mort de leur président au petit matin du 7 avril 1994 ! La veille, à l'exception de la haute sphère de l’État, la majorité des Rwandais n’étaient pas au courant des nouvelles concernant l’attentat dont le président de l'époque et ses proches collaborateurs avaient été victimes. Même les habitants de la ville de Kigali - qui se doutaient pourtant qu'un événement inhabituel avait eu lieu suite aux combats qui se déroulaient devant leurs portes - n'étaient pas informés de la mort du président J. Habyarimana. C’est donc après-coup, le matin du 7 avril 1994, que les Rwandais auraient essayé de s’expliquer ce qui s’était passé la veille. En effet, selon divers témoignages, l’annonce officielle diffusée par la radio ne donnait aucun détail sur les circonstances de l’attentat ni sur l’identité de ses auteurs. Un Rwandais qui aurait entendu la nouvelle le 7 avril 1994 à 5h du matin, heure d’ouverture des émissions radiodiffusées, témoigne : « on disait

7 Ibid., pp. 229 – 300.

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que des ennemis avaient abattu l’avion du président… ».

Comme le Rwanda était en guerre civile depuis 1990, l’ambiguïté sur l’identité des « ennemis » qui auraient abattu l’avion du président ne faisait que nourrir des soupçons ! Cependant, dans la matinée même du 7 avril 1994, une rumeur aurait circulé, surtout à Kigali (la capitale rwandaise), selon laquelle il y aurait eu des combats autour de la résidence du feu président juste après l’attentat contre son avion. Cette même rumeur (concernant les combats qui auraient eu lieu autour de la résidence du feu président rwandais juste après l'attentat contre son avion) sera confirmée par des chercheurs indépendants, dont la renommée A.

Des Forges et son équipe dans l'ouvrage qui nous sert de référence depuis le début de notre recherche.8

Dans quelques heures seulement, presque tout le pays fut au courant que la veille, c’est-à-dire pendant la nuit du 6 au 7 avril 1994, il y avait eu des combats autour de la résidence du feu président rwandais. A entendre différents témoignages de certains Rwandais, cette rumeur a ajouté une certaine dose de colère et d’indignation : « il était déjà mort ; alors, pourquoi se battre encore autour de sa dépouille ? C’est horrible ! » - m’a confié un témoin, toujours ému, tout récemment ! Je lui ai demandé pourquoi il était si ému, longtemps après :

« Mais, parce que c’est horrible ! Des rituels, des rituels et toujours des rituels ! » J’ai demandé au témoin de quels « rituels » il me parlait : « mais, parce qu’on voulait émasculer la dépouille du président pour habiller le tambour ! » Ah bon ! Ai-je répondu. Et le témoin a poursuivi : « Mais, ce sont des monarchistes qui ont tué le président. Selon la tradition, pour s’assurer définitivement du pouvoir, il fallait habiller le tambour Kalinga, gage de pérennité du royaume ! » A – t – il conclut.

Dans certains milieux rwandais, cette interprétation concernant l'attentat du 6 avril 1994 semble faire l’unanimité, même si elle ne suscite pas la même émotion chez tous : bien entendu, ceux qui étaient proches du pouvoir se montrent beaucoup plus concernés que d’autres ! Ainsi, dans le viol des femmes Tutsi, il y avait comme un goût ou une volonté de vengeance : les bourreaux et les violeurs auraient voulu non seulement venger « le chef », mais aussi revendiquer l’identité viril du pouvoir : certains témoignages permettent de formuler la problématique pulsionnelle du viol génocidaire à partir des représentations magico-politiques archaïques : « Voulez-vous nous émasculer

? Eh bien, nous sommes encore des hommes ! »

D’où le caractère sacrificiel du génocide : pour certains génocidaires, il y aurait eu une volonté de se battre pour que le corps de leur « chef » ne serve pas de sacrifice, de rituel à l’ennemi ! Et en même temps, les femmes furent sacrifiées pour prouver qu’on existe encore, que malgré la mort du chef, le tambour emblématique Kalinga ne sera pas « habillé » des parties sexuelles du chef Hutu défunt ! – symbole phallique identificatoire de ses fidèles par excellence ! D’ailleurs, jusqu’à nos jours, la majorité des Rwandais moyens ignorent ce qu’est devenue la dépouille mortelle du feu président rwandais, tué dans l’attentat du 6 avril 1994 !

Ainsi, de cette mort tragique, l’histoire aura créé un nouveau mythe fondateur.

8 HUMAN RIGHTS WATCH (sous la direction de A. Des Forges), Aucun témoin ne doit survivre – Le génocide au Rwanda, Paris, Karthala, 1999, p. 217.

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En effet, chaque année, une dispute resurgit entre différentes idéologies politico- magiques parmi les Rwandais concernant « la date officielle » de commémoration du génocide : « doit-on organiser la commémoration du génocide au Rwanda le 6 avril ou le 7 avril ? » Pour certains Hutu proches de l’ancien régime, c’est le 6 avril, date de la mort de leur président ! Pour le Front Patriotique Rwandais et ses partisans, c’est le 7 avril, date à laquelle ont commencé les massacres à grande échelle contre les Tutsi - et « les Hutu modérés » - ajoute-t-on discrètement ! Mais surtout, le 7 avril 1994 serait la date à laquelle les troupes du Front Patriotique Rwandais auraient commencé la marche vers la capitale du Rwanda. D'où l'ambiguïté sur l'événement qui serait

« commémoré » en premier le 7 avril, depuis le génocide au Rwanda en 1994 ! 3. Crime et indifférence jouissive

Lorsqu'on parle du génocide des « Tsutsi » au Rwanda, les Hutu se sentent humiliés et méprisés en tant que êtres humains tout simplement. En effet, sans vouloir entrer dans la polémique inutile, il appert que le génocide a commencé par le massacre des responsables politiques Hutu dont Mme A. Uwilingiyimana, Premier Ministre du Gouvernement de transition dans l'attente de l'application des Accords d'Arusha – application qui n'aura pas lieu ! Et la liste des responsables de la communauté Hutu massacrés au début du génocide est très longue. Bien entendu, dans la suite des événements, ce sont des « Tutsi » qui ont été massivement visés par des massacres.

Néanmoins, il convient de souligner que, pendant la période du génocide même, le Front Patriotique Rwandais faisait aussi « du travail » selon le jargon des criminels pendant le génocide au Rwanda : dans le nord-est et à l'est du Rwanda, les massacres à grande échelle ont été commis par les troupes du Front Patriotique Rwandais contre les population civiles. Au fait, comme l'affirme F.

Hartmann à partir des recherches scientifiques fiables, comment peut-on réussir à massacrer trente mille personnes en trois mois, sans qu'il y ait eu une préparation, une planification à l'avance ?9 Surtout que, avant le début du génocide en 1994 au Rwanda, le Front Patriotique Rwandais ne contrôlait qu'une minuscule région au nord du Rwanda !

Revenons sur les événements du 7 avril 1994 : lors d'un entretien avec un Rwandais qui connait bien l'histoire du Rwanda, je lui ai demandé comment il interprétait la survenue du crime génocidaire contre une femme exerçant une haute fonction politique, le crime dont Mme A. Uwilingiyimana - Premier Ministre du Rwanda au début du génocide en 1994 - a été victime ainsi que les casques bleus belges qui la protégeaient. Et la réponse fut directe : « Justement, de quoi ces Belges se mêlaient-ils ? » L'homme avala une gorgée d'eau avant de poursuivre :

« Quant à leur mort, ils l'ont cherchée en quelque sorte ! » A ce moment précis, mon interlocuteur bondit sur son siège, montra sa denture blanche, avec un large sourire narquois ! Il n'avait même pas fait attention à ma question qui concernait avant tout le crime contre une femme dans la rue, une humiliation

9 « Selon les experts indépendants, quelque trente mille Hutus auraient été tués sur le territoire rwandais, lors de la progression de l'armée du FPR. Le parquet d'Arusha a répertorié quatorze sites de massacres et tente de remonter la chaîne de commandement » (in HARTMANN F., Paix et Châtiment – les guerres secrètes de la politique et de la justice internationales, Paris, Flammarion, 2007, pp. 261 – 286).

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publique contre une personnalité de haut rang ! Cette double transgression est incompréhensible dans un pays où « la pudeur » est plutôt de rigueur, du moins en temps de paix.

II. LES CRIMES SEXUELS

DANS L'APRÈS-GÉNOCIDE AU RWANDA

La destruction des structures administratives, socioculturelles et judiciaires au Rwanda a eu comme conséquence l'anarchie et le règne de la terreur. Dans la période de l'après-génocide, des crimes de droit commun ont été commis, allant des actes de vengeance au vol des biens d'autrui en passant par le viol des femmes qui s'est poursuivi malgré l'arrêt des hostilités militaires.

1. « Gutaha intsinzi » (fêter la victoire) ou « le repos du guerrier » !

Du côté des nouveaux maîtres à Kigali, après le génocide de 1994, une pratique plutôt inhabituelle a vu le jour dans le pays : « Gutaha intsinzi » ou « le repos du guerrier » - selon l'expression pudique consacrée - est un acte par lequel certains soldats du Front Patriotique Rwandais auraient exigé des relations sexuelles à certaines femmes en guise de reconnaissance. Par ce « viol » déguisé, ces mêmes soldats entendaient faire valoir leur sacrifice en tant que

« libérateurs du pays ». Après avoir entendu différents témoignages sur ce sujet, j'ai demandé à un religieux qui venait du Rwanda s'il en savait quelque chose. Sa réponse fut sans ambiguïté : « Mais, vous êtes naïf à ce point ? Mêmes certaines bonnes sœurs ont payé l'impôt sexuel après le génocide ! »

Du côté des réfugiés rwandais à l'est du Congo Démocratique, la situation n'était pas non plus paisible d'après divers témoignages. Cependant, la présence des organismes humanitaires aurait permis d'établir un certain climat de protection.

Cependant, après la destruction des camps des réfugiés, la situation des femmes est devenue pire qu'avant. J'ai recueilli plusieurs témoignages sur ce sujet mais, tous les témoins ont souhaité rester anonymes de peur des représailles.

Néanmoins, il existe une nette différence entre le viol des femmes pendant le temps du génocide et d'autres actes de viol qui ont eu lieu après le génocide – au Rwanda comme au Congo Démocratique. En effet, les témoignages concernant les viols qui ont lieu pendant le génocide au Rwanda montrent que, au-delà du crime du viol en tant que tel, il y avait une volonté d'anéantir l'autre.

Autrement dit, le viol génocidaire visait plus la destruction de l'autre, la négation de l'existence, l'atteinte de l'autre dans son humanité même, sans qu'il y ait la moindre recherche d'assouvir des pulsions sexuelles. Autrement dit, le sexe masculin servait comme une arme, tout simplement.

En revanche, les viols qui ont eu lieu dans la période de l'après-génocide au Rwanda et dans les forêts au Congo Démocratique se rapprocheraient des crimes sexuels « pervers », à la recherche d'une certaine satisfaction des désirs pulsionnels à caractère sexuel. D'ailleurs, le traitement qui fut réservé aux femmes, dans les deux situations différentes, est édifiant : pendant le génocide, certaines femmes ont été non seulement violées mais aussi tuées par la suite.

Or, lors des viols qui ont eu lieu dans l'après- génocide, les femmes violées ont été protégées par leurs bourreaux dans la majorité des cas ! Il y avait ainsi une certaine pulsion d'emprise et de conservation de l'objet alors que le viol

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génocidaire était plutôt suivi d'une pulsion de destruction.

2. Observations sur différentes responsabilités historiques

Dans l'opinion médiatique et chez certains chercheurs, le génocide au Rwanda a souvent été expliqué selon une division manichéenne : les « bourreaux Hutu » d’un côté et « les victimes Tutsi » de l’autre. Mais, il convient de dépasser cette division afin d'établir les responsabilités de chaque partie en conflit en ce qui concerne les massacres qui ont été commis au Rwanda avant, pendant et après le génocide de 1994. Pour conclure ce chapitre, quelques points importants mériteraient d’être soulignés :

[P. S. : pour aller plus loin, veuillez consulter notre livre d'où est tiré l'article].

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