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BILAN QUALITATIF DU FAIT MIGRATOIRE

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BILAN QUALITATIF DU FAIT MIGRATOIRE EN TUNISIE PRE-SAHARIENNE.

La mobilité géographique des populations du Sud­Tunisien se traduit par un double mouvement, l'un purement traditionnel tendant à se ralentir du fait de profondes modifications économiques et politiques de la région, le semi-nomadisme (et le nomadisme), l'autre d'origine plus récente lié à la paupérisation, au sur­peuplement relatif ( ' ) au chômage et au développe­

ment lui­même, VémigraUon, dont les grandes tendances s'appuient toutefois sur des courants traditionnels.

Cette mobilité sociale et économique dans l'espace, revêt en faît, trois formes spécifiques :

— nomadisme proprement dit a u j o u r d ' h u i quasi totalement disparu ;

— le semi­nomadisme lié au t r a v a i l agricole et à l'élevage ;

— l'émigration temporaire ou définitive.

La migration (émigration ­ i m m i g r a t i o n ) , étroitement liée à un sous­

développement régional, n'est qu'une connotation moderne (urbaine, technologique) d'un nomadisme spécifique.

( 1 ) Il est incontestable q u e l a croissance dé m o g r a p h i q u e , en amenuisant le r e v e n u m o y e n des populations et donc en intensifiant l e u r p a u p é r i s a t i o n a considérablement a c c é l é r é le processus de l ' e x o d e r u r a l et de l ' e x o d e i n t e r ­ u r b a i n . «Ces mouvements m i g r a t o i r e s , m a l g r é l'attraction e u r o p é e n n e , n'ont pris corps que lorsque l a brusque élévation d u t a u x d'accroissement d é m o g r a p h i q u e a c l a i r e m e n t manifesté les insuffisances d e «l'éco­

n o m i e t r a d i t i o n n e l l e et la nécessité pour les candidats à l ' e m p l o i de le chercher où o n p o u v a i t en t r o u v e r »

P. A Y D A L O T : La structure de l'espace économique tunisien. Revue Tunisienne d e Sciences sociales, T u n i s n° 5. 1 9 6 6 , p 77

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De ces trois formes de déplacement des hommes, nomadisme, semi- nomadisme, émigration, cette dernière incarne la modernité : si le bédoui- nisme est lié plus à un mode de vie socio-économique ayant fini par engen- d r e r une éthique, le semi-nomadisme agricole ou pastoral est lié à la ruralité tandis que l'émigration relève plus directement de la modernité et de son corollaire, l'urbanisation industrielle.

C'est cette dernière f o r m e de migration que nous envisagerons dans le présent article, comme étant la plus directement révétatrice de la modifi- cation socio-économique qui s'amorce depuis quelques années dans les zones rurales et qui détermine un certain nombre de facteurs forts importants p o u r l'avenir de la Tunisie.

Disons d'emblée que l'exode des populations du Sud vers «la ville»

et de la ville vers Tunis, n'est à n'en pas douter une réponse forcée (dans une grande partie des cas) aux déséquilibres r u r a u x , les campagnes et les villages étant incapables d'assurer aux jeunes gens et aux adultes, des ressources vitales suffisantes

«Plutôt que le résulat d'une libre décision fondée sur la volonté de s'installer vraiment dans la vie urbaine, cet exil forcé n'est, le plus souvent que le terme inéluctable d'une série de renoncements et de défaites : une mauvaise récolte et l'on vend l'âne ou les bœufs ; on emprunte à des taux exorbitants pour faire la soudure ou pour acheter la semence ; enfin, ayant épuisé tous les recours, on ne part pas, on déguerpit.» ( ' )

Il s'agit donc pour les hommes des zones rurales, qu'ils émigrent vers d'autres campagnes, vers les villages ou les villes ou enfin vers la capitale, de se procurer le travail qu'ils ne trouvent pas ou plus chez eux et de répondre au déséquilibre profond existant entre leurs besoins et les ressources disponibles ou encore d'anticiper sur des catastrophes qui régulièrement viennent condamner leurs efforts. (*)

( 2 ) O n constate que le» périodes de g r a n d e s sécheresses, p a r e x m p l e ( 1 9 4 6 - 1 9 4 8 ) d é c i m a n t les t r o u p e a u x , détruisant les cultures, ont toujours e n g e n d r é de fortes poussées d ' é m i g r a - t i o n v e r j les villes.

( 3 ) P. B O U R D I E U , A . S A Y Â D : Le déracinemenl Paris M i nuit, 1964. p. 2 0

( 4 ) « L a diversité des ressources n ' e m p ê c h e pas les D j e b a l i a , gens actifs, d ' a l l e r chercher d u t r a v a i l ailleurs, car les mauvaise» années sont fréquentes. Ils é m i g r e n t depuis longtemps, m a i s presqu'exclusivement à T u n i s . » D E S P O I S ; L a Tunisie et ses réglons, Por s, A. C o l i n , 1 9 6 1 , p. 75.

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Ces mouvements - réponses aux difficultés économiques vécues par les populations ont été facilités et encouragés par le climat de calme relatif qui succéda peu à peu à la période d'agitation «bédouine» (^) par la supres- sion de l'administration militaire rigide - suppression qui favorisa la libre circulation des populations - ainsi que par la participation des populations du Sud à la lutte pour l'indépendance nationale. Enfin, la mise en place des canaux d'information (presse, radio, téléphone, télévision) et d'un réseau routier et f e r r o v i a i r e permet une meilleure connaissance des possi- bilités offertes à chacun et stimule la mobilité dans l'espace.

A quelques exceptions près, le terme du nomadisme ne peut plus s'appliquer aux migrations humaines que connaît le Sud-Tunisien : il s'agit, en effet, essentiellement de mouvements de population liés au travail agricole. Ce semi-nomadisme dont le rythme suit les saisons, a depuis tout temps permis de suppléer, dans une certaine mesure, à la pauvreté de l'agriculture pré-saharienne et est aussi bien le faît d'anciens nomades se rendant sur les labourds des terres collectives que d'agriculteurs semi- sédentaires à la recherche d'emplois temporaires.

Ces mouvements saisonniers peuvent entraîner les ouvriers agricoles dans des déplacements parfois très importants pendant plusieurs mois de l'année. La moisson plus précoce dans le Sud, une fois terminée, l'ouvrier peut se rendre dans le N o r d pour y effectuer le même travail avant de revenir sur sa terre pour les labours d'automne. Une importante main- d'œuvre occasionnelle est ainsi sollicitée par la cueillette des olives à Sfax ou dans la région de Zarzis. D j e r b a absorbe de la main d'œuvre pour l'entretien des jardins, que les Djerbiens ont abandonné au p r o f i t d u commer- ce, plus rémunérateur. Les moissons à Sbeitia, au Kef, à Kairouan, attirent des agriculteurs pauvres du Sud ; l'arrachage de l'alfa ou la récolte des dattes procure également un emploi temporaire. (*) Pour les autres, il

(5) Le sud T u n i s i e n plus e n c o r e que les a u t r e s régions du pays a été tant a u long de l'his- t o i r e le t e r r a i n p r i v i l é g i é d'affrontements a u t r e tribus rivales. C e n'est qu'avec l'occu- pation de cette région p a r les militaires français q u e l'agitation p e r m a n e n t e a pris f i n . (6) « A u m o m e n t de l a cueillette des d a t t e s . . . le D j e r i d connaît l ' a n i m a t i o n . En d e h o r s des m a r c h a n d s Sfaxiens, quelques m i l l i e r s de Bédouins a r r i v e n t du centre et c a m p e n t , avec leurs f a m i l l e s , a u x portes des villes. . . . Au m o m e n t de l a moisson ou par contre ce sont les D j é r i d i e n s qui s'en vont vers le c e n t r e . . . ce m o u v e m e n t est en vérité fort res- t r e i n t : peut-être 1 . 5 0 0 h o m m e s pour le D j e r i d . Les D j é r i d i e n s ne savent pas m a n i e r la faucille et doivent se contenter de t r a v a u x de m a n u t e n t i o n » .

B. S T E R N B E R G : Les oasis du Djerid, cahiers i n t e r n a t i o n a u x de Sociologie, Paris n" 30 1961, p. 135.

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restera les chantiers de chômage, cruel euphémisme, qui leur permettront de gagner 500 millimes (50 FB) (5 FF) par jour, et d'être nourris.

Mais, de plus en plus, c'est le travail «en ville» (ou, comme dans la région de Gafsa, une embauche provisoire dans les mines) qui attire les populations déshéritées, surtout pendant les années de grande sécheresse.

«D'une manière générale, on rentre au pays quand il a plu, et que l'on peut travailler la terre, dans l'espoir d'une bonne récolte. O n repart vers Tunis quand on n'a plus d'argent.» ( ' )

D'autres pratiquent le petit colportage ou d'autres encore émigrent simplement, comme le signale Prost à propos des Beni-Blell, des Hamidia, des A m e r n a et des Z o r g a n e , pour aller mendier dans les régions plus riches ( ' ) . Restent les mouvements de population déterminés par l'épar- pillement des terres des tribus : ainsi dans le Gouvernorat de Gafsa les A k e r m a , les Ouled Ali-ben-Tlil, les Ouled Thiijane, les Redadia, les G'fassa, ont des droits sur des terres situées parfois à plusieurs dizaines de kilomètres les unes des autres. Généralement sédentarisées, les familles ou les hommes seuls, ne quittent le village que vers le 15 avril pour l'orge, fin mai début juin pour le blé. Les moissons terminées, le groupe regagne le village et abandonne la tente jusqu'au prochains labours. D'autres récoltes enfin peuvent réclamer des déplacements de quelques jours, telles les récoltes d'olives ou de dattes. La transhumance à lieu au début du printemps, alors qu'il faut sevrer les chevreaux, les agneaux, les jeunes chameaux, et prend f i n vers le mois de juin. En septembre - octobre, le bétail part vers le Sahara sous la seule conduite des bergers collectifs.

Il faut souligner cependant que cette forme d'exploitation, soumise a u x incertitudes climatiques et peu susceptible d'accroissements de producti- vité ne permet plus a u x familles qui s'agrandissent de plus en plus, de subvenir à leurs besoins. Il s'agit cependant d'une émigration importante

(7) G . P R O O S T ; L'émigration chez les matmata ef Ouderna, catilers de T u n i s i e , Tunis T o m e 3 1 9 5 5 , p. 317. C e r t a i n e s fractions, les D e g h r a r h a , les Djellldett, les G h e t o u f f a ont pris l ' h a b i t u d e d ' é m i g r e r vers Tunis d ' u n e m a n i è r e plus ou moins définitive.

(8) «Les h o m m e s se d i r i g e r f d ' a b o r d v e r i les régions où l'on fait l a moisson ; ils y passent quelques semaines, puis r e v i e n n e n t vers le Sud, a u m o m e n t où l'on récolte les dattes ; ils quêtent là où il / a à q u ê t e r . »

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qui fait l'objet d'une certaine réglementation entre les groupes migrants ; elle atteint pourtant rarement Tunis et est loin de connaître une organisation structuelle aussi poussée que celle d'autres groupes originaires du sud tunisien.

A Tunis en effet, les émigrés se sont organisés sur la base d'une véri- table spécialisation du dénuement et de la «pauvreté».

Le marché de Tunis nous offre un permier échantillonnage extrê- mement significatif du point de vue sociologique : non seulement la majorité des portefaix, des manutentionnaires (mais aussi des dockers) de Tunis sont originaires des réglons du sud, mais ils ont de plus recréé dans Tunis, au sein du marché, une sorte de micro-société avec ses hiérarchies, ses lois, ses antagonismes comme ses alliances. C'est ainsi que la vie du marché est animée par une compétition constante entre deux groupes d'origine géographique différente.

Si l'on ne peut parler de clans comme le fait J. Robin, ces deux groupes et les sous-groupes qui les forment renvoient à des « f r a c t i o n s » (ferqua) bien précises dont se réclame chacun ; des alliances ont permis un regrou- pement général qui oppose les Douiret et les Guermassi ( ' ) .

La suprématie des Douiret se manifeste par l'autorité suprême dont dispose le président de la coopérative des portefaix, un Douiret élu par la mjorité et donc quasi inamovible : régnant en maître sur le marché il favorisera généralement les membres de son groupe ( ' " ) .

(9) J. R O B I N , Les p o r t e f a i x Bonnelles U . L . B . 1967, p. 37.

(10) Cette é m e r g e n c e d'un l e a d e r sur des bases p u r e m e n t traditionnelles (fraction d o m i - nante p a r e n t é , â g e ) ou plus imprécises (personnalité, autorité) se r e t r o u v e au centre de l ' o r g a n i s a t i o n sociale des groupes de d j e b a l i a é m i g r a n t s . Rôle m o r a l , conduite d e référence, le l e a d e r veille à la p é r e n n i t é du g r o u p e , a u m a i n t i e n de sa cohésion interne : il t r a n c h e les conflits, surveille les comportements de chacun, facilite leur intégration en v i l l e , contrôle l a r é g u l a r i t é des envois d ' u n e partie de la paye à la f a m i l l e restée au v i l l a g e et devant servir à assurer les besoins de l a f a m i l l e , à l'entretien des cultures et d u t r o u p e a u , donc à l a subsistance é c o n o m i q u e du v i l l a g e .

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Cependant cette rivalité, sorte de dramatisation symbolique dans les rapports de travail des conflits d'anfan, s'aplanit dans la vie quotidienne qui voit se créer une solidarité entre les portefaix pour affronter les difficultés de la vie urbaine. C'est l'appartenance à la région qui, en dernier ressort, fait l'unanimité, ce qui permet à Sassi d'écrire que «lorsqu'un nouveau rural a r r i v e dans les centres industriels en quête d'emploi, il descend chez les travailleurs de sa tribu ou de sa région qui l'hébergent durant la période où il est à la recherche d'un travail. Si au bout d'un certain temps, il ne trouve pas d'emploi, on lui paie son voyage et il retourne dans son village» ( ' ' ) . Si cette remarque s'applique aux émigrés tunisiens en France, elle ne s'en vérifie pas moins à Tunis.

Ainsi, par exemple, les portefaix vivent dans les mêmes quartiers de Tunis, Sidi Bou Mendil, Saida, Mellassine ( ' ^ ) ; ils prennent leurs repas ensembles et se rendent mutuellement service. La tradition n'Intervient qu'au niveau de certains rapports sociaux bien définis : par exemple, une femme Guermessa ne peut épouser un Douiret alors qu'une femme Douiret peut épouser un Guermessa.

Le cas des portefaix nous offre un exemple parfait d'un secteur profes- sionnel ne nècenitant aucune formation particulière, sinon adresse e f f o r c e physique, que les émigrés du sud ont réussi à se réserver en un monopole, si bien qu'on devient portefaix de père en fils pour autant que le fils ne trouve pas à s'employer dans un métier moins éprouvant et mieux rétri- bué

Il existe d'autres petits métiers d'Indigence qui sont, si l'on peut dire, le privilège des émigrés du sud qui s'en répartissent l'exclusivité sur la base des anciennes appartenances tribales.

(11) SASSI : «Les iravailleurs tunisiens dans la région parisienne. H o m m e s et M i g r a t i o n s , Paris n° 109, 1968 p. 136

(12) T o u t c o m m e les D j e b a l i a se r e g r o u p e n t dans les q u a r t i e r s o u v r i e r s de la H a f s i a , à SIdl Bou M e n d i l , à la K h i r b a et à l a S a l d a M a n o u b i a .

(13) O n peut é v a l u e r les salaires des portefaix; du marctié de T u n i s c o m m e suit :

— C a p o r a l ( d i r i g e un g r o u p e de portefoix) : 20 D . / m o i s ( p r i m e s quotidiennes)

— Portefaix (inscrit) : 20 D . / m o i s

— Les sous p o r t e f a i x occasionnel : t r a v a i l l a n t à la p r i m e

— Les p o r t e f a i x à la hotte : payés a u p r o r a t a des services : + 16 — 18 D . / m o i s

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Ainsi en va-t-il des Djebalia dont l'émigration se différencie de l'émi- gration purement prolétarienne par ses formes et sa durée. Si le migrant devenu ouvrier, pense rapidement à faire venir sa famille et à se fixer en ville pour une période relativement longue, l'émigration plus spécifique des Djebalia pratiquant les «petits métiers», est plutôt le fait d'hommes jeunes en quête d'un appoint aux ressources familiales, basées sur l'agriculture et l'artisanat. Dès lors, cette émigration sera de plus courte durée, six mois, un an, parfois deux, après quoi, ayant amassé un pécule suffisant ou motivé par les possibilités d'une bonne récolte, le travailleur migrant retourne au pays, généralement à l'occasion d'une fête religieuse ou d'un mariage ( ' Lorsque les économies sont épuisées, les hommes regagnent la ville : émi- gration temporaire donc, mais cyclique, régulière, devenue indispensable tant qu'aucune activité purement régionale ne viendra remplacer les avantages liés au fait migratoire.

Les Tamezret travaillent dans les hôtels, les restaurants, les cafés ; les Z r a o u a , les Taoujout et les Béni Zelten sont soit portefaix, soit boulangers, les Ghoumrassen sont tous Rfairi, fabricants de begnets (ils s'associent à deux ou trois, généralement de la même famille pour exploiter une boutique on les trouve non seulement à Tunis, mais également en Algérie dans le Constantinois et même en France). Les Douiret sont commerçants d'étoffe et de sacs de jute, les Matmata boulangers, marchands de pois chiches, rôtisseurs ; d'autres encore sont marchands de j o u r n e a u x (les Chenini de Tataouine), marchands ambulants. Enfin, ceux qui comme les Toujane, les D e g h r a r h a , les Djellidett-Tataouine, les Ghetoufa ne jouissent pas de cette spécialisation corporatiste, sont prêts à pratiquer tous les petits métiers et vivent bien souvent d'expédients.

Ces exemples montrent qu'une fraction importante des migrants fixés de préférence à Tunis est formée par les Djebalia. Des auteurs comme Forest et M o r e a u parlent de cette émigration, en pleine période coloniale, comme d'un phénomène traditionnel qu'on peut faire remonter au XVIIe.

siècle, répondant à des impératifs géographiques (ressources rares, exploi-

(14) O n t r o u v e c e p e n d a n t à T u n i s des D j e b a l i a qui se sont fixés d ' u n e m a n i è r e plus ou moins définitive : une c i n q u a n t a i n e d e familles H a d d è g e et 3 0 à iO familles Achèche, une v i n g t a i n e de f a m i l l e s o r i g i n a i r e s de C h e n i n i et fixées à Radès

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m

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tation agricole aléatoire, surpeuplement) ou historiques (pression de l'en- vahisseur arabe).

Ceci étant, «quelle que soit la raison psychologique, historique ou économique de l'émigration des Djebalia, le fait est là, - écrit Prost - l'éco- nomie de la région est aujourd'hui fondée autant sur les profits de l'émigra- tion vers le nord que sur l'exploitation du sud» ( ' * ) . -y

Le caractère déjà ancien de cette émigration lui confère une sorte de monopole de fait qu'on peut attribuer au dynamisme des Djebalia comme à leur sens de l'organisation communautaire. Dès lors que les vacances d'emplois sont rares sur le marché tunisois, la spécialisation égalise la concurrence entre villages, organise le marché de l'emploi par la mise en place d'une série de «relais». Ainsi, un emploi à Tunis se prête, se donne, se restitue, se divise entre Djebalia d'une même spécialité, afin d'y associer au m a x i m u m les membres de la communauté et de permettre un retour régulier au pays.

1

Autre foyer d'émigration, le Djerid - dont la structure oasienne repose sur des rapports de productions archaiques- n'a pu résistera l'accroissement démographique et à la crise économique. Autrefois prospère, la richesse du Djerid dépendait, d'une part de sa situation géographique privilégiée, d'autre part de la production des dattes et de l'artisanat. Centre de commerce saharien, étape des caravanes de pèlerins vers les lieux saints, le Djerid connaissait une intense activité économique : les dattes procuraient une monnaie d'échange fort appréciée, le tissage avait grande réputation.

Ainsi, grâce à son dynamisme commercial, le Djerid connut une longue période de prospérité qui en fit un véritable pôle économique attirant à lui de nombreux émigrants. Cependant, d'esprit f r o n d e u r et indépendant, à l'écart du pouvoir central, cette région tenta d'imposer une politique d'autonomie, politique «nomade» comme l'écrit M . Rouissi ( ' * ) ; d'autre part, elle eut à subir impôts et exactions successives qui mirent bien souvent sa prospérité en danger à tel point qu'à plusieurs reprises, les populations

(15) G . P R O S T : L'émigration chez les Matmata ef Ouderna, o p . cit. p. 317

(16) ROUISSI : Le fait migratoire au Djerid, Revue T u n i s i e n n e des Sciences Socioles, T u n i s , n° 1 7 1 8 , 1 9 0 9 p. 570.

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abandonnèrent les oasis pour é m i g r e r plus au sud. Pourtant, jusqu'à la moitié du X I X e . siècle, lorsque l'occupation française en Algérie provoqua la fermeture des frontières, le Djerid put toujours trouver en lui les ressour- ces nécessaires à sa renaissance. Seule la fin du commerce caravanier eut raison de son dynamisme et son histoire se figea, aujourd'hui prise dans les sables du désert. Actuellement, l'artisanat n'est plus qu'un pâle reflet de ce qu'il fut et le commerce des dattes est passé aux mains de la STIL (Société tunisienne d'industrie laitière) qui ne parvient pas (ou ne cher- che pas) à imposer aux propriétaires une réorganisation des méthodes d'exploitation des palmeraies.

Ainsi, de terre d ' i m m i g r a t i o n , le Djerid est devenu à son tour foyer d ' é m i g r a t i o n : M. Rouissi évalue à 9.000 (22 % de sa population) la popula- tion qui, ces dix dernières années, é m i g r a soit vers Tunis, soit vers les centres miniers, soit encore vers des villes comme Gafsa, Sfax, Le Kef, G a m o u d a ( ' ^ ) .

Cette émigration n'implique pas nécessairement, comme nous avons déjà pu le voir dans le cas des Djebalia, la rupture radicale des solidarités traditionnelles. Certains groupes d'émigrés, suppléant à lo carence de l'Etat, ont mis en place des structures d'accueil originales destinées, soit à encadrer les nouveaux arrivants, soit à venir en aide aux familles dans le besoin. Ce sont ces mêmes structures qu'on retrouve à l'étranger et qui visent à recréer en milieu hostile un certain nombre de valeurs familières.

Les Nefti de Tunis par exemple se sont regroupés autour de la zaouia de Sidi Bou A l i , rue Sidi Gharsallah. Plus ou moins interdites en raison de leur ancienne puissance politique et de leur caractère incontestablement conservateur peu compatible avec une doctrine socialiste, certaines confré- ries religieuses n'en sont pas moins tolérées bien que leurs activités soient étroitement surveillées par le parti.

Gardien de la Z a o u i a de Sidi Bou A l i , dont le marabout est à Nefta, Si M a h r e z , marchand d'instruments de musique, musicien, maraîcher,

(17) C'est T o i e u r (13 % d e sa population a u r a i t é m i g r é en 25 ans) et N e f t a (9 % ) q u i sont les foyers d ' é m i g r a t i o n importants du D j e r i d . O n c o m p t e r a i t en 1970, 1.369 déjéridis dans les centres miniers d u g o u v e r n o r a t .

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accueille, le vendredi les Nefti de Tunis. Après la récitation du Coran et après avoir chanté le W a r d Chedii (hommage à Sidi Bel Hassen), les fidèles prennent un repas collectif dont les aliments ont été santifiés par la prière et qui sera suivi d'une cérémonie à caractère plus profane cette fois, faite de chants et de danses ; chants à Sidi Bou A l i , à Sidi A g h i r e b rappelant le rythme du stambali et accompagnés de transes. Un repas collectif apporté en guise d'offrande par les membres de la confrérie sera le prétexte

à un long échange d'informations concernant les familles restées au pays, le travail en ville les menus événements de la vie quotidienne. Si la séquence purement sacrée de la cérémonie ne groupe que quelques vieux fidèles l a séquence profane rassemble hommes, femmes et enfants en grand nombre.

C e qui doit retenir l'attention, c'est de voir comment transplanté en milieu u r b a i n , cette survivance d'un rituel très ancien s'est réactualisée pour a c q u é r i r une finalité nouvelle : celle de maintenir à l'intérieur d'un groupe allogène, subissant l'agression d'un milieu souvent hostile une cohésion, une cohérence et une mémoire collective permettant au groupe de n'être point désarticulé, absorbé par l'au-dehors. C'est l'occasion aussi bien p o u r les pauvres, maraîchers, petits commerçants, chômeurs, chauffeurs, comme pour les riches, mieux intégrés à la vie urbaine, avocats, employés, commerçants, d'entretenir des relations sociales traditionnelles, des alliances en d'autres termes, un aspect de la structure sociale de la ville d'origine.

L'attraction de l'urbain sur les populations rurales s'exerce aussi sur un plan plus mythique comme une fuite inconsciente de la misère et de la vacuité morale. C'est principalement chez les jeunes, la fascination de la v i l l e et le rêve qu'elle entretient : la ville est ce lieu où tout est possible : y g a g n e r sa vie, y accéder a u x signes extérieurs de richesse (vêtements, voiture), se libérer aussi d'une emprise familiale ressentie t r o p aliénante.

C'est également pour l'élite, c'est-à-dire le diplômé, mais aussi tous ceux q u i ont reçu une instruction au-delà du primaire, une réponse naturelle à ses aspirations.

L'effet de démonstration jouant, c'est évidemment Tunis qui devait a t t i r e r les populations les plus dynamiques, d'autant que depuis et à p a r t i r de la colonisation c'est la seule région du pays à a v o i r profité d u processus cumulatif de croissance et donc à pouvoir o f f r i r de l'emploi stable.

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En dernière analyse c'est toujours la recherche d'un emploi salarié (un vrai «travail», par opposition à l'agriculture qui rapporte peu ou pas de revenus en argent) que ne peut proposer le village, qui détermine cet exode qu'on pourrait appeler émigration prolétarisée, par opposition à une émigration technologique qui est le fait de techniciens ou de professions libérales attirées à la ville ou à l'étranger, par de meilleures conditions financières etdont on rencontre les prémisses, jusque dans les campagnes tunisiennes.

O n constate et le cas est surtout significatif pour les jeunes gens sortis des écoles d'agriculture, que l'accession à un diplôme technique, quel qu'il soit, confère au jeune diplômé un prestige et des ambitions bien souvent peu en accord avec sa spécialisation. Le prestige du «bureaucrate» étant, on v e r r a ces jeunes cadres à peine formés, hanter les antichambres à la recherche d'un poste dans l'administration, aussi bas solt-il dans la hiérar- chie. O n comprendra, surtout en ce qui concerne l'agriculture qui récla- merait un nombre Important de jeunes cadres, combien cette démarche aussi explicable soit-elle sur le plan psychologique, constitue un gaspillage g r a v e d'énergie et de connaissance. Cet aspect valorisé du «bureaucrate», apparaît d'une manière plus évidente encore dans les aspirations que manifestent les parents pour leurs enfants. Tous les métiers souhaités impli- quent, bien entendu, pour être exercés un passage de la campagne à la ville. Ces aspirations pour la réalisation desquelles les sacrifices les plus Importants seront consentis, signifient la fin d'une culture assumée comme telle, la négation même de la culture paysanne par ceux qui en procèdent au profit d'une culture urbaine, plus mythique que réelle et chargée de toutes les vertus ou du moins de tous les «possibles» susceptibles de libérer des Impératifs de la terre. Si des «villes» comme Medenine, Gabès, Gafsa, sont chargées de valeurs urbaines suffisantes pour attirer les jeunes gens, c'est avant tout en tant que passage obligé vers la capitale ou vers l'étranger M . Picouet appelle les villes relais des «tremplins migratoires» : «Dans les régions où II existe un pôle de développement (Gafsa, Sfax par exemple) l'appel de Tunis n'est pas ressenti très fortement par les r u r a u x du faît de l'élolgnement ou du manque d'Informations, et l'objectif du déplacement reste le centre urbain le plus proche. Par contre, une fois devenu citadin, leur horizon s'élargit et la possibilité d'une migration vers la capitale devient plus réelle. L'existence des villes «relais» joue ainsi un rôle essentiel» ( ' * ) .

(18) M . P I Q U E T : A p e r f u s des migrations intérieures en Tunisie In P o p u l a t i o n , m a r s 1971 p . 1 3 4

(12)

284 R O N A L D P I R S O N

Une législation récente très stricte, du moins dans la lettre (mais peut-elle l'être dans les faits alors que très peu d'emplois nouveaux per- mettent d'absorber les sans-travail des villes du Sud) oblige les candidats émigronts à s'inscrire dans les bureaux d'emploi, à subir visite médicale et tests d'aptitudes. Ils sont enregistrés et n'ont plus qu'à attendre d'être choisis : s'il semble qu'il y ait peu d'élus pour beaucoup de candidats, l'opinion qui prévaut parmi ceux-ci est que, de toute manière, il faut avoir haut placé un parent, une relation qui veille à votre dossier. Aussi, nombreux sont ceux qui essaient de tourner le règlement, partent vers la ville ou cherchent à obtenir un visa touristique pour trois mois dans l'espoir de se d é b r o u i l l e r par eux-mêmes à l'étranger.

D'autres, afin d'augmenter leurs chances de sélection, suivent des cours de f o r m a t i o n professionnelle, mais les faibles possibilités d'absorption des centres, le manque de moyens matériels, condamnent de l'avis même des responsables de la formation professionnelle, toutes les initiatives en la matière. ( " ) .

Sans emploi dans son gouvernorat d ' o r i g i n e , refoulé des villes (prin- cipalement Tunis) ayant fait le plein de leur main-d'œuvre, il ne reste bien souvent au candidat que la perspective du départ vers une Europe mythifiée, source de richesses matérielles, mais surtout pourvoyeuse d'emploi.

La naissance de ce courant migratoire vers l'Europe prit date au lendemain de la seconde guerre mondiale, alors que des régiments tunisiens

(19) Les organismes de formation professionnelle sont :

— Les centres de pré-apprenfissage pour les jeunes de ^A à 1 7 ans : à G a b è s i centres p o u r ^6i a p p r e n t i s ; p o u r toute la Tunisie 91 centres p o u r i.36i apprentis.

— a p p r e n t i s s a g e au sein de l'entreprise p o u r les jeunes de 1 4 à 1 7 ans : n o m b r e d ' a p p r e n - tis en f o r m a t i o n au 3 0 . 6 . 7 0 ; G a f s a : 6 4 ; G a b è s : 2 2 2 ; M e d e n i n e : 113

— Les centres de f o r m a t i o n et de perfectionnement professionnel p o u r les adultes de 18 à 35 ans : en 1 9 7 0 à G a f s a : 1 2 0 stagiaires ; à G a b è s , 105 ; à M é d e n i n e , 4 8

— les centres de f o r m a t i o n professionnelle dans le b â t i m e n t : G a f s a , 120 stagiaires G a b è s 4 0 stagiaires. M é d e n i n e 1 2 0 stagiaires.

— l a f o r m a t i o n professionnelle dans le codre des chantiers d e lutte contre le sous-déve- l o p p e m e n t : G a b è s : 1 0 0 stagiaires ; Gafsa, 125 stagiaires ; M e d e n i n e , 125 stagiaires.

— Le service civil ou l a « f o r m a t i o n - p r o d u c t i o n » dont le souci est de r é c u p é r e r les jeunes défaillants d e l'enseignement p r i m c i r e : Gafsa, 3 0 0 stagiaires ; G a b è s , 4 0 0 stagiaires ; M e d e n i n e , 2 0 0 stagiaires.

(13)

avaient participé au conflit et que l'Europe en pleine reprise économique s'ouvrait à la main-d'œuvre étrangère moins coûteuse et disponible pour tous les travaux.

Jusqu'en 1964 pourtant, cette émigration n'était pas organisée et II fallut attendre cette date pour que des accords bilatéraux soient signés entre la Tunisie et les pays demandeurs ( " ) .

C'est ainsi que de 1965 à 1969, 7.766 travailleurs tunisiens se sont rendus en France tandis que 33.538 contrats de travail étaient régularlsés(*').

L'Allemagne fédérale, après a v o i r accueilli en 1968,900 travailleurs émigrés, s'engagea à embaucher 5.000 travailleurs supplémentaires. En 1967, 4.664 travailleurs (dont 2.000 saisonniers) ont émigré vers la Lybie ; 1.964 en 1968 (plus quelque 3.000 émigrés clandestins refoulés par les autorités lybiennes) et enfin 1.348 en 1969, le mouvement ayant été enrayé en septembre de cette année par le coup d'Etat.

D'après les chiffres de l'Office de la Formation Professionnelle et de l'Emploi, il y aurait eu entre 1962 et 1970, 34.977 départs officiels vers différents pays d'Europe. Si l'on tient compte cependant de l'émigration clandestine, ce chiffre peut être évalué à quelque 80.000 perssonnes. Depuis 1967, c'est l'Office de la Formation Professionnelle et de l'Emploi qui s'occupe d'organiser l'émigration dans une perspective de résorption du chômage, d'une politique de plein emploi.

En principe, chaque candidat émigrant s'inscrit au bureau de l'emploi de sa localité : si dans les deux mois sa candidature n'est retenue pour aucun emploi local, il passera sur la liste des candidats a l'émigration ; c'est après une sélection psycho-technique au service central de l'emploi que le travailleur quittera la Tunisie à destination du pays demandeur de main-d'œuvre.

On ne s'étonnera pas de constater que parmi ces émigrants, la majorité sont des jeunes au niveau scolaire bas et sans formation professionnelle.

(20) 1965 avec la France et la R é p u b l i q u e F é d é r a l e A l l e m a n d e 1967 avec l a Libye, 1 9 6 9 avec la Belgique.

(21) Ces chiffres p r o v i e n n e n t de l ' O f f i c e n a t i o n a l d ' i m m i g r a t i o n .

(14)

286 R O N A L D P I R S O N

Si la volonté d'échapper à l'emprise du milieu familial apparaît en bonne place parmi les motivations qui poussent à l'émigration, c'est surtout la volonté de travailler et d'apprendre un métier qui décident ces jeunes à quitter leur village pour d'aussi lointains horizons.

Si l'émigration vers l'étranger peut apparaître comme une solution à court terme de la crise du chômage en Tunisie - donc du problème de sous- emploi Il n'en demeure pas moins que cette migration spécifique, dans sa part la plus grande reste un phénomène temporaire. De plus elle ne fait que retarder les problèmes puisqu'il s'agira de réintégrer dans l'économie nationale les émigrants, au fur et à mesure de leur retour ; qui plus est, ceux-ci auront acquis une formation professionnelle qu'il conviendra de p o u v o i r mettre à profit dans une économie nationale peu diversifiée.

O n constate d'ailleurs que nombreux sont ceux qui, p a r m i les émigrés revenus au pays, préfèrent s'Installer à leur compte - grâce au petit capital accumulé - comme artisans, commerçants, transporteurs, plutôt que de chercher à s'embaucher dans l'industrie tunisienne, milieu économique et social contraignant auquel Ils redoutent de ne pouvoir s'adapter.

D ' a u t r e part, les employeurs évitent, semble-t-il, d'embaucher des ouvriers formés à l'étranger, l'influence qu'ils pourraient exercer sur la main-d'œuvre locale risquant estiment-ils, de dresser celle-ci contre ses conditions de travail.

En dehors de ce courant extra-national, c'est vers Tunis ou dans une moindre mesure vers Sfax ou quelques autres villes que se dirige le courant d ' é m i g r a t i o n prolétarisée. (^^)

L'enquête menée par le GERES ( ' ^ ) montre que 48,2 % du prolétariat tunisois est o r i g i n a i r e de la ville ou de la banlieue contre 51,8 % de la

(22) En 1 9 6 6 , 36 % de l a population du g o u v e r n o r a t d e T u n i s était o r i g i n a i r e d'autres r é g i o n s . C'est ce constant a p p o r t de population qui gonfle le t a u x d'accroissement de l a p o p u l a t i o n du g o u v e r n o r a t de Tunis ; celui-ci atteint 4,6 % p a r an p o u r un t a u x moyen de 2 % .

(23) Les préconditions sociales de l'industrialisation dans la r é g i o n de T u n i s , U N E S C O , C E R E S , T u n i s .

(15)

campagne, à la première ou à la seconde génération. Ce sont les raisons économiques avant tout, familiales (rejoindre un père, un frère) ou profe- ssionnelles (désir d ' a p p r e n d r e un métier) qui sont à la base de cette émigra- tion ayant généralement un caractère définitif. Il apparaît que parmi les non-tunisois, les r u r a u x l'emportent sur les citadins (sont citadins ceux originaires de localités de plus de 10.000 habitants), ce qui n'est pas pour nous étonner, les grosses agglomérations étant malgré tout susceptibles de f o u r n i r plus de travail que les campagnes. Cette même enquête fait ressortir qu'environ 50 % de ces émigrants «n'envisagent de retourner dans leur pays d'origine qu'au terme de leur vie active. Le village reste en effet le point de référence constant : ils y possèdent encore quelques biens ; ils y ont encore de la famille, ils estiment qu'il leur sera plus facile d'y vivre d'une modeste retraite».

Ceci prouve q u ' i l n'y a pas à proprement parler de détachement du groupe et de la région d ' o r i g i n e , mais tout simplement un impératif vital qui oblige à une véritable mutation socio-professionnelle, tandis que le t e r r o i r constitue l'horizon psychologique vers où convergent les préoccu- pations du migrant.

SI l'on ne trouve p a r m i le prolétariat tunisois que 9,7 % d'effectifs originaires des gouvernorats du sud (^*) contre, par exemple 6,4 pour le seul gouvernorat de Sousse, 7,8 pour Béja, 6,7 pour le Kef, cela ne signifie

pas que l'émigration en provenance du sud soit aussi réduite.

Il s'agit plutôt d ' u n problème de formation : en effet, l'enquête du CERES porte sur le prolétariat industriel. O r , les émigrants originaires du sud ayant eu peu d'occasions d'affronter la machine et de se familiariser avec elle, on leur préférera une main-d'œuvre plus expérimentée ; d'autre part leur mode de vie traditionnel les dispose peu à se plier, pour autant qu'ils aient le choix, a u x conditions de travail de l'usine.

Lê bilan migratoire de la tunisie a été dressé à plusieurs reprises(^*) :

(24) G a b è s : 5.3 ; G a f s a : 2 , 7 ; M é d e n i n e : 1,7.

(25) Sel<lani ; La population de Tunisie : situation actuelle et évolution probable In Revue T u n i - sienne des Sciences Sociales T u n i s , n° 1 7 - 1 8 1969.

M . Picouet : aperçu des migrations intérieures en Tunisie op. cit.

R. A n d r é : in Bilan socio-économique du Sud Tunisien, Institut de sociologie U . I . B . 1971

(16)

R I D H A B O U K R A A

nous ne retiendrons ici, à titre d'illustration que quelques grandes tendances du phénomène qui mettent en lumière l'attraction urbaine d'une part, la dépopulation relative de certains gouvernorats d'autre part.

Déplacements de groupes ou individuels, temporaires ou définitifs, recherche d'emploi ou espoir de promotion professionnelle, les mouvements de population qui agitent la Tunisie entière sont en grande partie dirigés vers Tunis.

En 1966, sur l'ensemble de la population migrante ( " ) recensée 58 % s'étaient fixés dans le gouvernorat de Tunis ( * ^ ) .

La tendance générale de la répartition géographique des populations indique une diminution régionale au profit du nord-ouest : quelques gou- vernorats ce-pendant, connaissant un taux d'accroissement sensiblement égal au taux d'accroissement général (2,0 % par an) se sont maintenus .

N a b e u l dans le nord-est, Sfax dans le sahel, Jendouba dans le Tel et Gafsa dans le sud. Les diminutions les plus importantes ont été enregistrées (entre 1936 et 1966) dans les gouvernorats de Sousse (2,1 % ) , du Kef (1,7 % ) de Medenine (2,2 % ) . Par contre le gouvernorat de Tunis a vu sa population doubler en 30 ans (de 8,1 % à 17,2 % ) avec une densité de 367 habitants au km2 pour une densité nationale de 27,7.

En dehors de Tunis, pn relève quatre grandes zones d'attraction :

— le complexe industriel et maritime de Bizerte - Menzel Bourguiba - (pétrole, sidérurgie, mécanique) ;

— la zone agricole et touristique de Nabeul ;

— la zone industrielle de Sfax ;

— les centres phosphatiers du gouvernorat de Gafsa.

(26) M i g r a n t : «on dit q u ' u n e personne est v e n u e r é s i d e r dans l a délégation du recense- m e n t si elle est v e n u e s'y é t a b l i r pour des raisons de t r a v a i l o u de vie f a m i l i a l e ou p o u r quelques autres raisons, depuis six mois ou plus, ou avec l'intention de s'installer défini- t i v e m e n t » : Recencement généra/ de la population ; 3 m a i 1966.

( 2 7 ) En 1 9 6 6 , sur une population totale de 4.533.351 personnes, on d é n o m b r e 64-0.446 i m m i g r a n t s (14 % ) P a r m i e u x , 285.732 (44,2 % ) résident à T u n i s .

(17)

Ces quatre pôles de développemeni attirent des populations originaires principalement de gouvernorats limitrophes : ainsi à Sfax on relève des immigrants en provenance du Sahel, de Kairouan, de Gafsa et du sud ; à Gafsa se sont des populations originaires du Djerid et de Gabès qui dominent tandis qu'à Nabeul elles viennent surtout de Sousse, Béjà, Le Kef, Kairouan, Bizerte enfin des immigrants sont originaires de Jendouba, Béjà, le Kef et des gouvernorats du sud.

Localement, la zone d'appel la plus importante est le centre urbain qui conditionne une mobilité intense au sein des gouvernorats comme par exemple Béjà, le Kef, Kasserine, Gafsa, Sfax. Mais nous l'avons vu, ces villes jouent surtout un rôle de relais vers Tunis ou les zones d'attraction privilégiées ; c'est ainsi qu'on peut relever quelques axes stables d'émigra- tion : Sousse - Nabeul ; Le Kef - Gafsa ; Le Kef - Béjà - Bizerte ; Medenine Gabès - Sfax ; Kairouan - Sfax ; Sousse - Sfax.

En ce qui concerne plus précisément le sud tunisien, on y observe d'Intenses mouvements de populations tant intérieurs (survivance du noma- disme et du semi-nomadisme) qu'extérieurs (recherche d'emplois). Le pourcentage des migrants vers le nord l'emporte bien entendu sur les migrations en provenance du nord vers les gouvernorats du sud.

D'une manière générale, on peut distinguer plusieurs formes spécifiques du fait migratoire :

1") La migration rurale, dans sa forme ébauchée et jamais accomplie, est éphémère et liée à la recherche d'emplois occasionnels, tandis que le migrant retourne continuellement vers le t e r r o i r pour y accomplir des activités agricoles ou pastorales à son propre profit. Non spécialisée, prolétarisée, elle s'improvise le plus souvent en fonction de la demande extérieure et peut donc difficilement être organisée.

2°) La migration des populations du sud vers Tunis est, d'une manière générale, institutionnalisée, ancienne, rationnelle, intégrée a u x structures économiques nationales, spécialisées et distribuées en monopoles. Organisée d'une manière permanente, elle est individuelle, de courte durée, mais régulière. Elle Ile le t e r r o i r à la capitale par un mouvement d'aller-retour

(18)

290 R O N A L D P I R S O N

incessant qui assure à la communauté un revenu permanent et plus ou moins f i x e (^^).

3°) A l'opposé, le fait migratoire des populations du centre et du n o r d vers Tunis est un processus plus récent, réponse empirique à un éclatement de la structure économique déséquilibrée p a r les contradictions entre une modernisation irrationnelle et des structures archaïques de subsistance. A cet égard, les statistiques du centre d'accueil et d'orientation d'EI O u a r d i a sont riches d'enseignements. Créé à Tunis en 1966, le centre vise à freiner l'exode r u r a l vers Tunis et à favoriser une politique de fixation régionale des populations rurales. La brigade de Sécurité urbaine (B.S.U.) p a r c o u r t la capitale et dirige sur le centre toute personne n'ayant pas de t r a v a i l permanent ou de domicile fixe, et dès lors considérée sans attaches

réelles à Tunis. Le centre d'accueil se fixe deux objectifs ; d'une part, accue- i l l i r les cas sociaux et surveiller leur hygiène et leur alimentation ; d'autre part, favoriser leur réintégration dans leur gouvernorat d'origine, en essayant de leur procurer un emploi. Ainsi, en 1967, 6.418 personnes ont été appréhendées dont 2.113 furent renvoyées dans leur gouvernorat. Parmi elles, 266 ressortissants des trois gouvernorats du Sud (Gafsa : 185 ; Gabès : 56 ; Medenine : 25) ont été repatriés sur un total de 555 émigrants (Gafsa : 349 ; Gabès : 128 ; Medenine : 78). , , ,

Les statistiques du centre laissent supposer que la fréquence des émigrations réussies serait plus élevée p a r m i les migrants originaires du sud que p a r m i ceux des autres gouvernorats. Il faut y voir là le rôle des structures d'accueil spontanées mises en place par les migrants du sud, plus structurées, plus organisées que celles des autres groupes de migrants.

Les autres gouvernorats (principalement Jendouba, Béjà, le Kef) sont à l ' o r i g i n e d'un courant d'émigration massif généralement familial à caractère définitif : pour la plupart, ouvriers sans terres, ces groupes

(28) A G t i o u m r a s s e n où 5 0 % des cliefs de f a m i l l e é m i g r e n t , l ' a p p o r t moyen p a r f a m i l l e et p a r a n est é v a l u é p a r Prost à 350.000 a.f.f. A T a m e z r e t - Z r a o u a (où 95 % des ctiefs d e f a m i l l e é m i g r e n t ) , ce bénéfice ne serait que de 1 5 . 5 0 0 f r a n c . D ' a p r è s les statistiques d e P . T . T . o n distribue en m o y e n n e 30.000 d i n a r s p a r mois p o u r la d é l é g a t i o n d e G h o u m r a s s e n 1 ^ . ^ 7 0 D / m o i s pour la d é l é g a t i o n de M a t m a t a , Il faut a j o u t e r à c e l a , é c h a p p a n t a u x sta- tistiques, des biens en n a t u r e , des dépenses de prestige et l a participation a u développe- m e n t r é g o n c i ; la construction de I,hôtel de SIdl Driss et l a plantation d'oliviers à M a t m a t a , la construction d ' u n e b r i q u e t t e r i e à D o u i r e t ont été financées p a r des c a p i t a u x privés d ' é m l g r a n t s .

(19)

trouvent difficilement à s'intégrer au milieu urbain ou sans disposer de structures d'accueil, ils finissent par gonfler la masse des «sans travail».

Comme l'écrit D. M a i g r a y , «cette émigration se termine concrètement a u x abords de la ville où, refoulés, les migrants contribuent à la «gourbifica- tion» qui accroît d'autant les problèmes et le coût de l'urbanisation/) ( ^ ' ) .

4°) L'émigration «bureaucratique» répondant à un processus de mobilité sociale qui pousse les jeunes vers des emplois administratifs a u x sièges des gouvernorats et à Tunis, pouvant aller à la limite jusqu'à l'émi- gration des cadres (professions libérales, techniciens) vers la capitale et l'étranger.

Les répercussions de ces quatre types migratoires définis ont une signification directe, au niveau de l'effet induit, dans le r a p p o r t médina/

campagne. Le «cheminement m i g r a t o i r e » est en effet un axe fondamental du changement social, dans son dynamisme même (dynamisme physique lié à la mobilité, l'acte de mobilité) auquel correspond un ensemble de schémas comportementaux nouveaux.

Grosso modo, le phénomène migratoire, dans tout ce qu'il a de douloureux, s'écrit comme le long itinéraire vers l'au-dehors, Tailleurs, hors de la culture et d'une réalité inapte à libérer l'homme des contraintes liées au sol (économiques ou sociales) et supposé déboucher sur un univers où l'homme puisse se t r o u v e r en harmonie avec lui-même. C'est là le processus, malheureusement devenu classique, des pays en mutation écono- mique, prisonniers de leur imitation du système occidental. Dès lors, le chemin de leur mutation passe par le détour de la prolétérisation capitaliste.

L'enchaînement des différents processus, dans l'espace, peut s'écrire de la manière suivante :

Ru rainé : nomadisme

économie pastorale et d'échange, basée sur le groupe et la réciprocité.

occupation totale de l'espace collectif.

(29) D . M A I G R A Y Le phénomène migratoire chez les Djebalia - a r t . inédit

(20)

292 R O N A L D P I R S O N

semi-sédentariié

économie agricole d'auto- subsistance. Endogamie, esprit de clocher, dévelo- ppement des contradic- tions de classes.

Urbanité : sédentarité

économie de marché, an- tagonisme de classes et de groupes (urbains/

' sédentaires).

Croissance bureaucratique et sous-prolétaire.

Migration temporaire

de la campagne à la ville (chef-lieu de gouvernorat) de la ville à la ville (la capitale)

de la ville à l'étranger

Migration définitive

de la ville h la ville:

occupation d'un espace restreint, groupement de l'habitat.

naissance de l'espace urbain, attirant à lui les semi sédentaires r u r a u x .

passage à l'espace indi- vidualisé et technique, l'espace urbain est frag- mentairement assimilé.

A l'origine :

-d'une révalorisation de l'esprit communautaire ;

•une aspiration aux va-:

leurs sociétaires ; -des conduites ar/piques.

déracinement, conduite d'assimilation ou d'accul turation ou conduite de sauvegarde des valeurs culturelles, délinquance.

mobilité sociale et éco- nomique ;

recherche d'intégration et d'un statut social va- lorisant ;

(21)

prolétarisation ou bu- reaucratisation. : de la ville à l'étranger intégration dans l'out-

group «étranger».

De ce qui précède, il nous apparaît que l'émigration que nous avons appelée prolétarisée - tant il faut la distinguer de l'émigration plus spé- cifique d'une certaine élite et en mesure moindre des mouvements de population liés au semi-nomadisme - est caractérisée par une contradiction quant à ses conséquences. D ' u n e part, elle procède d'un ensemble d'institu- tions destructrices, tandis que d ' a u t r e part, elle est la seule conduite positive possible en réponse à l'impuissance économique.

Institution destructrice, l ' é m i g r a t i o n qui touche une forte proportion de jeunes, dans son processus de rejet ou d'éjection d'une classe d ' â g e , appauvrit les ressources tiumaines d'une région, entraîne des désadaptations des traumatismes, transforme des mentalités dans un sens qui ne sera pas toujours positif à long t e r m e .

Ne parlons pas de ceux qui partent à l'aventure et qui ne trouveront pas en ville la réponse à leurs espoirs ; ils iront grossir les rangs des aigris, des mécontents, souvent des délinquants. Ceux qui trouveront à s'employer se fixeront en ville, soit le temps de se constituer un maigre pécule leur permettant de retourner temporairement dans leur village, soit d ' u n e manière définitive, ou tout au moins pour la durée de leur vie active. Ils adopteront de l'urbanisé ses attitudes, verront croître leurs aspirations comme leurs frusturations ; privilégiés cependant, ils tenteront d'attirer d'autres hommes de leur famille, de leur village qui viendront grossir

un prolétariat urbain que Tunis n'est déjà plus en mesure d'assimiler, submergée qu'est la ville par sa p r o p r e urbanité. «Le centre urbain, écrit Lefebvre, se remplit jusqu'à saturation ; il pourrit ou éclate. Parfois, inversant son sens, Il organise autour de lui le vide, la rareté. Le plus souvent, il

suppose et propose la concentration de tout ce qu'il y a dans le monde, dans la nature, dans le c o s m o s . . . » ( " )

(30) LEFEBVRE : L a r é v o l u t i o n u r b a i n e . Paris, G a l l i m a r d , 1970.

(22)

294 R O N A L D P I R S O N

C'est ainsi que la croissance urbaine, elle-même anarchique de Tunis, se fait au détriment du sud en exerçant son pouvoir de fascination sans restituer ce qu'on serait en droit d'attendre d'elle.

N'exagérons rien cependant ; dans l'état actuel de la crise de déve loppement que traverse la Tunisie, l'émigration, dont nous avons dit qu'elle est institution destructrice, est aussi une attitude positive susceptible, à court terme, de permettre aux populations du sud de survivre, encore n'est-ce là qu'une opération de «sauvetage individuel» qui n'entraine que peu de conséquences pour un véritable développement structurel du sud.

Voilà pourquoi depuis l a f i n du X I X e . siècle, cette émigration vers le nord en général et vers Tunis en particulier, est devenue un phénomène capital touchant un grand nombre de familles jusqu'à être une assise socio-écono- mique essentielle des régions sud-tunisiennes.

Bilan qualitatif du fait migratoire.

Positif Négatif

- Avantages financiers Réinvestissement dans des dépenses - du t e r r o i r de prestige plus que dans l'éco- - de la communauté nomie régionale (la carence de - de la famille l'Etat ne stimule d'ailleurs pas

l'initiative individuelle).

- Acquisition d'une spécialisation - Sous-prolétarisation,

professionnelle. aucune formation professionnelle.

- Prestige social retiré de l'émigra- - Détachement des activités écono-

tion réussie miques jugées peu valorisantes

- Recherche systématique de l'ur- (par exemple l'agriculture) bain

- Esprit de compétition débouchant - Rejet du r u r a l . sur un dynamisme économique.

- Aspiration démesurée à la con- sommation, esprit de compétition - Nouvelles attitudes face aux accentuant l'antagonisme de

problèmes du couple et de l'édu- classe.

cation.

(23)

- Absence de l'homme engendrant une génération d'enfants «sans père», distance entre le mari citadinisé et la femme rurale

- Stagnation rurale, alourdis- sement des charges de travail pour la communauté villageoise.

- Mauvaise utilisation des valeurs de la ville, sentiment d'éloigne- ment et de frustration ;

- Coût urbain disportionné, sous- développement régional.

Ce bilan positif/négatif souligne que le faît migratoire ne peut être qu'une solution à court terme qui se substitue momentanément à une néces- sité de réorganisation de l'économie régionale elle-même. Elle permet néanmoins aux populations défavorisées de sauvegarder un certain équilibre économique de plus en plus perturbé par la généralisation de l'économie

monétaire.

«L'économie du sud» est a u j o u r d ' h u i fondée autant sur les profits de l'émigration vers le nord que sur l'exploitation du sol ; ces deux sources de revenus se complètent ; ce sont les épargnes faites à Tunis qui permettent le mieux vivre au village et d ' y accélérer la mise en valeur du sol».

Cependant, cet équilibre illusoire a tendance à masquer a u x yeux des autorités la véritable carence d'infrastructure, d'emploi et d'équipement national ; le gouvernement peu préoccupé par le sud tunisien se plait à v o i r dans l'émigration une solution définitive et à l'institutionnaliser.

- L émigration devient une solution économique systématique

- Acquisitions de conduites urbai- nes, ouverture vers le monde, curiosité vis-à-vis des événe- ments, politisation.

- A p p o r t de main-d'œuvre tem- poraire et souvent non qualifié en ville.

( 3 1 ) P R O S T : l'émigration chez les Matmata et Oudernal, op. cit., p. 317

(24)

2 9 6 R O N A L D P I R S O N

O r l'émigration n'est jamais pour un pays qu'une phase transitoire ; elle est une réponse trop commode au déséquilibre économique sans être une solution. Le rapatriement des populations migrantes prouve que Tunis a déjà fait le plein de la main-d'œuvre allogène qu'elle peut tolérer et est obligée de refouler périodiquement des émigrés dans leur gouvernorat d ' o r i g i n e . D'autre part, l'Europe contingente de plus en plus sévèrement l ' é m i g r a t i o n de main-d'œuvre étrangère. Il apparaît donc que l'émigration, si elle peut être une soupape de régulation, demande des solutions qui dépassent le secteur de l'emploi lui-même pour s'inscrire dans une problé- matique économique globale.

Ronald PIRSON

CHARGE DE RECHERCHE A U FONDS N A T I O N A L DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE.

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