Cahiers Claude Simon
6 | 2010 Varia
Le candidat
Claude Simon
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/ccs/666 DOI : 10.4000/ccs.666
ISSN : 2558-782X Éditeur :
Presses universitaires de Rennes, Association des lecteurs de Claude Simon Édition imprimée
Date de publication : 31 décembre 2010 Pagination : 11-18
ISBN : 9782354120771 ISSN : 1774-9425 Référence électronique
Claude Simon, « Le candidat », Cahiers Claude Simon [En ligne], 6 | 2010, mis en ligne le 21 septembre 2017, consulté le 15 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ccs/666
Cahiers Claude Simon
LE CANDIDAT
Il faisait chaud et par les fenêtres ouvertes le bruit du haut- parleur arrivait jusque dans la chambre. De temps en temps la voix s'arrêtait et des applaudissements se faisaient entendre. Comme on ne pouvait pas distinguer les paroles, cette voix et ces applaudisse- ments dans la nuit auraient pu sembler incohérents, mais en faisant attention on se rendait compte au bout d'un moment que voix et applaudissements se répondaient, comme si une sorte de pacte, de complaisance mutuelle les faisaient alterner, et non pas au hasard, la voix suivant une certaine modulation qui, par degrés, l'élevait jusqu'au point précis - intensité et tonalité - où, automatiquement, se déclenchait le bruyant enthousiasme de l'auditoire. Sans doute on aurait pu croire à un scénario, des dispositions réglées à l'avance entre le candidat et ses supporters - et certainement il y avait une claque organisée - mais ce n'était pas cela, ou plutôt ce n'était pas exactement cela : il ne semblait pas qu'on fût convenu au préalable de tel ou tel passage, de telle ou telle invective ou proclamation, à la fin duquel la claque se déchaînerait : il apparaissait au contraire que celle-ci agissait d'elle-même, spontanément pour ainsi dire, quoique étant de mèche, séduite par les mots ou les formules clefs propres à déclencher l'enthousiasme du public non prévenu que les supporters ne faisaient ainsi en quelque sorte que devancer légèrement.
D'ailleurs de la même façon le candidat lui non plus n'échappait pas à cette équivoque. Le son, la parole, le bruit de sa propre voix devaient sans doute posséder une puissance telle que l'indignation, l'enthousiasme, tous les sentiments dont use pour ses effets un ora- teur, parvenaient, comme s'ils se nourrissaient de leur propre subs-
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tance, à se communiquer réellement, à celui qui s'en servait, de sorte que, dépassant l'artifice, la voix trouvait sincèrement ces vibratos, ces déchirements qui donnent leur éloquence aux anathèmes, aux objurgations et supplications.
Les formules magiques, comme je pus m'en rendre compte en arrivant sur la place où étaient installés les hauts-parleurs, étaient en nombre assez restreint (environ trois ou quatre) et l'orateur candidat y revenait sans crainte de se répéter - souvent assez difficilement et au prix de douteuses acrobaties tant au point de vue de la syntaxe que de la logique, quand elles n'avaient, comme cela était le plus sou- vent le cas, que peu de rapport avec les propos qu'il tenait - chaque fois que son instinct l'avertissait, pour la réussite de sa réunion, du besoin de ce crépitement multiple, de cette sorte de ponctuation sonore qui doit revenir à des intervalles pas trop éloignés.
Seuls les gens à l'intérieur de la salle où se tenait la réunion applaudissaient, et le témoignage de leur approbation parvenait, comme la voix, par l'intermédiaire des hauts-parleurs, au public réu- ni sur la place : les hommes en manches de chemise, les femmes bras nus, silencieux dans la tiédeur de la nuit un peu alourdie par leurs propres senteurs. Quoique s'abstenant de toute manifestation, leur silence n'avait d'ailleurs rien d'hostile, aussi éloigné de l'opposition que de la ferveur. Probablement une partie d'entre eux était-elle fa- vorable au candidat, et ceux-là eussent-ils applaudi comme les autres s'ils avaient été dans la salle. Probablement même un assez grand nombre des autres qui n'étaient pas a priori favorablement disposés eussent-ils applaudi aussi. Dans l'ensemble, ils semblaient surtout être venus là, et y rester, par curiosité, ou du moins c'était le senti- ment qu'ils s'efforçaient d'afficher par leur maintien : intéressés mais sans passion. Au reste la chaleur de la soirée, l'heure à peine plus tardive que celle où l'on fait un tour avant de se coucher, justifiaient pleinement cette attitude. Sans aucun doute, s'il avait plu ou fait froid, la place eût été déserte.
Pour en revenir aux mots et aux formules clefs, voici quels étaient les principaux. En premier lieu, en tout premier lieu même car ils revenaient à toute occasion, ceux de « Kominform » et de « Komin- formistes » (pas une fois l'orateur ne dit « Communistes » ni même
« Staliniens »). Prononcés par la voix à l'accent méridional encore amplifiée caricaturalement par la déformation du son dans les hauts-
parleurs, ces deux mots prenaient un aspect assez comique, quelque chose qui faisait penser à « Croquemitaine » et, par association so- nore, à « Conformistes » ou « Formalistes », ce qui ne manquait pas d'une certaine saveur. Venaient ensuite, à tout propos, le vocatif solennel : « Habitants et habitantes de... » (ici le nom de la ville, le seul fait d'être domicilié dans cette localité plutôt que dans une autre constituant apparemment un titre de noblesse et sans doute même d'intelligence, car la phrase suivante commençait fréquemment ain- si : « Ce n'est pas vous qui vous laisserez abuser (ou tromper) par... », puis : « Notre beau département » souvent aussi évoqué dans une envolée terminale qui, précédée de formules telles que : « faire régner la prospérité dans », ou « libérer de la terreur Kominformiste », ob- tenait un succès certain. D'autres mots ou accouplements de mots, comme « République », « République Française », « Défendre les traditions de la culture », « Préserver la paix », étaient d'un emploi moins fréquent. Visiblement l'orateur devait penser que le meilleur était de s'en tenir au plan local, la question communiste elle-même étant ramenée, sans autre commentaire plus général, à cette fameuse terreur « Kominformiste » que le pays avait, paraît-il, connue en
1945. Sans doute cela suffisait-il.
Une des figures de rhétorique les plus utilisées était l'interroga- tion, la question posée aux auditeurs naturellement muets et dans l'attente, à laquelle, après un instant de silence pour laisser mûrir son effet, l'orateur apportait sa réponse. Par exemple : « Et savez-vous ce qui se produirait si cette désastreuse division qu'entretiennent des personnages (dont on se demande pour qui ils travaillent !) devait continuer jusqu'aux urnes, oui, je vous pose la question : qu'arrive- rait-il ? » Un silence. « Eh bien ! je vais vous le dire : tout simplement ceci... »
A l'aide du même procédé, l'orateur, lorsqu'il jugeait nécessaire de détendre son auditoire, obtenait certains effets de rire. Ainsi il rapporta qu'à l'issue d'une de ses réunions, la veille, dans un de
« nos » villages (ces réunions auxquelles il faisait fréquemment allu- sion avaient toujours été « magnifiques » ou « profondément émou- vantes ») un homme était venu lui dire : « Je n'ai rien compris à tout ce que vous avez raconté ! » Pensant alors que l'homme ne parlait que le patois, ou que lui-même avait employé un langage trop abs- trait, le candidat dit qu'il avait essayé de se mettre à la portée de son
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interlocuteur, lui parlant en termes simples, familiers... « Jusqu'au moment où je m'aperçus, savez-vous de quoi ? » Nouveau silence du public. Evidemment, il ne savait pas : « Eh bien ! je me rendis compte tout simplement que cet homme était sourd ! » Rires. « Oui ! Je parlais à un sourd ! » Et, enchaînant : « Eh bien ! vous ne serez pas comme ce pauvre diable... », etc.
N'était le ton « réunion publique » et quelques vulgarités jetées à bon escient de temps en temps, cette éloquence n'était pas sans rappeler assez singulièrement, quoique le candidat se présentât sous une étiquette de « gauche », celle que déversent sur les fidèles, du haut des chaires, les gens d'Eglise : le Kominform et les Kominfor- mistes étaient brandis en guise d'enfer et de diables, la division des votes présentée comme un péché mortel et, pour frapper les esprits, s'ajoutaient quelques paraboles et tournure évangélique comme celle du sourd. Comme j'étais arrivé vers le milieu du discours à peu près, il me fut assez difficile de m'en faire une idée exacte quant au fond. Au moment où je parvenais sur la place, le candidat parlait avec une indignation mêlée de moquerie d'un de ses concurrents, justement un « diviseur », qui ne pouvait manifestement espérer être élu et dont le seul but, honteux et désastreux évidemment, était de faire battre la liste de l'orateur pour une misère de cinq cents voix. Il invectiva assez longuement contre cet ennemi, puis contre « Monsieur le Préfet » qui, disait-il, n'avait « rien compris », alors que « tout le monde » dans le département, sauf ce « haut fonctionnaire », avait « compris ». Elargissant ensuite le débat, il se présenta comme le seul homme capable d'en imposer dans le dé- partement à la terreur Kominformiste. Pour appuyer sa démonstra- tion, il décrivit plusieurs scènes de sa campagne électorale dans les villages (« nos » villages) où, racontait-il, des gens émus aux larmes venaient le féliciter à la fin des réunions, lui dire que depuis des années c'était la première fois que, chez eux, un « non-Kominfor- miste » pouvait faire entendre sa voix. Enfin il tint à remercier tous ceux qui avaient fait preuve, au contraire du Préfet, de compré- hension et d'un dévouement admirable pendant cette campagne.
A cette occasion, entraîné par son élan, tout à sa gratitude pour le
« désintéressement et la noblesse » partout rencontrés, il évoqua ces « nombreux ouvriers » tant des villes que des campagnes « qui, dit-il, n'ont pourtant rien à y gagner » (« y » ne pouvant, de toute
évidence, signifier que « mon élection ») et étaient cependant, à maintes reprises, venus l'encourager.
Il termina son discours par : « Vive la liberté ! Vive notre dé- partement ! Vive la République française ! » Les gens qui étaient dans la salle applaudirent longuement. Les auditeurs de la place se détachèrent des murs, se levèrent des rebords de trottoirs où certains s'étaient assis, et se dispersèrent sans bruit.
Un peu plus tard, comme je repassais par le centre de la ville, je vis un groupe assez important qui sortait de l'hôtel de ville où s'était tenue la réunion. Le groupe était presque exclusivement composé d'hommes en manches de chemise, la veste sur le bras, ou chemi- settes d'été. Ils s'avançaient lentement de front, remplissant toute la largeur de la rue entre les terrasses de cafés pleines de monde. De leur foule s'élevait un brouhaha paisible, comme celui que l'on peut entendre à la sortie des offices religieux, des salles de cinéma, ou des stades. Au premier rang, et au centre, marchait un homme en complet bleu marine, le cou entouré d'un cache-nez beige à la façon des chanteurs d'opéra en tournée. Et de fait, plutôt jeune, le visage à peine empâté, manifestement satisfait de lui, il évoquait assez exac- tement ces vedettes masculines, ténorinos ou champions de quelque chose, attendus par la foule après une exhibition. Quoique fatigué, il souriait, levait la tête à droite et à gauche vers les balcons, traver- sait la rue pour aller avec un empressement condescendant serrer une main à la terrasse d'un café. Ses supporters souriaient aussi, lui donnaient de légères claques sur les épaules, tournaient leurs têtes en même temps que lui vers les balcons, les terrasses, tout en devisant entre eux avec cet air entendu, légèrement méprisant et assuré, de ceux qui, aux courses, ont su miser sur le bon cheval.
Texte reproduit avec l'aimable autorisation de Réa Simon
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Lorsque le texte « Comme du sang délayé » paraît dans le numéro 52 de la Revue Les Lettres françaises (1-7 décembre 1960), il est pré- senté en ces termes : « Nous avons demandé un texte à l'auteur de La Route des Flandres. Claude Simon disait récemment à Hubert Juin qu'il était incapable de prendre des notes comme le font beaucoup de romanciers. Il écrit des fragments - lesquels ne sont d'ailleurs pas d'emblée dans leur forme définitive et c'est à partir de ces fragments qu'il compose ses livres. Le texte que nous publions ici doit s'intégrer dans le prochain roman de Claude Simon ». En fait, ce n'est pas dans Le Palace en 1962, mais dans Histoire en 1967, et dans la onzième section du roman, que ces pages trouveront place sous une forme modifiée. Cette parution d'un texte bref de Simon avait valeur de protestation contre l'élu des Goncourt (Vintila Horia) jugé indigne du prix, pour des raisons tant éthiques que littéraires. Dans le nu- méro des Lettres françaises du 6 au 12 octobre 1960, la parution de La Route des Flandres avait en effet été chaleureusement saluée par un titre de première page « Un roman où tout est vrai » et une ample cinquième page où se côtoyaient entretien du romancier avec Hubert Juin et reproductions de photographies personnelles de l'écrivain lé-
gendées par ses soins. Rappelons que, dans les années soixante, Les Lettres françaises (hebdomadaire fondé en 1942 par Jacques Decour), ne se situe plus dans le droit fil d'une orthodoxie communiste : Ara- gon, son directeur et inspirateur, a pris ses distances par rapport à tout cloisonnement dogmatique et la revue soutient - ou soutien- dra - nombre de ceux qui peuvent être assimilés à une avant-garde créatrice, Simon, mais aussi Butor, Sollers, Deguy, - ou Godard, par exemple dans le domaine cinématographique et l'attention à ce qui naît alors de plus expérimental dans les arts plastiques est manifeste.
A première vue, ce fragment textuel fait sourdre quelques images d'une vie un peu morne de garnison dans l'Est de la France. Pour- tant le titre « Comme du sang délayé » fondé sur une comparaison entre la couleur d'écussons des artilleurs décrits en train de tourni- coter dans un bastringue et une matière vivante - mais associée au corps blessé - incite à un décryptage plus circonspect. Il semble que Simon rejoue plutôt dans sa clé propre les rêveries sur le nom de type proustien. De fait, la voix énonciatrice repasse sur les aimables connotations associées par le jeune appelé au nom du lieu-dit où est édifiée la modeste guinguette, à savoir Frascati : et l'on ne s'étonne
guère de voir sortir de ce toponyme, qui est celui d'une petite ville bâtie aux abords de l'antique Tusculum, des visions de somptueux domaines arborés ou la saveur d'un vin velouté, célébré par un Goethe ou par un Byron. Il reste que Simon, selon un mécanisme dont il est familier, s'emploie à disqualifier cette songerie sur le si- gnifiant en multipliant les touches déceptives de la description : mai- son placée en bord de route, « façade décrépie », « plancher de bois raboté », « boniches aux visages ingrats », « musique sirupeuse »...
Mais ici le procédé d'inversion des valeurs se complique du fait que Frascati est aussi clairement identifié comme une colline marquée par la grande Histoire, zone de combats « assez sanglants » durant la guerre 14-18, et que paradoxalement une telle identification suscite - audace simonienne - une nouvelle broderie sur le nom, Frascati générant cette fois par réduction « fracas », tout en conservant sa coloration italienne. Dynamique donc du contrepoint à laquelle la fin du texte donne son ampleur maximale. Si peu affriolante soit- elle, la vision fantasmée des « c. barbus » sous les jupes virevoltantes vaut déclaration en faveur de la pulsion de vie et protestation contre l'irrépressible retour de la guerre et le déchaînement de Thanatos.
Après tout, Frascati vient de l'italien frasche, broussailles. Simon ne l'ignorait certainement pas. Rien d'étonnant à ce que tout s'accélère sur le tempo échevelé et très rimbaldien d'une « parade sauvage » sur fond de « chansons bonnes filles »...
Ce principe contrapuntique se maintient lorsqu'une telle évoca- tion réapparaît dans le flux séquentiel de la section onze d'Histoire, mais d'autres résonances viennent l'enrichir. D'abord, elle croise le fil « Lambert » puisque le narrateur, nous l'avons vu, se dit assailli par les signes (visuels ou sonores) de la présence importune de cet ancien camarade, devenu bateleur politique... c'est d'ailleurs pour fuir le « bruit [...] incompréhensible, cyclopéen » qu'il est censé s'enfoncer dans les petites rues désertes et se retrouver assis dans un bar fréquenté par quelques soldats éméchés et un couple d'amou- reux, bar dont l'enseigne aperçue « sur le rabat de la tente en trans- parence est REGENCE' BAR en graphie inversée, comme l'indique dans le texte le collage figuré en majuscules (Hist. p. 335). Et c'est l'exotisme anglo-saxon de pacotille d'une telle raison sociale qui va susciter le commentaire et faire jaillir, dans la proximité d'une ré- clame de bière, les images d'une guinguette des environs de Nancy,
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jadis fréquenté en tant que permissionnaire... La songerie sur le nom Frascati est un quasi réemploi du fragment détaché de 1960, à ceci près tout de même que le nom initial est, comme il arrive souvent chez Simon, revu et corrigé en Fiaschanti, ce qui favorise la dérive associationniste comme a pu le souligner Véronique Gocel dans son étude du roman1. Et si les combattants de 14 revêtent les
« pantalons écarlates des zouaves pontificaux », ce n'est plus seule- ment par contiguïté avec la vignette de l'Italie des monts Albains mais parce qu'ils rejoignent explicitement « une des rosaces qua- drilobées de ce vitrail de la chapelle [où] Lambert chant[ait] Qui riez et les frissons » (Hist. p. 336). Et voici la geste du jeune « coq » réenclenchée, album d'une camaraderie aux pages rapidement tour- nées, jusqu'à l'image un instant arrêtée de la rencontre sur un quai de gare de Lambert « secrétaire dans les jeunesses » et du narrateur, jeune permissionnaire, sommé de dire « comment on pouvait faire pour vivre vingt quatre heures sur vingt quatre dans cette odeur de crottin » {Hist, p.338)...
Odeur très efficace sur le plan du déclenchement de la mémoire involontaire puisque c'est elle qui est censée reconduire le récit vers la vision de la guinguette nancéenne, des tournoiements sur le plan- cher lavé et des amours plébéiennes, dont le déroulé est ici infini- ment plus personnalisé qu'il ne l'était dans le fragment originaire.
Car dans cette section qui mime l'entrelacs des épisodes emprun- tés à divers passés, du plus lointain au plus récent, c'est aussi l'im- portance de l'éros et de ses ambivalences qui s'affiche. Une douleur s'énonce disant la séparation et la disparition, douleur que le sujet narrateur rejoue discrètement à travers l'histoire fantasmée de l'oncle veuf, et comme symétriquement , la chair parle, clame sa puissance orgiastique, transcrite en esquisses suggestives, de nature mytholo- gique - âne d'Apulée, ermite pâmé ou dryades en folie...Ici encore, c'est l'affrontement même de la pulsion de vie et de la puissance de dissolution des corps qui est mis en scène et en mots, leurs forces
« inversées », mais avec un sens de l'orchestration et de la superpo- sition des plans temporels à la mesure de ce roman puissamment polyphonique.
A.-Y. J.
1 Véronique Gocel, Histoire de Claude Simon, Louvain-Paris, éd. Peteers, 1996.