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Migrations de la violence, violence en migration. Les vulnérabilités des populations centraméricaines en mobilité vers le Nord

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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internationales 

vol. 36 - n°1 | 2020

Situations de violence et migration

Migrations de la violence, violence en migration.

Les vulnérabilités des populations

centraméricaines en mobilité vers le Nord

Migration of Violence, Violence in migration. The Vulnerabilities of Central American Populations Going North

Migración de la violencia, violencia en la migración. Las vulnerabilidades de las poblaciones centroamericanas en movimiento hacia el Norte

Laurent Faret

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/remi/14393 DOI : 10.4000/remi.14393

ISSN : 1777-5418 Éditeur

Université de Poitiers Édition imprimée

Date de publication : 1 octobre 2020 Pagination : 31-52

ISBN : 979-10-90426-66-5 ISSN : 0765-0752 Référence électronique

Laurent Faret, « Migrations de la violence, violence en migration. Les vulnérabilités des populations centraméricaines en mobilité vers le Nord », Revue européenne des migrations internationales [En ligne], vol. 36 - n°1 | 2020, mis en ligne le 03 janvier 2022, consulté le 06 janvier 2022. URL : http://

journals.openedition.org/remi/14393 ; DOI : https://doi.org/10.4000/remi.14393

© Université de Poitiers

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Migrations de la violence, violence en migration. Les vulnérabilités des populations centraméricaines

en mobilité vers le Nord Laurent Faret

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Les organisations internationales, celles de la société civile ainsi que nombre de chercheurs spécialistes ou non des migrations ont largement signalé au cours de la dernière décennie la croissante vulnérabilité d’une partie des populations en mobilité internationale face aux risques et aux violences, au sens de l’expo- sition à des abus, à des sévices corporels, à des privations de liberté ou à une négation de droits. Dans le cas des migrations en provenance du nord de l’Amé- rique centrale (Guatemala, Honduras, Salvador), ces violences ont pris plus récemment des formes de plus en plus préoccupantes soit parce qu’elles sont à l’origine de mises en mobilité, soit qu’elles se manifestent dans les environne- ments traversés par les migrants pour atteindre — ou tenter d’atteindre — les destinations qu’ils envisagent. Ce texte2 est né d’un constat : celui de la récur- rence des expressions de violence dans les récits des expériences de migration venant de populations sans statut migratoire qui se déplacent depuis le nord de l’Amérique centrale. Ces références à la violence peuvent renvoyer à une violence directement subie, à celle dont les personnes ont été témoins ou au fait d’avoir été (ou d’être) dans un contexte marqué par la proximité et la probabilité du risque. Sous des formes diverses, ces références à la violence émergent en relation avec les lieux et moments des expériences de mobilité : les motifs de migration et les régions d’origine, l’impossibilité de réaliser des projets migra- toires tels que prévus, l’évolution de trajectoires bloquées et réorientées ou les effets des politiques migratoires de contention. Cette prégnance de la référence à la violence interroge l’analyse des dynamiques migratoires de l’Amérique centrale vers le Mexique et les États-Unis.

Intimes avant tout, les expériences de la violence et du risque sont aussi collec- tives et sociales, alors que les situations de danger, de construction et de repro- duction des vulnérabilités sont multiformes. Ces récits rendent compte aussi

1 Géographe, Professeur, CESSMA, Université Paris Diderot et IRD-CIESAS Mexico, CESSMA-Université Paris Diderot, Case courrier 7017, 75205 Paris Cedex 13 ; faret@univ-paris-diderot.fr

2 La recherche s’inscrit dans le cadre des activités du Laboratoire Mixte International MESO « Mobilités, Gouvernance et Ressources dans le bassin méso-américain » (IRD/

CIESAS Mexique/UCR et UNA Costa Rica).

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de l’évolution des contextes où se déroulent les mobilités contemporaines et la façon dont cette violence est devenue une dimension majeure des processus migratoires. Il s’agira, dans cet article, d’ordonner des réflexions marquées par cette transversalité des expressions relatives à la violence et aux effets de la vulnérabilité des migrants à celle-ci. Comment des situations d’exposition aux violences, qui relèvent à la fois des environnements de départ comme des expériences en migration, se font-elles mutuellement écho pour les populations mobiles ? Dans quelle mesure cette permanence des expressions de la violence vient-elle caractériser aujourd’hui les rapports de pouvoir asymétriques qui, de façon plus ou moins directe, régissent les déplacements internationaux  ? En cherchant à dépasser la restitution idiographique de récits de violence, il nous a semblé utile de documenter les contextes évolutifs qui génèrent de la violence et leurs effets sur les mobilités. Dans un champ d’analyse encore en construction, quelle approche peut permettre une mise à distance du « fait de violence » (trop souvent le seul à retenir l’attention des médias) pour contextualiser sa genèse et mesurer sa portée ? Nous prenons pour hypothèse centrale que les formes des violences s’entrecroisent, sont souvent cumulatives et que leur prégnance est une composante des phénomènes migratoires encore insuffisamment docu- mentée et analysée.

Les enquêtes de terrain sur lesquelles s’appuie cette recherche ont été conduites entre mai et septembre 2016, puis entre décembre 2018 et juin 2019 au Mexique3. Leurs objectifs visaient au départ les dimensions des expériences migratoires et n’incluaient pas les questions de la violence. Nos observations nous ont conduit a posteriori à les contextualiser et les analyser comme des conditions de construction des trajectoires migratoires, à forte portée structurante dans certains cas sur la suite des expériences de mobilité, et systématiquement comme l’une des réalités du quotidien migratoire.

Migration, violence et vulnérabilité : à la recherche d’un cadre d’analyse

Analyser les liens entre migration et violence est une question complexe, tant les dimensions de cette relation sont à la fois multiformes et d’intensité variable.

Brutalité de l’exil, mort aux frontières, atteintes au corps, discrimination et non- respect des droits ou, plus incidemment, vexations, xénophobie et sentiment de rejet témoignent de situations de violence, qui ne relèvent pas des mêmes registres, mais ont des conséquences tant sur les individus que sur le corps social.

Les travaux sur la violence ont montré la complexité qui accompagne l’analyse d’une interaction qui semble à la fois reconnaissable d’évidence — une produc- tion d’un préjudice par l’usage de la force — mais qui par les formes qu’elle peut prendre, les effets qu’elle peut avoir, les contextes dans lesquelles elle a lieu ou les régimes explicatifs qui la caractérisent, rend son analyse particulièrement difficile (Schepper-Hugues et Bourgeois, 2004  ; Lenclud et al., 1984  ; Farmer,

3 Les entretiens ont été conduits avec des migrants internationaux originaires d’Amé- rique centrale en situation de mobilité ou d’installation récente dans la ville de Mexico et avec des acteurs d’organisation de la société civile.

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2004). Selon le rapport de l’OMS de 2002, la violence est définie comme «  la menace ou l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui ou contre un groupe ou une communauté qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, un décès, des dommages psychologiques, un maldéveloppement ou des privations  ». Si l’on suit cette caractérisation, il est significatif que le rapport de l’OMS souligne la nécessité

«  d’inclure la question du pouvoir pour élargir la nature de l’acte violent et la définition conventionnelle de la violence aux actes qui résultent d’une relation de pouvoir, en y comprenant les menaces et l’intimidation  » (OMS, 2002  : 5).

Cet élargissement fait écho aux approches qui ont dans d’autres domaines posé la violence comme une expression de l’asymétrie des relations de pouvoir, que ce soit en termes de «  violence structurelle  » (Galtung, 1969  ; Farmer, 2004) de «  violence symbolique  » (Bourdieu, 1997) ou de «  violence normalisée  » (Bourgeois, 2009). Pour Farmer (2004), la violence structurelle est une violence exercée systématiquement et indirectement par ceux qui appartiennent à un certain ordre social, comme l’expression naturelle d’un ordre politique et économique produit historiquement. Expression des injustices sociales, elle est pour Gatlung (1969 : 171) « intégrée à la structure et se manifeste comme une inégalité de pouvoir et, par conséquent, comme une inégalité des chances dans la vie  ». Avec la notion de violence symbolique, Bourdieu introduit l’idée que l’agent social qui est pris pour cible par la violence y participe par soumission à l’ordre établi : «  la coercition ne s’institue que par l’intermédiaire de l’adhé- sion que le dominé ne peut manquer d’accorder au dominant » (1997 : 245). La violence normalisée est alors pour Bourgeois la naturalisation de la brutalité des pratiques institutionnelles, élément central de l’organisation du pouvoir dans la vie quotidienne comme dans la production sociale de l’indifférence aux brutalités. De là, «  la banalisation de ces diverses formes de violence au sein des secteurs dominés peut générer un sens commun interactionnel qui rend invisible leur orientation ou même leur existence » (Bourgeois, 2012 : 142).

À propos des questions migratoires, on sait depuis les travaux de Zolberg sur les migrations forcées combien des violences structurelles peuvent être des facteurs de mise en mobilité (Zolberg et al., 1989). On mesure aussi combien les formes de franchissement des frontières internationales sont le théâtre de violences dans de nombreuses régions du monde (Cornelius, 2001 ; Kobelinsky et Le Courant, 2017). La médiatisation des conditions de vie de populations bloquées dans leurs trajectoires migratoires (en camp, le long de frontières ou dans les espaces urbains de repli ou d’étape) a aussi contribué à rendre compte de contextes où la violence est latente ou avérée (Agier, 2014). Les activités mafieuses de traite humaine ou les réseaux d’acheminement des migrants clan- destins reposent en grande partie sur l’exercice de la violence (Casillas, 2011).

Dans les pays dits d’installation migratoire, certaines formes d’interpellation, de détention ou d’expulsion de personnes sans titre de séjour témoignent aussi de systèmes de contrôle et de régimes d’application des lois intrinsèquement porteurs de violences (De Genova, 2010).

Les travaux sur le corps ont montré combien les expériences migratoires mettent en jeu la dimension la plus intime de la personne (Silvey, 2004). Ainsi dans nombre de cas, les situations de vulnérabilité font du corps en migration le premier réceptacle de la violence, alors même que la situation d’altérité et de marginalisation sociale tend à réduire les migrants à leur corps. À une autre

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échelle d’analyse, c’est l’isolement relatif des personnes en situation de mobilité qui rend possible l’exercice de la violence (Basok et al., 2015). Ngai (2004), par exemple, a montré que l’isolement et la mise à distance sont liés à la situation de marginalité juridique ou sociale. Les manifestations de violence sont aussi directement liées à la pratique des marges et des confins des espaces dans la mobilité, ces « espaces clandestins » selon les termes de Coutin (2005), depuis les routes du déplacement jusqu’aux quartiers périphériques ou marginalisés des villes de transit et d’installation. Ces « territoires des marges » sont d’autant plus facteur de vulnérabilité que des régimes de violence mafieux jouent eux-mêmes de leur affranchissement aux pouvoirs légitimes pour opérer dans des espaces qu’ils contrôlent et où ils exercent leur autorité sur les populations migrantes comme sur les représentants de l’ordre.

À un niveau d’analyse plus large, celui des violences de la production et de l’application des politiques migratoires et des formes de contrôle des mobilités internationales, nous verrons combien la violence est intrinsèque au traitement des populations en déplacement, du fait de politiques de contention et de refou- lement qui tiennent peu compte des droits de la personne à la protection, et qui mettent les populations refoulées dans de nouvelles situations d’exposition aux risques et aux manifestations de violence.

Les espaces où se déploient les trajectoires migratoires aujourd’hui sont des espaces du risque, qui mettent l’intégrité physique des migrants en danger.

Les moins dotés en capital social ou économique sont bien souvent cantonnés dans des entre-deux à la fois spatiaux et sociaux entre lieux d’origine et de destination, où prédominent l’incertitude et une très faible possibilité d’agir sur des environnements inhospitaliers ou hostiles. La complexification des parcours, l’allongement des durées de voyage et les réorientations forcées des trajectoires sont à la fois une résultante du risque et une source d’exposition à celui-ci (Faret, 2018 ; Collyer, 2010). Reprenant la notion anthropologique de limi- nalité proposée par Turner dans les années 1960, Fourny a notamment montré comment ce « mode de gestion et de contrôle de la transformation des statuts sociaux et de la mise en conformité aux normes sociales » correspondait à une figure de « frontière mobile » par le mouvement conjoint des significations et des référentiels dans et autour des frontières terrestres (Fourny, 2014  : 2). En suivant les apports des Critical Border Studies, on peut élargir cette conception de la liminalité à l’ensemble des espaces — géographiques comme sociaux — où la matérialisation des fronts et des limites se manifeste. Du point de vue de la subjectivité des individus, la liminalité n’est plus seulement ce qui caractérise les lieux/moments de traversée des frontières internationales — même s’ils en demeurent une composante forte  — mais s’éprouve en permanence tout au long des trajectoires sociospatiales où le statut des populations en mobilité est celui de groupes « tenus à distance » par les acteurs sociaux et territoriaux.

Dans cette logique et en suivant Balibar, la frontière prend des significations alternatives selon les catégories de personnes, s’exprime en différents lieux et met en lumière les différentes significations du franchissement en lien avec des dispositifs géopolitiques ou biopolitiques (Balibar, 2002 ; Bauder, 2011 ; De Genova, 2010). Elle pose aussi la question d’une altérité multidimensionnelle qui, couplée à une capacité restreinte de mobilisations de ressources propres, créent les conditions de vulnérabilité des migrants les moins préparées à des déplacements longs et incertains, ce qui est le cas de nombre de migrants mis

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en mobilité, parfois de façon brusque, par les violences des régions d’origine (Vogt, 2013).

En s’intéressant aux processus de transit, les travaux récents coïncident dans la nécessité de dépasser la vision d’une traversée pour considérer les espaces/

temps de la présence de groupes mobiles, une « immobilité dans la mobilité », de même que les processus d’insertion incomplète, d’attente, de changements de projets et de recherche de formes alternatives, soit vers une autre mobilité ou vers un établissement plus durable. De façon générale, ils invitent à considérer d’une part les rapports à l’insécurité et la possible exposition à des violences dans une continuité analytique (liant violences passées, présentes et pres- senties ou redoutées, liant aussi violence structurelle à violence directement expérimentée). D’autre part il s’agit de donner sa place à la subjectivité et à l’agencéité des acteurs migrants qui, malgré leur position de «  sujet impos- sible » pour reprendre l’expression de Mae Ngai (2004), mettent en œuvre, face à la contrainte, des tactiques et des stratégies, des mobilisations et des répertoires d’action dans l’expérience d’une illégalité migratoire synonyme de tensions (Faret et al., 2019 ; Rojas et De Vargas, 2014).

Les réflexions sur les constructions sociales de la vulnérabilité apportent ici des éléments. Si la perspective qui reconnaitrait un « sujet vulnérable » n’apparaît pas pertinente, parce qu’essentialiste et victimisante, les travaux sur la produc- tion des situations de vulnérabilité le sont davantage, même si la définition de ce qu’est la vulnérabilité et son usage en sciences sociales restent sujets à discussion (Thomas, 2008). Pour Silva, la production des vulnérabilités peut être comprise dans le sens d’un « ensemble de situations cumulatives qui a comme corollaire des vulnérabilités différentes en intensité, espace et temps qui se répercutent » (Silva, 2014 : 399). Rojas va dans le même sens lorsqu’elle signale que la notion de vulnérabilité requiert d’être lue comme un processus, une dynamique (plus qu’un état) soumise à des variations selon les contextes dans lesquels elle se produit et en fonction de la capacité à répondre aux différents risques (Rojas, 2017), soit dans une perspective nécessairement relationnelle de la vulnérabilité répétée, telle que signalée par les travaux de Butler (2004 et 2016). De fait, les travaux ethnographiques sur la violence, dans leur capacité à prendre en compte les interactions individuelles et leur portée, sont fréquem- ment à distance des approches sur la criminalité ou la mesure des niveaux de violence dans tel ou tel lieu, voire l’analyse géopolitique ou sociopolitique. Pour ces dernières, les continuités dans l’expérimentation des violences ne font pas sens, du fait de situations abordées dans des environnements découplés.

Considérant la vulnérabilité des groupes en migration comme une « condition hétérogène d’impuissance imposée  », Bustamante défend l’hypothèse «  que les migrants sont intrinsèquement vulnérables en tant que sujets de droits de l’homme dès le moment où ils quittent leur lieu d’origine pour entamer leur migration […] dans la mesure où la notion de vulnérabilité des migrants est liée à leurs relations sociales et politiques avec les membres de la société de leur loca- lisation actuelle comme avec l’État national correspondant » (Bustamante, 2011 : 98). Dans ce cadre général, les mobilités internationales à travers le Mexique et vers les États-Unis peuvent apparaître comme un archétype des configurations signalées antérieurement (Coutin, 2005). Elles témoignent de façon saisissante de certaines similitudes avec l’espace méditerranéen aux portes de l’Europe,

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dans leur expression comme dans les enjeux politiques qui les accompagnent (Bernardie-Tahir et Schmoll, 2018). Mais elles sont en même temps spécifiques, en ce qu’elles renvoient  — si on prolonge la comparaison  — à des situations de négation de droits et des obligations de protection que l’on trouverait plus sûrement dans des pays en amont des traversées méditerranéennes. Dans leurs formes et évolutions, les trajectoires migratoires entre Amérique centrale et États-Unis combinent de façon dangereusement cumulative les violences des environnements d’origine, la vulnérabilité propre aux déplacements et la violence des politiques de contention aux États-Unis comme au Mexique.

À l’analyse, donner du poids à ces manifestations de violence qui adviennent le long des expériences et des trajectoires peut permettre de renseigner la construc- tion des vulnérabilités en tant que processus itératifs et, vraisemblablement, cumulatifs de l’exclusion sociale. Les travaux sur les liens entre migration inter- nationale et violence dans le contexte des mobilités centraméricaines signalent à la fois la diversité des formes d’expression de la violence et la difficulté de son analyse. Comme on le verra, les violences structurelles qui participent à la mise en mobilité, les violences des parcours migratoires ou les violences des formes de marginalisation des migrants dans leurs lieux de présence témoignent de vulnérabilités socialement ancrées, aux effets multiples, et dont le point commun est vraisemblablement l’asymétrie des relations de pouvoir produisant un continuum de violences (Schepper-Hugues et Bourgeois, 2004).

Violence qui met en migration

Les migrations centraméricaines trouvent leur source dans des situations d’insuffisance des ressources et dans des contextes de violence inscrits dans l’histoire de la région, où les mobilités de travail et les déplacements forcés sont le résultat sur la longue durée des déséquilibres structurels de distribution des richesses. Elles s’inscrivent en parallèle de la construction politique des États où la violence politique et des formes autoritaires de pouvoir ont joué sur l’affaiblissement systématique de la capacité des populations à vivre dans leurs communautés d’origine en toute sécurité et justice (Vogt, 2013  ; Faret, 2015).

Comme le signale Morales, les dynamiques d’émigration persistantes résultent de « la situation subordonnée et périphérique de la région dans le système des relations internationales et le caractère hautement conflictuel, contradictoire et fragmenté, tant du point de vue territorial que sociopolitique et socioculturel, de la formation régionale de l’Amérique centrale » (Morales, 2008 : 49). Dans la région, les migrations extrarégionales sont devenues importantes à partir des années  1970, et leur origine est essentiellement liée à la violence des conflits armés vécus par trois des pays de l’isthme, au Nicaragua, au Salvador et au Guatemala (Castillo, 1990). Dans les faits, ces mouvements forcés ont atteint et affecté également les pays voisins, récepteurs de plus de deux millions de réfugiés jusqu’au début des années  1990 (Morrison et May, 1994  ; Garcia, 2006). Les dynamiques de migration internationale ont continué après la fin des conflits, et des communautés de migrants centraméricains se sont constituées, en particulier aux États-Unis où le nombre de personnes originaires de la région a été multiplié par trois entre 1990 et 2010, pour atteindre plus de 3  millions aujourd’hui (U.S. Census Bureau, 2017).

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Au cours de la dernière décennie, les taux d’émigration internationale ont continué à croitre sous les effets d’une conjonction de facteurs où la violence structurelle et l’insécurité face à des manifestations ponctuelles de violence occupent une place croissante (PEN, 2016), à côté d’évènements climatiques comme l’ouragan Mitch de 1998, le tremblement de terre de 2001 au Salvador ou l’ouragan Stan en 2005. La criminalité a atteint des niveaux sans précédent et Le Honduras, le Salvador et le Guatemala figurent parmi les pays ayant les taux d’homicides les plus élevés du monde4 (de vingt-deux à cinquante-et- un homicides pour 100  000  habitants en 2018) (Meyer, 2019). À l’échelle des plus grandes villes de la région, elle est plus élevée encore, pouvant atteindre 171 homicides pour 100 000 habitants à San Pedro Sula au Honduras en 2014 et 199 homicides pour 100 000 habitants à El Salvador en 2015 (Cantor, 2016). De fait, les situations d’insécurité rendent de moins en moins pertinentes les caté- gories classiques de l’analyse qui distinguent personnes choisissant de partir et celles qui y sont contraintes, migrants « volontaires » et migrants « forcés ».

Cette distinction a perdu de son sens et son maintien dans le champ politique répond surtout à des perspectives de traitement des flux. La catégorie « causes mixtes  » (Castles et Van Hear, 2005  ; Van Hear, 2009) correspond mieux aux réalités de la région, où la pauvreté et les différentes manifestations de l’insécu- rité sont à l’origine des mouvements de population.

Sous différentes formes, le crime organisé s’est développé et ses effets sont notoires, comme en témoignent les études qui signalent comme motifs de départ le racket, les assassinats, le recrutement forcé (CIDEUM, 2012). Ces menaces sont souvent liées au contrôle stratégique des territoires, en collusion avec des structures étatiques affaiblies. Affectant en particulier les jeunes, ces formes de violences vont de pair avec la montée en puissance des maras5  — ces gangs urbains très présents au Salvador et étendus aux pays voisins — et à l’augmentation des activités du crime organisé transnational, en raison notamment du redéploiement des activités de trafic de drogue dans la région à partir du milieu des années 20006. La diversification des activités de groupes criminels tels que le Cartel del Pacifico et Los Zetas, de même que leur capacité à infiltrer ou contrôler les autorités locales, ont généré une dégradation des conditions de vie dans la région (Porraz, 2017  ; Cantor, 2016). La lutte pour le contrôle de territoires, aux échelles locales et régionales, s’est traduite par une implication accrue de ces groupes criminels dans le trafic de migrants, la traite d’êtres humains et le commerce des armes (UNODC, 2012). Cherchant à typifier les « groupes criminels agents du déplacement », Cantor (2014) en distingue au moins trois : les maras, les transportistas (transporteurs de marchandises illicites qui se sont peu à peu spécialisés dans les activités de passeurs) et les ramifica- tions des cartels mexicains. Les femmes et les mineurs se sont révélés particuliè-

4 Vingt-deux homicides pour 100 000 habitants au Guatemala, quarante-et-un pour 100 000 au Honduras et cinquante-et-un pour 100 000 au Salvador. Des pics ont été enre- gistrés à plus de quatre-vingt-dix dans les années 2010-2015.

5 Les maras sont des gangs urbains violents nés aux États-Unis dans les

années 1960-1970 qui se sont exportés dans les années 1990 en Amérique centrale, où la faible capacité de contrôle par les pouvoirs publics a permis leur développement. Les plus développés sont Mara Salvatrucha (MS-13) et Barrio-18.

6 Ce redéploiement est considéré comme un effet des politiques de lutte contre les activités du narcotrafic au Mexique à partir de 2006, donnant lieu à un glissement vers le sud des activités criminelles liées au trafic de la cocaïne (UNODC, 2012).

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rement vulnérables aux nouvelles formes de violence, à l’instabilité politique et à l’impunité des auteurs de violence, en particulier depuis 2014. Le recrutement forcé de femmes pour la traite et les taux de féminicide parmi les plus élevés au monde ont accentué les sentiments d’insécurité personnelle qui contribuent directement à la décision des femmes de migrer (Hallock et al., 2018).

Selon le HCR, 63  % des migrations centraméricaines relèvent en 2018 de causes mixtes, incluant la violence et la dégradation des conditions d’existence (UNHCR, 2019). Selon une étude conduite en 2018 par le Réseau de documen- tation des organisations de défenses des migrants (REDODEM) auprès de 36 200 migrants au Mexique, les facteurs relevant de violences qui mettent en mouvement les personnes relèvent d’un contexte généralisé de violence (50,6 % des répondants) et de la persécution par le crime organisé (37,2 %). Les formes de violence signalées incluent la violence domestique, la persécution politique, la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et la dépossession de terres ou de territoires. À l’échelle nationale, la mise en migration comme résultat de la violence a atteint ses niveaux les plus élevés actuellement au Honduras d’abord, au Salvador ensuite puis au Guatemala (MSF, 2017). Les déplacements forcés font ainsi pleinement partie du panorama actuel des mobilités migratoires en Amérique centrale, et il est notable que les taux de migration aient augmenté dans le nord de l’Amérique centrale plus rapidement que dans toute autre région d’Amérique latine (Hiskey et al., 2014).

Violence des expériences migratoires

Dans leur déplacement vers le Nord, les populations d’Amérique centrale ont à faire face à une double logique d’adversité, celle de trajectoires migratoires devenues plus aléatoires vers les États-Unis, celle de l’impossibilité du retour dans les régions d’origine du fait des contextes de violence ou de pauvreté. Au Mexique, la migration dite de transit est très majoritaire, mais le prolongement des durées de présence dans le pays est sensible (Nájera, 2016  ; EMIF, 2017).

Cette situation qui implique des mobilités interrompues, des installations dans des espaces d’attente et des modifications de projets migratoires va aujourd’hui au-delà des régions traditionnelles d’immigration dans le Sud du Mexique.

Selon les sources, de 200  000 à 500  000  migrants centraméricains traversent le Mexique annuellement, mais les estimations sont difficiles du fait de la diversité des points d’entrée sur le territoire mexicain et, plus généralement, de l’invisibilité qui caractérise leur présence dans le pays. La migration en prove- nance du Honduras a connu la croissance la plus significative sur la période récente, dans un contexte d’incertitude plus élevé encore, pour des migrants très souvent dépourvus d’expérience migratoire antérieure. Dans cette dynamique, la migration de mineurs est devenue importante, en particulier celle de jeunes adolescents (Rodríguez, 2016 ; UNICEF, 2016), ce qui pose sous d’autres formes la question des vulnérabilités. Le nombre de demandes d’asile au Mexique a connu une forte augmentation au cours des cinq dernières années, passant de 2 100 en 2014 à 78 300 en 2019 (COMAR). Selon le HCR, cette tendance à la hausse devrait se poursuivre, car les facteurs de déplacement perdurent et les possibilités de retour dans la région sont limitées (UNHCR, 2019).

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Il y a plus de dix ans, Menjívar signalait — à partir de ses travaux sur la « liminalité légale » dans différentes villes des États-Unis — le fait que « les Centraméricains ont été coincés entre un contexte de sortie extrêmement dur, voire dangereux, et un contexte d’accueil exceptionnellement inhospitalier  ». Et elle soulignait que «  le caractère très ambigu de la migration centraméricaine découle en grande partie de la position complexe de ces immigrants par rapport au droit de l’immigration étatsunien, qui est à son tour le produit de la politique de la guerre froide et du rôle des États-Unis dans les guerres civiles au Guatemala et au Salvador » (Menjívar, 2006 : 1001). On peut ici ajouter un troisième aspect, celui des espaces/temps de traversée du Mexique qui s’inscrivent dans un envi- ronnement social, réglementaire et politique marqué, depuis les années  1990, par des tensions permanentes entre objectifs de protection des populations en mobilité, invisibilité des mobilités transnationales et politiques du contrôle migratoire dans cet espace de l’entre-deux des flux Sud-Nord (Faret, 2018). Pour autant, la «  question du transit  » n’est véritablement devenue un enjeu social et politique — tant du point de vue des questions de sécurité que des droits de l’homme — que dans les années 2010 (Alba, 2013). La question de la vulnérabi- lité des migrants face à des formes diverses de discrimination et d’insécurité a pris de l’ampleur dans le débat public, mais les traitements de ces questions ont montré peu d’avancées significatives (Casillas, 2008 ; REDODEM, 2015 et 2018).

La situation préoccupante de violation des droits et d’exposition à des risques a été signalée sans discontinuité (CIDH, 2013, París et al., 2016 ; Candiz et Bélanger, 2018), dans un environnement plus large qui est celui de l’insécurité devenue un enjeu central pour l’ensemble de la population au Mexique (Calderón et al., 2019). L’effet miroir est ici frappant pour la société mexicaine, les circonstances rencontrées par ces migrants centraméricains et les formes de réponse de l’État mexicain renvoyant à la situation très anciennement décriée du traitement discriminatoire des migrants mexicains aux États-Unis. L’opinion publique et les autorités nationales et locales sont mises en face de l’existence de situations souvent plus graves encore dans le traitement des migrants sur le territoire national et à la frontière sud. Plus largement, la diversité des flux de transit au Mexique, qui est aussi le fait de Sud-Américains, d’Asiatiques ou d’Africains, est un effet de la polarisation migratoire à l’échelle mondiale qu’exerce l’Amérique du Nord dans le contexte contemporain, faisant du Mexique l’un des pays de transit les plus importants au monde sur la dernière décennie, alors qu’il est dorénavant l’un des moins sûrs (UNODC, 2019).

L’étude conduite par la REDODEM en 2018 caractérise les formes de violence.

10,4 % des personnes ont déclaré avoir été témoins ou victimes d’un délit lors de leur voyage. Comme le signalent Bustamante (2011) et nos propres recherches, une part importante des violences n’est pas déclarée dans ce type d’enquêtes, et encore moins auprès des autorités (moins de 5 % selon l’enquête REDODEM).

Parmi les formes de violence, on compte les vols qualifiés, les blessures, les enlèvements, l’abus d’autorité et l’extorsion7. Les agressions enregistrées comprennent également l’intimidation, la privation illégale de liberté, les menaces, la discrimination, la violence sexuelle et les homicides (REDODEM,

7 Les parts de chacun d’eux sont : vols qualifiés (74,9 % du total), blessures (4,8 % chez les victimes et 12 % chez les témoins), enlèvements (4,5 % chez les victimes et 5,2 % chez les témoins), abus d’autorité (4,2 % chez les victimes et 6,8 % chez les témoins) et extorsion (3,7 % chez les victimes et 4,3 % chez les témoins).

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2019). Ces données sur la nature des violences sont en cohérence avec des travaux similaires, où des niveaux plus élevés sont parfois signalés (Castillo et Nájera, 2015). La violence envers les femmes est également signalée : 31 % des femmes enquêtées déclaraient avoir subi des violences sexuelles (MSF, 2017)8. Lors de nos enquêtes, il nous a été signalé à plusieurs reprises par des jeunes femmes la nécessité d’avoir recours à des moyens de contraception pour faire face à l’éventualité d’un viol durant le voyage.

Dans le contexte mexicain, un élément préoccupant est la part des violences commises par des détenteurs de l’autorité publique. En 2015, un rapport signalait que 41  % des délits enregistrés à l’échelle de l’ensemble du pays avaient été commis par des détenteurs de l’autorité, à ses différents niveaux de pouvoir : un cas sur deux relevait d’une autorité de niveau fédéral (dont des agents de l’Institut National de Migration9), et le reste de niveau municipal ou régional.

La Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) a considéré en 2013 que « la réponse de l’État mexicain a été gravement insuffisante pour prévenir, protéger, traiter, sanctionner et réparer les délits et violations aux droits humains commis contre les migrants et autres personnes en contexte de mobilité humaine au Mexique » (CIDH, 2013 : 126). Ces situations traduisent une tension latente, celle d’une industrie migratoire, qu’un contexte persistant d’im- punité a facilitée et qui a permis la montée en puissance de la criminalisation des migrants ou leur exposition à la criminalité organisée (Bustamante, 2011)10. Le coût du déplacement est en augmentation du fait de la montée en puissance des réseaux de passeurs, de la faible connaissance des routes migratoires de migrants non expérimentés et d’une possibilité très limitée de s’appuyer sur des réseaux de connaissance (Basok et al., 2015 ; Anguiano et Cruz, 2014 ; Izcara et Andrade, 2016). Au-delà des réseaux de passeurs organisés, les violences contre les migrants constituent aussi une forme d’élargissement de l’activité des narco- trafiquants (Leutert, 2018). Le contrôle des mobilités humaines comme l’une des formes de criminalité au Mexique n’est pas surprenant du fait de la vulnérabilité des migrants internationaux, dans un contexte où l’insécurité touche aujourd’hui

8 Enquête d’évaluation de la victimisation conduite par MSF auprès de 467 personnes dans les foyers-refuges de Tenosique, Ixtepec, Huehuetoca, Bojay et San Luis Potosí en septembre 2015.

9 L’institut National de Migration, créé en 1993, est une agence fédérale dépendant du ministère de l’Intérieur mexicain (Secretaria de Gobernación). Depuis 2005, l’INM est considéré comme une agence de sécurité nationale chargée de l’exécution de la politique de gestion des migrations. Selon Wolf (2015), l’institution est traditionnellement carac- térisée par un haut degré d’opacité et a été de plus en plus remise en question ces dernières années en raison de la corruption persistante et des violations des droits des migrants, sur le territoire comme au sein des centres de détention (estaciones migrato- rias) dont il a la gestion.

10 En ce sens, la tradition d’hospitalité dont pouvait se prévaloir le pays vis-à-vis des exilés et migrants forcés tout au long du XXe siècle (Républicains espagnols, exilés sud- américains, etc.) est paradoxalement loin de fonctionner de façon comparable pour les migrants beaucoup plus proches et qui fuient des situations de violence en Amérique centrale.

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la majeure partie des populations11 (Aragón, 2014). Par ailleurs, l’entrée des cartels de la drogue dans les extorsions contre les migrants est due en partie à leur fragmentation. La lutte du gouvernement mexicain contre leurs actions entre 2006-2012, a conduit à la constitution de plus petits groupes et à la diver- sification des entreprises criminelles incluant enlèvements et trafic de migrants (Felbab-Brown, 2019). C’est le cas notamment du cartel des Zetas, qui opère dans plusieurs États le long du golfe du Mexique et jusqu’à la frontière nord. Il est accusé d’avoir fait assassiner soixante-douze migrants centraméricains à San Fernando (à 130 km au sud de la frontière des États-Unis) en août 2010, mani- festation de l’exercice de violence extrême le plus emblématique des années récentes (Grayson, 2014)12.

Selon le Missing Migrant Project de l’OIM, 2 483 personnes migrantes ont trouvé la mort ou sont portées disparues entre 2014 et 2018 le long des routes migra- toires entre l’Amérique centrale et les États-Unis (IOM, 2019). Si le chiffre est en dessous de la réalité du fait d’une information lacunaire13, le MMP a cependant enregistré une hausse continue sur les années mentionnées. Ces décès qui incluent les accidents de transport, les noyades ou les disparitions dans le désert, ne peuvent pas être systématiquement liés à des situations de violence, mais ils témoignent cependant de l’augmentation des vulnérabilités du fait de parcours de plus en plus exposés au risque.

Violence des traitements politiques de la mobilité

Les évolutions récentes, tant du point de vue des récits de violence que de ce que signalent les études et rapports sur les contextes de vulnérabilité, questionnent de plus en plus la portée des politiques migratoires dans la production du risque.

Au regard du contexte actuel, les relations entre mesures politiques restrictives (de contention, d’externalisation du contrôle et d’expulsion) et évolution des trajectoires semblent avoir été trop peu lues au prisme de l’exposition à la violence pour les migrants internationaux (Anguiano et Cruz, 2014  ;  Gabrielli, 2015  ; París, 2016). Ainsi, de la même manière que les dispositifs de contrôle ont transformé et déplacé les effets de frontière (Zaiotti, 2016), l’élargissement simultané de l’exposition au risque du fait du traitement politique des questions migratoires se pose avec acuité dans le cas centraméricain.

11 En 2018, le pays a enregistré 35 900 homicides (données INEGI), soit presque 100 morts par jour, chiffre le plus élevé de l’histoire du pays depuis l’existence de ce type de données, en augmentation de 15 % par rapport à l’année antérieure. À côté de ces chiffres, le thème des personnes disparues et la découverte de fosses communes reposent régulièrement la question des disparitions non élucidées. Devant l’ampleur du phénomène et sous la mobilisation de différents secteurs de la société civile — dont le Movimiento Migrante Mesoamericano qui organise depuis quatorze ans une Caravane de Mères de Migrants Disparus — le Gouvernement a créé en 2018 un Système national de recherche de personnes disparues.

12 Les migrants ont été ligotés et on leur a bandé les yeux avant de les abattre. Le porte- parole mexicain pour la sécurité a déclaré que le massacre avait eu lieu parce que les migrants refusaient d’adhérer au cartel Los Zetas ou ne pouvaient pas payer les frais de rançon. En suivant le témoignage d’un survivant, le personnel militaire a trouvé les cadavres dans un ranch non loin de la localité de San Fernando (Grayson, 2014).

13 Les données du MMP sont issues de différentes sources, en provenance soit d’institu- tions qui font des relevés de personnes trouvées mortes ou signalées comme disparues, soit par compilation d’information parue dans la presse lorsque les premières sources n’existent pas (OIM, 2019). Le second cas laisse penser que la sous-estimation est plus forte encore dans les régions moins couvertes par des relevés.

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Figure 1 : Décès et disparitions de migrants enregistrés en Amérique centrale et à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, janvier 2014 à juin 2017 Source: IOM (2017) Fatal Journeys, Volume 3, Improving Data on Missing Migrants, Geneva, IOM’s Global Migration Data Analysis Centre, p. 14.

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Le traitement politique des flux de population sans titres ou documents migra- toires est un enjeu important dans le contexte régional. Au cœur des débats largement médiatisés aux États-Unis et au Mexique, les dispositifs de contrôle des flux s’inscrivent dans le champ des politiques de l’immigration, mais aussi dans les domaines des relations internationales, des agendas de sécurité inté- rieure et les négociations sur les relations économiques entre pays (Faret, 2018 ; Armijo et Benitez, 2016). L’instrumentalisation des questions migratoires opérée par l’administration Trump depuis 2015 en a été la face la plus visible, mais la façon dont les États-Unis d’abord et le Mexique ensuite ont construit de façon progressive des politiques de défiance vis-à-vis de catégories de migrants « non souhaitées » mérite d’être interrogée sur une période plus longue au prisme des enjeux de sécurité pour les populations en mouvement. Les travaux ont montré la forte influence des États-Unis dans la construction des politiques de mobilité au sein du système migratoire régional, guidée par des enjeux de sécurité nationale et d’endiguement des flux au détriment de la lutte contre la violation des droits humains (Armijo et Benítez, 2016  ; Casillas, 2015). De son côté, le Mexique a expulsé entre 2015 et 2018 près de 524  000  migrants vers leurs pays d’origine (Ribando, 2019), une conséquence de la pression exercée par les États-Unis pour la sécurisation de la frontière sud. Sur les dernières années, le Mexique a expulsé plus de migrants d’Amérique centrale que les États-Unis (Fournier, 2019). À la frontière entre le Mexique et les États-Unis, les détentions de migrants des trois pays du nord de l’Amérique centrale sont en hausse depuis 2012 et ont atteint un niveau historique en 2019 (Selee et al., 2019).

Dans le cas des migrations à travers le Mexique et vers les États-Unis, l’exemple le plus manifeste du lien entre politique et risque date de 2018 quand l’admi- nistration étatsunienne met en place les Migrant Protection Protocols (MPP).

Il s’agit d’une mesure gouvernementale destinée aux entrants étrangers en provenance du Mexique. Elle stipule que les personnes « qui entrent aux États- Unis ou cherchent à y être admises  — illégalement ou sans les documents requis  — peuvent être renvoyées au Mexique et attendre à l’extérieur des États-Unis pendant la durée de leur procédure d’immigration  » (Homeland Security website, 24 janvier 2019). En dépit des traités et des lois internationales, l’examen des demandes d’asile ou de protection internationale s’accompagne d’un refus du maintien des populations dans le pays de leur sollicitation. Dans son annonce officielle, l’autorité en charge des questions migratoires précise, à propos des populations refoulées, que «  le Mexique leur offrira toutes les protections humanitaires appropriées pendant la durée de leur séjour  ». Dans le contexte que nous avons décrit, la mesure équivaut largement à un renvoi vers des situations de risque, tant la prise en charge de ces populations n’est pas assurée par les autorités mexicaines, mais laissée à la charge des organisa- tions de la société civile, parfois avec l’appui des organisations internationales.

Ce dispositif est un aspect d’un projet plus large, visant à définir des safe third country agreements (des accords de troisième pays sûr) qui obligeraient le Mexique ou le Guatemala à accueillir les migrants internationaux sans visa  : 28  000  demandeurs d’asile et autres migrants ont été expulsés sous cette modalité en neuf mois, venant s’ajouter aux 18 000 demandeurs d’asile précé- demment bloqués au Mexique (Human Right First Report, septembre 2019).

À fin 2019, on estime que 65 000 personnes sont au Mexique en attente de la résolution de leur demande d’asile enregistrée aux États-Unis.

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Les recherches menées par Eschbach et al. (1999), Cornelius (2001) et Slack et al. (2016) avaient bien montré le lien entre les politiques de renforcement des dispositifs de contrôle, la militarisation de la frontière entre les États-Unis et le Mexique et l’exposition au danger. C’est dans les mêmes termes que Leutert (2018) et Armijo et Bentez (2016) ont montré les effets du Plan Frontera Sur14 de 2014 au Mexique. Si à différents égards la production de la vulnérabilité par l’État n’est pas nouvelle, la façon avec laquelle les questions migratoires ont été l’objet de « plans » et « programmes » soumis à des enjeux de sécurité nationale, au détriment des perspectives de protection, est devenue manifeste au cours des deux dernières décennies. Une dimension importante est ici celle de la rhétorique de «  crise migratoire  » (Jeandesboz et Pallister, 2014). Que ce soit en 2014 ou en 2018, les réponses apportées aux arrivées importantes de migrants aux frontières ont rendu possibles  — et souvent légitimé  — des mesures d’exception et des programmes à visée géostratégique. La situation de mineurs non accompagnés à la frontière sud des États-Unis à l’été 2014, avait grandement influencé la mise en place, à quelques mois d’intervalle, du Plan Alliance stratégique pour la prospérité du Triangle nord de l’Amérique centrale du gouvernement étatsunien et le Programme Frontière Sud (PFS) du gouver- nement mexicain (Villafuerte, 2018), dont l’objectif manifeste était le contrôle.

En 2018, les mobilités de groupe dites «  de caravanes  » ont eu des résultats comparables, et sont à la base des MPP et des Safe third country agreements signalés précédemment. Sur ces différentes questions, Le Haut Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies a critiqué en septembre 2019 le durcissement des mesures imposées par les gouvernements des États-Unis et du Mexique exposant les migrants à un risque accru de violations et d’abus des droits humains. De son côté, la CEPAL considère qu’« il est essentiel de garantir que toutes les personnes ayant des besoins de protection internationale aient effectivement accès au territoire et aux procédures pour déterminer leur statut de réfugié, ainsi que d’assumer sérieusement que la violence est devenue, dans les pays de la région, une cause de migration et de déplacement qui gagne du terrain » (CEPAL, 2019 : 133).

Conclusion

Les expositions aux violences en contexte migratoire et dans les régions d’origine dressent un panorama préoccupant de l’évolution des mobilités humaines dans la région. Si l’on considère la prise en charge des populations en situation de vulnérabilité, les réponses apportées par les pouvoirs publics et les organisations internationales ne sont pas à la hauteur des enjeux. En particulier, les systèmes de protection par l’asile ou le refuge sont soumis à une pression spécifique à laquelle ils ne répondent pas, au Mexique par l’insuffi- sance chronique en personnel et le trop faible budget de la COMAR15, aux États- Unis par les failles d’un système qui n’est pas adapté aux flux de familles et de mineurs (Selee et al., 2019).

14 Lancé en juillet 2014, le programme visait à « ordonner les migrations » à la frontière entre le Guatemala et le Mexique. Dans les faits, il s’est surtout agi du déploiement d’agents de l’INM, de renforcement des points d’entrée sur le territoire et des contrôles le long des routes migratoires dans le Sud du Mexique, avec l’appui indirect des États-Unis.

15 Comisión Mexicana de Ayuda a Refugiados.

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En termes d’analyse, les besoins d’une lecture transversale et située des condi- tions et des effets des violences apparaissent comme une priorité, tant les manifestations de violence sont le produit de situations en interdépendance.

Les violences des régions d’origine produisent des vulnérabilités qui mettent en mouvement des populations, et ce mouvement est d’autant plus risqué que les capacités de réponse au danger sont affectées par les situations de vulnérabilité dans lesquelles se trouvent les migrants. À cela s’ajoutent des politiques migra- toires de contention qui, sous leur forme actuelle, accroissent les risques pour des populations sans visa. De fait, les relations étroites entre situations d’expo- sition aux violences et politiques migratoires ont été particulièrement visibles ces dernières années. Les modalités de migration en groupe, connues comme

« caravanes de migrants », entre 2018 et 2019 illustrent ces rapports. Ces dépla- cements de groupe à partir du Honduras et via le Guatemala ont correspondu à une stratégie de recherche de protection face aux périls encourus lors de la traversée du Mexique. Mais en donnant de la visibilité (en particulier média- tique) à la migration, les caravanes ont fourni un argument aux administrations étatsunienne et mexicaine pour valider l’argumentaire de « crise migratoire ». La conséquence a été l’injonction faite au Mexique par les États-Unis de demander aux autorités du pays de transit de bloquer ces flux, sous menace d’une augmentation des taxes étatsuniennes à l’importation des produits mexicains.

Dans le rapport régional asymétrique, l’administration mexicaine a cédé et a conclu un accord en juin 2019 dont le premier effet a été le déploiement de plus de 20 000 éléments de la Garde nationale16 pour appuyer les agents de l’Institut national de migration dans son action de contention. On assiste ainsi à une boucle de rétroactions dont les victimes sont les migrants : une forme sociale de recherche de protection contre les violences a débouché sur une action étatique laissant craindre de nouvelles violences.

Du point de vue des migrants, affronter la vulnérabilité et développer des straté- gies de contournement est une préoccupation permanente, intégrée en quelque sorte dans la réalisation d’un projet de migration. Il reste cependant que les répertoires d’attitudes et d’actions face aux périls sont très limités. La violence produit l’isolement des personnes qui se traduit notamment par de fortes contraintes à la production d’une identité sociale de groupe. À l’expérience du déracinement s’ajoutent l’incertitude des trajectoires migratoires et les risques d’être victime de violences, le tout sous la contrainte de politiques de fermeture qui produisent elles-mêmes des situations de vulnérabilités. Cet isolement, la recherche de l’évitement ou l’invisibilisation témoignent d’une atomisation de l’expérience sociale, et une forme de « vivre avec » s’est développée, avec des conséquences sur la santé des personnes avec des troubles psychologiques (Temores et al., 2015). Les mécanismes d’une expérience de l’insécurité rendent impraticables ou hautement problématiques les modes classiques de l’interac- tion sociale. En migration comme dans d’autres contextes, la violence produit l’exclusion. Nous avons montré que le continuum de violences produit et nourrit la marginalité, et on peut s’interroger dans le contexte régional centraméri- cain sur la façon dont l’exposition à des violences génère des situations qui autorisent la rétroalimentation des vulnérabilités et des violences. L’invisibilité

16 15 000 éléments de la Garde nationale ont été déployés dans le Nord du pays et 6 000 à la frontière sud (El Economista, 20/06/2019).

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politique et sociale donnant aux manifestations de la violence un terreau, l’indi- vidu comme le groupe en mobilité sont en situation de risque face à l’exercice de la violence. Fréquemment, cette dernière est d’autant plus banalisée que la présence migratoire est elle-même marginalisée et invisibilisée, socialement, juridiquement et politiquement.

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