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La jurisprudence de la CEDH en matière d'enlèvement d'enfants

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Master

Reference

La jurisprudence de la CEDH en matière d'enlèvement d'enfants

ASTORINO, Enora

Abstract

Avec l'augmentation des mariages et unions de couples binationaux, le problème des enlèvements internationaux d'enfants est devenu plus aigu et actuel. Face à ce phénomène, la communauté internationale a conclu en 1980 la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (CLaH 80). Ce travail de maîtrise se propose d'examiner les exigences imposées par la CourEDH lorsqu'une autorité doit appliquer les principes de la CLaH 80. Tout d'abord, pour que la CLaH 80 s'applique, le déplacement doit avoir été illicite au sens de cette Convention. Ce mémoire analyse cette notion d'illicéité en relation directe avec la notion du droit de garde. En outre, ce travail approfondit les diverses exceptions au principe du retour immédiat de l'enfant déplacé ou retenu illicitement. Enfin, ce travail examine les difficultés pour les autorités nationales lorsqu'il s'agit d'exécuter la décision de retour.

ASTORINO, Enora. La jurisprudence de la CEDH en matière d'enlèvement d'enfants. Master : Univ. Genève, 2021

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:154712

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(2)

Université de Genève – Faculté de Droit Maitrise en droit civil et pénal

Année académique 2020-2021

La jurisprudence de la CEDH en matière d’enlèvement d’enfants

Travail de mémoire effectué sous la direction du Professeur Gian Paolo ROMANO et de Monsieur Vito BUMBACA

Dans le cadre du séminaire « La protection internationale de l’enfant »

Enora ASTORINO

(3)

Table des matières

I. Introduction ... 1

II. Déplacement licite ou illicite ... 2

A. Les conditions du déplacement considéré comme illicite ... 2

B. La jurisprudence de la CourEDH sur la notion du droit de garde ... 4

III. La décision de retour ou de non-retour ... 9

A. Les exceptions au retour ... 10

1. L’intégration de l’enfant ... 10

2. Le défaut d’exercice effectif de la garde, le consentement ou l’acquiescement. ... 11

3. Un risque grave ou une situation intolérable. ... 12

4. L’opposition de l’enfant ... 17

5. La réserve des principes fondamentaux sur la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ... 20

B. L’exigence de célérité ... 21

IV. L’exécution de la décision de retour ... 25

A. L’obtention de l’exécution effective du jugement de retour ... 25

B. L’exigence de célérité ... 30

V. Conclusion ... 35

Bibliographie ... 37

Doctrine ... 37

Documents officiels ... 39

Jurisprudence ... 42

Arrêt du TF Suisse ... 42

Arrêts de la CourEDH ... 42

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Liste des abréviations

Al. : Alinéa Art. : Article

ATF : Arrêt du Tribunal fédéral.

CC : Code civil suisse, du 10 décembre 1907, entrée en vigueur le 1er janvier 1912 (RS 210).

CDE : Convention relative aux droits de l’enfant, du 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 26 mars 1997 (RS 0.107).

CEDH : Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950, entrée en vigueur le 28 novembre 1974 (RS 0.101).

Cf : Confer

CLaH80 ou Convention : Convention de la Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement d’enfants, du 25 octobre 1980, entrée en vigueur le 1er janvier 1984 (RS 0.211.230.02)

CourEDH ou Cour : Cour européenne des droits de l’Homme.

Infra : Ci-dessous

Let. : Lettre Not. : Notamment p. : Page(s)

par. : Paragraphe(s)

(5)

Règlement Bruxelles IIbis : Règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n°1347/2000.

ss. : (et) Suivants supra : Ci-dessus TF : Tribunal fédéral

(6)

1 I.

Introduction

.

Dans les années 1970, l’enlèvement international d’enfants a pris une dimension inquiétante et aucun outil ne répondait suffisamment à cette problématique. La communauté internationale a donc décidé de conclure la CLaH80 pour remédier à ce phénomène. L’enlèvement était, à cette époque, principalement le fait d’un père cherchant à s’approprier la garde de l’enfant.

Néanmoins aujourd’hui, 73% des enlèvements sont le fait de la mère.1 En outre, l’analyse statistique révèle une augmentation de 3% des demandes de retour depuis 2008.2 La CLAH80 est une convention d’entraide entre les Etats et c’est un système qui peut être mis en œuvre uniquement quand les deux Etats sont contractants. Aujourd’hui, cent un états sont contractants.3 Cette convention a pour but de rétablir le statu quo ante4 en assurant le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement. De plus, les autorités centrales représentent la « clé de voûte de l’architecture conventionnelle »,5 elles sont chargées de mettre en œuvre la CLaH80. Dans la mesure où les conditions de la CLAH80 sont remplies, la requête va être transmise à l’autorité centrale du pays concerné qui va prendre les mesures appropriées pour assurer notamment la remise volontaire de l’enfant.6 Il est primordial de saisir que tout est articulé au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, cela est visible particulièrement à travers le préambule de la CLAH80. En effet, les Etats signataires veulent lutter contre l’accroissement des enlèvements internationaux d’enfants afin de les protéger et de cibler leur véritable intérêt.

Leur intérêt réside spécialement dans le droit à ne pas être déplacé ou retenu illicitement car

« les enfants ne doivent plus être considérés comme la propriété de leurs parents, mais être reconnus comme des individus avec leurs droits et leurs besoins propres ».7 Cependant, comme nous le verrons, le déplacement peut parfois être justifié et répondre à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Il faut savoir que beaucoup d’Etats contractants à la CLah80 sont également signataires de la CEDH. Il n’y aucune priorité ni hiérarchie d’un instrument sur l’autre.8 Les enlèvements internationaux aboutissent fréquemment à un contrôle de la CourEDH sur le respect des

1 Conférence de la Haye de droit international privé, Document préliminaire n° 11 A.

2 Ibidem.

3 https://www.hcch.net/fr/instruments/conventions/status-table/?cid=24

4 Art. 1 let. a CLaH 80.

5 DUTOIT, La CLaH80, N 15.

6 Art. 7 let. c et art. 10 CLaH80.

7 PEREZ-VERA, N 24, Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 31ième Session ordinaire,

Recommandation relative à une Charte européenne des droits de l’enfant, texte adopté le 4 octobre 1979, I. a.

8 CourEDH, 6 décembre 2005, affaire Eskinazi et Chelouche contre Turquie, n° 14600/05, p.24 et 25.

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2 exigences imposées par la CEDH (notamment l’art. 8 CEDH) à la lumière des exigences de la CLaH80. Nonobstant, la Cour n’a compétence que pour appliquer la CEDH et ses protocoles, elle ne doit donc pas dépasser le cadre de la référence à la CLAH80 (et la CDE qui est également un instrument invoqué par la Cour).9

Ce travail se propose d’examiner les exigences imposées par la CourEDH lorsqu’une autorité doit appliquer les principes de la CLAH80. Lors de l’application de la CLAH80, trois phases sont à distinguer. Nous commencerons par analyser s’il y eu un déplacement licite ou illicite.

Puis, nous présenterons la décision de retour ou de non-retour délivrée par l’autorité compétente. Enfin, nous examinerons l’exécution de la décision de retour.

II.

Déplacement licite ou illicite

?

A. Les conditions du déplacement considéré comme illicite.

Tout d’abord, la protection de l’enfant étant le but de la CLAH80, la première et véritable victime du traumatisme lié au déplacement ou au non-retour est l’enfant.10 Certaines conditions doivent être remplies pour qu’un enlèvement soit considéré comme illicite au sens de la CLAH80. Il doit s’agir d’un enfant de moins de seize ans dont la résidence habituelle, avant l’enlèvement ou le non-retour, était dans un état contractant. Cet enfant doit également avoir été enlevé vers ou retenu dans un état contractant.11 De plus, un délai d’un an entre l’enlèvement et le dépôt de la requête auprès de l’autorité compétente de l’état requis doit être écoulé.12 La convention n’impose le retour de l’enfant « que lorsqu’il y a eu un déplacement ou un non- retour considéré par elle comme illicite »,13 c’est en cela que l’art. 3 CLaH80 est primordial.

Selon cet article, il est impératif qu’il y ait une violation d’un droit de garde. L’art. 5 let. a CLaH80 définit le droit de garde largement, il s’agit du « droit portant sur les soins de la personne de l’enfant, et en particulier celui de décider de son lieu de résidence ». Cette définition est notamment plus large que ce que prévoit le droit suisse. En effet, les parents

9 CourEDH, 24 octobre 2006, affaire Gettliffe et Grant contre France, n° 23547/06, p.14 point 2 ; art. 19 CEDH.

10 CourEDH, 6 novembre 2008, affaire Carlson contre Suisse, n° 49492/06, par. 74 ; CourEDH, 6 décembre 2007, affaire Maumousseau et Washington contre France, n° 39388/05, par. 69 ; MEIER, p.292.

11 Art. 4 CLaH80.

12 Art. 12 CLaH80.

13 PÉREZ-VERA, N 64.

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3 nourriciers ne sont pas susceptibles d’être détenteur du droit de garde en Suisse mais ils ont néanmoins un droit de garde au sens de la convention. Pour déterminer qui a le droit de garde, il est utile de se référer au droit en vigueur de la résidence habituelle de l’enfant avant son déplacement.14 La difficulté réside dans la notion de droit de garde qui peut faire « l’objet d’une compréhension distincte selon les diverses législations nationales des Etats parties à la convention ».15 En outre, il s’agit d’un concept autonome car « le droit de garde attribué par le droit de l’Etat dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle doit correspondre aux exigences de la Convention ».16 Par conséquent, c’est le contenu du droit (notamment le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant) et non sa désignation dans l’Etat partie qui est important.17 Par ailleurs, il est primordial de comprendre que le droit de garde est assimilé à l’autorité parentale (pouvant être conjointe ou unilatérale) dans la convention.18 L’art. 3 CLaH80 contient un élément juridique et un élément de fait. Premièrement, l’élément juridique est la violation du droit de garde qui peut être attribué seul ou conjointement « par le droit de l’Etat dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non- retour » (let.a). Deux éléments sont à analyser dans cette condition, d’une part « il faut identifier l’état dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle au moment de l’enlèvement. ».19 D’autre part, il s’agit du droit de cet Etat qui va déterminer le ou les titulaires du droit de garde. Pour ce faire, il est possible de s’appuyer sur le Règlement de Bruxelles IIbis qui renvoie à l’art. 16 CLaH96.20 De nombreux pays prévoient, en cas de séparation, une autorité parentale conjointe.

Dans cette constellation, « le déplacement d’un enfant par l’un des titulaires de la garde conjointe, sans le consentement de l’autre titulaire, est illicite ».21 En revanche, lorsqu’un parent exerce l’autorité parentale (la garde) unilatéralement, le déplacement est considéré comme licite.22 Aussi, la CourEDH confirme la conformité avec les droits fondamentaux (notamment l’art. 14 CEDH) lorsqu’une législation nationale prévoit, en cas de séparation des parents, un droit de garde exclusif à la mère de l’enfant, « tant que le parent non titulaire conserve la

14 Art. 3 let. a CLaH80.

15 GALLANT, N 22.

16 ALFIERI, p. 48.

17 ALFIERI, p. 48 ; BUCHER, L’enfant en DIP, N 454 ; CourEDH, 6 juillet 2010, affaire Neulinger et Shuruk contre Suisse, n°41615/07, par. 66-67, Conférence de la Haye du 25 octobre 1980 : Conclusions d’octobre 1989, par. 9 ; Conférence de la Haye du 25 octobre 1980 : Rapport de janvier 1993 p.4 conclusion 2.

18 GALLANT, N 25 ; PEREZ-VERA, N 65, 71 et 84.

19 BUCHER, La résidence habituelle, N 77.

20 Ibidem, N 78 ; Règlement Bruxelles IIbis art. 62.

21 PEREZ-VERA, N 71, Arrêt Neulinger et Shuruk contre Suisse, par. 65.

22 GALLANT ; CourEDH, 2 septembre 2003, affaire Guichard contre France, n°56838/00, p. 11.

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4 possibilité de saisir les juridictions pour obtenir le droit de garde ».23 Nonobstant, cela n’est pas le cas lorsque « l’octroi du droit de garde n’est subordonné qu’à l’accord de la mère, sans autre possibilité pour le père de se le voir attribuer ».24 Deuxièmement, l’élément de fait se traduit lorsque le droit de garde prétendument violé était effectivement exercé par son titulaire (let.

b).25

Ensuite, le droit de garde comprend le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant (art.

5 let. a CLaH80). La notion de résidence habituelle est une notion autonome non définie dans la CLaH80. Cependant, cela n’est pas toujours source de difficulté car celle-ci est souvent identifiée facilement. En effet, la résidence habituelle est une notion de pur fait qui est généralement interprétée « en ce sens que cette résidence correspond au lieu qui reflète un certain degré d’intégration de l’enfant dans un environnement social et familial ».26 De plus, il faut que l’enfant ait sa résidence habituelle dans un Etat contractant avant le déplacement prétendument illicite.27 La CourEDH a estimé qu’après un déplacement de l’enfant, une période de dix mois est suffisante pour admettre qu’il a acquis une nouvelle résidence habituelle dans son nouveau lieu de vie.28 A titre d’exemple, le TF Suisse a considéré qu’un séjour de six mois crée, en principe, une résidence habituelle.29 Mais cette résidence habituelle acquise à la suite du déplacement est elle-même illicite donc cela n’empêche pas de débuter une procédure de la CLaH80.

B. La jurisprudence de la CourEDH sur la notion du droit de garde.

Différentes personnes peuvent saisir la cour. Cela peut être le parent seul dont l’enfant a été enlevé par l’autre parent30 (qui peut également agir au nom de son enfant31). Dans d’autres

23 GALLANT, N 26 ; Arrêt Guichard contre France, p 13-14.

24 GALLANT, N 26 ; CourEDH, 3 décembre 2009, affaire Zaunegger contre Allemagne, n° 22028/04, not. par. 9, 35 et 63-64.

25 PEREZ-VERA, N 72 ss.

26 CourEDH, 7 juillet 2020, affaire Michnea contre Roumanie, n° 10395/19, par. 56.

27 Art. 4 CLaH80.

28 C. V. C. 1995.

29 ATF 125 III 301.

30 Not. CourEDH, 25 janvier 2000, affaire Ignaccolo-Zenide contre Roumanie, n° 31679/96 ; CourEDH, 26 juin 2003, affaire Maire contre Portugal, n° 48206/99 ; CourEDH, 22 juin 2006, affaire Bianchi contre Suisse, n°

7548/04.

31 Not. CourEDH, 29 avril 2003, affaire Iglesias Gil et A.U.I contre Espagne, n° 56673/00 ; CourEDH, 11 décembre 2014, affaire Hromadkova et Hromadkova contre Russie, n°22909/10.

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5 affaires, il s’agit du parent ravisseur lui-même qui agit devant la CourEDH,32 et parfois au nom de son enfant.33 Il est vrai que le requérant qui est titulaire exclusif de l’autorité parentale a qualité pour agir au nom de son enfant en vertu de l’art 34 CEDH.34 De la même manière, un requérant qui exerce le droit de garde conjointement peut saisir la cour au nom de son enfant.35 La CourEDH s’est prononcée sur la notion de droit de garde au fil des années. L’interprétation de cette notion faite par les Etats peut violer l’art. 14 CEDH combiné avec l’art. 8 CEDH ou l’art. 8 CEDH uniquement. Il est primordial de comprendre que l’art. 8 CEDH engendre « des obligations positives inhérentes à un respect de la vie familiale » à la charge des Etats.36 Les autorités nationales doivent prendre toutes les mesures propres à réunir un parent à son enfant et à faciliter l’exercice du droit de garde.37 Ces obligations doivent s’interpréter à la lumière de la CLAH80 et de la CDE.38 Néanmoins, l’obligation de prendre des mesures n’est pas absolue, l’Etat jouit d’une marge d’appréciation et doit trouver un juste équilibre entre différents intérêts du cas d’espèce, notamment des intérêts supérieurs de l’enfant.39 Il est essentiel d’analyser certains arrêts de la CourEDH à l’égard de la notion du droit de garde.

Dans l’arrêt B. contre Royaume-Uni, les parents n’étaient pas mariés et le père n’avait pas de droit de garde sur l’enfant. Le droit anglais (Children Act 1989) prévoyait l’acquisition automatique du droit de garde par le père marié alors que le père non marié ne pouvait l’acquérir qu’à certaines conditions.40 Le requérant invoquait une discrimination entre un père non marié et un père marié au sens de l’art. 14 CEDH combiné41 avec l’art. 8 CEDH. Cependant, la cour a noté que ce n’est pas le fait que le requérant ne soit pas marié avec la mère qui était important

32 Not. CourEDH, 26 novembre 2013, affaire X. contre Lettonie, n° 27853/09 ; CourEDH, 9 septembre 2014, affaire Gajtani contre Suisse, n° 43730/07.

33 Not. Arrêt Eskinazi et Chelouche contre Turquie ; Arrêt Maumousseau et Washington contre France ; Arrêt Neulinger Et Shuruk contre Suisse.

34 Arrêt Iglesias Gil et A.U.I contre Espagne, p.11 ; A contrario CourEDH, 4 mai 1979, affaire X. contre Suède, n° 8045/77, p.5.

35 Not. Arrêt Eskinazi et Chelouche contre Turquie ; Arrêt Gettliffe et Grant contre France ; CourEDH, 7 mars 2013, affaire Raw et autres contre France, n° 10131/11, par. 49 ss.

36 Arrêt Carlson contre Suisse, par. 69 ii, Arrêt Bianchi contre Suisse, par. 76.

37 Arrêt Carlson contre Suisse, par. 69 iii-iv ; CourEDH, 12 décembre 2006, affaire Bajrami contre Albanie, n°

35853/04, par. 51 ; Arrêt Ignaccolo-Zenide contre Roumanie, par. 94 ; Arrêt Iglesias Gil et A.U.I contre Espagne, par. 49.

38 Arrêt Carlson contre Suisse, par. 69 vii ; Arrêt Maumousseau et Washington contre France, par. 60 ; Arrêt Iglesias Gil et A.U.I contre Espagne, par. 51 ; Arrêt Ignaccolo-Zenide contre Roumanie, par. 95 ; Arrêt Maire contre Portugal, par. 72 ; Arrêt Bianchi contre Suisse, par. 82.

39 Arrêt Bianchi contre Suisse, par. 76 ; Arrêt Ignaccolo-Zenide contre Roumanie, par. 94, ; CourEDH, 5 avril 2005, affaire Monory contre Roumanie et Hongrie, n° 71099/01, par. 72 ; Arrêt Carlson contre Suisse, par. 69 v.

40 CourEDH, 14 septembre 1999, affaire B contre. Royaume-Uni, référence INCADAT HC/E/IT 480, p.4-5.

41 Ibidem, p.4.

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6 en l’espèce mais le fait qu’il n’ait pas le droit de garde sur l’enfant, il avait simplement des contacts avec lui.42 La cour a estimé qu’il n’y a pas eu violation de l’art. 14 combiné avec l’art.

8 CEDH. Effectivement, l’état avait des justifications objectives et raisonnables de ne pas placer sur un pied d’égalité un père ayant la garde physique de l’enfant et un père qui a simplement des contacts avec son fils.43

Aussi, pour interpréter la problématique du droit de garde à la lumière de la CEDH, l’arrêt Guichard contre France est intéressant. Deux points sont à relever dans cette affaire. D’une part, l’art. 8 CEDH en lien avec le droit de garde au sens de la CLAH80 est analysé par la CourEDH. Elle a expliqué que les obligations positives inhérentes à l’art 8 CEDH ne sont pas absolues, elles dépendent des circonstances de chaque cas d’espèce.44 L’art. 3 al 2 CLaH80 prévoit que le droit de garde peut résulter d’une attribution de plein droit, in casu, à la date du déplacement, les dispositions du CC Français confiaient à la mère l’exercice de l’autorité parentale (qui implique aussi le droit de garde). Par conséquent, le père n’était pas titulaire du droit de garde au sens de la CLaH80 et ne pouvait se prévaloir de la protection de cette convention. Donc, l’art. 8 CEDH n’était pas violé par les autorités françaises qui n’avaient aucune obligations positives tendant au retour de l’enfant.45 D’autre part, la cour s’est exprimée sur la problématique de l’enfant naturel en lien avec la garde. Le requérant contestait le fait que les autorités françaises ne lui accordent pas l’autorité parentale. Mais « la cour n’a point pour tâche de se substituer aux autorités internes pour les questions de garde et visite ».46 La cour doit tout de même vérifier la conformité des décisions au regard de l’art. 8 CEDH et en l’espèce, elle a considéré que l’art. 374 ancien du code civil français était conforme au respect de la vie familiale.47 Elle a également rejeté le grief de l’art. 14 CEDH en estimant qu’il n’y avait aucune discrimination au vu de l’art. 374 CC Français entre père et mère d’enfants naturels.48

Par ailleurs, la cour a analysé dans certaines affaires si le déplacement d’un des parents dans un autre pays avec l’enfant était illicite, sachant que l’exercice de l’autorité parentale/garde était conjoint. Dans l’arrêt Monory contre Roumanie et Hongrie, la cour a réaffirmé que les

42 Ibidem, p. 4 avant dernier par. et p. 5 par. 3.

43 Ibidem, p. 5 et 6.

44 Arrêt Guichard contre France, p.10 ; Arrêt Ignaccolo-Zenide contre Roumanie, par. 94 ; CourEDH, 27 juin 2000, affaire Nuutinen contre Finlande, n° 32842/96, par. 127.

45 Arrêt Guichard contre France, p. 11 dernier par.

46 Ibidem, p.12.

47 Arrêt Guichard contre France, p. 12-13.

48 Ibidem, p.13.

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7 obligations positives de l’art. 8 CEDH doivent s’interpréter à la lumière de la CLah80 (notamment l’art 7 CLAH80 in casu).49 Selon la cour, la garde conjointe exercée par des parents mariés est reconnue par l’art. 3 let. b CLaH80. En l’espèce, la loi hongroise applicable accordait aux parents la garde conjointe. Donc, le changement de résidence de l’enfant devait être approuvé par les deux parents.50 Or, les instances judiciaires ont rejeté l’application de l’art. 3 CLaH80 en déclarant que le requérant n’avait pas le droit d’obtenir le retour de son enfant. Par conséquent, l’art. 8 CEDH examiné à la lumière de la CLAH80 a été violé car l’interprétation par les juges roumains de l’art. 3 CLAH était contraire au sens clair de cette disposition, ce qui a affaiblit les garanties de l’art 8 CEDH.51

La cour analyse également la notion de droit de garde dans l’affaire Neulinger et Shuruk contre Suisse. En effet, le droit de garde a été interprété selon la législation israélienne où l’autorité parentale telle que prévue par le droit israélien (guardianship) confère le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant. In casu, ce droit de garde était confié et exercé conjointement par les deux parents au sens de l’art. 3 al. 1 let. a et b CLAH80.52 Cet exercice conjoint a été violé par la mère en emmenant l’enfant en Suisse, de plus, elle l’a fait en violation de l’ordonnance d’interdiction de sortie du territoire israélien et en violation de l’exercice du droit de visite du père.53 Le déplacement illicite était donc avéré au sens de l’art. 3 CLAH80.54

Aussi, dans l’arrêt Eskinazi et Chelouche contre Turquie, le droit de garde et l’autorité parentale étaient exercés conjointement selon le droit israélien.55 La cour a estimé que malgré le consentement initial du père pour un séjour de dix jours en Turquie de la mère et l’enfant, la mère qui ne ramène pas l’enfant en Israël par la suite se rend auteur d’un déplacement illicite au sens de l’art. 3 CLAH80.56 De la même manière, dans l’affaire Gettliffe et Grand contre France, la mère a violé l’exercice conjoint de l’autorité parentale en quittant le Canada avec ses enfants sans le consentement du père.57 Enfin, la garde était exercé conjointement également dans l’arrêt R.S contre Pologne. La mère a quitté la Suisse où les enfants avaient leur résidence habituelle pour deux semaines avec le consentement du père. A ce moment, il n’y avait pas de

49 Arrêt Monory contre Roumanie et Hongrie, par. 73.

50 Ibidem, par. 76-77.

51 Ibidem, par. 81.

52 Arrêt Neulinger et Shuruk contre. Suisse, par. 101-102.

53 Ibidem, par. 103-104.

54 Ibidem, par. 105.

55 Arrêt Eskinazi et Chelouche contre Turquie, p.26.

56 Ibidem, p.26.

57 Arrêt Gettliffe et Grand contre France, p.13.

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8 déplacement illicite au sens de l’art. 3 CLAH80.58 Néanmoins, l’illicéité commence lorsqu’après ces deux semaines, elle ne revient pas en Suisse et reste en Pologne avec ses enfants sans le consentement du père.59 D’autant plus que les juridictions polonaises s’étaient basées sur leur propre loi, notamment sur l’ordonnance de garde provisoire donnée à la mère en Pologne pour estimer que le déplacement n’était pas illicite. Or, l’état de résidence habituelle des enfants était la Suisse donc l’illicéité du déplacement découle du fait qu’elle a violé l’exercice des droits parentaux du père selon la loi de l’Etat où les enfants avaient leur résidence habituelle.60 Par conséquent, il y avait violation de l’art. 8 CEDH par la Pologne envers le requérant.61

Toutefois, il est primordial de saisir que la CLaH80 n’a pas pour but de régler la question de la garde de l’enfant mais de rétablir le status quo ante.62 Ce sont les autorités nationales du lieu de résidence habituelle de l’enfant qui sont compétentes pour toutes les questions relatives au droit de garde et l’autorité parentale conformément à l’art. 19 CLAH80. En effet, la CourEDH a, de nombreuse fois, affirmée que la CLAH80 n’affecte pas le fond du droit de garde.63 Cependant, la jurisprudence de la Cour peut poser un souci sur ce point. En effet, la Cour a une approche centrée sur l’intérêt de l’enfant qui est primordial pour toute question relative à la garde notamment (comme l’atteste le préambule de la CLAH80).64 En exigeant des juridictions nationales de se livrer à un examen approfondi de l’ensemble de la situation familiale,65 cela peut être équivalent à un examen complet sur le fond du litige concernant le droit de garde.66 Nonobstant, la cour a relativisé ses propos dans l’arrêt X. contre Lettonie en affirmant que la notion d’intérêt supérieur de l’enfant doit s’apprécier à la lumière des exceptions prévues par la CLAH80 lors d’une demande de retour qui est distincte d’une procédure sur le droit de garde.67 Il est vrai que les autorités doivent se prononcer par une décision spécialement motivée

58 CourEDH, 21 juillet 2015, affaire R.S. contre Pologne, n° 63777/09, par. 63.

59 Ibidem, par. 64.

60 Ibidem, par. 65-69.

61 Ibidem, par. 72-73.

62 ALFIERI, p.78.

63 Arrêt Maumousseau et Washington contre France, par. 69 ; Arrêt Carlson contre Suisse, par. 74 ; Arrêt Eskinazi et Chelouche contre Turquie, p.27 ; CourEDH, 27 avril 2000, affaire Tiemann c. France et Allemagne, n° 47457/99 et 47458/99, p.13 par. 1 ; CourEDH, 22 avril 2010, affaire Macready contre république Tchèque, n° 4824/06 et 15512/08, par.62 ss. ; MEIER, p.293 ; DUTOIT, La CLaH80, N 49.

64 Arrêt Neulinger et Shuruk contre Suisse, par. 134.

65 Arrêt Maumousseau et Washington contre France, par. 74 ; Arrêt Neulinger et Shuruk contre Suisse, par. 139 ; Arrêt X. contre Lettonie, par. 104.

66 DUREL, p.14 ; Conférence de la Haye de droit international privé : Conclusions, recommandation et rapport de juin 2011, par. 153 ss.

67 Arrêt X contre Lettonie, par. 101, Conférence de la Haye de droit international privé : Conclusions et recommandations d’octobre 2017, par. 17.

(14)

9 sur les objections au retour de l’enfant.68 Mais il s’agira non plus d’un examen approfondi mais uniquement d’un examen effectif des exceptions au retour devant reposer sur l’intérêt de l’enfant à retourner dans l’Etat d’origine et non dans l’objectif d’attribuer la garde.69

III.

La décision de retour ou de non-retour

.

Lorsque les conditions de la CLaH80 sont remplies, l’autorité judiciaire compétente d’un Etat contractant vers lequel un enfant a été déplacé ou retenu de manière illicite doit ordonner sans délai le retour de l’enfant.70 L’intérêt de l’enfant est la pierre angulaire de cette convention, c’est pourquoi le principe est de garantir son retour immédiat dans l’Etat de sa résidence habituelle pour le protéger des effets nuisibles d’un déplacement ou d’un non-retour illicite.71 Néanmoins, dans certaines circonstances, un retour immédiat ne correspond pas au bien de l’enfant,72 et son retour ne peut pas être ordonné de façon automatique ou mécanique.73 En effet, la notion d’intérêt supérieur de l’enfant doit s’apprécier à la lumière des exceptions à cette obligation de retour à la charge des Etats des art. 12 al 2 a contrario, art. 13 et 20 CLaH80.74 Ces exceptions, en lien avec l’intérêt supérieur de l’enfant, reposent sur des considérations objectives relatives à la personne même de l’enfant, notamment son âge et sa maturité, la présence ou l’absence de ses parents et à son environnement dans chaque cas d’espèce.75 Ce sont les autorités nationales qui doivent analyser ces considérations et ont une marge d’appréciation pour prendre une décision. Mais un contrôle par la CourEDH peut avoir lieu pour vérifier la conformité des décisions sous l’angle de la CEDH.76 Par ailleurs, toutes ces exceptions doivent s’interpréter de manière restrictive et stricte.77

68 Arrêt X contre Lettonie, par. 107.

69 DUREL, p. 141, Arrêt X contre Lettonie, par. 119.

70 Art. 1 let. a CLaH80.

71 ALFIERI, p.77 ; Préambule CLaH 80, deuxième phrase.

72 ALFIERI, p.77.

73 Arrêt Maumousseau et Washington contre France, par. 72 ; MEIER,p.293 ; CourEDH, 21 mai 2019, affaire O.C.I et autre contre Roumanie, n° 49450/17, par.46 ; CourEDH, 1er février 2018, affaire M.K c. Grèce, n°

51312/16, par. 75.

74 Arrêt X. contre Lettonie, par. 101.

75 Arrêt Maumousseau et Washington contre France, par. 72, Arrêt M.K contre Grèce, par. 75, Arrêt Neulinger et Shuruk contre Suisse, par. 138.

76 MEIER, p.293 ; Arrêt Neulinger et Shuruk contre Suisse, par. 138.

77 ALFIERI, p.79 ; DUTOIT, La CLaH80, N 36 ; Arrêt X contre Lettonie, par. 107 ; Arrêt Maumousseau et Washington contre France, par. 73.

(15)

10 Il existe une jurisprudence abondante de la CourEDH sur l’interprétation des exceptions par les autorités nationales en conformité avec la CEDH et notamment l’art. 8 CEDH. Comme déjà mentionné, les obligations que l’art. 8 CEDH impose aux Etats s’interprètent à la lumière des exigences imposées par la CLaH80 78 (notamment celles des art 12, 13 et 20 CLaH 80), et de la CDE.79 L’art. 8 par. 2 CEDH permet une ingérence de l’Etat dans le droit au respect de la vie privée et familiale des individus. Ordonner le retour d’un enfant constitue une ingérence au sens de cette disposition.80 Pour être conforme, l’ingérence doit reposer sur une base légale, être inspirée par un but légitime, et être nécessaire dans une société démocratique.81

A. Les exceptions au retour.

Différentes exceptions au retour de l’enfant dans sa résidence habituelle en cas de déplacement ou de non-retour illicite de l’enfant sont prévues dans la CLaH80.

1. L’intégration de l’enfant.

La première est celle de l’art. 12 al 2 a contrario. Il s’agit de l’intégration de l’enfant après un délai d’un an depuis l’enlèvement. En effet, il faut qu’un an se soit écoulé entre le déplacement ou le non-retour illicite au sens de l’art. 3 CLaH80 et la demande de retour devant l’autorité compétente de l’état requis. En outre, il faut que l’intégration de l’enfant soit établie.82 Il est vrai qu’un retour de l’enfant peut s’avérer plus néfaste dans certains cas qu’un non-retour car il constituerait un nouveau déracinement pour lui.83 L’intégration dans son nouveau milieu peut revêtir différentes formes telles l’école, de nouvelles relations, un contact régulier avec des membres de la famille etc.84 Finalement, c’est au parent qui s’oppose au retour de l’enfant d’établir la preuve de l’intégration de ce dernier.85 L’autorité compétente de l’Etat requis qui est saisi au-delà d’un an doit d’office examiner si l’enfant est intégré dans son nouveau milieu

78 Supra II.B par. 2 ; MEIER p.292 ; Arrêt X. contre Lettonie, par. 93 ; Arrêt Ignaccolo-Zenide contre Roumanie, par. 95 ; Arrêt Iglesias Gi et A.U.I contre Espagne, par. 51 ; Arrêt Maumousseau et Washington contre France, par. 60 ; Arrêt Blaga contre Roumanie, par. 67.

79 Arrêt Eskinazi et Chelouche contre Turquie, p.25 ; Arrêt Maire contre Portugal, par. 72 ; Arrêt Gettliffe et Grant contre France, p.12.

80 Arrêt Maumousseau et Washington c. France, par. 59 ; Arrêt Gettliffe et Grant contre France, p.12.

81 Arrêt Bianchi contre Suisse, par. 89 ; Arrêt Eskinazi et Chelouche contre Turquie, p.25 ss. ; Arrêt Gettliffe et Grant contre France, p.12 ; Arrêt Maumousseau et Washington contre France, par. 61 ss. ; Arrêt Blaga contre Roumanie, par. 74 ss.

82 Arrêt Neulinger et Shuruk contre Suisse, par. 145.

83 ALFIERI, p. 92 ; BUCHER, L’enfant en DIP, N 457.

84 ALFIERI, p. 92 ; BUCHER, L’enfant en DIP, N 458.

85 PEREZ-VERA, N 109.

(16)

11 ou pas.86 Dans un arrêt, une décision de retour d’une enfant aux États-Unis auprès de son père avait été ordonnée suite à son déplacement illicite en Belgique par sa mère.87 La CourEDH a estimé que les tribunaux belges n’avaient pas assez pris en compte le facteur temps et l’intégration de l’enfant en Belgique.88 L’enfant, en l’espèce, avait la double nationalité et résidait en Belgique depuis ses cinq ans, « elle parle le néerlandais et est parfaitement intégrée dans son cadre de vie et son milieu scolaire ».89 De plus, cela faisait deux ans qu’elle était établie en Belgique lorsque la cour d’appel s’est prononcée.90 Donc, les juges nationaux doivent analyser rigoureusement l’éventuelle intégration de l’enfant dans son nouveau milieu. Ce critère est également primordial pour l’exception de l’art. 13 al. 1 let. b CLaH80.91

2. Le défaut d’exercice effectif de la garde, le consentement ou l’acquiescement.

Les autorités nationales ne doivent pas ordonner le retour de l’enfant si l’art 13 al. 1 let. a 1ière partie est avéré. L’une des conditions pour que l’enlèvement soit déclaré illicite est l’exercice de la garde effective (art. 3 al. 1 let. b). Or, si le gardien n’exerçait pas la garde effective au moment du déplacement ou du non-retour, l’autorité de l’état requis n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant. Néanmoins, c’est une nouvelle fois au parent qui s’oppose au retour de l’enfant de démontrer que le requérant n’exerçait pas son droit de garde.92 En clair, il faut prouver que celui qui devait s’occuper des soins de l’enfant n’exerçait pas effectivement ce droit de garde.93

Le consentement ou l’acquiescement est une autre exception au sens de l’art 13 al. 1 let. a 2ième partie. En effet, le retour de l’enfant ne peut pas être ordonné si le parent a consenti ou acquiescé à posteriori au déplacement ou non-retour de l’enfant.94 Le fardeau de la preuve incombe au parent qui s’oppose au retour de l’enfant. Selon la cour, les notions de consentement et d’acquiescement doivent être données de manière non équivoque et inconditionnellement (interprétation restrictive).95 Dans l’affaire Carlson contre Suisse, il s’agissait d’un enfant

86 PEREZ-VERA, N 109.

87 CourEDH, 10 juillet 2012, affaire B. contre. Belgique, n° 4320/11, par. 32.

88 Arrêt B. contre. Belgique, par. 74-75 ; Arrêt Neulinger et Shuruk contre Suisse, par.145-147.

89 Arrêt B. contre Belgique, par.74.

90 Ibidem, par.74.

91 Infra p. 14.

92 ALFIERI, p.58 ; PEREZ-VERA, N 114.

93 PEREZ-VERA, N 115.

94 PEREZ-VERA, N 115.

95 Arrêt Carlson contre Suisse, par. 77.

(17)

12 vivant aux États-Unis avec ses parents. La mère l’a emmené en vacances en Suisse jusqu’à la fin de mois de septembre avec l’accord du père. Cela étant, la mère et l’enfant ne sont jamais retournés aux États-Unis. La demande du père au retour de son enfant a été rejetée par le tribunal de première instance, décision confirmée par la cour d’appel et le tribunal fédéral suisse.96 La cour a estimé que le père a été désavantagé par le renversement de la charge de la preuve effectué par le juge de première instance. Le juge a « imposé au requérant d’établir qu’il n’avait pas consenti ou acquiescé postérieurement au déplacement ou au non-retour de l’enfant ».97 Par conséquent, le droit du père (le requérant) au respect de sa vie familiale n’a pas été protégé de manière effective par les juridictions internes. Par conséquent, la cour a admis une violation de l’art. 8 CEDH par les juridictions internes qui n’ont pas pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant en application de la CLaH80.98 Aussi, la cour impose aux états d’organiser leurs services et de former leurs agents de manière à leur permettre de répondre aux exigences de la CEDH, notamment en matière d’enlèvement international d’enfant qui est un domaine sensible.99 Seulement, en l’espèce, la Suisse a failli à sa responsabilité internationale en ne respectant pas les exigences de l’art. 13 al. 1 let. a CLaH80.

3. Un risque grave ou une situation intolérable.

Il existe une jurisprudence prolixe de la CourEDH concernant l’exception au sens de l’art. 13 al. 1 let. b. Le retour de l’enfant peut être exclu s’il y a de sérieuses craintes qu’il soit maltraité, abusé ou d’une autre manière privée des soins essentiels, tant affectifs que matériels. « Le risque couru par l’enfant doit être d’une certaine gravité, fondé sur des faits actuels. » 100 Le critère de l’intégration joue un rôle important pour qualifier le caractère intolérable du renvoi.101 Afin de mieux comprendre ce que la cour admet comme situation intolérable pour l’enfant, il est important d’analyser plusieurs de ses arrêts.

Dans la décision Tiemann contre France et Allemagne, il s’agissait d’une séparation d’un enfant de trois ans et demi avec sa mère ainsi qu’une séparation de fratrie. Cela a été jugé par les juridictions françaises comme un danger psychologique immédiat constituant une situation intolérable. Par conséquent, les enfants devaient restés en France et non retourner en Allemagne

96 Ibidem, par. 7-8, 14, 18, 25 et 27.

97 Ibidem, par. 77.

98 Ibidem, par. 80-82.

99 Ibidem, par. 79 ; CourEDH, 14 février 2008, affaire Hadri-Vionnet contre Suisse, n° 55525/00, par. 56.

100 DUTOIT, La CLaH80, N 40.

101 DUTOIT, La CLaH80, N 41 ; Arrêt B. contre Belgique, par. 74-75.

(18)

13 chez leur père.102 La cour a estimé que les juridictions nationales n’ont pas dépassé la marge d’appréciation qu’ils ont à travers l’art. 8 par. 2 CEDH. En effet, elles sont « mieux placées que la cour pour déterminer le juste équilibre entre les intérêts de l’enfant à vivre dans un milieu serein et ceux inspirant les démarches de son père ».103

Dans l’affaire Eskinazi et Chelouche contre Turquie, la première requérante (la mère) était allée en Turquie avec sa fille (la seconde requérante) pour un séjour temporaire. Mais elles ne sont jamais retournées en Israël. Le père a introduit une demande de retour de sa fille. Les juridictions turques ont ordonné la restitution de l’enfant car il s’agissait d’un déplacement illicite au sens de la CLaH80.104 La mère a ensuite saisit la CourEDH en invoquant une violation des art. 6 et 8 CEDH combinés.105 Cependant, la cour a estimé que les juridictions turques n’avaient pas violé les art. 6 et 8 CEDH car elles n’avaient pas agi arbitrairement au regard des arguments soumis à la lumière de l’art. 13 al. 1 let. b CLaH80.106 La cour a réfuté également l’argument de la mère sur le fait qu’il s’agit d’une situation intolérable car certaines régions sont instables en Israël. La cour a considéré qu’accompagné de ses proches, l’enfant ne vivrait pas une situation plus alarmante que les autres enfants vivant en Israël.107

Ensuite, la CourEDH a déclaré dans l’arrêt Gettliffe et Grant contre France que l’ingérence des autorités françaises n’était pas disproportionnée au sens de l’art. 8 par. 2 CEDH. L’affaire concernait deux enfants habitant au Canada. Leur mère les a emmenés en France sans l’accord du père et ce dernier a demandé le retour de ses enfants en application de la Clah80. Les juridictions françaises ont ordonné de retour des enfants au Canada.108 Selon la cour, les autorités internes ont examiné si le retour des enfants au Canada allait les exposer à un risque grave au sens de l’art. 13 let. b CLaH80. Sur la base d’éléments sérieux, les autorités ont conclu à une absence de danger concret du fait des pratiques religieuses du père (étant adepte de l’Église internationale du Christ),109 cela est conforme avec l’art. 8 CEDH.

102 Arrêt Tiemann contre France et Allemagne, p. 6.

103 Ibidem, p. 16.

104 Arrêt Eskinazi et Chelouche contre Turquie, p. 3 et 7.

105 Ibidem, p. 20.

106 Ibidem, p.28.

107 Ibidem, p.28.

108 Arrêt Gettliffe et Grant contre France, p 2-5.

109 Ibidem, p. 13 et p. 2 par. 2.

(19)

14 Dans l’arrêt Maumousseau et Washington contre France, la demande relevait d’une mère agissant également au nom de sa fille (Charlotte), considérant que le retour de Charlotte violait les art. 13 let. b CLaH80 et 8 CEDH.110 L’enfant résidait chez son père aux États-Unis et sa mère l’a emmenée en France passer les vacances. Finalement, la mère a décidé de rester avec sa fille en France mais les juridictions françaises ont ordonné le retour de l’enfant aux États- Unis sur fondement de la CLaH80.111 La cour a admis que le retour de l’enfant ordonné par les juridictions françaises constituait une ingérence justifiée au sens de l’art. 8 par. 2 CEDH.112 La cour a rappelé que l’intérêt supérieur de l’enfant revêt un caractère primordial dans l’interprétation de la Convention de la Haye.113 En l’espèce, l’art. 13 let. b CLaH80 avait été interprété par les juridictions française de manière conforme avec la notion d’intérêt supérieur de l’enfant.114 Un examen approfondi a été réalisé par les juridictions internes de l’ensemble de la situation de l’enfant, elles ont conclu, à juste titre, qu’il n’y avait pas de risque grave en cas de retour de l’enfant au sens de l’art. 13 let. b CLaH80.115

Néanmoins dans cette affaire, deux juges ont eu une opinion dissidente et ont conclu à la violation de l’art 8 CEDH.116 Pour le juge ZUPANCIC (rallié par la juge GYULUMYAN) la majorité est allée dans le sens contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Selon lui, Charlotte, âgé de quatre ans, ne peut pas être arrachée à sa mère qui s’est toujours occupé d’elle et cette enfant n’a pas de contact avec son père depuis qu’elle se trouve en France (dix-neuf mois). Selon ces juges, le passage du temps est déterminant pour l’intérêt supérieur de l’enfant, ce que la majorité n’admet pas au par. 73. En effet, Charlotte subirait un traumatisme si elle devait être renvoyé de force à New York car elle vit avec sa mère depuis dix-neuf mois dans un environnement stable où elle se sent en sécurité. De plus, la majorité a souligné l’absence de coopération de la mère. Mais selon l’opinion dissidente, on ne saurait reprocher à la mère de ne pas avoir comparu au tribunal de famille de l’Etat de New York. En effet, en comparant, elle risquait une arrestation car elle a commis une infraction pour enlèvement. En outre, le juge de famille a imposé des conditions discriminatoires à la mère pour voir sa fille durant une demi-heure en présence d’un policier. Elle devait notamment déposer une caution de vingt-cinq mille dollars.

De surcroit, le père était soupçonné de violence familiale et consommation de stupéfiants, ce

110 Arrêt Maumousseau et Washington contre France, par 7 et 48.

111 Ibidem, par 10-11, 14, 18.

112 Ibidem, par. 81.

113 Ibidem, par. 66-68.

114 Ibidem, par. 71 et 75.

115 Ibidem, par. 74.

116 Ibidem, p.38-43.

(20)

15 qui peut poser question sur sa capacité à assumer la garde exclusive de l’enfant. Il s’agissait donc d’une décision draconienne du tribunal de famille qui reposait sur des preuves uniquement fournies par le père et dans une procédure non contradictoire.

Outre cela, l’affaire Neulinger et Shuruk contre Suisse est intéressante car la CourEDH a changé d’avis entre 2009 et 2010. Il s’agissait d’un enfant né en Israël dont la mère craignait qu’il soit emmené par son père dans une communauté ultra-orthodoxe, radicale qui pratiquait le prosélytisme intense à l’étranger. Une fois le divorce prononcé et la garde attribué à la mère, le père s’est vu interdire de pénétrer dans l’école de son fils et dans l’appartement de la mère. Par la suite, la première requérante (la mère) a quitté l’Israël pour s’installer en Suisse avec son fils (deuxième requérant).117 Les juridictions israéliennes ont ordonné le retour de l’enfant en Israël en application de la ClaH80 et le tribunal fédéral suisse a imposé à la mère d’assurer le retour de son fils en Israël.118 La cour a dans un premier temps admis qu’il n’y avait pas violation de l’art. 8 CEDH de la part des autorités israéliennes en ordonnant le retour de l’enfant en Israël.119 Mais elle a conclu en 2010 qu’il y aurait violation de l’art 8 CEDH pour la mère et l’enfant si la décision ordonnant le retour en Israël de l’enfant était exécutée.120 L’enfant a la nationalité suisse et est parfaitement intégré dans ce pays depuis ses quatre ans. Un nouveau déracinement l’exposerait à des conséquences psychiques graves pour lui 121 (au sens de l’art. 13 al. 1 let. b CLaH80). Aussi, pour la mère, il y aurait des inconvénients car elle était exposée à un risque de sanctions pénales pouvant donner lieu à une peine d’emprisonnement. Cela ne serait pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant.122

Cependant une opinion dissidente est intéressante à développer en lien avec l’arrêt Maumousseau et Washington. Le juge ZUPANCIC est d’avis qu’il n’y aurait pas de violation de l’art. 8 CEDH si l’arrêt du TF du 16 août 2017 était exécuté.123 Le gouvernement suisse s’est appuyé sur l’affaire Maumousseau et Washington dans leur argumentation. Ce qui est légitime car dans cette affaire, le risque pour la mère de retourner aux Etats Unis était bien plus important124 que celui en l’espèce pour la mère et l’enfant. Or, la CourEDH avait tout de même

117 CourEDH, 6 juillet 2010, affaire Neulinger et Shuruk, n° 41615/07, par. 17-19, 21, 24-25, 28.

118 Ibidem, par. 31 et 44.

119 CourEDH, 8 janvier 2009, affaire Neulinger et Shuruk contre Suisse, n° 41615/07.

120 CourEDH, 6 juillet 2010, affaire Neulinger et Shuruk, par. 151.

121 Arrêt (2010), Neulinger et Shuruk, par. 147.

122 Ibidem, par. 149.

123 Ibidem, p.67-69.

124 Arrêt Neulinger et Shuruk contre Suisse, p. 68 par. 12.

(21)

16 admis qu’il n’y avait pas violation de l’art 8 CEDH en ordonnant le retour de l’enfant aux Etats Unis. Donc c’est à juste titre que le gouvernement Suisse pouvait considérer qu’in casu, comme les circonstances factuelles sont moins désastreuses pour la mère et l’enfant que la CourEDH considérerait « qu’il n’y aurait pas de violation dans le cas où l’enfant serait renvoyé en Israël ».125 La Cour a cité l’affaire Maumousseau et Washington pour justifier sa décision alors qu’elle réalise un revirement de jurisprudence dans cet arrêt Neulinger et Shuruk.126

Par la suite, dans l’arrêt X. contre Lettonie, il s’agissait d’une décision de retour d’une enfant dans son pays d’origine en application de la CLaH80 ordonnée par les autorités lettones.

L’enfant avait quitté à l’âge de trois ans et cinq mois l’Australie avec sa mère pour vivre en Lettonie.127 La cour a estimé que les juges lettons avaient violé l’art. 8 CEDH car ils n’avaient pas pris en compte le risque grave pour l’enfant en cas de retour en Australie.128 Effectivement, les juges lettons n’ont pas retenu le certificat rédigé par un psychologue faisant état d’un risque de traumatisme pour l’enfant en cas de séparation immédiate avec sa mère au sens de l’art. 13 al. 1 let. b CLaH80.129

Néanmoins, dans cet arrêt, la majorité pour admettre la violation était de neuf voix contre huit.

Les huit juges ont formulé une opinion dissidente commune et ont conclu au respect des obligations procédurales de l’art. 8 CEDH des tribunaux lettons.130 Le certificat du psychologue produit par la mère (requérante) se limitait au préjudice pour l’enfant d’être séparé de sa mère et n’examinait pas la question du retour de l’enfant ou d’un quelconque préjudice pour lui de rentrer en Australie accompagné de sa mère. Ce certificat n’a pas été pris en compte par la Cour régionale de Riga car il ne réglait qu’une question relevant du droit de garde qui doit être tranchée par les juridictions australiennes et non celles lettonnes.131 De plus, cette opinion dissidente n’est pas de l’avis de la majorité qui affirme que la cour régionale aurait dû analyser plus avant si le retour de l’enfant en Australie avait conduit forcément à une séparation avec sa mère. En effet, « rien ne faisait juridiquement obstacle au retour de la requérante ».132

125 Arrêt Neulinger et Shuruk contre Suisse, p.69 par. 19.

126 Ibidem, p.69 par. 22.

127 Arrêt X contre Lettonie, par 12, 17 et 21.

128 Ibidem, par. 119-120.

129 Ibidem, par. 116-117.

130 Ibidem, p.52 par. 11.

131 Ibidem, p.51 par. 7.

132 Ibidem, p. 51 par. 9.

(22)

17 Puis, la cour a analysé dans l’arrêt O.C.I et autres contre Roumanie, si les allégations de risque grave au sens de l’art. 13 al. 1 let. b CLaH80 ont été véritablement prises en compte par les juridictions internes.133 L’affaire concernait une requérante (la mère) qui décida de ne pas retourner auprès de son mari en Italie après des vacances passées en Roumanie avec ses enfants.

Cela étant, les juridictions roumaines ont ordonné le retour des enfants en Italie auprès de leur père suite à sa demande.134 La cour a rappelé que l’intérêt supérieur des enfants est la pierre angulaire de la protection accordée aux enfants contre les châtiments corporels. Le risque de violence domestique va au-delà de ce qu’un enfant peut raisonnablement supporter.135 Les tribunaux roumains n’ont pas suffisamment pris en considération le risque grave que les enfants subissent des mauvais traitements s’ils étaient renvoyés en Italie. Cela est incompatible avec l’intérêt supérieur de l’enfant, donc il y avait violation de l’art. 8 CEDH par les juridictions roumaines. 136

En définitif, la CourEDH laisse une grande marge de manœuvre aux Etats pour admettre s’il y a ou non un risque grave ou une situation intolérable pour l’enfant en cas de retour. En analysant ces affaires, il est possible de remarquer que la Cour refuse le plus souvent d’admettre une violation de l’art. 8 CEDH en lien avec l’art. 13 al. 1 let. b CLaH80.

4. L’opposition de l’enfant.

L’opposition de l’enfant énoncé à l’art. 13 al. 2 CLaH80 peut amener à un refus des autorités d’ordonner son retour. Concernant l’audition de l’enfant, la cour relève que les juridictions internes ne sont pas obligatoirement tenues d’entendre un enfant. Cela dépend des circonstances de chaque cas d’espèce ainsi que de l’âge et de la maturé de l’enfant concerné.137 De plus, la cour s’appuie sur l’art. 12 CDE qui précise que dans toutes les procédures qui le concerne, l’enfant doit pouvoir être entendu soit directement soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié.138 Les juridictions internes ont une marge de manœuvre pour apprécier si l’audition personnelle des enfants est utile ou non.139 Dans les affaires Eskinazi et Chelouche et Maumousseau et Washington, la cour a relevé que la non audition des enfants ne

133 Arrêt O.C.I et autres contre Roumanie, par. 40.

134 Ibidem, par. 7-8 et 13-14.

135 Ibidem, par. 43 ; Arrêt X. contre Lettonie, par. 116.

136 Arrêt O.C.I et autres contre Roumanie, par. 46-48.

137 Arrêt Gettliffe et Grant contre France, p.14.

138 Art. 12 Convention relative aux droits de l’enfant.

139 Arrêt Gettliffe et Grant contre France, p.14.

(23)

18 constitue pas une violation de l’art. 8 CEDH pour deux raisons. D’une part, eu égard à l’âge des enfants, d’autre part, dû au fait que la cour ne se substitue pas à l’appréciation des juridictions internes et ne contrôle pas l’interprétation faite par ces dernières des art. 13 CLAH80 et 12 par. 1 CDE sauf en cas d’arbitraire.140

Pour évoquer plus particulièrement l’art. 13 al. 2 CLaH80, il n’y aucune obligation des autorités d’auditionner l’enfant dans chaque cas d’espèce. Il s’agit de prendre en compte l’opinion de l’enfant ayant un âge proche de l’adulte qui forme une opposition claire et ferme au retour.141 De surcroit, le juge n’est pas obligé de tenir compte de l’avis de l’enfant une fois entendu.142 En effet, le tribunal doit déterminer le poids qu’il entend donner à l’opinion de l’enfant en fonction de son âge et sa maturité, de son opposition qualifiée et de l’influence que les parents peuvent exercer sur lui.143 Il s’agit d’un motif de refus autonome.144 La CourEDH a donné des indications afin que les autorités nationales interprètent correctement cette exception tout en respectant les droits fondamentaux.

Dans l’arrêt Gajtani contre Suisse, la cour n’a pas retenu une violation de l’art. 8 CEDH car la marge d’appréciation accordée aux autorités suisses impliquait le respect de la décision du tribunal.145 Il s’agissait de deux enfants vivant initialement en Ex-République yougoslave de Macédoine avec leurs parents non mariés. En 2005, la mère des enfants a décidé de partir avec eux au Kosovo sans le consentement du père. Elle y a épousé un ressortissant italien et est partie vivre en Suisse avec ses enfants. En 2007, le père s’est vu débouté de sa demande visant le retour des enfants en Ex-République yougoslave de Macédoine. Malgré le déplacement illicite des enfants par leur mère, l’autorité a pris en compte le refus catégorique du fils âgé de onze ans et demi lors de son audition, refus de tout contact avec son père et refus de retourner dans son pays d’origine.146 Cela étant, le père a fait recours contre cette décision. Le tribunal d’appel a annulé la décision attaquée puis a ordonné le retour immédiat des enfants en Ex-République yougoslave de Macédoine. Selon le tribunal, une exception au retour ne pouvait avoir lieu qu’en présence d’une opposition qualifiée de l’enfant. De toute manière, l’enfant n’était pas assez mûr

140 Arrêt Maumousseau et Washington contre France, par. 79-80 ; Arrêt Eskinazi et Chelouche contre Turquie, p.28 dernier par. et p.29 par. 1.

141 ALFIERI, p.89, PEREZ-VERA, N 30.

142 ALFIERI, p. 91 ; GOUTTENOIRE, p. 355.

143 ALFIERI, p.91

144 DUTOIT, LDIP, N 101.

145 Arrêt Gajtani contre Suisse, par. 112 et 114-115.

146 Ibidem, par. 6-8, 11 et 15.

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19 et sa mère l’a influencé sur sa volonté de ne pas retourner auprès de son père.147 La CourEDH a relevé tout d’abord que les juridictions internes ont refusé de prendre en compte l’opinion des enfants. En effet, un des enfants (onze ans et demi) a formulé un refus catégorique mais a été jugé pas assez mur et était dans un conflit de loyauté.148 Ensuite, la cour a souligné que l’opinion des enfants doit être pris en compte d’après la Convention de la Haie mais « leur opposition ne fait pas nécessairement obstacle à leur retour ».149 Quant à la petite fille de cinq ans qui n’a pas été entendue, cela n’est pas contraire à l’art. 13 al. 2 CLaH80 qui n’impose pas aux autorités d’entendre l’enfant.150

Dans une autre affaire, la cour a déclaré que l’enfant n’a pas la liberté de choisir l’endroit où il veut vivre.151 En l’espèce, les motifs exprimés par l’un des enfants pour rester en Suisse ne suffisaient pas pour faire entrer en jeu l’art. 13 al. 2 compte tenu du fait que les exceptions au retour doivent être interprétés strictement.152

En outre, l’affaire Blaga contre Roumanie concernait trois enfants résidant aux États-Unis avec leurs parents. En 2008, la mère a emmené les enfants en Roumanie avec l’accord du père seulement pour de courtes vacances. Cependant, elle ne les a pas ramenés aux États-Unis. Le père a alors saisi l’autorité centrale américaine d’une demande de retour de ses trois enfants au sens de la CLaH80. Une fois informées, les juridictions roumaines ont refusé le renvoi des enfants afin de respecter leur témoignage.153 Finalement, l’affaire est montée devant la CourEDH qui a conclu à une violation de l’art. 8 CEDH car le refus au retour des enfant aux Etats Unis s’était appuyé exclusivement sur l’opinion des enfants.154 Ils ont été considérés comme suffisamment murs pour que leur déclaration soit prise en compte (jumeaux de neuf ans et une sœur de onze ans).155 La cour observe que l’art. 13 al. 2 CLaH80 n’impose pas au juge d’accéder automatiquement aux souhaits exprimés par l’enfant, même si ledit juge estime que l’enfant a atteint un degré de maturité suffisant. L’enfant objecteur doit avoir une voix mais ce n’est pas un veto à la décision de son retour.156

147 Ibidem, par. 16.

148 Ibidem, par. 107 et 111.

149 Ibidem, par. 108 ; Arrêt Raw et autres contre France, par. 94.

150 Arrêt Gajtani contre Suisse, par. 112-113.

151 CourEDH, 22 juillet 2014, affaire Rouiller c. suisse, n° 3592/08, par. 73.

152 Ibidem, par. 73.

153 CourEDH, 1er juillet 2014, affaire Blaga contre Roumanie, n° 54443/10, par par 6, 8-9, 13, 18, 20 et 26.

154 Ibidem, par. 77 et 79.

155 Ibidem, par. 78.

156 Arrêt Blaga contre Roumanie, par. 80.

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