• Aucun résultat trouvé

Impact de la sélection sur la diversité des blés tendres français et conséquences sur la gestion des collections.

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Impact de la sélection sur la diversité des blés tendres français et conséquences sur la gestion des collections."

Copied!
43
0
0

Texte intégral

(1)

ISSN 0374-1621

7, rue Coq-Héron - 75030 PARIS Cedex 01

N° 55 NOVEMBRE 2005

LE SELECTIONNEUR FRANÇAIS

BULLETIN DE L'ASSOCIATION

DES SÉLECTIONNEURS FRANÇAIS

(2)
(3)

"Le Sélectionneur Français" 2005 (55)

AMELIORATION DES PLANTES ET DIVERSITE GENETIQUE IMPACT DE L’AMELIORATION DES PLANTES SUR LA DIVERSITE GENETIQUE

Ressources génétiques, diversité et amélioration du melon.

par Michel PITRAT ………... 3

Domestication et amélioration pour un élargissement de la gamme des espèces ligneuses d'ornement.

par Alain CADIC ………... 13

Impact de la sélection sur la diversité des blés tendres français et conséquences sur la gestion des collections.

par François BALFOURIER ……... 23

La diversité génétique des bananiers cultivés : situation actuelle et perspectives.

par Frédéric BAKRY ……... 33

(4)
(5)

"Le Sélectionneur Français" 2005 (55), 3-12

RESSOURCES GENETIQUES, DIVERSITE ET AMELIORATION DU MELON

Michel PITRAT

INRA, Unité de Génétique et Amélioration des Fruits et Légumes BP 94, 84143 Montfavet cedex

Le melon (Cucumis melo L.), comme la trentaine d’autres espèces du genre Cucumis ayant n=12 chromosomes, est originaire de l’Afrique, sauf toutefois C. hystrix, possédant lui aussi n=12 chromosomes, qui est originaire du Sud de la Chine (KIRKBRIDE, 1993). La domestication du melon est ancienne et remonterait vers 2500 à 3000 av. J.C. en Egypte, en Mésopotamie et en Chine. Sa zone de diversification est l’Asie depuis la Méditerranée jusqu’à l’Extrême-Orient. Aucun croisement interspécifique n’a pu être exploité jusqu’à maintenant, bien que des caractères intéressants, en particulier des résistances aux maladies, aient été identifiés dans des espèces voisines : C. metuliferus et C. anguria pour la résistance aux nématodes à galles Meloidogyne sp., par exemple. Seul le pool génique primaire, formes sauvages et cultivées de l’espèce, est donc utilisable. Le melon sauvage, C. melo agrestis, est monoïque et la pollinisation est entomophile. On pourrait donc penser que l’allogamie est la règle. Cependant, il y a très peu de baisse de vigueur liée à l’état homozygote et il est parfaitement possible de cultiver des lignées pures. En prenant un minimum de précautions, il est relativement facile de maintenir des variétés homogènes.

Le melon est un fruit qui présente un certain « contenu culturel ». Alors que l’on peut manger à peu près les mêmes tomates en Afrique du Nord, en Espagne, en Italie, en France ou aux Pays-Bas, les types variétaux et les cultigroupes de melon varient considérablement d’un pays à l’autre. Les « Piel de sapo », « Tendral » ou « Amarillo » espagnols n’ont rien à voir avec les « Souhela » ou « Maazoul » marocains, les « Beji » tunisiens ou les « Charentais » français. Cela complique évidemment la tache du sélectionneur qui travaille pour un marché étroit mais rend passionnante l’étude de la diversité de cette espèce.

1 – DIVERSITE DE L’ESPECE

Le melon sauvage que l’on rencontre encore assez couramment en Afrique tropicale sub-sahélienne est caractérisé par des petits fruits de 20 à 50 g, de couleur vert clair strié ou marbré de vert foncé, avec une chair blanc-verdâtre extrêmement mince et de nombreuses petites graines. On pense que c’est pour l’utilisation des graines, riches en protéines et en lipides que le melon a d’abord été cueilli puis domestiqué. Cette utilisation persiste avec l’utilisation des seinat au Soudan (MOHAMED et PITRAT, 1999).

(6)

4

Les premiers melons domestiqués devaient probablement être non sucrés et correspondent à une utilisation comme « légume » soit cru, comme du concombre, soit cuit.

Ils peuvent être également confits au sel et au vinaigre comme des cornichons. Ils sont généralement récoltés immatures. Les premières descriptions entretiennent une assez grande incertitude entre le « melon-légume » et le concombre. Cependant il est à peu près certain maintenant que les Egyptiens anciens ne connaissaient pas le concombre. Ainsi les Hébreux pendant l’Exode errent dans le désert du Sinaï en regrettant l’abondance en Egypte : « Qui nous donnera de la viande à manger ? Ah ! quel souvenir ! le poisson que nous mangions pour rien en Egypte, les concombres, les melons, les laitues, les oignons et l’ail ! Maintenant nous dépérissons, privés de tout... » (Nombres 11 :5). Les « concombres » en question sont plus probablement des melons et les « melons » des pastèques…

De nombreux auteurs ont tenté des classifications au sein de l’espèce, en particulier Ch. NAUDIN (NAUDIN, 1859). Les ressources génétiques de l’espèce peuvent être structurées en une vingtaine de variétés botaniques (PITRAT et al., 2000). Comme dans toute taxinomie infra-spécifique, il existe des types intermédiaires qui sont difficiles à classer. A l’intérieur des variétés botaniques, des cultigroupes sont utilisés pour regrouper les variétés très proches : par exemple, le cultigroupe « Charentais », dans la variété botanique cantalupensis, regroupe les variétés ou cultivars proches entre eux mais différant cependant par leur précocité, leurs résistances à diverses maladies, leur biologie florale…

Actuellement plusieurs variétés botaniques de Cucumis melo sont cultivées comme

« légumes » : On peut citer les suivantes :

- tibish, ressemblant à un type sauvage mais plus gros. Il est consommé cru et est cultivé au Soudan exclusivement ;

- chate, de forme ronde à ovale, côtelé. Le cultigroupe Carosello est encore cultivé dans le Sud de l’Italie ;

- flexuosus, de forme allongée à très allongée, souvent appelé melon-serpent ou concombre-serpent. Il est cultivé de la Méditerranée (alficoz en Espagne, fakous ou fegous au Maghreb, adjour au Soudan, acur en Turquie) jusqu’en Inde (kakri) (Fig. 1) ;

- momordica, dont les fruits ont un épiderme très fin et éclatent à maturité, cultivé en Inde ;

- acidulus, avec une chair blanche très ferme et légèrement acidulée, également cultivé en Inde ;

- conomon, est utilisé comme du concombre en Chine et au Japon (Fig 1).

D’autres variétés botaniques ont des fruits sucrés qui sont consommés à maturité. Ils correspondent davantage à une utilisation comme « fruits ». On peut citer :

- cantalupensis, à fruits ronds ou ovales, en général à chair orange. Le cultigroupe

« Charentais », le plus cultivé en France actuellement, en fait partie ;

- reticulatus, caractérisé par la présence de « broderies » sur l’écorce, est parfois rattaché au groupe précédent. Le cultigroupe des « Cantaloupes » nord-américains est très représentatif ;

- ameri, très cultivé en Asie centrale. Ce sont des gros fruits ovales, assez tardifs, à chair blanche très sucrée et juteuse, d’excellente qualité ;

- inodorus, très cultivé en Espagne ou en Turquie par exemple. Les fruits sont ovales à chair blanche, l’écorce peut être jaune, vert foncé ou tachetée. La chair est sucrée, juteuse, non aromatique. Beaucoup de variétés ont une très longue durée de conservation après récolte ;

(7)

5

- makuwa, cultivé en Extrême-Orient. Les fruits sont petits, précoces, moyennement sucrés et parfumés ;

- chinensis, également cultivé en Extrême-Orient. Les fruits sont pyriformes et la chair est de médiocre qualité.

Enfin une dernière variété botanique est représentée par dudaim dont le fruit de la taille d’une orange n’est pas consommé (Fig. 2). Il est utilisé de la Turquie à l’Afghanistan pour parfumer une pièce, en mettant les fruits mûrs dans une coupe.

2 – DIVERSITE EN FRANCE

Le melon, décrit de façon certaine par PLINE L’ANCIEN, est nommé dans le capitulaire De Villis de CHARLEMAGNE. Il a probablement continué à être cultivé dans le sud (Comtat, Provence…), mais il ne devient vraiment important qu’à la Renaissance. Il est alors représenté par de nombreux botanistes. En 1752, DE COMBLES cite une dizaine de variétés et l’édition de 1792 du Bon Jardinier décrit une quinzaine de variétés tout en insistant sur les six meilleures. JACQUIN en 1832 décrit plus de 80 variétés (JACQUIN, 1832). La plupart porte des noms de lieux, souvent étrangers (melon de Séville, de Madère, de Candie…). Ces variétés étaient-elles réellement cultivées en France ou bien, ressources génétiques avant l’heure, étaient-elles seulement présentes chez des « collectionneurs » ? La même question peut se poser pour les descriptions de Ch. NAUDIN au Muséum (NAUDIN, 1859) ou de VILMORIN (VILMORIN-ANDRIEUX & CIE, 1925).

Différents recoupements permettent de penser qu’environ une trentaine de variétés principales étaient cultivées de façon significative en France, avec pour certaines d’entre elles des cultivars proches et de très nombreuses synonymies. Par exemple :

- le « Melon maraîcher » ou « Melon français » ou « Melon commun » ou « Gros morin » ou « Tête de Maure » ;

- le « Melon des Carmes » dont on peut distinguer le long, le rond, celui à écorce blanche et celui à graine blanche ;

- le « Cantaloup petit Prescott fond noir », le « Cantaloup gros Prescott fond noir », le « Cantaloup Prescott fond blanc », le « Cantaloup Prescott à ombilic saillant » ou « Prescott cul de singe », le « Cantaloup gros Prescott fond blanc » (Fig. 3).

Ces cultivars appartenaient à plusieurs variétés botaniques : cantalupensis, reticulatus et inodorus. La plupart était destinée à des marchés locaux, en particulier à cause de la faible durée de conservation après récolte des types cantalupensis et reticulatus. Le type inodorus plus tardif était cultivé essentiellement dans le Sud de la France : « Olive d’hiver »,

« Melon de Pourrières », « Cavaillon espagnol », « Melon blanc d’Antibes d’hiver » en sont des représentants (Fig. 3).

Une réduction drastique de la diversité s’est faite dans la seconde moitié du XXe siècle et aujourd’hui seul le cultigroupe « Charentais » est présent de manière significative sur les marchés. Par ailleurs, ce type n’est consommé qu’en France. Le « Charentais » est très probablement le descendant du « Cantaloup hâtif de vingt-huit jours » déjà connu au début du XIXe siècle. On reconnaissait à cette époque sa bonne qualité gustative, mais il était surtout apprécié pour sa précocité : une trentaine de jours entre la floraison et la maturité alors qu’il faut le double pour les types tardifs. Globalement, la qualité de la chair orange, fondante, sucrée et surtout très aromatique a imposé ce type. Demande des producteurs de melon ou demande des consommateurs ? Il est difficile de le dire, mais toujours est-il que les sélectionneurs ont travaillé presque exclusivement ce type pour le marché français. Il n’y a

(8)

6

pas eu d’essais d’homogénéisation ni d’amélioration des « Sucrin de Tours » (Fig. 3),

« Prescott », « Petit gris de Rennes », « Noir des Carmes » ou « Maraîcher d’Avignon ».

3 – AMELIORATION DU CULTIGROUPE « CHARENTAIS »

Malgré l’étroitesse du marché, le « Charentais » est cependant l’un des cultigroupes où des efforts importants de sélection utilisant une partie de la variabilité de l’espèce ont été réalisés. Quelques exemples permettent de l’illustrer.

3.1 – Biologie florale

Les melons sauvages de l’espèce C. melo, comme la plupart des cucurbitacées, sont monoïques, c’est-à-dire que des fleurs mâles et des fleurs femelles sont présentes sur la même plante (Fig. 4). Cependant de nombreux cultigroupes sont andromonoïques avec des fleurs mâles et des fleurs hermaphrodites sur la même plante. Ce caractère (monoïque/andromonoïque) est sous contrôle monogénique, l’allèle andromonoecious (symbole a) étant récessif. Les « Charentais » traditionnels sont andromonoïques. La production de semences hybrides F1 avec une lignée andromonoïque servant de parent femelle, nécessite une castration manuelle des fleurs hermaphrodites. L’opération est relativement rentable puisqu’une pollinisation réussie permet la production de 300 à 500 graines. Cependant, d’autres systèmes ont été développés comme la stérilité mâle nucléaire (cinq gènes récessifs sont disponibles), par exemple par la société CLAUSE (LECOUVIOUR et al., 1990). Le sélectionneur de melon de la société TEZIER, Raymond MORLE, a choisi d’utiliser la monoécie pour faciliter la production de semences hybrides F1 sans castration du parent femelle. L’introduction « brutale », c’est-à-dire par rétrocroisements successifs en sélectionnant uniquement sur la biologie florale, de l’allèle a+ contrôlant la monoécie dans une lignée de « Charentais » aboutit à un fruit de gros calibre et ovale. Un gène Oval fruit shape, lié à a, a été décrit (WALL, 1967). Cette observation de sélectionneur a été analysée plus finement, soit avec des lignées quasi-isogéniques (PÉRIN et al., 2002), soit en traitant des boutures de plantes monoïques avec du nitrate d’argent (RISSER, 1984). Cet inhibiteur de la synthèse de l’éthylène induit la formation d’étamines dans les fleurs femelles, transformant temporairement une plante monoïque en plante andromonoïque. Dans les deux cas (lignées quasi-isogéniques ou traitement avec AgNO3), l’absence d’étamines dans les fleurs femelles se traduit par des fruits plus allongés. Or un « Charentais » doit être rond. En fait, il ne s’agit pas d’une liaison génétique mais d’un effet épistatique du gène a suivant le fond génétique. R.

MORLE, en partant de « Cantaloup d’Alger » variété monoïque à fruit aplati, a dû faire une sélection sévère pour ne conserver que des petits fruits ronds sur des plantes monoïques. Les premières variétés hybrides F1 monoïques, « Roméo » puis « Alpha », ont été inscrites au catalogue officiel en 1979 et 1981 respectivement. Actuellement la majorité des cultivars de

« Charentais » est monoïque.

3.2 – Conservation du fruit après récolte

Le melon est l’une des rares espèces chez laquelle existent les deux grands types de maturation du fruit. Le premier dit climactérique est caractérisé par la synthèse autocatalytique d’éthylène, le changement de couleur de l’écorce et la déhiscence du pédoncule du fruit, le développement d’arôme typique, le rapide ramollissement du fruit après la maturité. Chez le second type, sans crise climactérique, le stade de maturité du fruit est difficile à reconnaître et les fruits peuvent être de très longue durée de conservation allant jusqu’à plusieurs mois à température ambiante.

L’un des inconvénients du type « Charentais », ainsi que de nombreux autres types climactériques, est la faible durée de conservation du fruit après maturité. La maturité du fruit

(9)

7

est repérée par le changement de couleur de l’écorce et la déhiscence du pédoncule. La récolte de fruits immatures se traduit par une faible teneur en sucre et un manque d’arôme. Jean-Paul GINOUX, de la société AMELIORATION DES SEMENCES LEGUMIERES, a introduit dans le type

« Charentais » le caractère de longue durée de conservation après maturité à partir d’un géniteur présentant ce phénotype. Les premières obtentions, dont la variété « Dalton » (inscrite en 1991) est aujourd’hui encore très cultivée, ont abouti à des variétés ressemblant à des « Charentais » par leur fruit sphérique, leur chair orange et leur teneur en sucre, mais avec une écorce du fruit restant verte à maturité et de longue durée de conservation. Cependant, ces variétés sont peu aromatiques et un compromis entre la durée de conservation et la qualité aromatique a été trouvé avec les variétés dites de conservation intermédiaire dont « Lunastar » est un exemple. On distingue donc actuellement les types dont l’écorce reste verte à maturité et dont la durée de conservation est de l’ordre d’une quinzaine de jours, des types à écorce jaunissante. Ces derniers sont eux-mêmes subdivisés en « Charentais classique » et

« Charentais intermédiaire » dont la durée de conservation est de l’ordre de 8 jours. Ils représentent actuellement la majorité des melons commercialisés en France.

3.3 – Résistances aux bioagresseurs

Le melon est sensible à de nombreux agents pathogènes. Le gène Fom-1 de résistance aux races 0 et 2 de Fusarium oxysporum melonis, agent du flétrissement du melon, a été mis en évidence dans certaines populations traditionnelles de « Charentais ». Mais tous les autres gènes de résistance ont été introduits à partir de géniteurs plus ou moins éloignés (Tableau 1). Des évaluations ont été conduites pour trouver des sources de résistance aux bioagresseurs (PITRAT et al., 1996). Ainsi, la résistance à la race 1 de F. oxysporum melonis est relativement fréquente dans des accessions originaires d’Asie centrale et d’Extrême- Orient, alors que la résistance à la race 1-2 n’a été mise en évidence que dans quelques accessions d’Extrême-Orient. La résistance au virus de la mosaïque du concombre (CMV) n’a été trouvée que dans des accessions d’Extrême-Orient, au virus de la mosaïque jaune de la courgette (ZYMV) dans une accession indienne, au virus des taches annulaires du papayer (PRSV) également dans des accessions indiennes. La résistance à la colonisation par le puceron Aphis gossypii et à la transmission des virus par ce puceron a été mise en évidence dans des accessions indiennes et d’Extrême-Orient. Les résistances aux différentes races d’oïdium (Sphaerotheca fuliginea) ainsi qu’au mildiou (Pseudoperonospora cubensis) ne se trouvent que dans des accessions indiennes.

Deux conclusions peuvent être retirées de ces évaluations :

- l’Inde et l’Extrême-Orient sont les origines géographiques de la plupart des résistances aux maladies ;

- quelques accessions cumulent de nombreuses résistances : par exemple MR-1, de type momordica originaire de l’Inde, est résistant à l’oïdium, au mildiou, au Fusarium races 0, 1 et 2 ainsi qu’à Alternaria cucumerina ; PI 414723, également de type momordica originaire de l’Inde, est résistant au puceron Aphis gossypii, au virus de la jaunisse des cucurbitacées transmise par pucerons (CABYV), au ZYMV, au PRSV ainsi qu’au Fusarium et à l’oïdium ; PI 161375, de type chinensis originaire de Corée, est résistant au puceron A. gossypii, au virus de la criblure du melon (MNSV), au CMV et au Fusarium races 0 et 1.

L’introduction de résistances aux maladies venant de ces types « exotiques » dans le cultigroupe « Charentais » nécessite un important travail de sélection. On peut citer les travaux de Georgette RISSER (INRA) d’introduction dans le type « Charentais » des résistances aux différentes races de F. oxysporum melonis. Parfois, des travaux d’amélioration ont déjà été réalisés dans des types variétaux assez proches du groupe « Charentais » ; c’est le cas en particulier pour certaines résistances à l’oïdium qui ont été introduites dans le type

« cantaloup américain » depuis les années 1930-1940 (JAGGER et SCOTT, 1937 ; PRYOR et

(10)

8

al., 1946). Les hauts niveaux de résistance à l’oïdium sont souvent liés à des nécroses du feuillage qui apparaissent dans certaines conditions (jour court, faible ensoleillement, forte charge en fruit, déséquilibre de la fertilisation…). La résistance à l’oïdium est nettement dominante alors que la nécrose est récessive, justifiant l’intérêt des hybrides F1. En utilisant ces géniteurs américains, Louis HEDDE de la société Caillard a créé en 1973 « Pharo », premier hybride F1 commercial de type « Charentais » et de plus résistant à l’oïdium.

4 – RESSOURCES GENETIQUES

Il existe bien entendu des grandes collections de melon au niveau mondial. La plus importante est probablement la banque nord-américaine (National Plant Germplasm System) avec environ 3000 accessions. Il est difficile de connaître l’état exact de la collection de l’Institut Vavilov en Russie.

La collection française comporte environ 2000 accessions. Les ressources génétiques sont maintenues depuis 1996 par un réseau associant l’INRA et neuf sélectionneurs privés. La plus grande partie des accessions a été apportée par l’INRA qui avait constitué, par échange avec différents laboratoires ou chercheurs, une collection depuis les années 1950. Plusieurs centaines d’accessions ont été également apportées par la société SEMINIS en 2001. Les accessions sont décrites progressivement en utilisant environ 25 descripteurs dont la plupart concerne le fruit. De nombreuses évaluations pour les résistances aux maladies ont également été réalisées. L’ensemble des informations sur les données passeport classiques, les descriptions, les résistances aux maladies et des photos est regroupé dans une base de données.

Les semences de la totalité de la collection sont accessibles à toute personne ou laboratoire qui en fait la demande. La collection nationale regroupe la plupart des anciennes variétés françaises ainsi que quelques lignées de sélection, soit au total un peu moins de 100 accessions. La base de données est consultable sur le site internet http://www.avignon.inra.fr/rg_melon/public. Les informations sur le reste de la collection sont réservées aux membres du réseau. La disponibilité de semences identifiées et de bonne qualité germinative est évidemment un minimum pour une collection de ressources génétiques. Mais, la qualité des informations sur les accessions et l’accès à ces informations sont également très importants.

5 – CONCLUSIONS

Du point de vue du consommateur français, la perte de variabilité au cours du XXe siècle est indéniable. L’offre de la production française s’est concentrée sur le cultigroupe

« Charentais ». On peut parfois trouver sur les marchés des melons du type « Petit gris de Rennes » ou « Canari », mais leur importance économique est marginale. Cependant, cette variabilité n’est pas perdue ; elle est maintenue dans la collection nationale.

Les ressources génétiques, c’est-à-dire le pool génique primaire avec les formes sauvages et cultivées de l’espèce, ont été utilisées pour « enrichir » le cultigroupe

« Charentais » ainsi que d’autres types variétaux. Les exemples présentés sur la biologie florale, la qualité du fruit et les résistances aux bioagresseurs en sont une illustration.

BIBLIOGRAPHIE

JACQUIN, P.J. 1832. Monographie complète du melon, contenant la culture, la description et le classement de toutes les variétés de cette espèce, suivies de celles de la pastèque à chair fondante avec

(11)

9

la figure de chacune dessinée et colorée d'après nature. Rousselon, Paris (FRA). 199 pp et XXXIII planches.

JAGGER, I.C. et SCOTT, G.W. 1937. Development of powdery mildew resistant cantaloupe No. 45.

USDA Circul. 441, 1-5.

KIRKBRIDE, J.H. 1993. Biosystematic Monograph of the Genus Cucumis (Cucurbitaceae). Parkway publishers, Boone (USA). 159 pp.

LECOUVIOUR, M., PITRAT, M. et RISSER, G. 1990. A fifth gene for male sterility in Cucumis melo. Cucurbit Genet Coop Rep 13, 34-35.

MOHAMED, E.T.I. et PITRAT, M. 1999. Tibish, a melon type from Sudan. Cucurbit Genet Coop Rep 22, 21-23.

NAUDIN, C. 1859. Essais d'une monographie des espèces et des variétés du genre Cucumis. Ann Sci Nat 11, 5-87.

PÉRIN, C., HAGEN, L.S., GIOVINAZZO, N., BESOMBES, D., DOGIMONT, C. et PITRAT, M.

2002. Genetic control of fruit shape acts prior to anthesis in melon (Cucumis melo L.). Mol Genet Genom 266, 933-941.

PITRAT, M., RISSER, G., BERTRAND, F., BLANCARD, D. et LECOQ, H. 1996. Evaluation of a melon collection for diseases resistances. In: GÓMEZ-GUILLAMÓN M.L., SORIA C., CUARTERO J., TORÈS J.A. et FERNANDEZ-MUNOZ R. (Eds), Cucurbits toward 2000. VIth EUCARPIA meeting on Cucurbit Genetics and Breeding, Málaga (ESP), 28-30/05/1996, 49-58

PITRAT, M., HANELT, P. et HAMMER, K. 2000. Some comments on infraspecific classification of cultivars of melon. In: KATZIR N. et PARIS H. (Eds), Cucurbitaceae 2000, VIIth EUCARPIA Meeting on Cucurbit Genetics and Breeding, Ma'ale Hahamisha (ISR), 19-23/03/2000. Published by Acta Horticulturae (ISHS), 510, 29-36

PRYOR, D.E., WHITAKER, T.W. et DAVIS, G.N. 1946. The development of powdery mildew resistant cultivars. Proc Amer Soc Hortic Sci 47, 347-356.

RISSER, G. 1984. Correlation between sex expression and fruit shape in muskmelon (Cucumis melo L.). In: Cucumis and Melon's 84. 3rd meeting EUCARPIA, Plovdiv (BUL), 2-5/07/1984, 100-103 VILMORIN-ANDRIEUX & CIE. 1925. Les plantes potagères. Description et culture des principaux légumes des climats tempérés. Vilmorin-Andrieux & Cie, Paris (FRA). 812 pp.

WALL, J.R. 1967. Correlated inheritance of sex expression and fruit shape in Cucumis. Euphytica 16, 199-208.

Journée de l’ASF du 5 février 2004

(12)

10

Fig 3. Trois anciennes variétés françaises : Prescott à fond blanc de Paris (en haut à gauche), Sucrin de Tours (en haut à droite) et melon de Pourrières (en bas).

Fig 1. Deux types de melon non sucrés consommés immatures :

conomon (à gauche) et flexuosus (à droite).

Fig 2. C. melo dudaim, melon non consommé mais utilisé pour parfumer une pièce.

Fig 4. Fleurs femelle, hermaphrodite et mâle (de gauche à droite) de melon.

Les accessions sont soit monoïques

(fleurs femelles et mâles sur la même plante), soit andromonoïques (fleurs hermaphrodites et mâles sur la même plante).

(13)

Tableau 1. Quelques exemples de résistances aux maladies introduites ou en cours d’introduction dans le cultigroupe « Charentais ». Agent pathogène Contrôle génétique Lignée Origine géographique Variété botanique Fusarium oxysporum melonis races 0 et 2 races 0 et 1 race 1-2 Fom-1 Fom-2 polygénique récessif

Doublon CM 17187 Ogon 9

France Extrême-Orient Japon

cantalupensis makuwa makuwa Mildiou (Pseudoperonospora cubensis)polygénique MR-1 Inde momordica Oïdium (Sphaerotheca fuliginea) nombreuses races Monogénique (nombreux gènes) LJ 525, PI 79376 MR-1, PI 124112… Inde Inde divers Aphis gossypii Vat PI 161375 PI 414723 Corée Inde chinensis momordica Virus de la criblure du melon (MNSV) nsv PI 161375 PMR 5 Corée USA chinensis reticulatus Virus de la mosaïque du concombre (CMV) polygénique récessif PI 161375 Freeman’s cucumber Corée Chine chinensis conomon Virus de la mosaïque jaune de la courgette (ZYMV) Zym PI 414723 Inde momordica Virus des taches annulaires du papayer (PRSV) Prv1 Prv2PI 180280 PI 180283 Inde Inde agrestis Virus de la jaunisse des cucurbitacées transmise par pucerons (CABYV) 2 gènes récessifs PI 124112, PI 414723 PI 255478 Inde Corée momordica makuwa

(14)
(15)

"Le Sélectionneur Français" 2005 (55), 13-22

DOMESTICATION ET AMELIORATION POUR UN ELARGISSEMENT DE LA GAMME DES ESPECES LIGNEUSES D’ORNEMENT

Alain CADIC

INRA, CR ANGERS, UMR Génétique et Horticulture INRA/INH/UA (GenHort) 42 Rue Georges Morel, BP 60057, 49071 Beaucouzé cedex 1

Les espèces d’ornement présentent un ensemble de caractéristiques spécifiques qui les distinguent notablement des autres espèces cultivées horticoles et agricoles et qui expliquent les particularités de leur sélection, de leur conservation au titre de ressources génétiques et de leur diffusion. L’analyse de l’impact de l’amélioration génétique sur la diversité génétique de ces espèces doit prendre en compte ces particularités.

Il s’agit en effet de productions non alimentaires employées à l’amélioration du cadre de vie. Ce statut les rend marginales au regard des enjeux mondiaux d’alimentation et de santé humaine et ne permet donc pas d’attirer les capitaux structurants par le biais de projets internationaux. L’essentiel de l’activité de sélection et de recherche-expérimentation est conduit par des entreprises privées, voire par des amateurs organisés ou non au sein de sociétés nationales ou internationales (Rose, Camélia, Rhododendron, Hémérocalles, Lis, ....).

La demande de la société est très forte, en particulier, dans les pays à fort niveau de vie et dans tous ceux qui accordent aux fleurs une importance religieuse ou sociologique. En France, la balance commerciale des échanges est déficitaire tous les ans depuis plus de 35 ans ; le déficit entre les importations et les exportations avoisine 800 millions d’euros en 2003 et la croissance de la consommation reste soutenue même si elle fluctue avec l’évolution du pouvoir d’achat. L’engouement pour le végétal d’ornement répond à des besoins profonds dans toutes les sociétés humaines (besoins de nature pour les sociétés urbaines, rites sociaux et religieux pour beaucoup, ....). En France, le concours des villes et villages fleuris, le développement de manifestations horticoles de toutes natures ne sont que l’expression la plus évidente de ce besoin.

Pour répondre aux attentes du consommateur français, le secteur de production, constitué, souvent mais pas exclusivement, d’entreprises familiales, est dynamique même s’il est très mal organisé. Il s’agit d’un secteur de production à caractère plus industriel qu’agricole même s’il est rattaché administrativement à ce domaine. La concurrence internationale s’y exerce de longue date, dominée actuellement par les Pays-Bas ; depuis

(16)

14

quelques années, on peut même assister à une délocalisation des productions (fleurs coupées vers l’Amérique du Sud ou l’Afrique, boutures racinées vers l’Asie, ...). La production n’est pas soumise à la PAC et les producteurs ne reçoivent que très peu d’aides de l’état.

La production est organisée en cinq filières (bulbes, plantes à massif, fleurs coupées, plantes en pot, pépinière [plantes vivaces et ligneuses]). La production des essences ligneuses destinées principalement à l’ornementation des surfaces extérieures (jardins, balcons, terrasses, patios, ...), dont il sera plus spécialement question dans la suite, ne représente donc qu’une partie de l’ensemble des espèces cultivées.

Bien que la diversité des genres, espèces et variétés cultivées soit déjà immense, le besoin d’une diversification encore plus importante est sensible et la demande de nouvelles variétés constante. Depuis la fin des années 1980, plusieurs congrès internationaux ont été organisés sous l’égide de l’ISHS1 pour traiter de nouvelles productions ornementales. Il s’agit là d’un domaine d’activité spécifique à l’ornement et sans doute aux espèces à vocation pharmaceutique et médicinale et, dans une bien moindre mesure, aux autres espèces horticoles (maraîchères et fruitières). L’importance de la création variétale, bien que difficile à apprécier en l’absence de données, est réelle. Depuis 1995, dans le cadre de la protection européenne administré par l’OCVV2, 57% des 12.000 titres de protection ont été accordés (60% des 18.000 demandes) à des variétés d’espèces d’ornement. Pour les espèces à multiplication végétative surtout, la protection est assurée de plus en plus fréquemment à la fois par un Certificat d’Obtention Végétale (COV) et par une Marque Commerciale distinguée par le symbole .

Contrairement aux autres espèces agricoles et horticoles, il n’existe pas de catalogue géré par le CTPS3 pour les variétés d’ornement (à l’exception notable des gazons). Cette situation explique, sans doute, la faiblesse relative du réseau d’expérimentation qui n’entreprend que de manière très occasionnelle des essais comparatifs entre variétés. La filière, des obtenteurs de variétés aux premiers utilisateurs que sont les producteurs, ne revendique aucun changement de cette situation. Il en découle tout de même qu’en matière de variétés, le mieux côtoie souvent le pire et que le consommateur final n’a que peu d’éléments de choix.

La plus grande partie des genres et espèces botaniques d'ornement qui font partie de la gamme cultivée sont exotiques. Elles ont été introduites en Europe progressivement au fur et à mesure de la découverte puis de l’exploration des continents. La figure 1 illustre ce fait de manière très sommaire. Le très (trop ?) populaire Thuja est nord-américain, le mimosa de la Côte d’Azur n’a pu y acquérir sa célébrité que depuis 1820, lorsqu’il a été introduit d’Australie. Le Robinia pseudo-acacia, devenu acacia commun dans le langage courant n’a acquis cette qualité que depuis le milieu du 17ième siècle lorsqu’il a été introduit du Canada.

Les exemples sont trop nombreux pour être tous cités.

Il en résulte que la variabilité présente dans les collections est relativement faible, les introductions de quelques plantes, au mieux de quelques graines, ne sont pas représentatives de la variabilité naturelle. Selon les espèces végétales concernées, cette variabilité est elle- même plus ou moins importante. Dans la figure 2, cette situation contrastée est illustrée par quelques exemples tels le chèvrefeuille (Lonicera) présent dans l’ensemble de l’hémisphère Nord ou le berbéris (Berberis) présent à la fois dans le même hémisphère et dans la cordillère des Andes du Nord au Sud. Les platanes (Platanus) occupent deux aires disjointes de faibles dimensions à l’est (bassin méditerranéen) et à l’ouest (du Tennessee à la Californie), l’une des espèces de bruyère (Erica) occupe également deux aires disjointes l’une au nord, en Europe, l’autre au sud (Rép. Sud-africaine). Enfin, le genre Pachystegia occupe une aire limitée au sud

1 ISHS : International Society for Horticultural Science

2 OCVV : Office Communautaire des Variétés Végétales

3 CTPS Comité Technique Permanent de la Sélection

(17)

15

de la Nouvelle Zélande et le genre Kolkwitzia, originaire de Chine, n’est connu que par une seule espèce botanique K. amabilis et seulement deux variétés, dont une seule est fréquente dans les jardins d’Europe et d’Amérique.

Figure 1 – Origine de quelques espèces ligneuses d’ornement (à titre d’exemple)

Figure 2 – La variabilité génétique dépend des genres botaniques

Ces introductions ont parfois des conséquences fâcheuses. Certaines espèces peuvent trouver dans leur nouvel habitat des conditions pédo-climatiques et biologiques qui favorisent leur expansion au détriment de la flore indigène, elles sont alors qualifiées d’invasives. Les cas de plantes d’ornement introduites et devenues invasives sont connus : le chèvrefeuille du Japon (Lonicera japonica) aux Etats-Unis, l’ajonc (Ulex europaeus) en Nouvelle Zélande, le buddleia ou arbre aux papillons (Buddleja sp.) qui, sans causer de réels dommages, tend à devenir une plante rudérale. En mars 2002, S. Muller (Université de Metz) a établi une liste de plantes considérées comme invasives sur le territoire français métropolitain. Sur les 42 genres ou espèces répertoriées, un peu plus d’une demi-douzaine ont un intérêt ornemental ou ont pu être introduites dans la perspective d’une utilisation décorative. On peut citer le mimosa (Acacia dealbata), le buddleia déjà mentionné (Buddleja davidii), le faux vernis du japon ou ailante (Ailanthus altissima), certains érables dont le negundo (Acer negundo), le séneçon en arbre (Baccharis halimifolia), le cerisier tardif (Prunus serotina), le rhododendron pontique

Lonicera et Berberis Lonicera,

Berberis

Berberis

Kolkwitzia

Pachystegia Erica

Erica

Platanus Platanus

Thuja

Fuchsia

Araucaria

Hortensia (Hydrangea)

Protea

Mimosa (Acacia) Eucalyptus Pivoine (Paeonia) Gingko, Camellia, Magnolia Magnolia

Passiflora

Hibiscus syriacus

(18)

16

(Rhododendron ponticum), le robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia) et pour les non ligneux, des asters (Aster novi-belgii), l’herbe de la Pampa (Cortaderia selloana) ou la verge d’or du Canada (Solidago canadensis). Même si l’on peut considérer ce nombre comme élevé, il reste faible eu égard à la quantité des espèces introduites par l’homme en Europe au cours des cinq derniers siècles et plus particulièrement du 18ième au milieu du 20ième.

Un grand nombre de plantes ligneuses d’ornement sont multipliées par voie végétative et principalement par bouturage horticole classique. Pour ces espèces, les étapes de création de variabilité génétique et de sélection sont quasi concomitantes et il n’y a pas d’étape de fixation. Le but est d’obtenir le plus rapidement possible la meilleure combinaison génétique. Celle-ci peut, sans problème, être associée, par exemple, à la stérilité (sauf s’il est nécessaire d’envisager un second cycle de sélection) ou à d’autres caractères impossibles à fixer par reproduction sexuée (panachure du feuillage, par exemple). Ces espèces se prêtent donc assez bien à l’emploi de la mutagenèse ou de l’hybridation interspécifique pour accroître la variabilité génétique. L’une des difficultés rencontrées porte sur le choix du pool génétique de départ qui peut être trop restreint ou mal connu au plan génétique, la situation la plus fréquente.

Les ressources génétiques sont conservées dans des arboretums tels l’Arboretum National des Barres dans le Loiret, l’Arboretum de Chèvreloup dans les Yvelines ou au Jardin de la Villa Thuret, à proximité d’Antibes (Alpes Maritimes) et géré par l’INRA, pour ne citer que quelques exemples français. L’accès aux ressources détenues par les grands arboretums européens ou américains est assez facile et offre des ressources très nombreuses. Les producteurs pépiniéristes détiennent également des collections assez riches dans les carrés de pieds-mères maintenus pour la multiplication ; certains, telles les Pépinières Minier, près d’Angers (Maine-et-Loire), ont même mis en place un véritable arboretum de collection.

Enfin, et ceci constitue sans doute aussi une originalité du domaine ornemental, des amateurs ou des institutions telles que les villes entreprennent la mise en place de collections spécifiques ou thématiques (Angers-Hydrangea, Nantes-Magnolia, Rouen-Fuchsia, Bourges- Pelargonium, Toulon-Palmiers, ...). Tous ces efforts de conservation sont plus ou moins fédérés. Au plan international, il existe un réseau des jardins botaniques auquel les arboretums français d’importance adhèrent ; des sociétés internationales, le plus souvent anglo-saxonnes, regroupent les collectionneurs de genres botaniques (Camellia, Rhododendron, ...). En France, le Conservatoire des Collections Végétales Spécialisées (CCVS) a mis en place un réseau des collectionneurs de plantes d’ornement à multiplication végétative qui, au début 2002 comprenait 236 collections spécialisées spécifiques (Acer, Ligustrum, Lonicera, ...) ou thématiques (conifères nains, fougères tropicales, ...). Actuellement, le Bureau des Ressources Génétiques (BRG) n’est impliqué que dans le fonctionnement de trois réseaux (Hydrangea, Pelargonium, Rosa) et il semble difficile de faire plus.

La gestion des collections ex situ soulève un certain nombre de difficultés qui peuvent affecter le maintien de la diversité génétique exploitable. Il est hors de propos de développer ce point, on se contentera donc de mentionner quelques-unes d’entre elles. Le financement n’est sans doute pas le moindre et, depuis longtemps, le financement privé a pris une part importante qui pose la question de l’accessibilité des ressources génétiques et de leur pérennité. Chez les plantes pérennes, l’état sanitaire peut être compromis par l’accumulation de viroses. Enfin, la question de l’identification précise des plantes conservées reste en suspens, en particulier, lorsque les espèces ont été introduites à partir de graines, soit directement des zones de diversification, soit, pire encore, lorsqu’elles résultent d’échanges.

In situ, les espèces à vocation ornementale sont soumises aux pressions qui affectent de manière plus générale la biodiversité (déforestation, mise en culture, construction, ...).

Beaucoup d’espèces sont encore exploitées directement par cueillette, c’est le cas de celles qui sont employées pour la production de fleurs séchées en Inde et en Afrique du Sud, par

(19)

17

exemple, ou pour la production du feuillage coupé frais utilisé pour la confection des bouquets. Comme pour les autres espèces cultivées, la phase de domestication peut être suivie d’une phase de mise en culture qui nécessite le développement d’études de phytotechnie, une phase encore très active actuellement dans le cas des protéacées. Celles qui ont passé ces différentes étapes peuvent alors être soumises à un processus de sélection génétique afin d’en améliorer les caractéristiques selon les nécessités. Cantonnée, dans un premier temps à des stratégies de sélection massale ou d’exploitation de mutants spontanés, l’amélioration génétique peut conduire à l’exploitation d’hybrides F1 (de plus en plus fréquent chez les espèces annuelles), voire même de variétés transgéniques à l’exemple des œillets de la série MOON proposés par Suntory (Japon) et Florigene (Australie).

Dans le domaine de la pépinière ligneuse d’ornement, l’INRA, aidé par la profession regroupée en GIE4, a mis en oeuvre depuis le début des années 1970 des programmes de diversification et de création variétale. Ces espèces présentent, elles-mêmes, quelques spécificités qui permettent d’expliciter les choix faits aux diverses étapes de la stratégie d’amélioration.

Il s’agit d’espèces pérennes à cycle moyennement long (variable selon les espèces de 1-2 à 7-8 ans pour les arbustes) pour lesquelles le renouvellement variétal est plutôt lent, les très bonnes variétés pouvant durer plusieurs décennies. Nombre de ces espèces n’ont pas subi une très forte pression de sélection si bien que le progrès génétique peut être important dans un délai de temps court. Les programmes ont été établis pour des durées ne dépassant pas deux cycles, le plus souvent un seul ; de plus, lorsque les sorties de variétés sont jugées suffisantes, les programmes sont arrêtés. Ceci génère le nécessaire renouvellement des espèces au cours du temps. Ce choix a pour conséquence l’impossibilité d’approfondir les connaissances biologiques et génétiques relatives à chacune d’elle ; on peut d’ailleurs noter que même sur des espèces aussi populaires que le rosier, l’information génétique disponible est peu abondante.

Les programmes développés à Angers ont reçu dès l’origine (1972) le soutien de la profession, que ce soit pour assurer la diffusion des variétés nouvelles (SAPHO5, SNP6) ou pour participer financièrement à leur bon déroulement (GIE-SAPHYR, GIE-SAPHINOV).

Deux formes d’actions ont été conduites : l’introduction de genres et d’espèces et la sélection et création variétale conventionnelle.

L’introduction à partir de zones naturelles de diversification répondait à deux objectifs, l’un, introduire des espèces nouvelles pour répondre au besoin de diversification, l’autre, augmenter de manière plus conséquente la variabilité génétique pour quelques genres appartenant à la famille des rosacées.

Des prospections ont été entreprises en Nouvelle-Zélande, en Tasmanie, au Népal et en Chine et des provenances de graines introduites à Angers à partir de 1987. La sélection a porté essentiellement sur la rusticité et la valeur ornementale. Ainsi, des clones de Coprosma, Corokia, Eucalyptus, Hymenanthera, Leptospermum et Plagianthus résistants à des températures de –12 à –18°C en conditions naturelles ont été sélectionnés. Leur diffusion se heurte au scepticisme des producteurs qui considèrent que les plantes de Nouvelle-Zélande sont sensibles au froid ou qui, devant la nouveauté, hésitent à se lancer parce qu’ils ne savent pas quel sera le marché pour ces végétaux.

Les rosacées, et plus particulièrement les genres appartenant à la tribu des maloïdées (Malus, Pyrus, Cotoneaster, Pyracantha, Sorbus, Cydonia, Mespilus, Crataegus, ...) sont des

4 GIE : Groupement d’Intérêt Economique

5 SAPHO : Syndicat d’amélioration des espèces horticoles d’ornement (www.sapho.fr)

6 SNP : Selection New Plants (www.selectionnewplants.com)

(20)

18

hôtes de la bactérie Erwinia amylovora, l’agent responsable de la maladie de quarantaine dénommée ‘feu bactérien’. Des provenances asiatiques de Cotoneaster, Photinia, Pyracantha et Sorbus ont été introduites et testées vis-à-vis de cette bactérie par infection provoquée. Des descendances peu sensibles ont été détectées chez le Photinia et le Sorbus, mais aucune source de résistance n’a été détectée chez les deux autres.

Pour le moment, ces actions ont débouché sur la sélection et la mise au commerce (en cours) d’une variété de Pachystegia (Figure 3).

Figure 3 : ‘Hardec’, une nouvelle variété de Pachystegia insignis

Les programmes de sélection conduits sur des genres déjà connus et produits par les pépiniéristes ont permis de sélectionner et de mettre au commerce une trentaine de variétés dans des genres très divers (Tableau 1). Des présélections sont en cours d’expérimentation chez les pépiniéristes partenaires du GIE-SAPHINOV.

Les objectifs de sélection varient selon les genres botaniques, des résistances au feu bactérien ont été sélectionnées dans les genres Cotoneaster, Malus et Pyracantha, des résistances à la tavelure dans les genres Malus et Pyracantha. Des modifications de port (plus nain, plus dense) ont été recherchées et obtenues dans les genres Clematis, Forsythia et Weigela ; ces modifications peuvent également correspondre à une extension des possibilités d’emplois, ainsi, le Forsythia ‘Courtasol’ MAREE D’OR ® est plus utilisé comme couvre sol en espace vert que comme plante isolée de jardin, l’usage banal du forsythia. Une gamme de Weigela a même été développée pour un usage massif en espace vert. Il fallait, pour cela, introduire une forte stérilité qui empêche la production de fruits facilitant ainsi un développement plus harmonieux des rameaux et limitant les interventions de taille très coûteuses en main-d’œuvre ; des clones tétraploïdes ont été produits en faisant agir de la colchicine sur des micro-boutures cultivées in vitro puis utilisés dans un programme de croisements destinés à produire des triploïdes qui ont été sélectionnés sur leur valeur ornementale. Les variétés 'Courtalor' CARNAVAL ®, 'Courtamon' FELINE ®, 'Courtanin' NAIN ROUGE ®, et 'Courtared' LUCIFER ® sont issues de ce programme.

La gamme de techniques de création de variabilité génétique qui peuvent être employées est assez large, incluant par exemple la variation somaclonale, la fusion de

(21)

19

protoplastes et la transformation génétique. Une variété de lavatère plus compacte, aux fleurs d’un coloris plus intense et plus grandes a été obtenue par régénération sur cals repiqués plusieurs fois. Dans l’UMR GenHort7 nouvellement constituée, N.Dorion (INH8) a obtenu des hybrides somatiques entre Pelargonium x hortorum et P. domesticum pour tenter d’introduire la résistance au Xanthomonas campestris du second dans le premier. Enfin, des Forsythia génétiquement modifiées ayant intégré deux gènes de la partie terminale de la chaîne de biosynthèse des anthocyanes ont été obtenues : la synthèse réelle mais peu abondante de dérivés de la cyanidine dans l’épiderme des pétales ne parvient pas à masquer complètement la synthèse des caroténoïdes jaunes dans les tissus sous-jacents ; la modification de couleur qui en résulte n’est pas suffisamment satisfaisante pour imaginer une exploitation commerciale dans les pays qui acceptent de produire des plantes transgéniques.

Tableau 1 : Liste des variétés obtenues à Angers (INRA). Techniques de création de variabilité génétique mise en oeuvre et Objectifs de sélection. (1 :résistance aux agents pathogènes, 2 :Port, 3 :Couleur, 4 :diversification d’usage

Genre Variété Marque Technique Objectifs

Buddleia 'Courtabud' OPERETTE ® Polyption in-vitro 2 Caryopteris 'Inoveris' GRAND BLEU ® Mutaèse et Hybtion 2,3 Clematis 'Cleminov 51' SAPHYRA ® Indigo Hybtion interspéc. 2,3,4

Cotoneaster 'Belka' SAPHYR ® Green Hybtion 1,2

'Courtacour' BOUCLE D'OR ® Mutaèse et Hybtion 2,4

'Courtadic' MELISA ® Mutaèse 2

'Courtalyn' WEEK-END ® Mutaèse 2

'Courtaneur' MELEE D'OR ® Mutaèse et Hybtion 2,4 'Courtasol' MAREE D'OR ® Mutaèse et Hybtion 2,4 Forsythia

'Courdijau' GOLDEN PEEP ® Mutaèse et Hybtion 2,4 Lavatera 'Inovera' CHAMALLOW ® Vartion somaclale 2,3

'Courtabri' POMZAÏ ® Hybtion 1,2

'Courtarou' COCCINELLA ® Hybtion 1,3

Malus

'Evereste' PERPETU ® Hybtion 1

Pachystegia 'Hardec' (à déposer) Hybtion naturelle 4

'Cadange' SAPHYR ® Orange Hybtion 1

'Cadaune' SAPHYR ® Jaune Hybtion 1

Pyracantha

'Cadrou' SAPHYR ® Rouge Hybtion 1

'Courtapli' VERIGOLD ® Hybtion 3

Thuja

'Courtatu' VERIVER ® Hybtion 3,4

'Courtadur GRENADINE ® Mutaèse 2,4

'Courtalor' CARNAVAL ® Polyption et hybtion 3,4 'Courtamon' FELINE ® Polyption et hybtion 4

'Courtanin' NAIN ROUGE ® Mutaèse 2,4

'Courtared' LUCIFER ® Polyption et hybtion 3,4

'Courtatom' COULEUR D'AUTOMNE ®Mutaèse 3

Weigela

'Courtavif' RUBIVIF ® Mutaèse 3

Concernant les espèces à vocation ornementale, on retiendra qu’en dépit de la diversité existante, les demandes d’accroissement de cette diversité et de renouvellement

7 UMR GenHort : Unité Mixte de Recherche Génétique et Horticulture (INRA, INH, Univ. Angers)

8 INH Institut National d’Horticulture

(22)

20

variétal sont très fortes. L’absence presque totale de réglementation (sauf protection intellectuelle sur les variétés et contrôle sanitaire à l’égard des parasites de quarantaine) favorise l’internationalisation du marché et ouvre la compétition entre sélectionneurs. Ceux-ci sont encore très fréquemment des amateurs ou des petites sociétés qui, à côté de leur activité de production, développent pour leur compte ou pour d’autres leur propre gamme variétale.

Au foisonnement des espèces se superpose celui de variétés dont la valeur réelle n’est pas toujours correctement appréciée.

D’origine exotique pour la plupart, les espèces ornementales occupent des aires de diversification qui sont parfois gravement menacées. L’introduction en Europe et la mise en place de collections assurent, avec les inconvénients inhérents, la conservation de la diversité variétale et d’une faible part de la diversité spécifique. Un mouvement privé et institutionnel s’emploie tant bien que mal à maintenir ces collections de ressources génétiques.

La sélection entreprise dans les pays industrialisés est a priori sans effet sur la flore locale ou même sur l’évolution des espèces voisines dans les aires de diversification. Le caractère potentiellement invasif de ces introductions commence à être pris en compte.

Pour les espèces ligneuses de la pépinière ornementale, le renouvellement variétal est en général assez lent, les rosiers, rhododendrons et d’autres faisant exception ; les variétés réellement marquantes sont peu nombreuses et ne concurrencent pas totalement les variétés plus anciennes ou moins bonnes. La substitution n’est jamais totale et l’absence de catalogue contribue à maintenir cette situation. Beaucoup de variétés sélectionnées résultent d’hybridations souvent complexes incluant l’hybridation interspécifique quand ce n’est pas inter-subgénérique ; la multiplication végétative favorise le maintien d’une très forte hétérozygotie, source d’une diversité potentiellement exploitable.

Bibliographie

Bellenot-Kapusta V., Chartier R., Brisset MN, Paulin JP. -2002- Selection of a genotype of Cotoneaster with a high level of resistance to fire blight. Acta Horticulturae 590, 385-392.

Cadic A., -2000- Modification génétique des espèces horticoles. Jardins de France, Décembre 2000.

12 : 30-35

Cadic A., Widehem C. -2001- Breeding goals for new ornamentals. XX EUCARPIA Symposium on New Ornamentals, Melle (Belgique), 3-6 july 2001. Acta Horticulturae 552 : 75-83.

Cadic, A. –1996- Diversification des espèces ornementales : exemple à l'INRA d'Angers. PHM Revue Horticole 376 : 23-25

Cadic, A., Bertrand, H., Lejeune, D. –1997- La diversification végétale en pépi nière ornementale : une nécessité, des moyens. Colloque « La plante dans la ville », Angers (France), 5-7 Novembre 1996.

INRA (Eds.), « Les Colloques », 84 : 285-293

Cadic, A., Harris, W. –1998- New Zealand plants grown in France. In : Burrows, C.J.;Etienne Raoul and Canterbury Botany 1840-1996. Ed. Canterbury Botanical Society, Manuka Press, New Zealand.

79-87

Cadic, A., Lejeune, D. –2003- La variabilité en horticulture ou les plantes au bal masqué. 1ère partie.

Jardins de France. Juin 2003 : 22-29

Cadic, A., Lejeune, D. –2003- La variabilité en horticulture ou les plantes au bal masqué. 2e partie. Le nom des plantes et la protection variétale. Jardins de France juillet 2003 : 30-32

Decourtye, L., Cadic, A. –1991- Une tournée botanique au Népal : impressions de retour. Phytoma 431 : 10-13

(23)

21

Decourtye, L., Cadic, A. –1993- Sélection de Pyracantha à haute performance. Comptes Rendus de l'Académie d'Agriculture de France. 79 : 67-75

Duron M., Belin J., Cadic A. -2002- Du nouveau chez les Caryopteris. Jardins de France, juillet/août, 30-33.

Duron M., Belin J., Cadic A. -2003- 'Inovera' CHAMALLOW® : nouvelle variété de lavatère pour le marché amateur obtenue par variation somaclonale. PHM-Revue Horticole, 448 (juin), 34-36.

Harris, W., Cadic, A., Decourtye, L. –2000- The acclimatization and selection of New Zealand plants for ornamental use in Europe. 19th. Symposium EUCARPIA "Improvement of Ornamental Plants";

Angers 1998/07/27-30. In : Cadic, A., Improvement ornamental plants. Acta Horticulturae 508 :191- 196

Muller S. –2002- Les invasions biologiques causées par les plantes exotiques sur le territoire français métropolitain. Etat des connaissances et propositions d'actions. Synthèse coordonnée par Serge Muller, Université de Metz (57) pour le Ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, Direction de la Nature et des Paysages, Mars 2002.

Nassour, M. Chassériaux, G. Dorion, N. –2003- Optimization of protoplast-to-plant system for Pelargonium x hortorum 'Alain' and genetic stability of the regenerated plants. Plant Science 165 : 121-128

Rosati C., Simoneau P., Treutter D., Poupard P., Cadot Y., Cadic A., Duron M. -2003- Engineering of flower color in forsythia by expression of two independently-transformed dihydroflavonol 4-reductase and anthocyanidin synthase genes of flavonoid pathway. Molecular Breeding, 12 (3), 197-208.

Journée de l’ASF du 5 février 2004 – Versailles.

Impact de l'Amélioration des Plantes sur la diversité génétique

(24)
(25)

"Le Sélectionneur Français" 2005 (55), 23-32

IMPACT DE LA SELECTION SUR LA DIVERSITE DES BLES TENDRES FRANÇAIS ET CONSEQUENCES SUR LA GESTION DES COLLECTIONS

François BALFOURIER et Valérie ROUSSEL INRA

UMR 1095 Amélioration et Santé des Plantes 234 av. du Brézet

63039 CLERMONT-FERRAND Cedex

1- INTRODUCTION

Les populations de pays ou landraces de blé tendre ont été cultivées en France jusque vers le milieu du XIXe siècle, puis peu à peu remplacées par des lignées issues de sélection (BUSTARRET, 1944). L’un des premiers programmes de sélection fut en effet développé par Vilmorin durant la seconde partie du XIXe siècle. C’est ainsi que les premières variétés, pour certaines illustres comme Dattel, Massy, Trésor, Hâtif inversable, Alliés ou Paix furent inscrites au début du XXe siècle; puis de nombreux autres établissements de sélection virent le jour et développèrent de nouveaux cultivars, essentiellement en croisant au début des géniteurs issus des établissements Vilmorin. Finalement, après la seconde guerre mondiale, l’intégration conjointe de matériel exotique et de gènes particuliers (comme les gènes de nanisme) dans les programmes de sélection a conduit au développement puis l’inscription dans les dernières décennies des lignées élites les meilleures.

La pratique de la sélection par l’Homme conduit-elle automatiquement à une diminution de la diversité, comme le soutient une idée fréquemment répandue ? Telle est la question que nous nous sommes posés. Pour tenter de répondre à cette question, nous avons étudié la diversité génétique au sein d’un échantillon de 559 blés français, donc de même origine géographique, cultivés entre les années 1800 et 2000, et ce, pour deux types de marqueurs : d’une part des caractères agro-morphologiques, soumis par essence à sélection, d’autre part pour des marqueurs microsatellites considérés comme neutres vis-à-vis de la sélection. L’objet de cette étude a été de comparer le niveau et la distribution de la variabilité génétique entre accessions regroupées selon leur année d’inscription au catalogue d’une part, et leur établissement ou programme de sélection d’origine d’autre part. Puis, en second lieu nous avons tenté d’analyser les effets et conséquences de la sélection et des pratiques modernes de l’agriculture sur la diversité du blé tendre.

(26)

24 2- MATERIEL ET METHODES

Au total, 559 accessions françaises de blé tendre (Triticum aestivum) ont été échantillonnées dans la collection de blés conservés au sein du Centre de Ressources Biologiques (CRB) des céréales à paille de Clermont-Ferrand. Ces génotypes sont, d’une part de vieilles populations de pays du XIXe siècle, d’autre part des variétés sélectionnées puis inscrites entre les années 1840 et 2000. De façon à suivre le processus d’évolution dans notre échantillon, ces accessions ont été regroupées suivant un groupe de populations de pays ou landraces, et sept groupes de variétés selon leur période d’inscription (tableau 1).

Tableau 1 : Statut ou période d’inscription et nombre d’accessions correspondantes Statut ou période

d’inscription

Nombre d’accessions

Landraces 62 1840-1929 60 1930-1944 62 1945-1959 50 1960-1969 55 1970-1979 62 1980-1989 109 1990-2000 99

Les accessions étudiées ont été ensuite considérées relativement à leur établissement d’origine. Au total, 64 établissements de sélection différents ont contribué à l’inscription des 559 accessions françaises. De façon à comparer des groupes avec un nombre suffisamment grand d’accessions inscrites durant une période de temps à peu près similaire, nous avons choisi de ne considérer que les six établissements ayant produit plus de 18 accessions présentes dans notre échantillon et inscrites durant les huit dernières décennies du XXe siècle (tableau 2).

Tableau 2 : Nombre d’accessions par établissement de sélection pour une période d’inscription considérée.

Ets. de sélection Nombre d’accessions Période d’inscription

Benoist 38 1936-1998

Blondeau 23 1936-1995 Desprez 53 1932-1998

INRA 25 1935-1998

Tourneur 19 1924-1986

Verneuil-Vilmorin 35 1923-1997

L’évaluation agro-morphologique de l’ensemble du matériel a été réalisée au champ sur parcelles de trois lignes de 1.5 m par accession à Clermont et sur poquets pour les sensibilités aux maladies à Rennes. Cette évaluation a été conduite dans le cadre d’une étude exhaustive de l’ensemble des 10.000 accessions de la collection du CRB. A côté des données de passeport traditionnelles ayant servi à échantillonner nos accessions, une dizaine de caractères agro-morphologiques ont été ainsi évalués: la précocité d’épiaison, noté par le numéro du jour à partir du 1er janvier, la hauteur moyenne des plantes mesurée en cm sur la parcelle; la résistance au froid, le poids de 1000 grains estimé après récolte, la longueur des barbes sur épis, et enfin les sensibilités à la rouille jaune, la rouille brune, la septoriose et

(27)

25

l’oïdium. La valeur de ces caractères agro-morphologiques selon la période d’inscription a été testée par analyse de variance.

Dans le but d’analyser le polymorphisme neutre, un échantillon de 41 marqueurs microsatellites, donnant 42 loci polymorphes a été choisi en fonction de la localisation des marqueurs sur le génome, leur facilité d’utilisation, leur reproductibilité, leur motif et leur taux de mutation. Autant que possible, chacun des 42 loci est localisé sur un bras de chromosome différent, de façon à couvrir l’ensemble du génome du blé tendre.

Pour chaque locus microsatellite, l’indice de diversité H de NEI (1977), le nombre total d’allèles ainsi que le nombre d’allèles rares (allèles dont la fréquence est inférieure à 5%) ont été calculés pour l’ensemble des accessions.

Puis, pour caractériser la diversité génétique des huit groupes d’accessions et analyser l’évolution quantitative de cette diversité en fonction du temps, le nombre total d’allèles et le nombre d’allèles rares ont été estimés pour des échantillons de taille identique selon la méthode de raréfaction des allèles décrite par PETIT et al (1998). Les valeurs de Fst (SLATKIN, 1995) ont été calculées, en utilisant l’information sur l’ensemble des loci, pour chaque paire possible de groupe, de façon à préciser la structuration de la diversité entre groupes; puis une classification ascendante hiérarchique a été réalisée à partir de la matrice de distance Fst.

Enfin, de façon à regarder cette fois les variations qualitatives de la diversité allélique, nos avons choisi de considérer uniquement les allèles rares, car ce sont les seuls susceptibles de varier d’un groupe à l’autre.

3 –RESULTATS ET DISCUSSION

3.1- Caractères agro-morphologiques

Le tableau 3 d’analyse de variance représente l’effet de la période d’inscription sur les caractères agro morphologiques : il est toujours très significatif (P<0.001), excepté pour la résistance au froid et la rouille jaune. Les effets les plus marqués sont observables sur la hauteur des plantes, la précocité, et enfin la résistance à la septoriose et à la rouille brune.

Tableau 3 : Analyse de la variation des caractères agro-morphologiques selon la période d’inscription (ANOVA)

Caractère agro-morphologique carré moyen F p

Résistance au froid 0.71 1.94 0.061

Précocité d’épiaison 1296.65 62.17*** <0.001 Présence de barbes sur épis 15.59 9.13*** <0.001 Hauteur de la plante 33180.32 309.01*** <0.001

Sensibilité à l’oïdium 1.94 3.45** 0.001

Sensibilité à la rouille jaune 1.81 1.20 0.301 Sensibilité à la rouille brune 46.23 10.07*** <0.001 Sensibilité à la septoriose 35.53 29.42*** <0.001

Poids de 1000 grains 199.48 6.43*** <0.001

A titre d’illustration, la figure 1 nous montre l’évolution de la hauteur moyenne des plantes dans le groupe des landraces puis dans les sept groupes temporels successifs, de 1840 à 2000: on peut observer qu’en l’espace de deux siècles, la hauteur des plantes a décru en

(28)

26

moyenne de 60 cm. Ceci est le reflet de la sélection intensive pour ce caractère renforcée par l’introduction des gènes de nanisme.

Figure 1 : Evolution de la hauteur des plantes en fonction de la période d’inscription

De même, l’analyse de l’évolution de la précocité entre les landraces puis les huit groupes de variétés (figure 2) nous indique que les variétés sélectionnées sont de plus en plus précoces et qu’en moyenne les variétés les plus récentes tendent à être plus précoces d’environ deux semaines, que les variétés du XIXe siècle.

Figure 2 : Evolution de la précocité selon la période d’inscription

Landraces 1840-30 30-45 45-60 60-70 70-80 80-90 90-00

60 cm Hauteur (cm)

Groupes

Landraces 1840-30 30-45 45-60 60-70 70-80 80-90 90-00

60 cm Hauteur (cm)

Groupes

Landraces 1840-30 30-45 45-60 60-70 70-80 80-90 90-00

60 cm 60 cm Hauteur (cm)

Groupes

(29)

27

En ce qui concerne la sensibilité à la rouille brune (figure 3), en moyenne deux à trois points de résistance ont été gagnés en l’espace de deux siècles de sélection.

Figure 3 : Evolution de la sensibilité à la rouille brune selon la période d’inscription

Enfin la sensibilité à la septoriose (figure 4) semble avoir légèrement augmenté dans les dernières décennies. Ceci est sans doute lié au fait que les variétés récentes sont en moyenne plus précoces.

Figure 4 : Variation de la sensibilité à la septoriose selon la période d’inscription

Landraces 1840-30 30-45 45-60 60-70 70-80 80-90 90-00

Groupes

- 3 points

Landraces 1840-30 30-45 45-60 60-70 70-80 80-90 90-00

Groupes

- 3 points

Landraces 1840-30 30-45 45-60 60-70 70-80 80-90 90-00

Groupes

Landraces 1840-30 30-45 45-60 60-70 70-80 80-90 90-00

Groupes

Références

Documents relatifs

La diversité génétique totale (Ht = Hs + Dst) est plus importante à l'intérieur des populations diploïdes (Hs=0.31) et tétraploïdes (Hs=0.20).. Le coefficient de

Dans un premier temps, deux lignées cellulaires haploïdes de clémentiniers ont été obtenues par gynogenèse induite. Dans un second temps, des protoplastes haploïdes

La présente étude a été conduite dans le but de mieux connaître la structuration des bananiers séminifères et des diploïdes acuminata parthénocarpiques, eux-mêmes

Six niveaux de bandes absents chez tous les M balbisiana sont présents chez tous les schizocarpa et chez quelques individus acuminata... Les niveaux de bandes de 25

seven different progenies in rainbow trout : diploid controls, diploid gynogenetics, triploids resulting from heat shock or from a direct cross between diploid

Il s’agit de procéder à la reconnaissance du mode de fonctionnement actif chaque instant à partir de jeux de mesures et d’identifier ensuite les paramètres du mé- canisme de

De plus, les comparaisons statistiques menées chez les génisses comme chez les vaches montrent un taux de non retour après IA toujours inférieur dans les élevages foyers (le

La forme de l'épi est, dans une large mesure, fonction de la compacité, mais la fertilité des épillets, leur forme, l'angle qu'ils font avec le rachis contribuent à modifier