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Pour donner du sens à sa vie, il faut créer du lien avec l'autre
Chirurgien devenu psychothérapeute, Thierry Janssen propose, dans son dernier livre, une réflexion très documentée sur les clés du bonheur.
Il a tout lâché du jour au lendemain, sans hésiter. Nommé au service de cancérologie de l’université de Bruxelles, ce chirurgien urologue de 36 ans a quitté l’hôpital, ses quatorze ans de carrière et d’études pour "revenir à l’essentiel". Le jour même où il devait démarrer dans ses nouvelles fonctions. Depuis, Thierry Janssen s’est intéressé à d’autres cultures thérapeutiques et est devenu un psychothérapeute reconnu, spécialisé dans l’accompagnement des personnes atteintes de maladies physiques. Il promeut ses idées sur le rapport à la maladie et au bonheur dans des livres à succès et se veut un "pont entre les connaissances de la science et les intuitions de la philosophie et de la spiritualité". Nous avons rencontré l’auteur de la trilogie entamée avec La Solution intérieure puis La maladie a-‐t-‐elle un sens? et qui se conclut avec Le Défi positif.
Pourquoi Le Défi positif ?
En 2009, peu de temps après avoir écrit La maladie a-‐t-‐elle un sens?, je suis tombé malade. J’étais épuisé à force de faire le contraire de ce que je préconise à mes patients.
Après deux cents conférences en un an, je me suis retrouvé partiellement paralysé à cause d’une infection virale. Jusque-‐là, je m’étais beaucoup intéressé à la maladie et à ses traitements, mais pas assez à ce qui fait notre bonne santé. D’une manière générale, nous avons tendance à focaliser sur ce qui ne va pas, au lieu de faire attention à ce qui va bien.
Vous écrivez que cela fait partie de notre instinct de survie…
En effet, il est vital de repérer ce qui pourrait nous mettre en danger. Nous éprouvons des émotions négatives que je préfère qualifier de "désagréables", comme la peur et la colère. Celles-‐ci sont des signaux d’alarme très bénéfiques, à condition que nous puissions les équilibrer avec des émotions plus agréables, comme la joie, par exemple. Sinon, le stress risque de nous fragiliser au point de tomber malades. De nombreuses études montrent que le bonheur est bon pour la santé
Encore faut-‐il savoir ce qui rend heureux…
Il existe beaucoup de croyances erronées à ce sujet. L’économiste Richard Easterlin démontre, lui, qu’au-‐delà d’un certain seuil de confort et de sécurité le bonheur n’augmente plus. Il décroît même chez ceux qui privilégient la réussite financière, car ils admettent être plus tendus, anxieux et sujets à la colère. Et j’ai trouvé des études qui démontrent que les top-‐modèles sont moins heureux que la plupart des femmes. De
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Comment alors tendre vers le bien-‐être?
Henri Bergson se réjouissait – à juste titre – que le bonheur soit un concept volontairement flou pour que chacun puisse le déterminer à sa guise. Néanmoins, les enquêtes révèlent que nous empruntons trois grandes voies pour trouver notre satisfaction. La première consiste à éprouver du plaisir. Encore faut-‐il apprendre à le savourer en ralentissant le temps, pour le goûter pleinement, en réapprenant à faire une chose à la fois, pour continuer à désirer.
«En termes de survie, les valeurs de coopération et d'entraide sont au moins aussi importantes que celles de compétition et de combat»
Vous évoquez la méditation. Est-‐ce une porte vers le bonheur?
C’est un bon moyen pour créer ce que les philosophes stoïciens appelaient une
"citadelle intérieure", un espace où l’on peut prendre du recul et s’apaiser. Plusieurs études montrent que le fait de méditer régulièrement modifie le fonctionnement du cerveau en l’aidant à générer plus facilement des émotions agréables, même lors de situations difficiles.
Vous parlez aussi d’une "expérience optimale de flux"…
C’est la deuxième grande voie du bonheur. Le psychologue américain Mihaly Csikszentmihalyi a observé des artistes peintres pour tenter de comprendre leur
"motivation intrinsèque". Ils ne cherchaient pas de gratification extérieure, le plaisir de peindre leur suffisait, les comblait. Il s’est donc tourné vers d’autres passionnés – joueurs d’échecs, grimpeurs de haute montagne et chirurgiens – et tous lui ont avoué que l’activité en elle-‐même constituait leur véritable plaisir. Tous se disent
"transportés", "portés par un flux" lors de ces activités. Comme moi lorsque j’opérais pendant des heures, oubliant de boire ou de manger, entièrement absorbé par l’opération. Des enquêtes ont révélé que ce genre d'"expérience optimale" se produit plus souvent au travail que lors des loisirs.
Pourtant, on associe plutôt la notion de plaisir aux loisirs…
En fait, les personnes questionnées pendant leur travail se disent assez contentes du fait de ces expériences de flux. En revanche, lorsqu’on les interroge a posteriori, elles déclarent ne pas aimer leur travail. Ce paradoxe s’explique par le fait qu’il existe une troisième voie du bonheur : la voie du sens. Notre besoin de sens est aussi grand que notre besoin de plaisir. Il nous faut une signification et une direction. Or, beaucoup de gens trouvent que leur travail n’a pas de sens.
Comment, aujourd’hui, donner du sens à chacune de nos vies?
On constate que le meilleur moyen de donner du sens est de créer du lien avec les autres. L’être humain est un animal social, nous avons besoin du groupe pour vivre.
© http://www.lejdd.fr/Culture/Livres/Actualite/Le-‐psychotherapeute-‐Thierry-‐Janssen-‐livre-‐ses-‐recettes-‐du-‐bonheur-‐422333 3 Darwin a bien montré qu’en termes de survie, les valeurs de co-‐opération et d’entraide sont au moins aussi importantes que celles de compétition et de combat. Pardon et altruisme, curiosité et générosité, discernement et humilité, humour et gratitude… Le vrai bonheur réside dans l’expression du "bon génie" qui est en nous, disait Aristote. Le défi est alors de prendre conscience de notre potentiel positif et de le manifester à travers nos actions.
Le Défi positif, de Thierry Janssen, éd. Les liens qui libèrent, 380 pages Robert Melcher -‐ Le Journal du Dimanche -‐ samedi 12 novembre 2011