LES CELLULES DE SERTOLI DES POISSONS TÉLÉOSTÉENS
I.
—ÉTUDE
ULTRASTRUCTURALER.
BILLARD, B.JALABERT
B. BRETONAnne-Marie ESCAFFRE Station centrale de
Physiologie animale,
Centre national de Recherches
zootechniques,
I. N. R.A.,
., 78 -Jouy-en-Josas
RÉSUMÉ
Dans le testicule d’un certain nombre de Poissons Téléostéens les cellules
somatiques
intra-lobulaires
peuvent
être considérées comme des cellules de Sertoliqui
interviennent dans la conten- tion et la nutrition des cellulesgerminales
et dans leurphagocytose
si ellesdégénèrent.
Les cellules de Sertoli assurent en outre, à la fin de laspermatogenèse,
un rôle dans l’accumulation et l’excré- tion delipides qui participent
vraisemblablement à la formation duliquide
séminal.Malgré
laprésence passagère
de réticulumagranulaire,
cette étudemorphologique
nepermet
pas de conclure
définitivement
au caractèrestéroïdogène
de ces cellules de Sertoli.L’existence de cellules de Sertoli est rapportée par la plupart des auteurs chez
les Sélaciens (S WA E N et M ASQU E LIN , i88 3 ; ST!PIIAN, igo2 ; MATT I MWS, 195 0;
COL L
ENOT et OZON, 1964 ; MELLINGER, Ig65 ; 1 STANLEY, 1966 ; SIMPSON
etWA RD IE, ig6
7
; HoI,sT!EIN, i 9 6g ; CO LLENO T, 19 6 9 ), chez le Crossopterygien Latime y ia cha-
lumnae (TuzE’r et M ILLO T, 1959 )
etchez le Protoptère (Bo I ssoN, zg6t).
Chez la plupart des Téléostéens la spermatogenèse
sedéroule dans des lobules
ou
tubules tapissés par
unecouche de cellules dont la fonction
etla terminologie
nesont pas clairement définies
commel’ont souligné S2ANI,!Y et al. ( 19 65). Dans
certaines espèces le terme de cellules de Sertoli
estutilisé ; c’est surtout le
casdes Cyprinodontiformes : Gambusia (ME LD E N , 1950 ), Platy!oecilus (Wol,h, i 93 t ; C
HAVIN et G ORDON , 1951 ), Poecilia sphenops (DE FE U CE et R AS C H , 19 6 9 ) et Poe-
cilia y eticulata
=Lebistes reticulatus (V AUP E L , ig2g ; STE PH A N
etC L A V E R T, 193 8 ; P
AND E Y
, ig6g ; BILLARD, 19 6 9 a-1 97 o a). Cette terminologie
estégalement utilisée
dans d’autres groupes où le cycle reproducteur annuel est bien marqué, Ab y amis
brama (G RYAZEVA , 193 6), Gaste y osteus (C RAI G-BE: NN E;TT, ig 3 o ; G OTTFRIED et
Van M ULLEM , 19 67) Clu!ea harengus (POLDER, Z g6r), Cyprinus carfiio (DaaGOTOm, 19
6 3
) Gobius !’agt!M!MS (STmv!,!Y et al., ig6 5 ), Embiotoca jacksoni (L A G IOS , ig65), Cymatogaster agg y egata (WWB!, 19 68, 19 6 9 ) Fundulus hete y oclitus (HuvER, 19 6 4 ;
LOFTS et al., zg66 ; B ARA , 19 6 9 ). Des cellules de même type ont été qualifiées de
cellules folliculaires chez Cottus bai y dü (H ANN , 1927 ), chez la Truite (WW s!r., 1943 ; O
OTA et Y A bI AMO T O , 19 66)
oucellules conjonctives chez la Perche (T URN E R , 1919 )
et chez le Hareng (BO W E R S et Hou j DAY, ig6i).
Dans d’autres espèces, à la suite des travaux de M!sx!,!, et LofTs ( 195 6),
des cellules occupant la même position topographique et qualifiées de « lobules boun- dary cells
u ontété considérées
commeglandulaires (stéroïdogènes), d’après leur
contenu
encholestérol (test de S CHULTZ positif) et la_détection histochimique d’en-
zymes impliquées dans la stéroîdogenèse. Ces cellules qui présentent des variations aisonnières dans leur contenu
en.lipides, sont considérées
commehomologues des
cellules de Leydig (lesquelles peuvent être absentes dans l’espace extralobulaire).
Il s’agit de : Esox lucius, Salvelinus willughbü et Labeo (MARSH!,r, et LOFTS, ig56 ; LOFTS
etMnxsFra!!, i 957 ; 1 MARSHALL, ig6o), Salmo sala y (0’ H ALLORAN et I DLER , 1970
), Salmo gairdnerü (R O BE RTSON , 195 8), Barbus tor (R AI , 19 65), Tilapia
mos-sambica (Y ARON , 19 66), Couesius plumbeus (AS HAN , 19 66), Gly!tosternum pecti- nopterum (K HANNA
etP ANT , 19 66), Sebastodes pauscispinis (M OS E R , 19 6 7 ). Chez
Salvelinus fontinalis HE ND E RSON ( 19 6 2 ) qualifie également les cellules de la paroi
des lobules de
«lobules boundary cells
»mais
nepeut leur attribuer
unefonction
glandulaire.
Les cellules de Sertoli de plusieurs poissons Istiophorides (M!RR!!rr, 1970 )
etles « lobules boundary cells
»de la Truite (Ros!xTSOrr, ig 5 8) seraient organisées
ensyncitium.
Chez les Cyclostomes, les
auteursles plus anciens qualifient les cellules somatiques, présentes dans les lobules, de cellules du stroma (C UN rrING H a M , 1 8 91 )
oude cellules végétatives (SC HR E IN E R
etSC HR E IN E R , 1905 ), tandis que des auteurs plus récents
tendent à les assimiler
aux «lobules boundary cells
»(LARSEN, ig6 5 ; H ARDIS T Y
et al., 19 6 7 ), alors que d’autres les considèrent
commecellules de Sertoli (CEuppi
et BOTTE, Ig6 2 ).
L’identification par H YD E R ( 19 6 9 ) chez le Tilapia de cellules de Sertoli
avecdes
«cyst cells
»et même des
«lobules boundary cells
» nefait qu’ajouter à la confu-
sion.
I,a différence entre
«lobules boundary cells
»et cellules de Sertoli reste difficile à établir et certains auteurs notent que
ces 2types cellulaires présentent de grandes
similitudes (STANLEY et al., zg6 5 ). La présence de lipides dans les
«lobules boundary
cells
»n’est pas
uncritère suffisant puisque certains auteurs qualifient de Sertoli
des cellules qui présentent
uncycle évolutif comparable
aux «lobules boundary
cells
ndu Brochet. (CHAN et P H iuj p s, 19 67, chez Monopte y us albus). D’autre part,
B U T Z g
AYA ( 19 66) considère que les cellules
necontiennent que des lipides neutres, dépourvus de stéroïdes. Enfin, les
«lobules boundary cells
»intralobulaires
nesont pas les seules cellules stéroïdogènes dans le testicule chez la Truite
etle Brochet
puisque, dans
cesespèces, des cellules interstitielles typiques ont été identifiées (O O T A
et Y AMAMO T O , i 9 66 ; BILLARD et al., 1 971 ).
Les cellules de Sertoli seraient susceptibles de synthétiser des hormones sté-
roïdes (cf. L A C Y , 19 6 2 , LOFTS, ig68 ; P I C H E R A L , ig6g ; C OLL E N OT 1969) et présen-
teraient certains caractères ultrastructuraux des cellules de I,eydig, chez l’Homme (I,
A C Y
et PE TTITT , 19 6 9 ) et les Amphibiens (BxoC!r.lvrArr, 19 6 4 ), de
sorteque rien
ne
s’oppose à qualifier les
!çlobules boundary cells
»de cellules de Sertoli.
Il semble donc que le terme de cellule de Sertoli puisse être retenu dans tous les
cas
et
cepremier travail
sepropose de confirmer
cepoint de
vue,à partir d’argu-
ments tirés d’une étude ultrastructurale de
cescellules. L’analyse porte
surdes espèces d’eau douce tempérée possédant des cellules de Sertoli
oudes « lobules
boundary cells
»,à cycle reproducteur annuel : la Truite arc-en-ciel et fario (Salmo gai
y dne y
i et Salmo trutta fario), le Brochet (Esôx lucius), la Carpe (Cyprinus carfiio) ,
le Carassin (Ca y assïus auratus)
etle Gardon (Rutilus rutilus).
MATERIEL ET MÉTHODES
Les
prélèvements
degonades
sont réalisés tout aulong
ducycle
sexuel(entre
3 à 10prélè-
vements au cours de
l’année)
sur des animauxadultes, âgés
de 3à
g ans, élevés au laboratoire sousphoto-
etthermopériodisme naturels,
ouprélevés
dans lanature,
dans larégion parisienne,
au cours de
plusieurs
saisons sexuelles( 19 6 7 - 1970 ). Après anesthésie
dans une solution de MS 222 à 2p. i ooo, lespoissons
sont sacrifiés et depetits fragments
de testicules sont immédiatement fixés. La fixation est :- soit
simple :
2bains de i heure à -!-4 °C
dans une solution de tétroxide d’osmium à 2p. 100en
tampon phosphate
àpH
7,25.- soit double :
préfixation
dans unesolution
deglutaraldéhyde
à 3,3 p. 100 i heure à -4°C
entampon phosphate
àpH
7,25,puis postfixation osmique
dans une solution de tétroxide d’osmium à 2 p. 100 dans le mêmetampon pendant
i heure.Après inclusion
dansl’Épon,
lescoupes sont colorées successivement à l’acétate
d’uranyle
et au citrate deplomb pendant
5 mnpuis
recouvertes d’un film de carbone et observées àl’Elmiskop
I Siemens sous 80 kV.OBSERVATIONS
Évolution générale de la structure des cellules de Sertoli de l’ensemble des espèces étudiées
aucours de la spermatogenèse
L’ensemble des observations faites dans toutes les espèces étudiées
estrésumé
par les schémas de la figure
i.Pendant la période de repos sexuel, les cellules de Ser- toli englobent complètement des cellules germinales de grande taille isolées
ougrou-
pées par deux (fig.
iA).
Lors de la reprise de l’activité spermatogénétique, les spermatogonies souches
se
divisent plusieurs fois, les spermatogonies qui
enrésultent sont séparées les
unesdes
autrespar des cellules de Sertoli (pl. III)
etconstituent le point de départ des cystes dans lesquels les divisions vont s’opérer de façon synchrone. Les cystes
sedéveloppent à l’intérieur de la couche de cellules de Sertoli
etfont saillies dans la lumière du lobule. A la fin de la spermiogenèse la paroi sertolienne des cystes devenue de plus
enplus mince s’ouvre
etles spermatozoïdes
sontlibérés dans la lumière du lobule (fig.
iB). Tous les cystes arrivent ainsi successivement à maturité et les cellules de Sertoli reviennent
seplacer le long de la paroi du lobule. Elles
neprésentent
pas de rapports morphologiques étroits
avecles spermatozoïdes jusqu’au
momentde la fraie. Des lambeaux de cytoplasme sertolien qui pourraient correspondre à la paroi des cystes subsistent quelque temps, libres dans la lumière
ourepliés
surle
corps cellulaire (pl. IV B).
Évolution morphologique du rcoyau
Pendant la fraie et la période de repos sexuel, les noyaux sertoliens
sonttoujours appliqués contre la paroi du lobule. Ils
sontde forme aplatie chez la Truite, la plus grande dimension
estparallèle à la membrane basale pendant la fraie (pl. I A) et perpendiculaire pendant la période de repos sexuel où
alieu la résorption des sperma- tozoïdes (pl. VI A). Chez le Brochet, le noyau
estgrossièrement sphérique, mais il peut être déformé par la présence de gouttelettes lipidiques (pl. II B). Dans la plu- part des
cas, unnoyau sertolien
estsitué à proximité des spermatogonies-souches (pl. I B, II A). La chromatine
esthomogène, finement granulaire, sauf chez la Truite
où il existe quelques petites mottes de chromatine (pl. I A). Le nucléole est bien individualisé chez le Gardon et le Brochet (pl. II B) ; il est également apparent chez la Truite (pl. I) et pulvérisé
enpetits fragments chez le Carassin (pl. II A).
Lorsque la spermatogenèse
esttrès active, les noyaux sertoliens
sontquelque-
fois repoussés
endirection de la lumière du lobule. A
cestade les noyaux
sontpoly- morphes chez la Truite (pl. III)
etprésentent
unelégère densification périphérique
de la chromatine.
Évolution des
structurescytoplasmiques
Dans toutes les espèces étudiées, le cytoplasme sertolien est caractérisé par les
points suivants :
i.
L’existence de gouttelettes lipidiques particulièrement importantes lors
de la maturité sexuelle, chez le Brochet (pl. V A), la Carpe et le Carassin (pl. II A).
L’abondance des lipides est maximum à la fin de la spermatogenèse
et au momentde la fraie. Des gouttelettes lipidiques
sontpartiellement entourées par des éléments du réticulum. L’aspect du
contenude
cesinclusions
est souventhétérogène chez le Brochet, la
zonepériphérique
estplus contrastée que la
zonecentrale (pl. II B, V A)
et chez le Carassin l’existence de plages plus claires
està souligner (pl. Il A). Le deve-
nir de
ceslipides n’a pu être défini
avecprécision, mais certaines images permettent de penser que le
contenudes inclusions
estéliminé dans la lumière du lobule (pl. IV B).
La présence de gouttelettes entières dans la lumière
aété observée, mais il
estdifficile
de s’assurer que
cemode d’élimination correspond à la réalité du fait des possibilités
de rupture de la membrane plasmique
au coursde la préparation du matériel.
2
.
Des corps résiduels
se rencontrentdans toutes les espèces étudiées
etparti-
culièrement chez la Truite (pl. VI A). Les premières manifestations de phagocytose apparaissent dès la période de fraie
et setraduisent par la présence de spermatozoïdes
à l’intérieur du cytoplasme sertolien. L’allure de
cesspermatozoïdes paraît quelque-
fois normale et des rapports nutritionnels pourraient être envisagés entre sperma- tozoïdes
etcellules de Sertoli, mais le plus souvent la chromatine de tels spermato- zoïdes présente des signes de dégénérescence (pl. IV B). Chez la Truite,
cescorps résiduels existent pendant toute la durée de la phase de repos et même
audébut de la phase d’activité spermatogénétique (pl. VII A), mais à cette époque, il n’est pas
possible d’établir si les corps résiduels observés résultent de la phagocytose de sper-
matozoïdes du cycle précédent
oudes spermatides
ouspermatozoïdes des premières générations spermatogénétiques suivantes qui sont toujours plus
oumoins abor-
tives. Un peu plus tard (pl. VII B), lorsque les derniers cystes sont
enspermiogenèse,
il
ne resteplus de corps résiduels dans les cellules de Sertoli. Les corps résiduels sont
plus nombreux dans les cellules de Sertoli des lobules situés à proximité du canal
déférent que dans les lobules situés à l’opposé de
cedernier, dans la partie dorsale
du testicule. Des images de phagocytose
sontégalement visibles dans les cellules de
l’épithélium du canal déférent.
3
. Des vésicules de pinocytose existent tout
aulong du cycle reproducteur
dans les cellules de Sertoli des espèces étudiées, mais
sontparticulièrement abon-
dantes pendant la période de fraie. Elles
se rencontrent auniveau de la membrane
plasmique sertolienne, appuyée contre la membrane basale
et dans les cellules elles- mêmes où elles peuvent fusionner
avec le réticulum endoplasmique
ou les membranes
plasmiques (pl. IV). Des vésicules
sontégalement visibles dans la paroi des vaisseaux
sanguins (pl. IV A).
4
. Il existe des structures de soutien,
enparticulier des desmosomes (macula adherens, pl. VI C)
surlesquels viennent s’insérer des faisceaux de tonofilaments
qui
serépartissent de part et d’autre des membranes plasmiques de
2cellules de
Sertoli voisines (pl. VI B). Ces membranes plasmiques
sontfortement imbriquées
les
unesdans les autres pendant la période de fraie (pl. I A et IV AB),
mais deviennent beaucoup plus
«tendues
»pendant la période de résorption des sper- matozoïdes (pl. VI A)
etlorsque la spermatogenèse
estactive (pl. II C
etIII).
Une
zoned’occlusion (zona ocludens) est régulièrement présente entre les
mem-branes plasmiques de
2cellules de Sertoli voisines aussi bien du côté de la membrane basale (pl. I A) que du côté de la lumière du lobule (pl. I B). Aucun desmosome n’a
été identifié
entrecellules germinales et cellules de Sertoli. Il faut également noter
l’existence de tonofilaments
enrapport
avecles gouttelettes lipidiques (pl. V A)
et des microtubules
ennombre limité.
,5
. Les, autres structures cytoplasmiques sertoliennes présentent également
une
évolution
au coursdu cycle sexuel :
’
-
Il existe du réticulum granulaire, surtout
audébut de la période d’activité spermatogénétique (pl. II C et VII B) alors que pendant la période de repos sexuel
l’importance du réticulum endoplasmique
estplus faible. Du réticulum agranulaire peut exister de façon temporaire au moment de la période de fraie (pl. V B).
-
Les mitochondries sont moins nombreuses pendant la période de repos sexuel (pl. I
etIV) que pendant la période d’activité spermatogénétique où la matrice peut être claire (pl. III)
oufoncée (pl. II C) chez la Truite. Chez le Brochet, les mito-
chondries apparaissent en massues pendant la période de fraie
et de repos sexuel et entrent
en rapport
avec les gouttelettes lipidiques (pl. IV A). Les crêtes présentent quelquefois
un aspect tubulaire (pl. III), mais elles ont le plus souvent
un aspect lamellaire
et sont orientées parallèlement
ou perpendiculairement à la membrane
externe.
-
L’existence de centriole
etmême de flagelle
apu être relevée de même que çl
es
«coated vesicles
»et des corps multivésiculaires. Des granules de taille variable
au
contenu dense, limités par
unemembrane
etqualifiés de granules denses, existent
dans les cellules de Sertoli,
auxdifférentes époques de l’année, mais sont particu-
lièrement abondants
avant etpendant la fraie (pl. 1 B, V B).
DISCUSSION
Au
coursdu cycle reproducteur annuel de la Truite, du Brochet, du Gardon,
de la Carpe et du Carassin, les cellules somatiques intralobulaires
seprésentent
sousdes aspects variés. Les modifications affectent principalement la morphologie
nucléaire et l’extension du cytoplasme.
Elles
sedisposent
en unecouche continue de cellules autour du lobule,
aumoment
de la fraie et pendant la période de repos sexuel. Au moment de l’activité sperma-
togénétique, les cellules germinales
se trouventcomplètement englobées dans
unréseau important de cellules somatiques qui occupe presque la totalité de la lumière du lobule. L’activité métabolique semble également variable
au coursdu cycle, de
même que le contenu cytoplasmique où apparaissent successivement des vésicules
denses, des gouttelettes lipidiques et des corps résiduels. On pourrait imaginer l’exis-
tence
de plusieurs types cellulaires mais il est plus vraisemblable qu’il s’agit
d’une même catégorie cellulaire qui présente
uncycle d’évolution analogue à
celui des cellules de Sertoli des Batraciens
anoures(B R Õ I Œ LMANN , 19 6 4 ; Buxc>os,
et V ITALE -C ALP E, i 9 6 7 ). Chez le Hareng (BOw!RS
etH OLLIDAY , i 9 6t)
etchez Monop-
terus albus (CHAN et P HILLIPS , ig6 7 ),
unetelle activité cyclique des cellules de Sertoli
a
déjà été rapportée. Les observations morphologiques qui viennent d’être dévelop- pées permettent d’attribuer à
cescellules plusieurs fonctions.
A.
-Rôle des cellules de Sertoli dans le soutien des cellules germinales
Les spermatogonies qui subsistent pendant la période de repos sont complè-
tement incluses dans le cytoplasme sertolien (pl. 1 B, II A). Après
une ouplusieurs divisions, il est vraisemblable que l’une des spermatogonies s’isole et subsistera à l’état de spermatogonie-souche, les autres subissant d’autres divisions spermato- goniales (dont le nombre n’est pas connu) et la suite des processus spermatogéné- tiques. Les dernières divisions spermatogoniales et la spermiogenèse
sedéroulent
à l’intérieur même d’une enveloppe de cellules de Sertoli; l’ensemble constitue
uncyste selon la terminologie la plus courante. Le nombre de cellules de Sertoli par cyste
et ses
variations
au coursde la spermatogenèse n’ont pu être définis. Les multipli-
cations cellulaires des cellules germinales entraînent
uneaugmentation de taille
des cystes ; il s’ensuit
uneextension considérable des cellules de Sertoli et
undérou- lement de l’engrenage des membranes plasmiques, la cohésion de l’ensemble étant maintenue par les desmosomes pourvus de tonofilaments
etdes
zonesd’occlusions
(pl. Il C, III, VI B). Une telle structure
restecependant fragile et,
au coursde la sper-
miogenèse, lorsque le cyste atteint
sataille maximum, l’épaisseur de la couche de
cytoplasme sertolien est faible (quelques centaines d’t!) et peut
serompre,
cequi
aboutit à la libération prématurée des spermatides dans la lumière du lobule, phéno-
mène déjà signalé par S TANLEY et al. ( 19 6 5 ) chez Gobius. Toutes les cellules de Ser-
toli sont accrochées entre elles par des desmosomes ; il n’existe donc pas de syncitium.
La spermatogenèse des poissons étudiés ici
sedéroule
en unmême point du lobule et
toutes les cellules de Sertoli reliées par des jonctions spécialisées
sontpratiquement immobiles ; la situation est donc différente de celle décrite chez le Guppy (BILLARD, 1970
) où les cystes
sedéplacent dans des tubules (comme chez Xiphophorus helleri, E
SSENBERG
, I g 23 ),
etoù les cellules de Sertoli de
2cystes voisins sont indépen-
dantes. Mais les mécanismes de soutien mis
en ceuvre sontcomparables dans les
2 cas :
engrenage des membranes plasmiques, desmosomes
ettonofilaments
commechez le Crapaud (B UR G O S
etV I TALE-CA I ,PE, 19 67 a).
B.
-Rôle de nutrition des cellules germinales
Pendant toute la durée du cycle reproducteur, les cellules germinales
nes’ap- pliquent jamais directement contre la membrane basale, de sorte que les cellules de Sertoli sont obligatoirement impliquées dans le transit des métabolites. Les rela- tions varient selon la catégorie de cellules germinales.
Spermatogonies, spermatocytes et spermatides.
Ces cellules sont organisées
encystes et,
aumoins ipour les cystes de grande taille, toutes les cellules germinales
ne sontpas
encontact permanent
avecles cellules de Sertoli. A la fin de la spermiogenèse, dans les espèces étudiées, les spermatides
ne
viennent pas s’implanter dans le cytoplasme sertolien
commechez le Guppy,
les Sélaciens et les Vertébrés plus évolués. Ce fait peut être mis
enrelation
avecl’existence dans
cegroupe de poissons d’une spermiogenèse moins élaborée que chez les Cyprinodontiformes (BILLARD, 197 o b) ainsi qu’en témoigne la morphologie du spermatozoïde (M A TTE I , ig6g-Ig7o ; BILLARD, 1969 b).
Spermatozoïdes.
Les rapports trophiques entre les cellules de Sertoli
etles spermatozoïdes, s’ils existent,
ne sontpas aussi directs qu’avec les autres cellules germinales, mais
uncertain nombre d’hypothèses peuvent être avancées. Plusieurs auteurs
ontsignalé
une
décharge intratubulaire de lipides (GR!!rrwOOD, 195 8 ; B U T Z xAYA, 1966). Les lipides d’origine sertolienne, associés
auxsécrétions du canal déférent (R ASQUIN et HA
F TE R
, 1951 ; VA MAZ A KI
etD ONALDSON , I g68 ; S HRIVAS T AV A, I9 67 ; RASTOGI, 19
6 9
), pourraient constituer le liquide séminal et intervenir ainsi dans la nutrition des spermatozoïdes.
Ce processus de formation des gouttelettes lipidiques est également hypothé- tique. Un certain nombre d’images peuvent laisser supposer que les grosses goutte- lettes lipidiques résultent de la fusion des granules denses (pl. V B). Cependant, les granules denses possèdent
unemembrane limitante, alors que les grosses goutte- lettes lipidiques sont dépourvues de membrane propre
et sontseulement entourées par le réticulum endoplasmique. Elles peuvent également présenter des relations
avecdes tonofilaments
commedans le
casdes gouttelettes lipidiques de cellules adipeuses (L
UCK E
NBILL et CoH!rr, I g66 ; WooD, ig6 7 ). I,’existence de granules denses pourvus de membrane propre et de gouttelettes lipidiques
aété signalée dans les cellules
interstitielles de Mammifères
etdiscutée par CHRIST!NS!rr
etF AW CETT ( 19 66
etC HRIS TE N SE
N et GILLIM (1969).
C.
-Rôle de phagocytose des cellules germinales
endégénérescence
et
des spermatozoïdes
nonéjaculés
Les cellules de Sertoli des Mammifères
sontsusceptibles de phagocyter des
macromolécules (Cr,!GG et Me MILLAN, I g65 ; RE DDY
etS V O B O D A I g67 ; CA RR
et
al., 19 68) et des cellules germinales
endégénérescence (HuGON et B O GE RS , 19 66 ;
RoosxN-RuNG! et I,!Ix, I g68). Chez les Poissons étudiés ici,
cerôle de phagocytose
des cellules germinales
endégénérescence
sedouble d’un rôle dans la résorption des spermatozoïdes
nonéjaculés. Ce phénomène semble général
etl’existence de la
résorption de spermatozoïdes résiduels après la fraie dans le canal déférent et les lobules
aété souvent signalée (W I ART, ig 3 6 ; JO N ES, I94 o ; JO N ES
etORTON, 1940 ; GOKHAI,!, Ig5! ; HENDE R SO N , 1962 ; BU2ZKAYA, Ig66 ; I,AGIOS, I965 ; HAYASHI, Ig6g ; DA D Z I E, ig6g). Le matériel ainsi résorbé représente chez la Truite, 8 0 à go p.
100du poids testiculaire initial (BILLARD et al., 197 1).
D.
-Les cellules de Sertoli et la spermiation
Les hormones gonadotropes hypophysaires semblent intervenir
surles cellules de Sertoli chez les Mammifères (M ANCINI et al., 19 6 4 ; C ASTRO et al., 1970 ; VITAI,!- C
ALPE et BuRGos, I970
a,b) et chez les Amphibiens où elles seraient impliquées
dans le processus de spermiation (BuRGos
etVITAI,!-CAI,P!, 19 6 7 b).
Chez les Poissons, l’injection d’extraits bruts d’hypophyse de Carpe entraîne
la spermiation de la Carpe et du Poisson rouge (Ct<EMENS et al., I g6q. ; Cr.!a!NS
etG R A N
T, I g6g ; Y AMAZAKI
etD ONAI , DSON , 19 68)
avechydratation du liquide séminal
et une
modification de l’équilibre osmotique dans les testicules (G RANT et al., 19 6 9 ),
ainsi qu’une augmentation du volume des cellules de Sertoli. Cependant, l’interven- tion des cellules de Sertoli dans les processus de spermiation n’est pas claire ; il
nepeut s’agir ni d’une déconnection des spermatides qui
nesont pas accrochées
auxcellules de Sertoli
commechez les Poissons Cyprinodontidés
etles Vertébrés plus évolués, ni de la rupture des cystes qui intervient plusieurs semaines, voire plu-
sieurs mois,
avantla fraie.
E. - Le rôle endocrine des cellules de Sertoli
Mise à part l’existence fugace de réticulum agranulaire (pl. V), les caractères ultrastructuraux caractéristiques des cellules interstitielles de Mammifères qui
existent également chez les Poissons (FoI,I,!NIUS, ig6o, 19 68 ; BILLARD et al., 1971),
ne se
retrouvent pas dans les cellules de Sertoli qui viennent d’être examinées, bien qu’elles soient quelquefois considérées
commeétant de nature glandulaire (OsAmu
etYAa!AbIOTO, 19 68). D’autres techniques cytochimiques
etcytophysio- logiques doivent être mises
en œuvrepour détecter l’existence éventuelle de stéroï-
dogenèse dans
cescellules
etferont l’objet d’un prochain travail.
CONCLUSION
La description morphologique des cellules somatiques localisées dans les lobules séminifères des testicules de 5 espèces de Poissons téléostéens, dont
aumoins
2ont
la réputation de posséder des
«lobules boundary cells
o, montreque rien dans les
structures
ouleur évolution
au coursdu cycle
nepermet de faire
unedistinction entre cellules de Sertoli proprement dites
et «lobules boundary cells ». Ces cellules
ne
sont cependant pas des Sertoli typiques puisque la spermatogenèse
nes’y déroule
pas
commechez les Vertébrés supérieurs, mais si
onconsidère leur rapport
avecles cellules germinales, elles jouent bien
unrôle de support métabolique
enles envelop- pant. A cet égard, le terme « lobules boundary cells
»pourrait être plus adéquat, mais
comme on ne
peut pas identifier
unautre type cellulaire suceptible d’être qualifié
de Sertoli, il semble préférable d’appeler cellules de Sertoli les cellules somatiques présentes dans les lobules testiculaires.
REMERCIEMENTS
Ce travail a bénéficié des conseils et de l’aide de P. BERGOT. Nous remercions les
piscicul-
teurs
qui
nous ontprocuré
le matériel animal : MM.L ABAT . L UBIN ,
TErra ainsi que Monsieur le Président du parcours depêche
de la Nonette. Nous remercionségalement
M. COUROTpour la lecturecritique
du manuscrit.Reçu pour publication
en août 19i1.SUMMARY
THE 5!RTOI,I CELLS OF T!I,!OST FISH 1. - FINE STRUCTURE
The seminiferous lobules of testes of 5 Teleost
species,
in 2of which at least « lobulesboundary
cells have been
evidenced,
wereinvestigated.
No structural or evolutivepattern
was found inthe somatic cells located in the lobules to
substantiate
a distinction between lobulesboundary
cells » and actual Sertoli cells.
These somatic cells are located on the
periphery
of the lobulesduring
theperiod
of sexualrest and surround the
cysts during
theperiod
of sexualactivity. They
aretough
and bound toeach other.
They play a part
in nutrition orphagocytosis
at various times in thecycle.
Though
the presence of smooth reticulum wastemporarily noticed,
ourmorphological study
did not
give
evidence for anysteroidogenic
characteristic. These cells are notgenuine
Sertolicells,
since thespermatogenetic
process is not the same as that ofhigher Vertebrates ; however,
as
they
surround thegerminal cells,
theirpart
isactually
tosupport
themmetabolically.
In viewof these
facts,
the term a lobulesboundary
cell» might
be moresuitable,
but it would seemprefe-
rable to call these cells « Sertoli cells as no other Sertoli-like cell
type
could be identified.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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