ITEM 305 : tumeurs du pancréas
PARTIE 1 : PANCREAS EXOCRINE = adénocarcinome ++
Généralités
Épidémiologie Proportion : 90% des tumeurs solides du pancréas (1ère cause)
Incidence : 11 500 cas/an en �� (autant de décès…), a beaucoup augmenté ces 20 dernières années
Place parmi les autres cancers digestifs : 2ème cancer digestif, 4ème cause de mort par cancer digestif
Sex ratio : H / F ≈ 1
Âge moyen de découverte : 60-70 ans
Pronostic mauvais : 5% de survie à 5 ans (tous stades confondus), 5ème cause de mortalité par cancer
Facteurs de risque
FdR exogènes
o tabagisme actif ou passif :
seul clairement établi pour adénocarcinome pancréatique
possible rôle synergique si affections génétiques prédisposantes (risque x 5) : – pancréatite chronique héréditaire
– cancer pancréatique familial o obésité : comme de nombreux cancers
o facteurs alimentaires (graisses, café) : faible et discuté
FdR endogènes o diabète
o pancréatite chronique
origine alcoolique : inflammation chronique (< 5% de risque après 20 d’évolution)
origine héréditaire : génétique (risque cumulé proche de 40% à 50 ans)
o lésions précancéreuses : cystadénome mucineux, TIPMP (t. intra-canalR papilR mucineuses pancréatiques) o formes héréditaires de cancer du pancréas
o ATCD familiaux :
1 parent du 1er degré atteint : risque x 9
2 proposants du 1er degré atteints : risque x 32 o associations syndromiques :
cancer du sein-ovaire familial (mutation BRCA2)
mélanome (Familial Atypical Multiple Mole Melanoma [FAMMM] syndrome)
syndrome de Peutz-Jeghers (polypose hamartomateuse du tube digestif)
syndrome de Lynch
Anatomopathologie
Types histologiques
o adénocarcinome canalaire (ductulaire) +++ : 90%
o autres : cancer à cellules géantes, muco-épidermoïde, etc.
Localisation
o tête du pancréas : 70% / corps (20%) / queue (10%) – rarement l’ensemble du pancréas
Dépistage et prévention = AUCUN
Aucun examen fiable, facile, peu onéreux : PAS d’intérêt du dosage du CA 19.9 sérique
Indications de dépistage : TIPMP, formes héréditaires du cancer du pancréas et pancréatite chronique héréditaire
Modalités du dépistage : encore en évaluation, repose sur IRM, TDM, échoendoscopie
Prévention : AUCUNE sauf tabac + résection lésions pré-Kc (TIPMP + signes péjoratifs : taille, épaississement canaux)
Diagnostic
Examen clinique Interrogatoire
o terrain : ATCD de pancréatite chronique, tabagisme, ATCD familiaux o anamnèse :
AEG avec amaigrissement +++ : massif (parfois plusieurs dizaines de kg) et rapide (2-3 mois)
apparition ou aggravation d’un diabète chez homme > 40 ans (surtout si signes digestifs) o signes fonctionnels
douleur +++ :
– caractéristiques : épigastrique « solaire », progressive, transfixiante, intense, insomniante – traduction : envahissement local important (absente au début de l’évolution)
– CAT : morphiniques
signes associés : – prurit ++
– TVP « spontanée » : favorise phénomènes thrombotiques
– dépression : souvent, précède parfois l’annonce, peut être le premier symptôme
symptômes atypiques :
– ictère associé à une angiocholite
– douleur manquante ou résumée à une irradiation dorsale (diagnostic différentiel : rhumatologie) – pancréatite aiguë révélatrice (< 10%)
– vomissements ou occlusion (tumeur évoluée avec sténose duodénale ou carcinose péritonéale)
Examen physique
o signes positifs selon localisation de la tumeur :
tumeur de la tête du pancréas +++ :
– ictère rétentionnel progressif, sans rémission ni fièvre . mécanisme : compression VBP
. associés : hydrocholécyste (grosse vésicule biliaire) (+ ictère = signe de Courvoisier)
autres localisations :
– ADK de la partie gauche du pancréas (plus rares) : . révélation : tardive
. symptôme : douleur (envahissement région cœliaque ou rétropéritoine) – corps : douleur ++, pas d’ictère, rarement masse épigastrique
– queue : douleur de l’hypochondre gauche, pas d’ictère o bilan d’extension clinique :
examen des aires ganglionnaires superficielles : Troisier
palpation abdominale : recherche HMG métastatique
TR : recherche une carcinose péritonéale ± ascite
métastases à distance : hépatiques (parfois révélatrices) ; examen neurologique ; osseux ; pulmonaire
Examens complémentaires
Diagnostic positif
o échographie abdominale :
moins performante que TDM notamment : surcharge pondérale, lésions queue de pancréas
examen de 1ère intention devant tout ictère ou douleur épigastrique
signes directs = masse hypoéchogène déformante ± ADP
signes indirects = dilatation des voies biliaires et du Wirsung
o TDM abdominale injectée : examen de référence = diagnostic positif + bilan extension
signes directs : masse hypodense, mal limitée, Ø réhaussée après INJ, difficile à repérer si < 2 cm
signes indirects : dilatation VB / Wirsung, atrophie en amont = qd petite taille ou isodense +++ (10%)
signes indirects :
dilatation bi-canalaire (cancer de la tête)
3 signes les plus fréquents = ictère + AEG + douleur = 1/3 des cas au diagnostic
signes directs : masse hypodense
o biologie : lipasémie sans intérêt
o marqueur tumoral (CA19.9) = intérêt limité :
ni sensible (surtout pour les petites tumeurs) ni spécifique
= autres causes de hausse : autre cancer (digestif, ovarien), diabète, cholestase…
o échoendoscopie :
indication : doute à la TDM sur image focale ou de petite taille (< 2 cm)
intérêt : permet de guider la ponction-biopsie pour histologie o ponction-biopsie pour histologie :
indispensable :
– avant radiothérapie ou chimiothérapie = tumeur non résécable (80%) – avant TTT néoadjuvant (avant éventuel geste chirurgical)
– si doute diagnostique avec pancréatite atypique
non indication : TTT chirurgical d’emblée envisagé
contrôle : échographique, TDM ou échoendoscopique (dernière = préférée si Ø métastase hépatique)
biopsie : tumeur primitive non résécable ou métastase hépatiques éventuelles
caractéristiques : sensibilité 80% mais mauvaise VPN = !! répéter prélèvement si négatif
Bilan d’extension / retentissement : évalue résécabilité + opérabilité o TDM thoraco-abdomino-pelvienne injectée
référence pour étude de l’extension locorégionale : ADP, vaisseaux
recherche de métastases hépatiques ++, pulmonaires ou ganglionnaires
recherche d’envahissements vasculaires : – artériel : tronc cœliaque, AMS, artère hépatique – veineux : tronc porte, VMS
– rétropéritonéal
= bilan minimaliste si âge physiologique ou tares importantes interdisent geste chirurgical o échoendoscopie avec biopsies (sous AG)
indications :
– PAS de TTT chirurgical envisagé (RCT) ++ (donc lorsqu’une biopsie est nécessaire) – doute sur extension vasculaire et ganglionnaire
non indication : TTT chirurgical (car examen histologique extemporané) adénocarcinome (T) de la tête
du pancréas (scanner injecté en coupe frontale)
adénocarcinome mal limité du corps du pancréas
(tête de flèche) (scanner injecté en coupe axiale)
ponction sous échoendoscopie d’une tumeur (astérisques) de la tête du pancréas aiguille à ponction est soulignée par la tête de flèche
tumeur non résécable biopsie ! cancer de la tête du pancréas
avec dilatation biliaire
o IRM
o bilan biologique du retentissement
bilan hépatique : cholestase (GGT et PAL ↑) ; bilirubine conjuguée
glycémie : insuffisance pancréatique endocrine = diabète (20%)
NFP : anémie (mixte) / TP ↓ – TCA allongé (par malabsorption hypovitamine K)
Bilan pré-thérapeutique
o !! hémostase : confère carence en vitamine K = indispensable avant tout geste invasif o bilan nutritionnel : ingesta, poids, IMC, albuminémie, pré-albumine
o bilan préopératoire : ECG, RxT, groupage + rhésus + RAI, consultation d’anesthésie
Evolution et pronostic
Evolution Extension locorégionale
o compression des VB : cholestase, prurit, malabsorption
o compression du duodénum : occlusion postprandiale haute (20%)
Extension à distance
o carcinose péritonéale ± compliquée : ascite / occlusion digestive o métastases : hépatiques +++, pulmonaires, osseuses, cérébrales…
Pronostic
Découverte tardive : sur compression biliaire le plus souvent
Pronostic mauvais :
o survie globale à 5 ans : < 5%
o survie à 5 ans en cas de résection R0 : 20-30%
o survie médiane si résection : 18-24 mois o survie médiane si PAS de résection :
métastatique : 6-9 mois
localement avancé sans métastase : 9-12 mois o pronostic à moyen terme amélioré par :
– radiochimiothérapie
– soins de support (prothèses, nutrition, traitement de la douleur) – meilleure sélection des patients pour la chirurgie
Traitement
Prise en charge Réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP)
Proposition d’un programme personnalisé de soins (PPS)
Consultation d’annonce / bilan d’extension
Traitement curatif (20%)
Indication : tumeur localisée résécable sur bon état général
!! Contre-indications
o métastase, carcinose péritonéale, ADP cœliaques
10% des tumeurs considérées comme résécables seront associées à carcinose péritonéale
ou des métastases hépatiques non détectables en préopératoire à la TDM
= donc IRM hépatique si tumeur opérable
Lors du diagnostic de cancer du pancréas :
30% des tumeurs sont localement avancées = envahissement local interdit une résection chirurgicale
50% sont d’emblées métastatiques
< 20% seront finalement résécables
o envahissement vasculaire (artère mésentérique supérieure) o mauvais état général, âge avancé, insuffisance sous-jacente
Exérèse chirurgicale = seule chance de survie prolongée même si pas de bons taux de survie à 5 ans…
o tumeur de la tête du pancréas : duodéno-pancréatectomie céphalique (DPC)
examen extemporané des ganglions et des limites de résection
rétablissement continuité pancréatique - biliaire - digestive
o tumeur du pancréas gauche = corps ou queue : spléno-pancréatectomie gauche (SPG)
idem : bilan lésionnel initial / examen histologique extemporané
!! splénectomie = [vaccinations + ATBPROPH + éducation + carte]
Complications
o fistule pancréatique o récidive +++
o mortalité 4% (avec équipe entrainée, parfois jusqu’à 10%)
o diarrhée par insuffisance pancréatique externe (à compenser par enzymes pancréatiques) o diabète par insuffisance pancréatique endocrine
Chimiothérapie adjuvante
o indications : systématique si résection chirurgicale possible, pendant 6 mois
o intérêts : améliore survie sans rechute et survie globale avec survie à 5 ans doublée (20% vs 10%) o modalités : protocoles à base de 5FU-ac. folinique (FuFol) / gemcitabine (++ en Fr)
Traitement néoadjuvant
o de plus en plus indiqué, notamment pour les tumeurs « limites » pour la chirurgie
Traitement palliatif ++ (80 %)
Chimiothérapie palliative
o indication : chaque fois que la tumeur n’est pas opérable (majorité des cas) si l’état clinique le permet
o réponse objective : 40% avec chimiothérapies récentes, survie médiane passée de quelques semaines à 9 mois
Traitement endoscopique
o si obstacle biliaire : pose de prothèse biliaire (par CPRE) +++ : efficace 90 %
o si sténose duodénale : pose de prothèse métallique expansive (par voie endoscopique) = réalimentation 80%
Traitement chirurgical palliatif
o En cas d’obstacle non traitable par une prothèse endoscopique o → dérivation bilio-digestive ou gastro-entérostomie
o Doivent être limités au max, au profit de l’endoscopie (prothèse de sténose duodénale ou obstacle biliaire)
Traitement de la douleur
o niveau adapté à la sédation de la douleur o radiothérapie palliative à visée antalgique
Prise en charge nutritionnelle (!! objectif important)
o support nutritionnel oral tant que possible (compléments alimentaires ++) o support entéral (SNJ ou gastrostomie) si échec
o support parentéral de solutés nutritifs si besoin
Mesures associées / soins palliatifs
Prise en charge des symptômes d’inconfort
Soutien psychologique du malade et de la famille / accompagnement
Prise en charge à 100% (ALD)
Surveillance
Clinique : consultation 1x/3 mois puis 1x/an
Paraclinique : TDM – échographie – CA 19.9 Suivi
CA19.9 : peut être utile pour le suivi du traitement
PARTIE 2 : PANCREAS ENDOCRINE = tumeurs neuroendocrines
Généralités
Proportion : 5-10% des tumeurs solides pancréatiques (2ème cause)
Incidence : 4/million/an ; 5-10% des tumeurs pancréatiques solides
Malignité : difficile à affirmer mais fréquente lorsque taille > 3 cm Circonstance de découverte
Syndrome hormonal (25%) = tumeurs neuroendocrines fonctionnelles : o insulinome +++ : hypoglycémies souvent sévères
o gastrinomes +++ : syndrome de Zollinger-Ellison = ulcères duodénaux ou jéjunaux multiples + diarrhée o VIPome (exceptionnel) : sécrétion de VIP
o glucagonome (exceptionnel) : sécrétion de glucagon
o somatostatinome (exceptionnel) : sécrétion de somatostatine
Syndrome de masse (75% des tumeurs neuroendocrines ne sont pas fonctionnelles)
Bilan génétique familial : 5-20% s’intègrent dans le cadre d’une NEM1 (transmission : autosomique dominante)
Découverte fortuite au cours examen d’imagerie (de plus en plus fréquent)
Examens complémentaires
Bilan biologique standard
o minimum : dosage sérique de la chromogranine A
nature : marqueur général de toutes les tumeurs neuroendocrines
FP : atrophie gastrique, prise d’IPP o fonction des symptômes :
insulinome : épreuve de jeûne, dosage d’insuline, dosage du peptide C
gastrinome : gastrinémie, test à la sécrétine avec tubage gastrique
Bilan d’imagerie o TDM injectée :
tumeur primitive : rehaussement vasculaire intense au temps artériel
bilan d’extension o échoendoscopie
indication : lésion de petite taille (≤ 1 cm)
caractéristiques : sensibilité > à celle de la TDM
intérêt : permet d’éventuelles biopsies écho-guidées o IRM hépatique :
bilan d’extension : recherche lésions secondaires hépatiques
Imagerie nucléaire
o bilan diagnostique
o TEP au gallium 68 octréotate : ciblage des récepteurs à la somatostatine
à défaut : scintigraphie de récepteurs à l’indium 111 (Octréoscan®) = diagnostic et extension tumeur neuroendocrine
PDC en lien avec hypervascularisation ++
PARTIE 3 : TUMEURS KYSTIQUES
Généralités
Circonstances de découverte
o le plus souvent : fortuitement par des examens d’imagerie performants (TDM ou IRM)
fréquence : 1/1000 examens digestifs réalisés
o possiblement : au cours d’une crise de pancréatite aiguë (obstruction canalaire par des bouchons de mucus) o stade : parfois découvertes au stade malin d’emblée pour les tumeurs à contingent mucineux
Nature
o cystadénomes séreux : toujours bénins
o contingent mucineux : potentiel de dégénérescence variable selon le type d’atteinte canalaire (2-50%)
Catégories (2)
o PAS de communication avec le système canalaire pancréatique : cystadénome mucineux o développement dans les canaux pancréatiques secondaires et/ou canal de Wirsung : TIPMP
Tumeurs TIPMP
Généralités Épidémiologie : fréquentes (> 15% ≥ 60 ans)
Nature et évolution : lésions précancéreuse (peu évolueront en cancer)
Physiopathologie : prolifération mucineuse de l’épithélium canalaire (canal pancréatique principal ou ses branches)
Examens complémentaires
TDM
CPRM (IRM biliopancréatique) :
o apporte une cartographie canalaire
o évalue diffusion des lésions dans le pancréas
Échoendoscopie : meilleure évaluation des critères prédictifs de malignité
Traitement
Décision résection pancréatique OU simple surveillance dépend : o espérance de vie
o état général o nature de l’atteinte o étendue de l’atteinte
o présence ou non de signe(s) de dégénérescence
cholangio-pancréato-IRM – tumeur intra-canalaire papillaire et mucineuse nombreux canaux secondaires dilatés (tête de flèche) = aspect de « grappe de raisin »