HÉTÉROGÉNÉITÉ DES PROPORTIONS MENDÉLIENNES
A PLUSIEURS LOCI CHEZ LA POULE, LORSQUE LA MÈRE EST HÉTÉROZYGOTE
P. MÉRAT
Station centrale de
Génétique animale,
Centre national de Recherches
zootechniques,
78 -Jouy-en-Josas
Institut national de la Recherche
agronomique
Lors
d’accouplements
dutype
d yy(crête simple)
xy Rr (crête
enrose),
com-portant
au total environ 15 ooodescendants,
nous avions observé unehétérogénéité
entre
mères, significative
au seuil i p. 100, pour laproportion
des crêtessimples
parrapport
aux crêtes en rose chez lesdescendants,
sexesgroupés ;
cetteproportion
était voisine de
1/1
sur l’ensemble des données(MÉ RA T, 19 6 3
a,b ; 19 66 a).
La fertilité et l’éclosion étaient
normales
dans cesfamilles,
et neprésentaient
pas de corrélation décelable avec le
rapport
deségrégation
pour letype
de crête.D’autre
part,
lacomparaison
desproportions
mendéliennes pour les diverstypes
decroisement relativement au
gène
R ne s’accordait pas avecl’hypothèse
degènes
modificateursprésents
dans certaines familles(M ÉRAT , 19 6 3 a).
De
même,
lecroisement d
ww(pattes jaunes)
XWw (pattes blanches)
com-porte
unehétérogénéité
entremères,
hautementsignificative,
durapport
deségré- gation.
Lepourcentage
depoussins
éclosrapporté
aux oeufs incubés ne diffère pas entre les mères à excès ou défautsignificatif
d’enfants àpattes blanches,
et les autresmères
accouplées
aux mêmespères.
Ce résultat s’accorde mal avecl’hypothèse
dedifférences dans la mortalité
zygotique.
Il nes’agit
pas nonplus
de désaccords entre lephénotype
noté et legénotype ;
les cas où un animal ww est noté «à pattes
blanches »sont très rares et non
groupés
par familles. Il en est demême,
en sensinverse,
pour les animaux WW ou Ww(MÉ RAT , 19 66 b).
Pour la même
population,
nous avons constaté(MÉ RAT , ig66a)
des faits ana-logues
au locusC/c (présence/absence
depigmentation
duplumage).
Dans nos croi-sements
pedigree
a cc X !Cc,
ley 2 d’hétérogénéité
entre mèresintra-pères,
pour laproportion,
sur les deux sexesréunis,
depoussins
colorés etblancs,
estégal
à 321,9
pour
2 6 5 degrés
deliberté,
valeurayant
uneprobabilité
inférieure à i p. 100d’êtredépassée
du seul fait du hasard.Le tableau suivant
(tabl. i)
montre le taux d’éclosion chez les mères à excèssignificatif
depoussins
blancs(seuil
5 p.100 ) comparé
à celui des autres mèresaccouplées
aux mêmes coqs(comparaison I) ;
demême,
le taux d’éclosion chez les mèresprésentant
un défautsignificatif
depoussins blancs, comparé
à celui des autresmères
(comparaison II).
Les différences depourcentages
ne sont passignificatives.
Dans notre
cheptel,
laprésence
ou l’absence de coloration duplumage
nepré-
sentait pas de difficulté de
classification,
d’autantplus
que lapopulation analysée
pour la
ségrégation C/c
était fixée à l’étathomozygote
pour l’allèle s(présence
demélanines « rouges n dans le
plumage).
En outre, lesgènes
I(«
blanc dominant»),
Bl
(dilution
dunoir)
etig (suppresseur
de lapigmentation rouge)
étaient absents des familles étudiées.On ne voit donc pas la
possibilité d’expliquer l’hétérogénéité
observée par laprésence
degènes
suppresseurs de lapigmentation
autres que c. Il y a d’ailleurs aussi souvent excès que défaut depoussins
colorés.On
peut
noter que les croisementsréciproques,
aux trois loci dont nous venonsde faire mention
( a
Ry X !ry ; d
Ww X ! ww ; a Ce X !cc),
neprésentent
pas eux,d’hétérogénéité significative
desproportions
suivant les familles de mères.Entre
pères,
cettehétérogénéité
est à la limite de lasignification
au locusW, (P - 0 , 05 )
ainsiqu’au
locus C(P
<0 , 10 )
et au locus R pour laproportion
chez lesmâles
(P - 0 , 05 ). (MÉ RA T, 19 6 2 , 19 66
a,1 9 66 b).
Dans
l’ensemble,
leshétérogénéités
deproportions
constatéesparaissent
pro- venir surtout dequelques
mères ayant un fort excès ou défaut d’unecatégorie.
Ceciest
suggéré
par l’examen de la distributiondes x 2 calculés
sur la descendance dechaque
mère
(proportion
observéecomparée
à laproportion théorique 1/1 ).
Chacune de ces
quantités
calculées suitapproximativement,
dansl’hypothèse d’homogénéité,
une loidu y 2
à idegré
de liberté. Nous avonsdécoupé
la distributionthéorique
de cette loi enclasses,
avec les limites suivantes :(la
dernière classecomprenant
toutes les valeurssupérieures
à3 ,8 41 ).
On
peut,
àpartir
delà,
comparer les nombres observés desX 2
obtenus pour les différentes mères aux nombresthéoriques,
dans chacune des classesformées,
parun
X 2 d’ajustement
à 8degrés
de liberté(nombre
de classes moinsun).
Ce
testindique
que, pour le locusR,
la distributiondes x 2
observés s’écarteconsidérablement de la distribution
théorique du x 2 (probabilité
inférieure ào,oo T ).
La
probabilité correspondante
est inférieure à o,02 pour le locus W et à 0,05 pour C.Pour le locus
R,
enparticulier,
lacomparaison
des nombres observés et calculés de «x 2
de mères individuelles dans les diverses classes est donnée dans le tableau 2.Si l’on compare les nombres observés et
théoriques des X 2 respectivement supé-
rieurs et inférieurs à la valeur
3 ,8q.,
on obtientun X 2
decontingence égal
à 24,5 pourI
degré
deliberté,
d’où P < 0,001.L’ensemble
des écarts dans les autres classesne
paraît
pas excéder les fluctuations aléatoires normalementprévisibles.
Enfin,
sur une soucheWyandotte
et une autre deRhode-Island,
laségrégation
de deux loci de groupe
sanguin
danschacune,
faitapparaître
unehétérogénéité
sem-blable des
proportions
entre familles de mèreslorsque
la mère esthétérozygote
etle
père homozygote ;
là encore, des différences de mortalitéembryonnaire
oujuvé-
nile variables suivant la famille
paraissent pouvoir
être exclues(PE RRAMON
etMÉ RAT ,
sous
presse).
Dans ces divers cas, en l’absence d’une autre
explication satisfaisante,
noussommes amenés à supposer que certaines variations non aléatoires du
rapport
deségrégation pourraient
seproduire
lors de la méiose ou avantelle,
au moins chezcertaines mères.
Plusieurs
hypothèses,
entrelesquelles
nous n’avons pas actuellement le moyen dechoisir,
sontpossibles.
En dehors d’une anomalie deségrégation
à la méiose(expul-
sion
préférentielle
d’un allèle dans leglobule polaire,
variable suivant lesfamilles)
l’existence de « conversions
géniques » pourrait
êtresuggérée.
Cephénomène
a étérencontré dans diverses
espèces,
avecpeut-être
desfréquences d’apparition impor-
tantes dans certains cas
(par exemple R ENN E R , Ig42 ; C O E, I g5g ;
PAPAZIAN et LIN-
DEGREN,
Ig60).
Il existe encore une autre
possibilité,
celle dec y ossing-ove y mitotiques
dans lalignée germinale
femelle( 1 )
montrée chez lesChampignons
et lesDiptères (ST!RN, i936 ! PONT!CORVO, 195 6, 195 8
entreautres). Récemment,
cettepossibilité
a étéfortement
suggérée
chez les Vertébréssupérieurs
par GRÙNEBER&( 19 66)
et parBATE M A
N
(ig67).
La
répétition
d’unphénomène comparable
pour divers loci chez lapoule peut
en faire un matériel intéressant pour tester ces diverses
possibilités.
Reçu
pourpublication
en novembre 1967.SUMMARY
HETEROGENEITY OF MENDELIAN PROPORTIONS AT SEVERAL LOCI IN THE DOMESTIC FOWL WITH AN HETEROZYGOUS DAM
Matings
of the d cc X ! Cc typecorresponding
to the C/c locus of the domestic fowl(pig-
mented. v. white
plumage)
were carried out in ourpopulation.
There was a
highly significant heterogeneity
between dams in thesegregation
ratio of theirprogeny, with both sexes
pooled.
This fact cannot be attributed to anincomplete
penetrance of either allele ; and differences inzygotic mortality
are as untenable anhypothesis.
The results of our
experiments
have led us to suggest a disturbance of theproportions
at thegametic
level. We obtained similar results with the R and W loci, and with blood group genes.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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( 1
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