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Gouvernance d entreprise et rémunération des dirigeants en France : Une analyse en données de panel

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Gouvernance d’entreprise et rémunération des dirigeants en France : Une analyse en données de panel

DARDOUR Ali BOUSSAADA Rim

Professeur Docteur en sciences de Gestion KEDGE Business School KEDGE Business School

ali.dardour@kedgebs.com rim.boussaada@kedgebs.com

RESUME

Ce papier présente une étude empirique de l'influence des mécanismes de gouvernance sur le niveau de la rémunération des dirigeants. Cette étude a été menée sur un échantillon de 153 entreprises appartenant à l'indice SBF 120 sur une période de dix ans, allant de 2003 à 2012.

Notre analyse a permis de démontrer que les niveaux de la rémunération en espèces, incitative et globale sont affectés par la nature et la structure de propriété. De plus, il apparait que certaines caractéristiques du conseil d’administration affectent le niveau de la rémunération des dirigeants. En outre, et contrairement aux attentes, nos résultats révèlent que la performance du marché n’affecte pas la rémunération.

MOTS-CLES

Rémunération des dirigeants, nature de l'actionnariat, conseil d’administration, performance.

ABSTRACT

This paper presents an empirical study of the influence of governance mechanisms on the level of executive compensation. This study was conducted on a sample of 153 listed companies on the SBF 120 index over a period of ten years, from 2003 to 2012. Our analysis shows that the levels of cash, incentive and total compensation are affected by the type and structure of the ownership. Besides, the level of executive compensation is affected by some characteristics of the board. Furthermore, and in contrast with what might be expected, our results show that the market performance does not affect the compensation.

KEYWORDS

CEO compensation, ownership structure, board of directors, performance.

JEL : G3 – J33

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2 1. INTRODUCTION

La rémunération des dirigeants européens demeure un sujet de recherche peu exploitée en raison de l’opacité des informations qui prévalaient avant la mise en place des rapports dits de bonne gouvernance (Cadbury, 1992). En France, la Loi du 15 mai 2001 relative aux Nouvelles régulations économiques (NRE) a rendu obligatoire la publication de la rémunération individuelle et nominative de ces mandataires. Depuis, le débat sur la rémunération n’a cessé de prendre de l’ampleur, suscitant au gré des scandales, des réactions de plus en plus fortes chez les différents acteurs sociaux, économiques et politiques. Les critiques portent à la fois sur le niveau de la rémunération et sur l'usage des plans d'attribution d'actions (Cheffins et Thomas, 2004). Les affaires les plus médiatisées ont entraîné le législateur français à se doter d’un dispositif juridique, modifié à plusieurs reprises, afin d'encadrer les pratiques des entreprises et renforcer l’obligation de transparence sur les différentes composantes de la rémunération. La question de l'incidence des mécanismes de gouvernance sur la rétribution offerte aux dirigeants reste toutefois posée. Poursuivant le cadre dominant de la théorie de l'agence, plusieurs travaux considèrent la rémunération comme un mécanisme pour contrôler les dirigeants et atténuer ainsi les conflits d’agence.

Toutefois, les partisans du courant de la théorie du pouvoir managérial s’inscrivent dans une vision contradictoire et considèrent le dirigeant comme un membre actif qui peut s’enraciner pour contourner le contrôle et asseoir son pouvoir sur le conseil d’administration. Ainsi, le dirigeant peut-il plus facilement se voir accorder une rémunération avantageuse.

À la lumière de ces constats théoriques, nous cherchons, dans notre travail, à expliquer la relation entre les mécanismes de gouvernance et la rétribution du principal dirigeant.

S'inscrivant dans le contexte français, notre recherche contribue à la littérature sur la rémunération des dirigeants d'un point de vue empirique et méthodologique. Sur le plan empirique, ce travail a un caractère extensif des études ayant porté sur le lien entre gouvernance et rémunération du dirigeant (Pigé, 1994; Eminet et al. 2009 ; Broye et Moulin, 2010, 2012, 2014). Ces études ne se sont pas préoccupés de corriger les biais liés au problème d'endogénéité rencontré dans les études relatives à la gouvernance d’entreprise. Sur le plan méthodologique, nous recourons à une analyse de données de panel sur une période de dix ans. Nos données de panel rendent compte simultanément de la dynamique des comportements des individus et de leur éventuelle hétérogénéité contrairement aux séries temporelles ou en coupe transversale (Baltagi, 1995; Matyas et Stevestre, 1996).

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3 Nous recourons aussi à la technique des variables instrumentales pour résoudre le problème d'endogénéité et obtenir des résultats plus robustes. La présente étude se propose d’approfondir le travail de Broye et Moulin (2010) en testant l'incidence des mécanismes de gouvernance sur la rémunération des dirigeants sur un échantillon composé de 153 entreprises cotées à l'indice SBF 120 entre 2003 et 2012. Nos analyses empiriques indiquent que la structure, la nature de propriété et les caractéristiques du conseil d’administration ont une influence significative sur la rémunération des dirigeants.

L'article est organisé en trois parties. La première décrit le cadre conceptuel. La deuxième est consacrée à l'exposition de la méthodologie de la recherche. Dans la troisième partie, les résultats de l'analyse économétrique sont présentés et discutés.

1. Cadre d'analyse et formulation des hypothèses

Le niveau de la rétribution des dirigeants est un problème de contractualisation entre le dirigeant et les actionnaires qui doivent veiller à aligner les incitations des dirigeants avec leur intérêt. Selon l'hypothèse du contrat optimal (Edmans et Gabaix, 2009; Frydman et Jenter, 2010; Murphy, 2012) qui trouve ses fondements dans la théorie de l'agence (Jensen et Meckling, 1976), la rémunération est considérée comme un mécanisme interne de contrôle des dirigeants. Dans les grandes firmes, la séparation entre la propriété et le contrôle (Berle et Means, 1932) donne naissance à des conflits d’agence qui mènent à une diminution des gains éventuels liés à la coopération, compte tenu du fait que chaque partie recherche la maximisation de sa propre utilité dans un contexte d’asymétrie informationnelle. La rémunération permet ainsi de discipliner les dirigeants et d'aligner les intérêts de ces derniers avec ceux des actionnaires (Murphy, 1985 ; Lewellen et al. 1987). Le choix du schéma de rémunération n’est pas effectué par les propriétaires, mais délégué à un conseil d’administration. Toutefois, l'hypothèse du pouvoir managérial, quant à elle, considère la rémunération comme le produit de l'expropriation de la rente par des dirigeants opportunistes (Bebchuk et al. 2002; Bebchuk et Fried, 2006; Cremers et Grinstein, 2010; Frydman et Saks, 2010). La rémunération n'est plus perçue comme un outil d'alignement des intérêts divergents, mais comme un symptôme des conflits d'agence dans la firme. Selon cette hypothèse, la rémunération excessive observée ces dernières années s'explique essentiellement par le contrôle du processus de détermination de la rémunération par les dirigeants eux-mêmes rendant la rémunération peu ou pas corrélée à la performance de l'entreprise. C’est notamment le cas lorsque le contrôle exercé par le conseil d’administration est inefficace et le capital dispersé (Bebchuk et al. 2002; Bebchuk et Fried, 2003).

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4 Néanmoins, l'hypothèse du pouvoir managérial fait l'objet de diverses critiques. Les plus fortes hausses des rémunérations sont accordées aux PDG recrutés à l'extérieur de l'entreprise.

Ces dirigeants négocient les conditions de leur rétribution auprès des conseils d'administration sur lesquels ils n'exercent à priori aucun pouvoir ni n'entretiennent aucun lien de dépendance (Murphy, 2012). De même, le prix du talent de remplacement a augmenté de manière significative. En effet, Murphy et Zábojník (2007) et Frydman (2007) font valoir que l'augmentation constatée depuis les années 1980 peut s'expliquer en partie par une mobilité croissante des dirigeants dotés de compétences généralistes et du fait d'un marché du travail plus compétitif. Face à ces critiques, les solutions préconisées par les principaux codes de gouvernance (Cadbury, 1992) afin d'améliorer les pratiques ont été notamment la séparation des fonctions de l'exécutif et du contrôle, la réduction de la taille du conseil d'administration, le renforcement de la présence d'administrateurs indépendants et la création des comités spécialisés. Les caractéristiques des conseils dépendent de la structure et de la nature de propriété (Godard et Schatt, 2005).

1.1 Structure du capital et rémunération des dirigeants

Le capital social d’une entreprise est dispersé lorsqu’aucun actionnaire ne détient une part significative du capital social. Dans cette situation, le dirigeant peut privilégier la poursuite de ses intérêts personnels du fait de l’absence d’une surveillance directe par les actionnaires. Ces derniers, représentés par le conseil d’administration, peuvent proposer des contrats incitatifs au dirigeant pour réduire les conflits d’agence et améliorer la valeur de l’entreprise. En revanche, lorsque le capital social est concentré (un actionnaire détient une part significative du capital) l’intensité des conflits entre dirigeants et actionnaires est en principe plus faible que celle qui peut exister dans les sociétés à actionnariat diffus. La confusion entre fonctions de gestion et celles de contrôle permet de faire converger les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires et ceci avec un moindre recours aux rémunérations incitatives. Si la théorie de l'agence postule l'existence d'une relation positive entre la rémunération et la maximisation de la richesse des actionnaires, ladite relation dépend de la nature et des attentes des actionnaires (Hart, 1995). En effet, les actionnaires majoritaires ont intérêt à surveiller les actions du dirigeant et à l'inciter à maximiser la valeur de l'entreprise. Selon Shleifer et Vishny (1986), la manière optimale d’assurer le contrôle des dirigeants consiste à en faire assumer les coûts par les actionnaires majoritaires. Ces derniers disposent du pouvoir et de la motivation pour empêcher les dirigeants de détourner des richesses tout en les incitant à distribuer des dividendes aux actionnaires (Shleifer et Vishny, 1997).

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5 L’actionnaire majoritaire peut également influencer le niveau de rémunération en veillant notamment à ce qu’il ne soit pas exagéré (Cyert et al. 2002). L'hypothèse suivante peut ainsi être formulée :

Hypothèse 1a. Le niveau de rémunération est négativement lié au pourcentage des droits de vote détenu par le principal actionnaire.

Par ailleurs, l'influence de la structure du capital sur la rémunération des dirigeants peut également dépendre de la nature de l'actionnaire de contrôle. Dans le cas d'une propriété de nature familiale, la rémunération des dirigeants peut être affectée à travers deux effets : l’effet d’enracinement et l’effet d’alignement. Le premier est lié aux conflits entre les actionnaires majoritaires et les actionnaires minoritaires. Les familles détenant d’importants parts de propriété peuvent exproprier la richesse des actionnaires minoritaires en accordant des rémunérations excessives aux dirigeants (Morck et Yeung, 2003 ; Bertrand et Schoar, 2006).

Alors que le second est lié à la théorie du contrat optimal dans la mesure où la concentration de la propriété incite à un contrôle plus efficace du niveau de rémunération des dirigeants.

Gomez-Mejia et al. (2003) montrent que dans une grande entreprise contrôlée par une famille, le dirigeant qui est membre de la famille peut recevoir une rémunération moins importante qu’un dirigeant externe. De même, certains investisseurs institutionnels sont plus actifs en matière de contrôle de la politique de rémunération des dirigeants. A titre d'exemple, la présence de l'État dans le capital de certaines entreprises peut être motivée par des considérations non financières comme le maintien de l'emploi, la revitalisation des territoires ou encore le contrôle des industries stratégiques (Clarke, 2003). De plus, l'État-actionnaire doit veiller aux intérêts des actionnaires minoritaires lesquels seront plus exigeants à son égard (Albert et Buisson, 2002, Delion, 2007).

Hypothèse 1b. Le niveau de rémunération est influencé par la nature de l'actionnaire principal.

Par ailleurs, la présence d’un ou quelque actionnaires de contrôle peut affecter la mise en place d'une rémunération incitative du PDG (David et al. 1998; Tosi et Gomez-Mejia, 1989).

Les actionnaires de contrôle n'éprouvent pas l'utilité d'attribuer des plans d'incitation en actions pour faire converger les intérêts des dirigeants et les leurs. Dans ce cas de figure, les coûts d'agence peuvent être réduits en utilisant des outils autres que les régimes d'incitation (Zattoni, 2007). Toutefois, selon la théorie du pouvoir managérial, la rémunération incitative des dirigeants peut être un moyen d’expropriation des actionnaires minoritaires par les actionnaires majoritaires (Zattoni et Minichilli, 2009).

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6 À travers les dirigeants et membres du conseil qu’ils ont nommés, ils s'attribuent ainsi, indirectement, des plans importants de rémunération incitative.

Hypothèse 2a. Le niveau de la rémunération incitative est négativement associé aux droits de vote du principal actionnaire.

Hypothèse 2b. Le niveau de la rémunération incitative est influencé par la nature du principal l'actionnaire.

2. Méthodologie de recherche

2.1. Échantillon

Notre échantillon est constitué des sociétés cotées à l'indice Euronext SBF 120 sur la période comprise entre 2003 et 2012. Nous y avons intégré les entreprises y ayant figuré au moins deux années consécutives. L'échantillon final est ainsi constitué de 153 sociétés. Le choix de cette période s'explique essentiellement du fait de la disponibilité des données individuelles et nominatives sur la rémunération des dirigeants à partir de 2003. La loi NRE 2001 a été peu suivie par les entreprises en 2001 et 2002, ce qui explique le manque d'information sur les différentes composantes de la rémunération.

2.2. Collecte de données

Les données relatives aux pratiques de gouvernance et aux composantes de la rémunération des dirigeants ont été recueillies à partir des rapports annuels des entreprises concernées et de la base de données IODS. Les données financières ont été collectées à partir des bases de données Datastream et Infinancials. Par ailleurs, nous avons eu recours à l'estimation de la valeur potentielle des stock-options attribuées aux dirigeants à l'aide du modèle de Black et Sholes (1973). Les sociétés évaluent elles-mêmes les stock-options et les actions de performance seulement à partir de l'année 2007. Notons que l'attribution des actions de performance est autorisée en France depuis 2005.

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7 2.3. Mesure des variables

2.3.1. Variables dépendantes

Dans notre étude, nous recourons à trois variables dépendantes. La première représente la rémunération en espèces du principal dirigeant. Elle est égale au logarithme de la rémunération fixe et de la rémunération variable annuelle. La seconde variable, la rémunération incitative, correspond au logarithme de la rémunération variable et la valeur potentielle des stock-options et des actions gratuites à leur date d'attribution. La rémunération totale est égale au logarithme de la somme de la part fixe annuelle, de la part variable annuelle et de la valeur potentielle des stock-options et des actions gratuites attribuées au dirigeant au titre de l'exercice.

2.3.2. Variables indépendantes

Les travaux empiriques comparatifs mettent en évidence la coexistence de deux structures du capital dans les principaux pays industrialisés : le capital concentré et le capital dispersé.

Mais, l’actionnariat concentré est prépondérant en Europe continentale (La Porta et al. 1999 ; Roe, 2000 ; Faccio et Lang, 2002). Concernant la structure de propriété, nous avons retenu le pourcentage des droits de votre du principal actionnaire. La nature de l’actionnariat est mesurée par quatre variables dichotomiques selon le critère d’appartenance ou non aux catégories suivantes : capital contrôlé par une famille ou par le fondateur, capital contrôlé par l’État français et capital contrôlé par un autre type d'actionnaire institutionnel et capital détenu par le public (dispersé).d La distinction entre ces catégories d'actionnaires est susceptible d’améliorer notre compréhension des différences de l’influence de ces dernières sur la rémunération des dirigeants. En plus de la structure et de la nature de l'actionnariat, les facteurs suivants peuvent affecter la rémunération du PDG : la performance de l'entreprise, les caractéristiques du conseil d'administration et le secteur d'activité. Afin de contrôler l'ensemble de ces facteurs influençant la rémunération, nous avons identifié les variables de contrôle de chaque catégorie.

2.3.3. Relation entre la performance de l'entreprise et la rémunération du dirigeant

Conformément aux études antérieures (Conyon et He, 2012; Gregory-Smith, 2012), pour capturer plusieurs dimensions de la performance de l'entreprise, nous incluons une mesure financière à savoir le rendement des actifs (ROA) et une mesure de la performance de marché correspondant au rendement total pour les actionnaires (TSR).

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8 Ce dernier est mesuré par la variation du cours des actions dans l'année ainsi que des dividendes versés, le tout divisé par le cours de l'action de départ. Enfin, les opportunités de croissance d'une entreprise sont appréhendées par le market to book.

2.3.4. Relation entre la taille de l'entreprise et la rémunération du dirigeant

La littérature présente le facteur taille comme étant prépondérant pour expliquer le niveau de rémunération (Jensen et Murphy, 1990; Tosi et al. 2000). Les coûts d’agence sont plus importants dans les grandes firmes étant donné que les processus de contrôle y sont complexes (Elsilä et al. 2013).

Une entreprise de plus grande taille implique des responsabilités plus importantes, davantage d'expérience et de compétences requises (Broye et Moulin, 2010). De ce fait, plus l’entreprise est grande, plus la rémunération des dirigeants est élevé (Baker et al. 1988). Dans le contexte italien, Zattoni et Minichilli (2009) établissent une relation positive entre la taille de la firme et la probabilité de mettre en place un plan d’attribution d’actions. Nous estimons donc que les entreprises plus grandes octroient de meilleures rémunérations à leurs dirigeants. Afin de contrôler la taille, nous utilisons le logarithme de l'actif total du bilan.

Concernant les facteurs liés à la gouvernance d'entreprise, nous incluons différentes caractéristiques des conseils d'administration à savoir la taille, l'indépendance et la dualité des fonctions du PDG.

2.3.5 Caractéristiques du conseil et rémunération du dirigeant

Le conseil d’administration est un mécanisme intentionnel et interne dans le système de gouvernance d'une organisation. L'une de ces prérogatives consiste à mettre en place le contrat de rémunération des dirigeants (Ezzamel et Watson, 1998; Monks et Minow, 1995).

La Taille du conseil est perçue comme un facteur important pour améliorer l'efficacité de ce dernier dans sa mission de contrôle des dirigeants (Lipton et Lorsch, 1992; Jensen, 1993).

Lorsque cette taille est importante, il devient difficile d'établir un consensus entre les membres et de s'opposer aux décisions du dirigeant en cas de désaccord. De même, dans un conseil de grande taille, la coordination est difficile et le phénomène de passager clandestin devient un problème (Steiner, 1972). Ainsi, la rémunération des dirigeants tend à être élevée lorsque le contrôle exercé par les membres du conseil est inefficace (Lin, 2005).

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9 Sur un échantillon de 1883 entreprises britanniques observées entre 1983 et 2003, Guest (2010) établit une relation positive entre la taille du conseil et le taux de croissance de la rémunération des dirigeants ce qui conforte l'argument selon lequel les conseils de grande taille souffrent d'un manque d'efficience dans la prise de décision. À partir d'un échantillon de 205 entreprises américaines, Core et al. (1999) montrent que la rémunération des PDG est plus élevée lorsque la taille du conseil est importante. Ce résultat a été confirmé par Drobetz et al. (2007) dans le contexte suisse. La taille du conseil d’administration est mesurée par le nombre des membres qui y siègent. Par ailleurs, la présence d'administrateurs indépendants est supposée améliorer l'efficacité du conseil (Fama, 1980; Jensen, 1993). Tout d’abord, les administrateurs indépendants sont incités à signaler leurs compétences à d'autres employeurs potentiels (Fama et Jensen, 1983; Weisbach, 1988). Ils disposent d'une expertise dans le contrôle des dirigeants dans d'autres sociétés (Barkema et Gomez-Mejia 1998; Conyon et Peck 1998; Core et al. 1999). Ils sont supposés entraver la rémunération excessive des dirigeants (Cadbury, 1992). En effet, conformément à l'approche disciplinaire de la théorie de l'agence, le rôle du conseil d'administration est de veiller à ce que les décisions prises par l'équipe dirigeante soient conformes à l'intérêt des actionnaires. Dans cette perspective, une proportion élevée d’administrateurs indépendants permet de réduire la capacité du dirigeant à influencer le conseil d’administration (Dalton et al. 1998). Selon l'hypothèse du pouvoir managérial, les administrateurs internes sont souvent placés sous le contrôle du dirigeant et ne peuvent donc s'opposer à ses décisions sans compromettre leur mandat. Les études analysant l'impact de la proportion des administrateurs externes sur la rémunération des dirigeants présentent des résultats divergents. Certaines établissent une relation positive (Lambert et al.

1991; Boyd 1994 et Ozkan, 2007) alors que d'autres montrent l'existence d'une relation négative (Drobetz et al. 2007) ou l'absence de relation (Conyon et Peck, 1998; Westphal et Zajac, 1995). L’indépendance du conseil est mesurée par la proportion d'administrateurs satisfaisant aux critères d'indépendance préconisés par le rapport Bouton (2002). Celui-ci définit un administrateur indépendant comme n'entretenant aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son groupe, ou sa direction, qui puisse compromettre l'exercice de sa liberté de jugement. La dernière caractéristique retenue concerne la dualité des fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général. En effet, la dualité1, permettant une concentration du pouvoir entre les mains d’une même personne, est susceptible d’influencer le niveau de rémunération des dirigeants (Jensen, 1993).

1Par dualité, nous entendons le cumul des fonctions du président du conseil d’administration et de directeur général.

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10 Selon Beatty et Zajac (1994) et Jensen (1993), le conseil d'administration est plus efficace dans sa mission de contrôle lorsque ces deux fonctions sont séparées. Le poids de cette variable sur la rémunération a fait l’objet d’études antérieures, mais les résultats sont mitigés.

Ainsi, Conyon et Peck (1998) ; Cordeiro et Veliyath (2003) n'établissent pas que la dualité du conseil a un impact sur la rémunération du dirigeant. D'autres études mettent au jour une influence positive de cette dualité sur la rémunération du PDG (Chen et al. 2010; Drobetz et al. 2007; St-Onge et al. 2001). La dualité des fonctions est mesurée par une variable binaire;

celle-ci est égale à 1 si la même personne occupe simultanément les fonctions de président du conseil d'administration et de DG. Les sociétés françaises ont le choix entre trois structures du conseil : une structure moniste avec dissociation des fonctions du président et du directeur général, une structure dualiste à conseil de surveillance et directoire et une structure de conseil d'administration moniste. Nous avons regroupé les structures qui séparent les fonctions de surveillance et de direction. Finalement, la rémunération des PDG peut être liée à la nature des activités de l'entreprise. Conformément aux travaux antérieurs (Cheng et Firth, 2005;

Zattoni et Minichilli, 2009), notre étude utilise une série de variables binaires afin de contrôler l'effet du secteur d'activité sur la rémunération. La classification internationale ICB est retenue pour différencier les différents secteurs d'activité qui sont au nombre de cinq dans notre étude2. De plus, étant donné que des données de panel sont utilisées et que le contexte économique et juridique du pays peut influencer le marché du travail des dirigeants, nous incluons une série de variables indicatrices afin de contrôler l'année.

2.4. Spécifications empiriques

Nous avons effectué des régressions économétriques sur des données de panel afin d'étudier l’incidence des mécanismes de gouvernance sur le niveau de la rémunération des dirigeants.

( ) ( ) ( ) ( )

Où rémunération représente la rémunération en espèces, la rémunération incitative ou la rémunération totale. i et t présentent le vecteur entreprise et temps respectivement.

2 Industries, Services, Services financiers, Services aux collectivités et Technologies.

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11 La variable droits de vote mesure le pourcentage des droits de vote détenu par l'actionnaire principal de l'entreprise. La nature de l'actionnariat est représentée par quatre variables binaires qui prennent la valeur 1 lorsque l'État, la famille, un institutionnel ou le public (dispersé) est l'actionnaire de contrôle de l'entreprise, et 0 autrement. La dualité des fonctions est une variable binaire égale à 1 si le PDG est aussi le président du conseil d’administration et 0 autrement. La taille du conseil représente le nombre d’administrateurs siégeant dans le conseil d’administration. Le pourcentage des indépendants représente le nombre d’administrateurs indépendants rapporté au nombre d’administrateurs dans le conseil. Le vecteur Performance est appréhendé par trois mesures : les opportunités de croissance de l'entreprise mesurée par son Market to book (MTB), la rentabilité économique mesurée par le rendement des actifs (ROA) et la performance boursière mesurée par le rendement total pour l'actionnaire (TSR). Dans toutes les régressions, nous intégrons des variables binaires années et secteurs d’activité.

3. Analyses et résultats

3.1. Statistiques descriptives et matrice de corrélation

Les statistiques descriptives relatives aux variables de l’étude sont présentées dans le tableau suivant.

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12 Tableau 1 - Statistiques descriptives

Rémunération en espèces, incitative et totale en millions d’euros ; DVAP1 = % des droits de vote du principal actionnaire ; AP_État = 1 si l’actionnaire principal est l’État ; AP_Instit = 1 si l’actionnaire principal est un institutionnel, AP_Famille = 1 si l’actionnaire principal est une famille ; %IND = pourcentage des administrateurs indépendants dans le conseil ; Dualité = 1 si les fonctions de Président du conseil et de Directeur général sont cumulés ; Taille_CA = le nombre d’administrateurs dans le conseil ; Actifs en millions d’euros;

ROA = rentabilité financière, TSR = rentabilité boursière ; MTB = market to book.

Source des données : IODS Corporate Governance, rapports annuels et DATASTREAM.

Présentant les statistiques descriptives, le tableau 1, révèle qu’en moyenne, la rémunération totale des PDG est de l'ordre de 1,5 millions d’euros. Les écarts de rémunération sont très importants et compris entre 0,32 millions d'euros à près de 30 millions d'euros. Le principal actionnaire détient en moyenne 36.53 % des droits de vote. Ce dernier est souvent de nature familiale (38,85%) ou institutionnelle (46,09%). Parmi cette dernière catégorie, l’entreprise contrôlée majoritairement par l’État représente près de 11%. En effet, le graphique 1 met en évidence que la structure de propriété des entreprises françaises est concentrée et stable sur toute la période de l’étude. Les trois principaux actionnaires détiennent en moyenne plus de 50 % du capital. Concernant les conseils d'administration des entreprises de l'échantillon, la taille moyenne correspond à 11 membres. Par ailleurs, 46.14% des administrateurs sont qualifiés d'indépendants et plus de la moitié (52,44%) des entreprises ont adopté une structure moniste du conseil.

Variables continues Moyenne Min Max Écart Type Rémunération en espèces

Rémunération incitative Rémunération totale

1,43 1,50 1,50

0,32 0,00 0,32

5,34 18,40 29,80

0,91 2,04 2,53

DVAP1 36,53 1,00 97,87 24,29

ROA 3,99 -85,67 60,35 8,19

TSR 15,61 -93,74 808,87 54,22

Actifs 48,19 2,31 207,15 20,85

MTB 2,30 -23,41 119,47 4,53

Taille_CA 11,15 3 24 3,96

Pourcentage des indépendants 46,14 0,00 100 21,37

Variables dichotomiques

1 0

% codée 1 AP_État

AP_Instit AP_Famille

148 495 541

1244 897 851

10,63 35,46 38,85

Dualité 752 682 52,44

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13 Graphique 1 - Évolution de la structure de propriété sur la période 2003-2012

Source : IODS et rapports annuels

Le tableau 4 représente la matrice de corrélation de l'ensemble des variables dépendantes, indépendantes ainsi que la majorité des variables de contrôle. Ce tableau confirme l'absence de problème sérieux de corrélation entre les variables.

0 5 10 15 20 25 30 35

2003 2005 2007 2009 2012

Pourcentage de capital détenu

Années

Actionnaire principal 1 Actionnaire principal 2 Actionnaire principal 3

(14)

14 Tableau 2 - Matrice de corrélation

[1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14]

[1] Log REMU en espèces 1,00

[2] Log REMU incitative 0,76* 1.00

[3] Log REMU totale 0,88* 0,95* 1.00

[4] DVAP1 -0,27* -0,27* -0,28* 1.00

[5] AP_État 0,03 -0,16* -0,00 -0,10* 1.00

[6] AP_Instit -0,00 0,00 0,03 -0,29* -0,26** 1.00

[7] AP_Famille -0,07* 0,05 -0,09* 0,24** -0,25* .09* 1.00

[8] % IND 0,29* 0,28* 0,29* -0,44* -0,04* 0,25* -0,13* 1,00

[9] Dualité -0,02 0,00 -0,01 0,07* 0,05** -0,06* -0,02 -0,17* 1,00

[10] Taille_CA 0,37* 0,20* 0,36* -0,13* 0,42* 0,00 -0,25* 0,07* -0,01** 1,00

[11] Log_actifs 0,51* 0,33* 0,47* -0,19* 0,25** 0,15* -0,20* 0,21* -0,11* 0,66* 1,00

[12] ROA 0,00* 0,16* 0,15* 0,16* -0,05** -0,09* 0,04 -0,05* -0,04 0,05** 0,10* 1,00

[13] MTB -0,01 0,10* -0,01 0,04 -0,04 -0,08* 0,06* -0,08* 0,05** -0,13* -0,17** -0,05* 1,00

[14] TSR -0,10* -0,02 -0,08* 0,04 -0,02 -0,01 0,03 -0,06** 0,04** -0,05** -0,12* 0,09* 0,08* 1,00

**La corrélation est significative au seuil de 10%.

* La corrélation est significative au seuil de 5%.

(15)

15 3.2. Analyses multivariées

Certains tests ont été réalisés afin de déterminer la méthode d’estimation adéquate des équations. D’après les résultats du test d’Hausman les modèles des effets fixes sont plus pertinents que les effets aléatoires (p < 5%). Pour vérifier l’absence des biais susceptibles d’altérer la significativité de nos coefficients, des tests d’hétéroscédasticité et d’autocorrélation des erreurs ont été effectués. Dans l’objet de détecter une éventuelle hétéroscédasticité, nous appliquons le test de Wald modifié. Les résultats indiquent que la structure des erreurs parmi les panels est hétéroscédastique (p < 5%). Afin de déceler une éventuelle dépendance des erreurs, nous procédons au test de Wooldridge. Les résultats du test confirment un problème d’autocorrélation des erreurs d’ordre 1 (p < 5%). Notre modèle a été estimé selon deux méthodologies. Dans un premier temps, l’estimation est réalisée par la méthode à effets fixes. Dans une seconde étape, notre modèle est estimé par la méthode des Moindres Carrés Généralisés (MCG). Cette technique permet l’estimation économétrique en prenant en compte l’autocorrélation dans les panels et la corrélation et/ou hétéroscédasticité entre les panels. Étant donné que l’hypothèse nulle d’homoscédasiticé interindividuelle (test de Wald modifié) est rejetée3, l’estimateur des MCG est plus robuste que celui des effets fixes.

3 Nous pouvons conclure que le modèle d’estimation MCG est bien spécifié.

(16)

16 Tableau 3 - Régressions avec les méthodes d’effets fixes et des moindres carrés généralisés

DVAP1 = % des droits de vote du principal actionnaire ; AP_ État = 1 si l’actionnaire principal est l’État ; AP_Instit = 1 si l’actionnaire principal est un institutionnel, AP_Famille = 1 si l’actionnaire principal est une famille ; %IND = pourcentage des administrateurs indépendants dans le conseil ; Dualité = 1 si les fonctions de Président du conseil et de Directeur général sont cumulés ; Taille_CA = le nombre d’administrateurs dans le conseil ; Log_actifs = logarithme du total des actifs ; ROA = rentabilité financière, TSR = rentabilité boursière ; MTB = market to book.

Rémunération en Espéces Modèle (1)

Rémunération incitative Modèle (2)

Rémunération totale Modèle (3) Effets Fixes MCG Effets Fixes MCG Effets Fixes MCG

Beta t-value

Beta t-value

Beta t-value

Beta t-value

Beta t-value

Beta t-value Constante 13,05

(33,22)***

11,69 (60,78)***

13,45 (16,65)

10,65 (31,09)***

13,05 (22,61)***

11,64 (46,66)***

DVAP1 -0,00

(-1,45)

-0,00 (-3,63)***

-0,00 (-0,07)

-0,00 (-1,68)*

0,00 (0,13)

-0,00 (-3,63)***

AP_État 0,46

(3,70)***

-0,20 (-3,07)**

-0,28 (-1,02)

-0,79 (-5,94)***

0,33 (1,83)*

-0,54 (-5,76)***

AP_Instit 0,39

(3.78)***

-0,15 (-3,30)**

-0,37 (-1,53)

-0,38 (-4,09)***

0,16 (1,10)

-0,28 (-3,89)***

AP_Famille -0,00 (-0,02)

-0,03 (-0,98)

0,04 (0,15)

-0,17 (-1,85)**

0,05 (0,54)

-0,15 (-2,47)**

% IND -0,00

(-0,78)

0,00 (4,39)***

0,00 (0,02)

0,00 (4,56)***

-0,00 (-0,13)

0,00 (3,95)***

Dualité 0,06

(1,55)

0,04 (1,69)*

-0,10 (-1,11)

0,01 (0,30)

0,00 (0,12)

-0,02 (-0,52) Taille_CA -0,00

(-0,76)

0,02 (3,90)***

-0,00 (-0,33)

0,02 (2,71)**

-0,01 (-0,83)

0,03 (4,87)***

Log_actifs 0,09 (2.52)**

0,19 (13,80)***

0,05 (0,67)

0,21 (8,59)***

0,12 (2,23)**

0,21 (11,20)***

ROA 0,00

(0,79)

0,00 (4,18)***

0,02 (2,90)**

0,02 (5,44)***

0,00 (1,27)

0,01 (4,09)***

MTB 0,00

(0,34)

0,00 (1,35)

0,03 (3,64)***

0,02 (3,22)**

0,00 (1,88)*

0,00 (2,02)**

TSR 0,00

(0,37)

0,00 (1,89)*

0,00 (0,96)

0,00 (1,53)

-0,00 (-0,16)

0,00 (0,86)

Années oui oui oui oui oui oui

Secteurs oui oui oui oui oui oui

Observations 828 821 642 628 834 828

R2 Within 0,14 - 0,10 - 0,05 -

Wald chi 2 - 700,11 - 411,27 - 700,11

P Wald chi 2 - 0,00 - 0,00 - 0,00

*** significatif au seuil de 1%, ** significatif au seuil de 5%, *significatif au seuil de 10%.

D’après le tableau 3, conformément à nos attentes, le pourcentage des droits de vote du principal actionnaire est associé négativement et significativement au niveau de la rémunération des dirigeants qu’elle soit en espèces, incitative ou totale. Notre résultat confirme la théorie de l’agence, mettant en évidence que le niveau de la rémunération des dirigeants est moins important dans les entreprises contrôlées par un actionnaire majoritaire.

(17)

17 Nos résultats vont à l’encontre de Broye et Moulin (2010) qui trouvent, sur un échantillon de 132 entreprises françaises en 2005, que la proportion de droits de vote détenue par le principal actionnaire non exécutif n’a pas d’incidence sur les différentes mesures de la rémunération (rémunération en espèces, rémunération globale et rémunération incitative). De même, en se basant sur un échantillon de 91 entreprises françaises cotées au SBF 120 en 2011, Dardour et Husser (2014) trouvent que la part du capital détenu par le principal actionnaire n'a pas d'incidence sur le niveau de rémunération du dirigeant. Ils concluent, néanmoins, que les actionnaires de contrôle jouent une fonction disciplinaire significative sur la politique de rémunération des dirigeants en attribuant une part variable (bonus annuel et rémunérations en actions) moins importante. Plus récemment, sur la base d’un échantillon de 44 entreprises françaises sur la période 2005-2009, Broye et Moulin (2014) concluent que la rétribution des présidents non exécutifs est d’autant plus faible que la structure de propriété de l’entreprise est concentrée. La divergence des résultats peut provenir notamment de la méthodologie déployée. Une structure en données de panel et un horizon temporel important permettent de mieux tenir compte de l’irrégularité de l’usage de certaines composantes de la rémunération d’une année à l’autre. En ce qui concerne les variables relatives à la nature de l’actionnariat, nos résultats révèlent qu’un actionnaire de contrôle de type institutionnel et notamment étatique a une influence négative et significative sur les différentes mesures de la rémunération comparativement aux dirigeants des sociétés à capital dispersé. Ces résultats corroborent l’hypothèse de l’agence et confirment ceux de Khan et al. (2005) et Ozkan (2007) dans le contexte anglo-saxon. Néanmoins, un contrôle familial permet d’abaisser seulement le niveau de la rémunération incitative et totale. Notre résultat confirme celui de Croci et al. (2012) qui trouvent que le contrôle familial modère le niveau de nos trois mesures de la rémunération des dirigeants européens. Dans le contexte taiwanais, Chen et al.

(2014) trouvent que les entreprises taiwanaises contrôlées par les familles accordent une faible proportion de rémunération variable aux dirigeants comparativement aux autres entreprises.

Quant à la présence d’administrateurs indépendants dans le conseil, nos conclusions révèlent un impact significatif et positif sur les différentes mesures de la rémunération confirmant celles de Boyd (1994) et Ozkan (2007). Toutefois, nos résultats s'opposent à ceux de Broye et Moulin (2010), Cheng et Firth (2005) et Chen et al. (2010) qui ne montrent aucune incidence significative de la proportion d’administrateurs indépendants sur la rémunération des dirigeants en France et en Chine.

(18)

18 En effet, les administrateurs indépendants n’exercent pas un contrôle efficace sur la politique de rémunération et peuvent même favoriser l’octroi d’une rémunération excessive aux dirigeants. En ce qui concerne la dualité des fonctions du principal dirigeant, nos résultats ne montrent aucun impact significatif sur la rémunération. Ils confirment ceux de Broye et Moulin (2010), mais s’opposent à ceux de la majorité des études empiriques antérieures, lesquelles identifient une relation significative et positive dans le contexte américain (Core et al. 1999); chinois (Chen et al. 2010) et suisse (Drobetz et al. 2007). Concernant la composition du conseil d'administration, nos résultats révèlent que la taille du conseil est associée positivement et significativement à nos trois mesures de la rémunération du PDG corroborant ceux de Core et al. (1999), Drobetz et al. (2007), Ozkan (2007) et Zattoni et Minichilli (2009). Par ailleurs, conformément à la majorité des études antérieures, les résultats révèlent une relation croissante ente la taille de l’entreprise et la rémunération des dirigeants.

Les grandes entreprises ont tendance à recruter les dirigeants les plus talentueux. Leurs expériences et leurs qualifications justifient ainsi un niveau de rémunération plus important (Smith et Watts, 1992, Broye et Moulin, 2010). Le coefficient relatif à la variable ROA et significatif et positif pour les trois mesures de la rémunération. La performance financière est un facteur déterminant de la rémunération. Toutefois, nos résultats diffèrent de ceux de Broye et Moulin (2010) qui ont démontré que la performance de l’entreprise, qu’elle soit financière ou boursière, n'a pas d’incidence sur les différentes mesures de la rémunération des dirigeants français pour l'année 2005. Contrairement à Dardour et Husser (2014) qui trouvent que la performance boursière de l'entreprise a un lien positif et significatif sur le niveau de la rémunération incitative, nos résultats révèlent seulement un lien positif et significatif avec le niveau de la rémunération en espèces. Enfin, contrairement à Broye et Moulin (2010), nous concluons que le ratio MTB a une incidence positive et significative seulement sur le niveau de la rémunération incitative et totale. Les opportunités de croissance des entreprises affectent la valeur potentielle de la rémunération en actions

3.3. Analyse de robustesse

Les résultats reportés dans les tableaux précédents peuvent être altérés par un problème d’endogénéité. Il s’agit là de l’un des principaux problèmes économétriques rencontrés dans les études relatives à la gouvernance d’entreprise et à la rémunération des dirigeants (Devers et al. 2007; Hermalin et Weisbach, 2003).

(19)

19 Afin de corriger le biais d’endogénéité et éprouver la robustesse de nos résultats, nous recourons à la Méthode des Moments Généralisée en Système (SGMM) en panel dynamique, suivant la démarche d’Arellano et Bover (1995) et Blundell et Bond (1998). Les instruments sont définis par des variables retardées d’au moins deux périodes. Pour apprécier la pertinence des instruments, nous avons effectué le test de sur-identification de Sargan. Les résultats du tableau 5 montrent que nos instruments sont bien valides (p > 10%). Le test d’Arellano-Bond des résidus indique un rejet de l’hypothèse nulle d’absence d’autocorrélation du premier ordre AR (1) (p > 10%), mais une acceptation de l’hypothèse nulle d’absence d’autocorrélation de second ordre AR (2) (p > 10%). Ces différents tests confirment la robustesse statistique de nos estimations. Nous retenons donc la méthode SGMM pour les estimations menées dans la suite de notre travail. Nous remarquons que les résultats demeurent inchangés exceptés pour certaines variables. En effet, nous observons l’absence de relation entre la propriété familiale et les différentes mesures de la rémunération. Nous pouvons expliquer ce résultat par le fait que les entreprises familiales, par exemple Peugeot SA et l’Oréal, font souvent appels à des dirigeants externes à la famille et leur attribue une rémunération similaire à celle des sociétés managériales. Finalement, nos résultats confirment les études antérieures en ce qui concerne le cumul des fonctions dans le conseil d’administration. Certes, la dissociation des fonctions de président du conseil d’administration et de PDG, comme le préconisent les codes des bonnes pratiques de gouvernance, constitue un mécanisme disciplinaire et modérateur de la politique de rémunération. Néanmoins, le cumul des fonctions implique d’importantes responsabilités justifiant ainsi un niveau de rémunération plus élevée. Par ailleurs, les résultats issus de l’analyse de robustesse révèlent que la performance boursière n’affecte pas le niveau de la rémunération. Les critères de détermination de la performance des dirigeants français sont plus de nature stratégique et financière que boursières.

(20)

20 Tableau 4 - Régressions en panel dynamique (SGMM)

DVAP1 = % des droits de vote du principal actionnaire ; AP_ État = 1 si l’actionnaire principal est l’État ; AP_Instit = 1 si l’actionnaire principal est un institutionnel, AP_Famille = 1 si l’actionnaire principal est une famille ; %IND = pourcentage des administrateurs indépendants dans le conseil ; Dualité = 1 si les fonctions de Président du conseil et de Directeur général sont cumulés ; Taille_CA = le nombre d’administrateurs dans le conseil ; Log_actifs = logarithme du total des actifs ; ROA = rentabilité financière, TSR = rentabilité boursière ; MTB = market to book.

Rémunération en Espèces Modèle (4)

Rémunération incitative Modèle (5)

Rémunération totale Modèle (6) Coeff

t-value

Coeff t-value

Coeff t-value

Rémunération t-1 0,36

(19,71)***

0,09 (2,06)**

0,26 (6,68)***

Constante 7,43

(27,65)***

10,61 (15,75)***

8,67 (16,16)***

DVAP1 -0,00

(-1,65)*

-0,00 (-1,79)*

-0,00 (-1,71)*

AP_État -0,09

(-1,18)

-1,05 (-6,91)***

-0,48 (-4,52)***

AP_Instit -0,16

(-2,44)**

-0,70 (-5,74)***

-0,26 (-3,06)***

AP_Famille -0,08

(-1,26)

-0,11 (-0,86)

-0,14 (-1,58)

% IND 0,00

(6,39)***

0,00 (4,75)***

0,00 (4,20)***

Dualité 0,03

(1,57)

0,14 (2,12)**

0,07 (1,82)*

Taille_CA 0,01

(3,62)***

0,01 (1,05)

0,03 (3,86)***

Loga_ctifs 0,11

(18,38)***

0,20 (7,21)***

0,13 (8,89)***

ROA 0,00

(4,34)***

0,03 (4,68)***

0,01 (4,99)***

MTB 0,00

(1,76)*

0,00 (0,11)

0,01 (4,29)***

TSR 0,00

(0,59)

-0,00 (-1,33)

-0,00 (-1,20)

Années oui oui oui

Secteurs oui oui oui

Observations 736 600 736

Stat. De Sargan4 51,91 43,07 53,67

Prob.stat. Sragan 0,16 0,46 0,12

AR(1)5 -5,00

(0,00)

-4,68 (0,00)

-5,78 (0,00)

AR(2) -0,26

(0,79)

0,46 (0,63)

0,61 (0,53)

N. d’instruments 66 66 66

*** significatif au seuil de 1%, ** significatif au seuil de 5%, *significatif au seuil de 10%.

4 La statistique de Sargan est le test de restriction de sur-identification pour les estimateurs de GMM en système.

5 AR (1) et AR (2) présentent les deux tests de corrélation des termes d’erreur d’ordre 1 et 2.

(21)

21 4. CONCLUSION

L’objectif de notre étude est d’examiner l'impact des mécanismes de gouvernance sur le niveau des différentes composantes de la rémunération des dirigeants. Les analyses sont conduites sur un échantillon d’entreprises cotées de l’indice SBF 120 sur la période 2003- 2012. Nous mobilisons principalement la théorie de l’agence. Conformément à nos attentes, nos résultats montrent que la structure et la nature de propriété ont un impact sur la rémunération des dirigeants, validant ainsi nos hypothèses 1 et 2. Le principal actionnaire constitue un mécanisme de contrôle des dirigeants et permet de modérer le niveau de rémunération de ces derniers d’autant plus que les mécanismes externes de contrôle sont limités par la forte concentration de capital en France. Néanmoins, les entreprises contrôlées par des familles pratiquent des modes de rémunération similaires à des entreprises à capital dispersé. Les autres actionnaires institutionnels notamment l’État se montrent plus actifs dans le contrôle direct des dirigeants. Les conflits d’intérêts sont ainsi moindres et les coûts d’agence sont plus faibles. Concernant les caractéristiques du conseil, la présence d’administrateurs indépendants n’agit pas comme modérateur du niveau de la rémunération.

La notion d’indépendance est souvent controversée et demeure douteuse du fait que la nomination d’administrateurs indépendants répond plus à une logique de conformité aux codes de bonnes pratiques qu’à une amélioration de l’efficacité des missions du conseil d’administration. Par ailleurs, les présidents exécutifs se voient octroyer une rémunération plus importante que nous pouvons justifier par l’étendue de leurs responsabilités d’autant plus que la dissociation des fonctions peut engendrer un coût plus important. En effet, la rémunération moyenne des présidents non exécutifs du SBF 120 est de l’ordre de 479 K€ et certains se voient octroyer une rémunération dépassant 1 M€ (Broye et Moulin, 2014). Par ailleurs, conformément à la théorie de l’agence, la rémunération des dirigeants s’accroit significativement avec la performance financière, mesurée par le ROA. Néanmoins, la performance du marché n’affecte pas cette rémunération. En effet, l’observation des rapports annuels montre que les conseils d’administration tiennent compte des critères de performance comptable dans l’attribution des rémunérations variables.

Notre étude comporte cependant des limites portant essentiellement sur l’omission de certaines variables pouvant expliquer la rémunération des dirigeants. Il serait intéressant d’étudier le lien entre le profil et la diversité des administrateurs siégeant dans le conseil d’administration et la rémunération des dirigeants en France. En s’inscrivant dans le cadre des

(22)

22 approches cognitive et comportementale, l’investigation de la composition du conseil peut s’avérer une piste de recherche prometteuse pour l’explication des politiques de rémunération.

En outre, une étude plus poussée intégrant le pourcentage des actions détenues par les dirigeants devrait nous permettre d’affiner nos résultats sur le lien structure d’actionnariat- rémunération. Enfin, une autre perspective de recherche serait l’analyse de l’influence de l’origine du dirigeant (promotion interne/ recrutement externe) sur sa rémunération.

Également, dans les entreprises contrôlées par les familles l’origine familiale ou non familiale du dirigeant permettrait de mieux expliquer la rémunération.

(23)

23 Annexe 1 - Définition des variables

Définition Variables dépendantes

Rémunération en espèces = somme de la part fixe annuelle et de la part variable annuelle attribuées au dirigeant au titre de l'exercice.

Rémunération incitative = Somme de la part variable annuelle et la valeur potentielle des stock-options et des actions gratuites attribuées au dirigeant au titre de l’exercice.

Rémunération = somme de la part fixe annuelle, de la part variable annuelle et de la valeur potentielle des stock- options et des actions gratuites attribuées au dirigeant au titre de l'exercice.

Variables indépendantes

Droits de vote = Pourcentage des droits de vote détenu par le principal actionnaire

Actionnaire principal_État = 1 si le principal actionnaire est l’État et 0 autrement Actionnaire principal institutionnel = 1 si le principal actionnaire est une institution et 0

autrement

Actionnaire principal_Famille = 1 si le principal actionnaire est une famille et 0 autrement

Dispersé = 1 si la propriété est détenue par le public et 0 autrement

Performance

ROA = mesure en pourcentage le rapport entre le résultat net et le total des actifs

TSR = (Cours d’actions en fin année - cours d’actions en début d’année + dividendes)/ cours actions en début d’année.

MTB = Le rapport entre la capitalisation boursière et les capitaux propres.

Log total actifs = Le log népérien du total des actifs.

Gouvernance

Dualité = 1 si le PDG est aussi le président du conseil d’administration et 0 autrement.

Taille du conseil = Le nombre d’administrateurs siégeant dans le conseil.

Pourcentage des indépendants = le nombre d’administrateurs indépendants rapporté au nombre d’administrateurs dans le conseil.

Binaires secteurs Binaires années

=

=

Basées sur 5 ICBS classification des secteurs 10 années de 2003 à 2012.

(24)

24 BIBLIOGRAPHIE

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