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John Fowles et le postmodernisme dans The Collector

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Academic year: 2022

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HAL Id: halshs-03659631

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03659631

Preprint submitted on 5 May 2022

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John Fowles et le postmodernisme dans The Collector

Marie-Pierre Quémerais

To cite this version:

Marie-Pierre Quémerais. John Fowles et le postmodernisme dans The Collector. 2020. �halshs- 03659631�

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John Fowles et le postmodernisme

dans

The Collector

Marie-Pierre QUÉMERAIS Enseignante - Chercheuse Membre associée ACE RENNES 2 / Axe TELL Juin 2020

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The Collector1, le premier roman de John Fowles publié en 1963, a pour thèmes centraux les notions de postmodernisme et de condition postmoderne. En effet, ce roman décrit à la fois ce qui est réel et ce qui est illusion à travers différentes perspectives. Le roman se déroule d’abord selon le point de vue de Frederic Clegg, le bourreau, puis l’histoire se poursuit à travers le regard de Miranda Grey, la victime. Ces narrateurs qui s’expriment à la première personne apparaissent comme des auteurs de substitution. Le roman ne se conforme pas aux règles du récit réaliste classique, mais se tourne vers les principes postmodernistes qui mettent en lumière la conscience de soi. Ce mode d’écriture est à la fois métafiction et narration fictionnelle narcissique. La métafiction est utilisée pour décrire la fiction qui systématiquement attire l’attention sur son statut d’artefact s’interrogeant sur la relation entre fiction et réalité.

Dans la première partie du roman, nous découvrons comment Frederic Clegg s’éloigne de la société moderne. Les informations que nous avons sur l’enfance et la vie personnelle du protagoniste nous permettent de mieux cerner les raisons qui l’amènent à devenir asocial. Élevé par une tante non-conformiste après la mort accidentelle de ses parents, Clegg a développé l’idée selon laquelle il est acceptable d’avoir des opinions séparatistes radicales sur certains domaines de la société et d’aspirer à l’indépendance. L’influence de sa tante l’a complètement séparé de la réalité du monde moderne. Il a notamment été privé d’avantages sociaux comme une éducation dans les écoles publiques.

Le courant littéraire postmoderne, apparu dans les années 1960, met en exergue l’effondrement des idéologies, l’écroulement des repères culturels et religieux, le relativisme des sciences, la crise autour de la notion de progrès, l’humanité confrontée aux échecs écologiques, économiques et sociaux, et la faillite certaine des utopies révolutionnaires. Le postmodernisme accorde une place majeure à l’imaginaire de l’ici et maintenant. Le culte du présent, la recherche du bien-être remplacent la volonté de transmission, propre aux prémodernes, comme celle de transformation de la société, caractéristique des modernes. L’ère postmoderne contribue à la fragmentation de l’individu : l’identité se fragilise, se démultiplie en attitudes diverses. Dans The Collector : Frederic Clegg et Miranda sont porteurs de toutes les distinctions qui animent le postmodernisme. Ils se placent dans la perspective de surmonter le désenchantement d’une époque.

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Frederic Clegg, au travers de son récit sur l’enlèvement de Miranda Grey, dévoile son état d’esprit et la réalité qu’il s’invente. Tout ce qu’il entreprend découle, selon lui, de la bonne décision, peu importe les normes et les règles sociales. Il ne prend jamais en compte l’avis des autres. Lorsqu’il gagne une forte somme d’argent à un concours de pronostics, il en vient à se croire invincible. Il veut forcer Miranda Grey à le comprendre et même à l’apprécier. Il est hanté par un rêve, celui de séquestrer Miranda dans de bonnes conditions afin qu’elle l’accepte et l’aime. Il souhaite que son rêve devienne réalité. Le postmodernisme implique un processus de codage objectif qui amène l’un à accéder à la politique de l’autre. Frederic Clegg est persuadé qu’en attirant Miranda dans sa propre version de la réalité il l’amènera à comprendre son point de vue sur la vie et son dégoût des classes sociales. Il se construit ses propres règles et vit en reclus. Incapable de nouer des liens avec autrui, Clegg n’est autre qu’un sociopathe dangereux dont le cas relève de la psychiatrie. D’ailleurs il ne veut surtout pas que Miranda apprenne à le connaître véritablement. Il veut qu’elle le comprenne, l’accepte et l’aime comme il est, rien de plus ; en gardant une distance calculée, Clegg préserve sa propre réalité.

Clegg traverse une profonde crise existentielle : il veut que Miranda soit dans sa vie mais avec beaucoup de restrictions. Il est fidèle à l’image et au caractère qu’il s’est créés, toutefois il refuse de faire totalement de sa réalité celle de quelqu’un d’autre. Il ne sait pas ce que vivre authentiquement signifie, par conséquent il n’est pas certain que la réalité qu’il se construit puisse être perçue comme crédible aux yeux des autres. Il ne fait pas confiance à Miranda. La liberté de pensée et d’agir de la jeune femme le terrifie. En voulant tout contrôler il se coupe du monde extérieur. Il considère que la beauté n’est que dans ce qu’il maîtrise. Il attache, bâillonne et surveille presque constamment Miranda, ainsi il s’assure qu’elle ne fait rien hors des limites qu’il fixe. Lorsque la jeune femme tente de le séduire, il est déstabilisé et choqué. La panique s’empare de lui ; ainsi, en imposant des règles de conduite strictes à Miranda, il se construit un rempart protecteur. Il estime que personne n’a le droit de lui dicter ce qu’il doit faire, de l’influencer de quelque façon que ce soit.

En choisissant de se soustraire à la « vraie » réalité sociale, Clegg fait surgir l’idée postmoderne selon laquelle il existe une cassure profonde entre les classes. Frederic Clegg a été élevé comme un citoyen de la classe ouvrière et le fait d’appartenir à une famille non-conformiste n’était pas très bien perçu lorsqu’il était enfant. Aussi, à l’âge adulte ressent-il avec aigreur sa différence de statut avec Miranda, issue de la haute-bourgeoisie. Étudiante en arts plastiques, elle est toujours apparue au jeune homme joliment vêtue, entourée d’amis. Clegg se sent en situation

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d’infériorité face à Miranda. Il sait qu’il n’a aucune chance de lui plaire. Il mûrit donc l’idée de l’enlever pour ensuite l’enfermer dans la cave de sa maison. Comme un papillon ajouté à sa collection.

La maison de Frederic Clegg, incluant la cave où Miranda est retenue, ne reflète pas la vraie réalité, la décoration est surfaite, elle est la représentation de la réalité construite par le jeune homme. Il s’agit, selon le postmoderniste Jean Baudrillard2, d’une « hyperréalité » car cette maison ainsi que son environnement rural ne sont que simulation. En effet, avec le mouvement vers l’urbanisation des années 1900, la ville est devenue une réalité première, amenant les territoires ruraux à devenir des simulacres. Mais l’univers pastoral symbolise aussi la vie à l’état sauvage, la simplicité et l’évasion. Le choix de Clegg pour une maison à la campagne, très retirée du monde, traduit son désir de s’évader vers une « hyperréalité » afin de fuir ce qui est considéré comme la réalité première, la vraie réalité. Selon les géographes urbains Michael Dear et Steven Flusty3, la ville peut toutefois apparaître comme un simulacre structurel, une énorme vitrine publicitaire ; elle représente le berceau de la production de masse, du capitalisme et de la consommation à outrance des produits de luxe. Bien que Clegg méprise la ville parce qu’elle rappelle constamment la classification sociale, il doit cependant s’y rendre pour dépenser l’argent qu’il a gagné à la loterie, ‘…I passed another shop, a jeweler’s, and I suddenly had the idea that she would like a present, also it might make things easier when it came to the point…After all, I had the money (C, p. 79).’ Clegg est prêt à payer le prix fort pour un cadeau destiné à Miranda. Il pense ainsi pouvoir apaiser la jeune femme, acheter son amour, mais en vain. Le postmodernisme a conditionné l’apparition de la société de consommation car les gens ont perdu la notion de valeur lorsqu’ils font des achats. Clegg montre un aspect de sa condition postmoderne en dépensant sans compter pour équiper sa maison d’objets qui n’ont ni signification ni valeur pour lui. L’agencement et la décoration de sa maison sont les répliques de ce qu’il a vu dans des magazines ; les papillons qu’il capture et collectionne sont les répliques des papillons vivants ; toutes les photographies qu’il réalise sont les répliques de la réalité.

L’attrait pour ce qui est de mauvais goût, confère à Frederic Clegg un apaisement, un bien-être.

Mais cette quiétude est illusoire car il ne s’agit que d’une représentation de la réalité. De plus, dans les années 1960, à l’époque où John Fowles écrit The Collector, l’élite conservatrice

2 Simulacra and Simulation, Jean Baudrillard, Ann Arbor: University of Michigan, 1994.

3 ‘The Iron Lotus: Los Angeles and Postmodern Urbanism’, Michael Dear et Steven Flusty, Annals of the

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méprise tout ce qui correspond aux préférences de Frederic Clegg. Il y a alors beaucoup d’ironie dans le fait que le jeune homme soit attiré par ce qui est « kitsch » car la classe sociale dans laquelle il veut s’insérer condamne ouvertement ses penchants.

En s’insurgeant contre le concept de classe sociale, Frederic Clegg met en lumière sa condition postmoderne. Il souligne cette condition lorsqu’il écrit, après s’être rendu dans un restaurant chic pour fêter son succès à la loterie : ‘It was good food, we ate it but I didn’t hardly taste it because of the way people looked at us, and how everything in the room seemed to look down at us because we weren’t brought up their way’ (C, p. 14). Le postmodernisme exprime ouvertement une défiance à l’égard de la société. Même si Clegg aspire à un statut social plus élevé, il résiste simultanément à la classe moyenne et à la classe supérieure car il déteste leur langage maniéré et leurs attitudes suffisantes.

En collectionnant des papillons, Frederic Clegg révèle des aspects de sa personnalité démoniaque. Il trouve toujours un sentiment d’accomplissement lorsqu’il attrape des papillons car c’est une façon pour lui de s’approprier la beauté sublime au cœur de la nature, de la

« vraie » réalité et de préserver cette beauté de telle sorte qu’elle puisse satisfaire sa propre réalité. C’est un voyeur. Il aime observer les « choses » qui vivent, les capturer de diverses façons pour les manipuler. Sa passion pour la photographie l’amène à immortaliser des couples dans les lieux publics afin de voir comment les gens interagissent de manière naturelle. À partir des clichés, il se construit ses propres histoires et accède ensuite à la sensation de comprendre les émotions des autres. En « manipulant » les lépidoptères et les gens à sa guise, il entretient son besoin de contrôler le monde qui l’entoure. Se substituant à la réalité, Clegg fait de son existence un simulacre. Il se bâtit sa réalité à partir des représentations de ce qui est « réel ».

Clegg est perturbé dès que le moindre grain de sable vient gripper les rouages de l’ordonnancement de sa vie stérile. Les avances de Miranda ne correspondent en rien à la réalité que s’est construite Clegg. Il veut la jeune femme à ses côtés sans aucun rapprochement physique.

Frederic Clegg coupe Miranda Grey de tout contact avec le monde extérieur. Il la prive de radio, de télévision et de journaux afin de contrôler son existence, de la déconnecter de la « vraie » réalité. Il veut qu’elle accepte et partage la réalité qu’il s’est construite. Il la garde en vie sans la laisser vivre. Issus d’univers diamétralement opposés, ils ne parviennent pas à se comprendre.

Clegg remet constamment en question le niveau intellectuel et culturel de Miranda. Il ne voit

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pas l’intérêt de se passionner pour la musique, la littérature ou la peinture. Il rend tout vide de sens car c’est le seul moyen pour lui de contrôler sa réalité. Miranda fait constamment des analogies entre la vie et l’art ou la littérature, elle ne peut pas se créer sa propre réalité, elle s’attache à la réalité qui a une signification pour elle, à travers les écrits, les discours, les œuvres picturales et musicales des autres. Mais en passant le plus clair de son temps à analyser les textes littéraires d’illustres auteurs, Miranda fait un pas hors de la réalité. Elle traduit alors un aspect du postmodernisme. C’est à partir des grands classiques de la littérature qu’elle essaie de donner un sens à sa vie passée et future ainsi qu’à son statut de prisonnière. L’existence de Miranda est ainsi contrôlée par le sens ; celle de Clegg est vide de sens.

Nous pouvons ressentir de la pitié pour Frederic Clegg dès que nous avons connaissance du milieu social dans lequel il a grandi et de la grande solitude qui l’habite à l’âge adulte, nous pouvons également nourrir l’espoir qu’il finira par libérer sa captive, mais lorsque nous sommes confrontés au récit de Miranda notre attitude change. La jeune femme nous donne un tout nouvel aperçu de la situation. La peur règne en maîtresse. Même si Miranda est convaincue que son bourreau pourrait changer si quelqu’un en venait à l’apprécier et à lui apprendre à discerner le bien du mal, elle est cependant consciente que le jeune homme est piégé dans une spirale infernale car sa vision de la vie ne peut être modifiée que par lui-même puisqu’il refuse d’entendre l’avis des autres. Sa réalité étant selon lui la meilleure, il n’y a aucun espoir de changement possible. Il est pétrifié dans l’absurde.

Pour être libérée, Miranda est prête à pardonner. Mais Frederic Clegg lui a imposé ce sentiment de dépendance, il lui a modifié sa réalité. L’environnement qu’il lui a créé rend l’évasion impossible. Miranda s’en rend compte très vite ; après sa tentative de fuite vaine, elle retourne d’elle-même dans sa cellule. Cette attitude trahit le fort sentiment de dépendance ressentit par la jeune femme à l’égard de Clegg. Elle respecte les règles imposées pour ne pas déplaire et aussi dans l’espoir d’être libérée. Mais Miranda ne saisirait pas l’opportunité de s’échapper si Clegg la lui accordait, tant son état psychique, altéré par le syndrome de Stockholm4, la paralyse.

Ne s’agit-il pas là de l’objectif de Frederic Clegg ?

4 Le syndrome de Stockholm, pathologie ainsi nommée par le psychiatre Nils Bejerot en 1973, est un phénomène

psychologique observé chez des otages ayant vécu durant une période prolongée avec leurs geôliers et qui ont

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The Collector souligne le fort impact que la société moderne peut avoir sur le psychisme humain.

En effet, Frederic Clegg veut se conformer, à sa façon, aux diktats de la relation amoureuse.

Mais en retenant Miranda contre son gré, Clegg ne peut tirer un quelconque bénéfice de la relation. Le roman apparaît comme un récit postmoderne car il est totalement détaché de ce qu’est la réalité authentique. Les idées de Clegg se heurtent constamment à la réalité d’un schéma social dont les normes sont adoptées par le plus grand nombre. Il n’a aucune notion de ce qui est bien ou mal. En se créant son simulacre, il s’est aussi construit son système moral qui fait sens pour lui mais pas pour les autres.

Après avoir étudié les différentes façons dont le postmodernisme affecte la personnalité de Frederic Clegg, nous constatons que la condition postmoderne du protagoniste est à l’origine de ses valeurs morales perverties. En se bâtissant une hyperréalité, il se forge une moralité hors norme qui lui permet de rationaliser l’enlèvement de Miranda : son geste ne lui apparaît pas totalement délictueux.

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BIBLIOGRAPHIE

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L’œuvre de John Fowles

The Collector, London, Jonathan Cape Ltd, 1963

Ouvrages concernant l’oeuvre de John Fowles

The Art of John Fowles, Katherine Tarbox, The University of Georgia Press Athens and London, 1988.

John Fowles, A Reference Companion, James R. Aubrey, New-York, London Greenwood Press, 1991.

John Fowles’s Fiction and the Poetics of Postmodernism, Mahmoud Salami, Associated University Presses, London, 1992.

John Fowles, A collection of critical essays, edited by James Acheson, New Casebooks, 2013.

Ouvrage sur le postmodernisme

Simulacra and Simulation, Jean Baudrillard, Ann Arbor: University of Michigan, 1994.

‘The Iron Lotus: Los Angeles and Postmodern Urbanism’, Michael Dear et Steven Flusty, Annals of the American Academy of Political and Social Science, Vol. 551, Globalization and the Changing U. S. City (May, 1997).

Références

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