Dictionary / Encyclopedia Article
Reference
Learning Analytics
PERAYA, Daniel
Abstract
Historique et définiton du concept. État de l'art, projets et perspectives en Suisse romande et au Tessin.
PERAYA, Daniel. Learning Analytics. In: Runtz-Christan, E. & Coen, P.-F. Collection de concepts-clés de la formation des enseignantes et enseignants en Suisse romande et au Tessin. Le Mont-sur-Lausanne : LEP, Loisirs et pédagogie, 2021. p. 175-178
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:154241
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Learning Analytics (LA)
Daniel Peraya, TECFA, Université de Genève
Depuis 1990, l’intérêt pour les Learning Analytics grandit dans le monde de la formation, en particulier dans le champ des formations hybrides ou à distance. En effet, les LA offrent la possibilité, par l’accès à de grandes masses de données, de mieux saisir les processus d’apprentissage et, potentiellement, de les améliorer.. La puissance de calcul informatique et des traitements statistiques élaborés (Data Mining) permet en effet de produire des connaissances sur le comportement des utilisateurs des plateformes.
Deux communautés internationales se sont constituées : l’Educational Data Mining (EDM, dès 2007) et la Society for Learning Analytics Research (SoLAR, dès 2011). La première s’attache à la conception d’algorithmes qui permettent par exemple de prédire les résultats d’un apprenant et de personnaliser sa stratégie d’apprentissage, tandis que la seconde cherche à modéliser et à visualiser les résultats des analyses des données relatives aux activités des apprenants pour les leur restituer sous la forme de tableaux de bord (TBD). Les chercheurs d’EDM réinvestissent les résultats de leurs recherches, « dans la machine », tandis que ceux de SoLAR, les restituent aux acteurs du processus d’apprentissage (Labarthe et al., 2016).
La définition de Siemens (2011) fait référence : « L'analyse de l'apprentissage est la mesure, la collecte, l'analyse et la communication de données sur les apprenants et leurs contextes, dans le but de comprendre et d'optimiser l'apprentissage et les environnements dans lesquels il se déroule . » (cité par Dioudi, 2018). Celle de Pardo et al. 1
(2017) la précise : « Les deux disciplines [LA et EDM] couvrent un large champ lié à la conception pédagogique, au tutorat, à l'engagement des étudiants, à la réussite des étudiants, au bien-être émotionnel, etc. ». La traduction française la plus fréquente est
« analytique de l’apprentissage ». La DNE française, elle, propose « analytique des activités d’apprentissage instrumentées » (Dioudi, 2018), qui précise strictement son objet (l’apprentissage instrumenté) et renvoie explicitement à la théorie de l’activité.
De nombreuses recherches attestent du potentiel des LA pour améliorer les environnements numériques d’apprentissage et le suivi des apprenants. Pourtant, les LA bouleversent les fondements épistémiques des sciences humaines et sociales (SHS) et menaceraient la fonction interprétative du chercheur en SHS. En effet, il n’existe pas de « liens forts » entre les procédures de calcul et les modèles qu’elles produisent a posteriori d’une part, les modèles théoriques a priori des différentes disciplines auxquelles s’adossent les SHS d’autre part. La nature comme la validité des données soulèvent des questions. Le contrôle des données, saisies automatiquement dans les plateformes, échapperait aux chercheurs et elles pourraient être biaisées par les Application Programming Interface embarquées dans les plateformes.
De plus, un processus, long et coûteux, est souvent nécessaire pour passer de la trace brute à la donnée (Champin et al., 2013). Enfin, « plus elles [les données] sont massives, plus elles
1 Notre traduction.
2 Idem.
sont factuelles » (Boyer, 2019). Comme les données ignorent le contexte social et biographique dans lequel s’insère l’activité de l’apprenant, il faut les « re-socialiser » par des approches qualitatives classiques, quitte à perdre leur côté massif. Boyer (2019) privilégie les données « épaisses » qui reconstituent « la sémantique de l’action » liée au processus d’apprentissage. Enfin, certains chercheurs valorisent l’utilité des données au détriment de leur l’exhaustivité : « L’utilité d’une donnée consiste à déterminer ce que la donnée apporte relativement à ce qu’elle coûte, que ce soit en termes monétaires, éthiques, complexité de collecte ou niveau de performances. » (Boyer, 2019).
Les LA suscitent aussi des problèmes éthiques, principalement celui de la récolte et de l’exploitation des données personnelles. Celles-ci sont protégées par la Loi fédérale sur la protection des données personnelles (LPD du 19.06.92 modifiée en 2003). Mais comment concilier la nécessité de protéger ces données et celle de les récolter, de les exploiter pour les besoins de la recherche de l’amélioration de l’apprentissage ? La conception de TBD illustre cette contradiction. L’apprenant devrait participer à toutes les étapes du processus afin de comprendre comment sont calculés les indicateurs, d’en proposer d’autres en lien avec sa vie professionnelle et familiale, etc. Il devrait aussi pouvoir personnaliser son TBD, choisir avec qui il partage ses données, décider d’afficher les données qui lui semblent pertinentes pour ses propres besoins d’apprentissage, ce qui suppose néanmoins de sa part une bonne maîtrise des processus d’autorégulation et d’autodétermination. Enfin, les données affichées devraient demeurer motivantes pour l’apprenant, fondées sur les principes d’une psychologie positive.
Boyer (2019) parle à ce propos d’une algorithmique « bienveillante ».
La problématique est émergente dans les HEP romandes et du Tessin. La nécessité de prendre en compte dans la formation la profusion des données disponibles est partagée, comme celle d’une littéracie numérique élargie aux algorithmes et aux LA. Pourtant, la mobilisation de la problématique dans la formation et dans la recherche semble inégale. Il s’agit de projets portés localement par certains enseignants. Sans prétendre à l’exhaustivité, citons OURA (HEP-FR et HEP-Bejune) inscrit dans le projet Digitall Skills. Cet outil évalue l’apprentissage des élèves afin d’améliorer les dispositifs d’enseignement et d’apprentissage. ASPIRE (HEI-FR et EPFEL, SwissUniversities) recueille de traces afin de produire des LA exploitables par les chercheurs en éducation et par les enseignants. Data2perso permet de recueillir et de traiter les traces laissées par les étudiants afin d’informer le formateur du degré d’atteinte des objectifs. (HEP-FR et HEP-Bejune). Le Centre de soutien au e-learning, (HEP-VD) cherche à concevoir des tâches spécifiques qui permettent une application simple des LA pour suivre l’activité des apprenants. À la HEP-VS, le processus d’hybridation des formations permet l’analyse des données recueillies dans les environnements.
La première initiative structurante de ces initiatives est le dépôt, dans le cadre du PNR 77, du projet LATI-TUD regroupant les universités de Genève et Fribourg, les HEP de Fribourg, de BEJUNE, du Valais et de Vaud. L’enjeu des LA est de poursuivre dans cette direction : décrire l’existant, partager les expériences, les outils, les données et les méthodes dans un réseau interinstitutionnel.
Références bibliographiques
Boyer, A. (2019). Quelques réflexions sur l’exploration des traces d’apprentissage. Distances et médiations des savoirs, 27. Mis en ligne le 13 octobre 2019. Repéré à http://journals.openedition.org/dms/4086
Champin, P.-A., Mille, A. et Prié, Y. (2013). Vers des traces numériques comme objets informatiques de premier niveau : une approche par les traces modélisées. Intellectia,
59, 171-204. Repéré à
https://www.persee.fr/doc/intel_0769-4113_2013_num_59_1_1090
Dioudi, M. (dir.) (2018). Learning Analytics : terminologie du Learning Analytics. Direction du Numérique pour l’Éducation, Ministère de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation (France). Repéré à http://techne.labo.univ-poitiers.fr/
gtnum2/file/axe6/DNE-LA-GTnum2_Axe6-Livrable pour les DANs-Mars 2018.pdf Gras, B. (2019). Éthique des Learning Analytics. Distances et médiations des savoirs, 26. Mis
en ligne le 17 juin 2019. Repéré à http://journals.openedition.org/dms/3768
Labarthe, H. et Luengo, V. (2016). L’analytique des apprentissages numériques. Université de Paris 6, Laboratoire d’Informatique de Paris 6 (LIP6). Repéré à https://
hal.archives-ouvertes.fr/hal-01714229/document
Pardo, A., Poquet, A., Martinez-Maldonado, R. et Dawson, S. (2017). Provision of Data-Driven Student Feedback in LA & EDM. Dans C. Lang, G. Siemens, D. Wise et D. Gasevic (dir.), Handbook of Learning Analytics (p. 163-174). Society for Learning Analytics Research. Repéré à https:// solaresearch.org/hla-17/
Poellhuber, B. et Roy, N. (2019). Quelques réflexions en lien avec l’analytique de l’apprentissage ». Distances et médiations des savoirs, 26. Mis en ligne le 17 juin 2019.
Repéré à http://journals.openedition.org/dms/3745