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Le Mot du directeur artistique Page 3. Présentation de l ensemble Page 4. Le Retour d Ulysse dans sa patrie Page 6. Orphée Page 12

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Academic year: 2022

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Le Mot du directeur artistique Page 3 Présentation de l’ensemble Page 4 Le Retour d’Ulysse dans sa patrie Page 6 Orphée Page 12 Ateliers pédagogiques Page 19

Agenda Page 20

Contact Page 21

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 3

Le mot du directeur artistique

©Michal Novak

« Né à Genève de parents chiliens » : ainsi commence souvent ma petite biographie dans les programmes de concerts depuis plus de 20 ans.

J’ai eu la chance de naître à Genève, à Vernier plus précisément. Une enfance passée aux Avanchets, où je côtoyais déjà, dans ma classe, le fils d’un musicien de l’Orchestre de la Suisse Romande, alors que sa maman me donnait mes premières leçons de piano, avant que j’entre au conservatoire rue Petitot. J’étais élève d’Avanchet Salève, des Coudriers, puis du collège Voltaire où il existait une section artistique musique.

Entre mes classes de piano au conservatoire de la Place Neuve, mes cours de chant au Conservatoire Populaire, les chansons chiliennes que j’apprenais auprès de mes parents, j’ai toujours été bercé par la musique.

Ma mère était fascinée par les chœurs d’enfants et elle m’a inscrit à la Maîtrise du Conservatoire Populaire. J’ai commencé à chanter avec d’autres enfants, au sein du chœur

« les Pueri », et petit à petit j’ai chanté des solos, comme le Requiem de Fauré, au Victoria Hall à 10 ans, et je me souviens encore d’avoir eu un sacré trac à ce moment-là !

Et puis j’ai commencé à chanter sur la scène du Grand Théâtre, dans des opéras comme Tosca ou Hansel et Gretel. C’était des expériences incroyables ! Je côtoyais d’immenses stars de l’opéra comme Samuel Ramey ou Thomas Hampson. C’était très impressionnant. Nous allions demander des autographes dans les loges, comme de vraies groupies, et le lendemain je disais en classe que mon métier, c’était chanteur d’opéra.

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 4 Et c’était vrai.

J’ai chanté depuis plus de vingt ans sur les plus belles scènes lyriques, j’ai parcouru le monde entier, j’ai rencontré des milliers de gens ; l’opéra, c’est tout un univers ! Les solistes, les chœurs, l’orchestre, les régisseurs, les costumiers, les accessoiristes… Une maison d’opéra, c’est comme une fourmilière. Il y a des rôles que j’ai chanté des centaines de fois, et à chaque fois c’est différent. Dans ce métier, on n’a jamais fini d’apprendre et de s’émerveiller.

Aujourd’hui j’ai décidé, avec Mathilde Etienne, qui est chanteuse et aussi metteuse en scène, de créer notre ensemble, « i Gemelli » afin de porter cette passion qui nous anime. Avec ce groupe nous prenons part directement au processus de création et de production. Grace à l'association Artisticamente, qui porte administrativement nos projets, nous avons pu ainsi créer de nombreux concerts et spectacles à Genève et ses environs : Te recuerdo, Violeta y el jazz, Vespro de Chiara Margarita Cozzolani, Soleil noir, ou encore L’Orfeo de Monteverdi.

En plus de notre activité de concertistes, il m’a semblé crucial de venir à la rencontre du jeune public, des élèves, des étudiants, afin de leur permettre d’être mis en contact avec cette musique. Peut-être que parmi eux, certains ressentiront les émotions que j’ai eu la chance de connaître moi-même et qui ont suscité cette vocation : devenir musicien. Car rien n’est comparable au choc que j’ai reçu enfant : le son de l’orchestre, la puissance des chœurs, la vibration d’une voix d’opéra, qui touche directement au cœur.

Présentation de l’ensemble

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 5 Emiliano Gonzalez Toro est un chanteur lyrique genevois d’origine chilienne. Nommé aux Grammy Awards 2018, il a chanté, durant plus de quinze ans, la musique 17è siècle -celle de Monteverdi en particulier- avec les plus grands spécialistes de ce répertoire : Elyma, le Concert d'Astrée, La Cetra, les Talens Lyriques, l'Accademia Bizantina, les Arts Florissants, les Musiciens du Louvre, sur les plus grandes scènes lyriques.

En 2018, avec Mathilde Etienne, il fonde son propre ensemble, entouré de collègues choisis pour ce répertoire qu'il affectionne particulièrement.

C'est ainsi qu'est né I Gemelli, formation spécialisée dans la musique vocale du 17è siècle.

L'ensemble a pour vocation de défendre les pièces majeures de cette époque comme des partitions moins connues voire inédites. Le répertoire abordé inclut ainsi les Vêpres de Chiara Margarita Cozzolani, les œuvres du légendaire ténor et compositeur Francesco Rasi, tout comme le chef-d’œuvre absolu du Seicento, L’Orfeo de Monteverdi.

I Gemelli est un ensemble qui se caractérise par sa direction musicale spécifique : les dynamiques partent du chant, du plateau vocal, le continuo et l’orchestre étant considérés comme une expansion du chant et de la rhétorique du texte.

Historiquement informé, l’ensemble I Gemelli joue sur instruments anciens, et collabore étroitement avec des universitaires et des musicologues pour l’élaboration de chaque programme. Les artistes invités sont issus de la nouvelle génération de chanteurs et instrumentistes, ou sont des talents confirmés, voire incontournables, de la scène internationale.

I Gemelli s’est produit sur de grandes scènes, comme le Théâtre des Champs-Elysées, le Capitole de Toulouse et l’Arsenal de Metz. En 2022 il se produira pour la première fois au Victoria Hall de Genève.

L’ensemble i Gemelli a signé l’enregistrement de ses albums chez Naïve : Vespro de Cozzolani, L'Orfeo de Monteverdi, Soleil Noir (sortie mai 2021). Pour ces enregistrements l’ensemble a été salué internationalement et a déjà reçu les plus hautes récompenses, avec entre autres un « choc » de Classica, un « Diapason d’or de l’année » et un « diamant » d’Opéra Magazine.

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 6

Le Retour d’Ulysse dans sa patrie

Il Ritorno d’Ulisse in patria

L’embarquement d’Ulysse, Claude Gellée dit Le Lorrain ©DR

L’HISTOIRE

Après dix ans passés à la guerre de Troie aux côtés d’Achille, d’Agamemnon et de l’armée des Grecs, le roi Ulysse souhaite retourner dans son royaume, l’île d’Ithaque. Mais la colère de Neptune, le dieu des mers, le pousse à errer d’aventure en aventure pendant dix autres années ; seul l’appui de la déesse Minerve lui permettra de pouvoir enfin rentrer chez lui.

Pendant ce temps, sa femme, la reine Pénélope, l’attend fidèlement, sous la pression de prétendants qui veulent s’emparer du trône en l’épousant. Repoussant inlassablement leurs avances, la reine, tout en se lamentant de l’absence de son époux, refuse de croire à sa disparition. Entourée seulement de son fils Télémaque, de la nourrice Ericlée et du berger Eumée, Pénélope est très isolée au milieu d’une cour décadente et sa position est très fragile.

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 7 L’opéra commence au moment où Ulysse parvient incognito sur le rivage de son île natale.

Beaucoup de péripéties adviendront avant qu’il ne triomphe des prétendants, grâce à l’aide magique de Minerve, et qu’il ne soit enfin reconnu par sa famille, ses amis et ses ennemis.

L’œuvre s’achève par les retrouvailles bouleversantes d’Ulysse et de Pénélope.

Minerve montrant Ithaque à Ulysse, Giuseppe Bottani ©DR

LE CONTEXTE

Le retour d’Ulysse a été composé en 1640 pour un théâtre vénitien, le San Cassiano (aujourd’hui détruit). Venise a été la première ville à construire des salles dédiées à cet art et à les ouvrir de façon commerciale, en vendant des billets pour les représentations. Le public était friand de grand spectacle et de livrets mettant en scène des histoires fabuleuses.

Ce genre d’œuvres commençant à être à la mode, il fallait, pour concurrencer les nombreuses autres productions, attirer le public avec des effets spectaculaires, comme des changements de décor à vue et des « effets spéciaux » de théâtre (machines, trappes…). Le livret reprend une trame mythologique, comme c’était l’usage à l’époque, mais la tragédie est mêlée ici à la comédie avec de nombreuses scènes comiques (le trio des prétendants, le bouffon Irus…) ainsi que le drame, culminant dans la grande scène où, dans l’affolement général, Ulysse extermine les prétendants dans un terrible bain de sang.

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Ulysse tue les prétendants, Gustav Benjamin Schwab ©DR

LA MUSIQUE

Seules deux copies de l’opéra nous sont parvenues, sous forme de manuscrits incomplets. Le livret a été imprimé à l’époque et présente des différences notoires avec les partitions. La gageure pour les interprètes est de reconstituer une version à partir de ces copies, en comblant les parties manquantes.

Partition manuscrite du Retour d’Ulysse © DR

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 9 Un contemporain notait à la création en 1640 : « Monteverdi est né dans ce monde pour régir les émotions d’autrui, aucune âme n’étant si dure qu’il ne la puisse influencer et émouvoir par son talent, ajustant les notes de musique de telle façon aux mots et aux passions que le chanteur ne peut que rire, pleurer, éprouver colère ou compassion (…) l’auditeur n’étant pas moins, et par le même élan, emporté par la variété et la force de ses mêmes émotions bouleversantes ».

Monteverdi compose une musique « sur-mesure » pour illustrer le caractère et les émotions de ses personnages : le lamento noble pour Pénélope, la colère héroïque pour Ulysse, la douceur pastorale pour le berger Eumée, le duo plein de sensualité pour les amants Eurymaque et Mélantho, le rire du bouffon Irus ainsi qu’un véritable feu d’artifice vocal, symbole de toute-puissance magique, pour la déesse Minerve.

L’orchestration n’est pas précisée dans la partition, comme c’était la coutume à l’époque. On est en présence d’un canevas, sur lequel les instrumentistes improvisaient, à la manière des partitions de jazz aujourd’hui. On sait par ailleurs que les théâtres vénitiens ne consacraient couramment aux représentations qu’un effectif de petite taille, pour des raisons de rentabilité. Cet effectif était constitué d’un continuo, c’est-à-dire un groupe d’instrumentistes accompagnant les récits, composé du clavecin, du théorbe (sorte de luth à grand manche), de la viole, du violoncelle, de la harpe… On pouvait entendre aussi des instruments mélodiques comme les violons et les flûtes.

La partition mentionne également une trompette marine (tromba marina), qui est, contrairement à ce que son nom indique, une sorte de contrebasse à corde unique, employée par les marins de l’époque. Une copie de cet instrument a été construite spécialement pour nos concerts.

Trompette marine © DR

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LE LIVRET

C’est Giacomo Badoaro (1602-1654), sénateur de la République de Venise et poète amateur, qui rédige le livret du Retour d’Ulysse. Les onze derniers Chants de l’Odyssée d’Homère, intitulés « La Vengeance d’Ulysse », fournissent la matière de trois actes qui restent fidèles au récit original.

L’action de l’opéra est très riche, tout en restant parfaitement équilibrée et limpide. Badoaro multiplie les épisodes et met en scène de nombreux personnages dans des lieux différents sans jamais perdre de vue l’efficacité dramatique. Des arias et des récitatifs variés d’une grande originalité permettent aux chanteurs de montrer leurs talents. Mais nous sommes encore très loin de l’esthétique de l’opéra baroque qui se développera quelques temps plus tard, conduisant des chanteurs virtuoses à revendiquer la première place au détriment du drame.

L’emploi de personnages secondaires, souvent comiques, permet de faire succéder des airs rythmés et plus simples à des moments de grande tension émotionnelle. Sorte de bouffon à l’appétit insatiable, Irus répond au goût du public populaire pour les scènes comiques et réalistes, inaugurant une longue tradition de personnages ridicules dans l’opéra vénitien.

Résumé détaillé

Prologue

La Fragilité Humaine se plaint d’être soumise aux tourments du Temps, de la Fortune et de l’Amour. Les trois divinités se réjouissent de pouvoir faire le malheur d’Ulysse.

Acte 1

Dans son palais, Pénélope s’abandonne au désespoir que lui cause l’interminable absence d’Ulysse. Sa servante Mélantho voudrait bien la convaincre de se choisir un époux parmi ses nombreux prétendants. En déposant Ulysse sur les rives d’Ithaque, les Phéaciens s’attirent la colère de Neptune qui change leur navire en rocher. Ulysse s’éveille, seul sur un rivage qui lui semble inconnu et il se répand en invectives contre les Phéaciens qu’il soupçonne de l’avoir abandonné. Minerve apparaît pour lui offrir son aide et lui révéler le moyen de se venger de ses malheurs. Déguisé en vieillard, il pourra observer les Prétendants qui importunent Pénélope. Minerve promet à Ulysse de lui ramener de Sparte son fils Télémaque. Pendant ce temps, Mélantho tente vainement de convaincre Pénélope d’oublier son époux. Sous son apparence de vieillard, Ulysse retrouve Eumée, son fidèle berger, auquel il annonce que son roi sera bientôt de retour.

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 11 Acte 2

Télémaque revient à Ithaque où Eumée lui apprend la mystérieuse prédiction du vieillard.

Ulysse apparaît à Télémaque sous ses traits véritables. Le père et le fils s’abandonnent à la joie des retrouvailles. Les Prétendants essaient de divertir Pénélope. Apprenant le possible retour d’Ulysse, ils prennent peur. Ils envisagent de tuer Télémaque, puis finissent par y renoncer pour se concentrer sur la cour assidue qu’ils font à Pénélope. Minerve assure Ulysse de son soutien. La déesse inspirera à Pénélope l’idée de soumettre les Prétendants à une épreuve qu’ils ne pourront pas réussir. Antinoüs, un des trois Prétendants, reproche à Eumée d’avoir introduit le vieillard au Palais. Pénélope propose alors l’épreuve de l’arc : elle épousera celui qui pourra se servir de l’arc d’Ulysse. Aucun des Prétendants ne parvient à tendre l’arc.

Ulysse, toujours sous son apparence de vieillard, s’empare de l’arc et tue les Prétendants.

Acte 3

Mélantho demande à Pénélope de punir ce massacre des Prétendants. La reine se laisse envahir par la tristesse et demeure incrédule quand Eumée lui révèle que le vieillard est en réalité Ulysse. Minerve persuade Junon de demander à son époux Jupiter la fin des malheurs d’Ulysse. A son tour, Jupiter obtient de Neptune qu’il accorde son pardon à Ulysse, coupable d’avoir blessé son fils, le cyclope Polyphème. Grâce à des cicatrices, Ulysse est reconnu par Euryclée, sa nourrice. Pénélope se refuse toujours à croire au retour de son époux qui lui apparaît pourtant sous ses véritables traits. La reine pense être victime d’une illusion due à la magie. C’est parce qu’il peut décrire le drap qui recouvre leur lit conjugal qu’Ulysse parvient enfin à convaincre Pénélope. Les deux époux savourent la joie d’être réunis.

Retrouvailles d'Ulysse et de Pénélope, Francesco Primaticcio ©DR

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Orphée

L’Orfeo

L’HISTOIRE

Orphée et Eurydice, auteur inconnu ©DR

L’Orfeo raconte la fable du demi-dieu Orphée, fils d’Apollon, qui selon la légende descendit aux Enfers pour y chercher son épouse défunte.

L’histoire commence avec les noces d’Orphée et d’Eurydice, dont le bonheur est de courte durée, car la nymphe meurt tragiquement, mordue par un serpent. Fou de douleur, Orphée décide de se rendre au royaume des Enfers pour l’arracher à la mort.

Parvenant à charmer les divinités infernales grâce à son chant magique, Orphée obtient de ramener Eurydice sur terre avec lui, à la condition de ne pas se retourner vers elle avant de voir la lumière du jour. Hélas, trop impatient, et bravant l’interdit du dieu Pluton, Orphée se retourne et perd sa femme pour toujours.

L’histoire s’achève sur la rencontre entre Orphée, désespéré, et son père, le dieu Apollon, qui le console en le faisant monter avec lui au Ciel, où il retrouvera l’image éternelle d’Eurydice.

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 13

Le contexte

L’Orfeo est créé au château ducal de Mantoue, pour les festivités du carnaval de 1607. Le spectacle n’est pas destiné au grand public, mais à une assemblée de savants érudits, la Camerata degli Invaghiti. Le succès est tel que l’œuvre est rejouée aussitôt après, pour des assemblées à chaque fois plus importantes.

A cette première version de l’œuvre correspond une fin tragique, conforme à la légende : au 5è acte Orphée est déchiré par les Ménades, femmes sauvages dévouées au dieu Bacchus. La reprise de l’ouvrage en 1609, lors de noces princières à Mantoue, incite le commanditaire (le fils du duc de Gonzague) à faire rectifier cette fin pour un « happy end » : Apollon lui-même descend sur terre pour raisonner son fils et le faire accéder au bonheur éternel.

On a très peu d’éléments sur la création initiale : on sait seulement qu’elle s’est déroulée dans une petite salle du palais de Mantoue, probablement détruite aujourd’hui. Le lieu étant étroit et le plafond bas, la machinerie devait être très succincte. Lors de la reprise, il est possible que l’on ait construit, comme c’était souvent le cas lors de grandes festivités, un théâtre en bois en extérieur pour donner la pièce à un public très large. Dès lors, il devenait matériellement possible de faire descendre Apollon de sa nuée !

A la Renaissance, il y avait plusieurs types de spectacles que l’on peut appeler « ancêtres » de l’opéra. Les cours princières qui disposaient de finances larges commandaient, en marge des pièces de théâtre officielles, des intermèdes spectaculaires avec décors et costumes somptueux, machineries complexes et musiques fastueuses. Les spectacles étaient donnés en extérieur dans des théâtres construits pour l’occasion (souvent détruits à la fin des fêtes) ou dans de grandes salles à l’intérieur des châteaux.

D’un autre côté, quelques assemblées d’intellectuels cherchaient à ressusciter le théâtre antique, et particulièrement les tragédies grecques, redécouvertes depuis peu. Leurs expérimentations donnaient lieu à des représentations plutôt privées, que l’on donnait dans les palais à l’intention des princes-mécènes. Ces « prototypes » de textes accompagnés de musique ont donné naissance à ce qu’on appelle aujourd’hui l’opéra. Ainsi, après Daphné et Eurydice de Jacopo Peri, donnés à Florence chez les Médicis, les ducs de Mantoue commandèrent à Monteverdi Orphée, qui devint immédiatement le premier chef-d’œuvre du genre.

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 14

Le livret

Pour écrire une œuvre que l’on tient à voir briller devant toutes les cours d’Europe, il faut faire appel à un compositeur d’exception, mais aussi à un poète d’exception pour le livret.

A la cour de Mantoue, le secrétaire du duc, Alessandro Striggio, fait partie de la fameuse Accademia degli Invaghiti. C’est un érudit, poète à ses heures, et fin connaisseur des écrits antiques comme des nouvelles expérimentations de ses contemporains. Sur le modèle de la tragédie grecque, il conçoit une intrigue en cinq actes, mettant en scène toute une palette de styles et d’atmosphères contrastées.

Le personnage d’Orphée avait déjà inspiré Politien, un siècle plus tôt, pour ce qui devait être l’ancêtre de l’opéra, exactement dans le même palais de Mantoue. Le mythe du poète- chanteur, capable d’émouvoir les bêtes sauvages et de faire pleurer les pierres, est en réalité toujours vivace depuis l’Antiquité. On le célèbre sous plusieurs formes : dans les peintures, sur les fresques des palais, dans les poèmes, les livres de mythologie ou de théologie. On l’évoque dans les cercles philosophiques comme dans les laboratoires d’alchimie, très prisés à l’époque (Striggio et Monteverdi pratiquent eux-mêmes cet art).

La trame de L’Orfeo est très succincte ; c’est, comme l’édition le précise, une « fable en musique » : elle se lit à première vue comme un conte pour enfants, un peu comme la Flûte enchantée. Derrière cette histoire, d’apparence toute simple, se dissimule tout un écheveau de références poétiques, philosophiques, voire religieuses, destinées à un public d’érudits, capables d’interpréter les subtilités d’un texte à la finesse remarquable. Cela aurait pu rester une œuvre expérimentale et inaccessible… Et pourtant il n’en est rien.

L’auditeur d’aujourd’hui aura bien du mal à saisir la profondeur de tous ces niveaux de lectures, mais il pourra toujours se laisser séduire par un texte d’une grande valeur poétique.

La beauté des vers et de la musique est immédiate et elle est accessible car elle nous touche.

Striggio a fait de son personnage un héros fragile, traversé par le doute, l’erreur, l’amour fou, capable de nous faire frissonner et de nous arracher des larmes. Après tout, pour son chef- d’œuvre, Striggio s’est laissé guider par les trois grands principes prônés par Aristote pour la conception d’une tragédie :

« Plaire, instruire, émouvoir ».

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 15

La musique

Prologue de l’édition de 1607 de L’Orfeo ©DR

Très peu nombreux sont les opéras qui furent imprimés au 17ème siècle et seul l’Orfeo a bénéficié de deux éditions, en 1609 et 1615, alors que les deux autres opéras de Monteverdi ne nous sont parvenus que sous forme de copies manuscrites. C’est dire l’importance que le compositeur attachait à son œuvre !

Fait rare pour l’époque, l’orchestre est précisé de façon très détaillée dans la partition, présentant une liste impressionnante d'instruments, à laquelle s’ajoutent des instructions données au cours de l’ouvrage. Quarante-deux instruments différents sont énumérés, ce qui offre la possibilité d’une grande palette de coloris orchestraux. On trouve par exemple la régale, ce petit orgue au son nasillard, qui accompagne le récit du brutal Charon, ou encore le ceterone, sorte de petit luth à cordes de métal.

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Orgues et régale, illustration de Traités sur les instruments, Sebastian Virdung © DR

Monteverdi utilise toutes les ressources de l’orchestre pour caractériser les lieux ou les atmosphères, ainsi que les différentes péripéties et les émotions qu’elles suscitent chez les personnages. Ainsi, au début de l’Acte 3, le compositeur installe le décor qui s’offre à son héros pénétrant dans le monde infernal par l’utilisation d’instruments traditionnellement associés au spectacle effrayant du « vaste empire des ombres » : quand Orphée se présente à la porte des Enfers pour tenter de fléchir Charon, Monteverdi privilégie une orchestration dominée par les cornets à bouquin (sortes de petites trompettes incurvées en bois) et les sacqueboutes (ancêtres du trombone). Grâce aux sonorités cuivrées des vents, jouant sur la seule magie de son orchestration, le compositeur brosse une vaste peinture de cet Enfer inquiétant.

Le cornet à bouquin, illustration pour Musica instrumentalis, Martin Agricola © DR

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 17

La famille des sacqueboutes, illustration pour Musica instrumentalis, Martin Agricola © DR

A la richesse de cet orchestre éblouissant, Monteverdi associe la virtuosité de la voix, comme en témoigne le chant d’Orphée, toujours dans cet Acte 3, où le poète thrace doit séduire l’insensible Charon pour arracher Eurydice aux Puissances infernales. Le héros doit démontrer alors toute l’étendue du pouvoir de la musique. L’aria « Possente Spirto » (« Esprit puissant, divinité redoutable ») reste le moment le plus attendu de l’Orfeo. C’est à la fois un air virtuose qui touche au sublime et un exemple parfait de la façon dont l’orchestre peut servir la force expressive du poème. Aux accents déchirants du poète répond le jeu cristallin de la harpe, symbole ici de la lyre d’Orphée.

La distribution initiale était entièrement composée d’hommes, chantant les parties de ténor (comme Orphée et les bergers), de basse (Charon et Pluton) mais aussi les personnages féminins, avec des artistes imitant les voix de femme (sopranistes) ou castrats pour les parties aigües. Aujourd’hui, heureusement, il n’y a plus de castrats, et on fait chanter les rôles de femmes… par des femmes !

Résumé détaillé

Prologue

La Musique, descendue du mont Parnasse, salue l’auditoire et s’apprête à conter la fable d’Orphée : le chant du fils d’Apollon, capable de soumettre l’Enfer à ses prières, a réconcilié les pouvoirs de la musique humaine et de l’Harmonie des Sphères.

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 18 Acte I

C’est le jour des noces d’Orphée et d’Eurydice, célébrées dans les plaines de la Thrace. Bergers et nymphes convoquent Hyménée pour bénir l’union du demi-dieu et de la belle dryade.

Orphée chante un hymne au Soleil avant de déclarer sa flamme à Eurydice, qui répond avec grâce à ce chant d’amour. La foule des bergers se retire au temple d’Apollon pour offrir ses prières au dieu. Un chœur évoque le bonheur d’Orphée, qui par ses pleurs et son chant a vaincu l’indifférence d’Eurydice.

Acte II

Peu après ses noces, Orphée chante sa félicité avec jubilation au milieu des bergers. Ses transports joyeux sont interrompus par l’arrivée de Silvia, la Messagère, qui anéantit son bonheur par un terrible récit : tandis qu’elle cueillait des fleurs, Eurydice, mordue au pied par un serpent, a rendu son dernier souffle en prononçant le nom d’Orphée. D’abord sidéré, puis bouleversé, le héros annonce son intention de ramener à tout prix son épouse des Enfers. La Messagère se retire dans la consternation générale tandis que le chœur déplore la fragilité de la vie humaine.

Acte III

Guidé par l’Espérance, Orphée atteint un marais putride où se trouve la porte des Enfers.

Derrière se trouve le fleuve qui mène à l’intérieur du royaume des morts. L’Espérance le quitte sur ce seuil car il lui est interdit de pénétrer les Enfers. Laissé seul, Orphée tente d’éblouir par son chant le nocher Caron, qui, insensible à sa flatterie le repousse avec brutalité. Pris de désespoir, le poète utilise alors le pouvoir magique de sa lyre et endort le passeur, puis monte dans sa barque et traverse le fleuve.

Acte IV

Emue par la plainte d’Orphée, Proserpine, la déesse des Enfers, supplie son époux Pluton d’accéder à sa prière et de faire revenir Eurydice à la vie. Pluton accepte à une seule condition : Orphée ne devra se tourner vers son épouse qu’après avoir quitté le royaume des ténèbres.

Les esprits infernaux s’interrogent sur la patience et la raison du héros, tandis que s’avance Orphée, qui célèbre trop tôt sa victoire et la toute-puissance de sa lyre. Surpris par un bruit terrifiant, il se retourne, bravant l’interdit, et perd Eurydice qui disparaît dans les abîmes infernales. Eperdu de douleur, Orphée quitte les Enfers en maudissant la lumière du jour. Le chœur des esprits chante un hymne à la vertu, seule à même de vaincre les passions humaines.

Acte V

De retour en Thrace, Orphée erre, inconsolable, sur les lieux de son bonheur passé. Pris de rage et de folie, il renonce désormais aux femmes et à l’amour. La démesure de sa lamentation provoque la descente sur terre d’Apollon, qui reproche à son fils d’avoir été l’esclave de ses passions. Il l’invite à le rejoindre au Ciel, où il pourra contempler l’image radieuse d’Eurydice au milieu des constellations. Tous deux montent au Ciel tandis que nymphes et bergers célèbrent l’ascension d’Orphée et la fin de ses malheurs.

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 19

ATELIERS PÉDAGOGIQUES

Exemples de contenus (non exhaustifs)

En présentiel si les conditions sanitaires le permettent, ou à distance en visioconférence

Avec les enseignants (en amont) :

- Conférences autour de la musique baroque, avec focus sur deux opéras de Monteverdi, pour préparer les ateliers

 Le compositeur, le librettiste, le contexte historique, l’orchestre, les voix

- Echanges avec les enseignants autour des enregistrements de l’ensemble I Gemelli

 Questions/réponses autour des partis pris de l’ensemble

 Préparation des rencontres avec les élèves Avec les élèves :

- Le mythe d’Ulysse et de l’Odyssée

 Homère et l’Odyssée

 Les personnages : Ulysse, Pénélope, Télémaque, Minerve et les Prétendants - Le mythe d’Orphée

 Une histoire universelle avec ses avatars : de l’Antiquité à nos jours

 Chercher les histoires de héros punis pour avoir bravé l’interdit (Adam et Eve, la femme de Loth, Icare, Thésée, Barbe-Bleue, la chèvre de M. Seguin…)

- Petite histoire de l’opéra

 Naissance de l’opéra autour de 1600, évolution en Italie et en Europe

 Entre deux dates : 1607 (Orfeo, Mantoue) et 1640 (Ulysse, Venise)

 Abécédaire : depuis A comme Arioso jusqu’à Z comme Zarzuela - Ateliers d’initiation vocale : chanter les chœurs de l’Orfeo

 Découverte de la polyphonie avec un chœur de l’acte 1 et un chœur de l’acte 5 - Découverte d’instruments oubliés : le luth, le cornet à bouquin

 L’instrument, sa technique, son répertoire

 L’histoire des instruments baroques : pourquoi certains ont-ils disparu ? - Rencontre musicale et discussion avec quelques artistes de la production

 Ecouter la musique et reconnaître les émotions exprimées par le compositeur

 Atelier interactif avec présentation vocale et/ou instrumentale et questions/réponses En plus de ces ateliers, une fois les enfants familiarisés avec l’équipe et le projet

- Répétition publique du Retour d’Ulysse et/ou d’Orfeo, pour entrer dans les coulisses d’une production lyrique

- Concert au Victoria Hall

- Echange entre les élèves, les enseignants et les artistes à l’issue de la répétition et/ou du concert

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Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 20

Agenda

Agenda des concerts :

26 octobre 2021 Le retour d’Ulysse dans sa patrie de Claudio Monteverdi Victoria Hall de Genève

23 janvier 2022 Orfeo de Claudio Monteverdi Victoria Hall de Genève

26 mars 2022 récital en duo

Avec Emiliano Gonzalez Toro & Zachary Wilder, ténors Musique baroque italienne du 17è siècle

Eglise Saint Germain – Vielle-Ville de Genève

Agenda des ateliers pédagogiques :

25/26 octobre : autour du Retour d’Ulysse dans sa patrie répétitions et possibilité de rencontre après le concert

novembre 2021 : rencontres et ateliers pédagogiques

10 au 14 janvier, Rencontres Musicales 18 au 23 janvier (sauf 21) : autour de L’Orfeo

répétitions et ateliers pédagogiques

25 mars : autour du récital à deux ténors Rencontre et répétition

(21)

Dossier pédagogique – 2021-2022 - / Ensemble I Gemelli 21

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