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Les marques modales dans les chats

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-02074913

https://hal.univ-lorraine.fr/tel-02074913

Submitted on 21 Mar 2019

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Les marques modales dans les chats

Pierre Halté

To cite this version:

Pierre Halté. Les marques modales dans les chats : étude sémiotique et pragmatique des émoticônes et des interjections dans un corpus de conversation synchrones en ligne. Linguistique. Université de Lorraine, 2013. Français. �NNT : 2013LORR0308�. �tel-02074913�

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AVERTISSEMENT

Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la communauté universitaire élargie.

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Les marques modales dans les chats :

étude sémiotique et pragmatique des interjections et des émoticônes dans un corpus de

conversations synchrones en ligne

Thèse de doctorat

En cotutelle avec les Universités du Luxembourg et de Lorraine présentée à l’Université du Luxembourg, le 13 décembre 2013

pour obtenir le grade de

Docteur

Discipline : Sciences du langage

par :

M. HALTÉ Pierre

Directeurs de thèse Marion Colas-Blaise, Professeur, Université du Luxembourg Laurent Perrin, Professeur, Université de Créteil

Jury

Jean-Marie Klinkenberg, Professeur, Université de Liège, Président, Pré-rapporteur Alain Rabatel, Professeur, Université Claude-Bernard, Lyon 1, Pré-rapporteur Driss Ablali, Professeur, Université de Lorraine - Metz

Gian Maria Tore, Chargé de cours, Docteur, Université du Luxembourg

LUXEMBOURG 2013

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Les marques modales dans les chats :

étude sémiotique et pragmatique des interjections et des émoticônes dans un corpus de

conversations synchrones en ligne

Thèse de doctorat

En cotutelle avec les Universités du Luxembourg et de Lorraine présentée à l’Université du Luxembourg, le 13 décembre 2013

pour obtenir le grade de

Docteur

Discipline : Sciences du langage

par :

M. HALTÉ Pierre

Directeurs de thèse Marion Colas-Blaise, Professeur, Université du Luxembourg Laurent Perrin, Professeur, Université de Créteil

Jury

Jean-Marie Klinkenberg, Professeur, Université de Liège, Président, Pré-rapporteur Alain Rabatel, Professeur, Université Claude-Bernard, Lyon 1, Pré-rapporteur Driss Ablali, Professeur, Université de Lorraine - Metz

Gian Maria Tore, Chargé de cours, Docteur, Université du Luxembourg

LUXEMBOURG 2013

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Remerciements

J’ai eu la chance, au cours de ces quatre années de travail, d’être entouré par des collègues de travail qui sont tous devenus des amis très chers pour moi.

Tout d’abord, Laurent Perrin et Marion Colas-Blaise, mes directeurs, qui ont toujours été enthousiastes, qui m’ont toujours soutenu et remonté le moral dans les moments difficiles (il y en a eu quelques-uns) ; ils ont été des directeurs exemplaires à tout point de vue, toujours présents, toujours ouverts, toujours prompts à discuter de tel ou tel point, sans jamais compter leur temps. Ce fut un réel plaisir que de travailler avec eux deux, non seulement sur un plan professionnel mais aussi et surtout sur un plan humain.

Je tiens aussi à remercier tous les collègues « de bureau » ou « de labo », comme on dit, avec qui nous avons échangé tout au long de ces quatre années au sein de l’université du Luxembourg, et qui sont devenus très vite des amis : Veronica Estay et Amir Biglari, qui en tant que jeunes docteurs m’ont apporté de précieux conseils fondés sur leurs expériences d’anciens thésards, et qui ont toujours été adorables ; Jeroen Claessen, assistant-doctorant comme moi, arrivé lors de ma dernière année de thèse, et qui par son humour et sa bonne (et surtout mauvaise) humeur a égayé nos repas du mardi ; Sebastian Thiltges, inscrit en même temps que moi en doctorat de lettres, avec qui j’ai pu rire même lorsque nous partagions certaines tâches délicates ; Céline Schall, arrivée lors de ma dernière année de thèse, dont le soutien fut important pour moi ; Nathalie Roelens, elle aussi arrivée lors de ma dernière année de thèse, toujours ouverte, pétillante, s’intéressant à tout et à tous ; Gian Maria Tore, enfin, avec qui j’ai partagé des moments de joie et de peine ainsi que beaucoup de discussions passionnantes et enrichissantes sur le cinéma, la musique, la sémiotique, la linguistique…

Merci aux professeurs de sciences du langage de l’université de Lorraine, à Metz, en particulier à André Petitjean, qui m’a beaucoup aidé de par sa connaissance – entre autres - des rouages administratifs de l’Université.

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Merci aux amis doctorants de l’AJC Crem, (Julien Falgas, Laurent Di Filippo, Rosana Contrera Gamas, Pauline Thévenot, Nathalie Gerber, etc.), association de jeunes chercheurs dans laquelle, faute de temps, je n’ai pas pu m’impliquer autant que je l’aurais souhaité, mais dont les membres ont souvent été d’un grand réconfort, tant il était agréable (et mesquin) de se rendre compte que nous partagions tous, peu ou prou, les mêmes

« galères » et les mêmes joies.

Merci à tous les amis qui m’ont supporté durant ces quatre années. Je pense particulièrement à Vincent Fister, jeune docteur en géographie, avec qui j’ai pu partager beaucoup d’ « histoires de thésard » durant la rédaction de cette thèse ; à Mathieu « Zin » Daval, toujours fidèle à lui-même quoi qu’il arrive ; à Tamara Pascutto, qui a toujours su faire parfaitement semblant de s’intéresser à ce que je pouvais lui raconter de mon travail ; à Anne-Cécile Schneider et Julien Marietta, qui ont été d’un grand soutien, ainsi qu’à François, du Carré des Bulles, libraire spécialiste de bandes dessinées qui m’a permis de découvrir un nouveau plaisir de lecture, et qui est devenu, au fil du temps, un ami.

Merci à ma compagne d’alors, Delphine Stoufflet, qui, elle, plus que tous, a été présente au quotidien lors de l’élaboration et de la rédaction de cette thèse, et que j’espère avoir un peu amusée tout de même.

Merci enfin à ma famille, ma mère, Anne, pour ses talents de conseillère et de relectrice – et à qui j’en ai fait voir des vertes et des pas mûres -, mon frère, Antoine, toujours calme et source de grande sérénité, mes grands-parents, Georges et Colette, qui ont toujours su me remettre les pieds sur terre, et enfin mon père, Jean-François. Sans nos nombreuses discussions, sans l’amour de la littérature, de la langue, de la philosophie, qu’il m’a transmis, jamais je n’aurais pu faire ce travail. J’aurais aimé qu’il voie ça.

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Résumé :

L’objet de cette thèse est d’aborder certaines marques modales présentes dans un corpus de conversations synchrones en ligne (chat) : les interjections et les émoticônes. Il s’agira d’abord d’étudier les caractéristiques pragmatiques et sémiotiques de ce type de conversation en ligne, puis de proposer une approche sémiotique et pragmatique des interjections et des émoticônes, et de montrer que malgré les différences qui peuvent exister entre ces deux types de signe - les interjections relevant de la langue verbale alors que les émoticônes constituent des imitations graphiques de gestes et de mimiques - ils partagent de nombreuses caractéristiques. L’étude de ces signes nous conduira à questionner leur statut sémiotique, de l’icône à l’indice, mais aussi leurs fonctions pragmatiques et énonciatives : la monstration, la modalisation, la prise en charge, la prise en compte, etc. Nous espérons par cette étude contribuer à élargir les connaissances sur les émoticônes, mais aussi les conceptions que l’on peut avoir de la langue et du système mimo- gestuel, qui, selon nous, gagneraient à être rapprochés plutôt que séparés.

Abstract :

The purpose of this thesis is to study subjectivity markers in an online chat corpus : interjections and emoticons. First, we will study the semiotic and pragmatic specificities of this type of online conversation ; then we will propose a semiotic and pragmatic approach of interjections and emoticons. We will show that, even if there are a few differences between those two types of signs – interjections are definitely part of verbal language, whereas emoticons are iconic imitations of gestures and mimics – they share numerous traits. The study of those signs will lead us to wonder about their semiotic status, from icon to index, but also about their pragmatic functions : how they allow to perform, to show instead of describing, how they allow the users to express their subjectivity regarding a propositional content, etc. We hope that this study will contribute to enlarge the knowledge we have of emoticons, but also the views researchers have on the relationships between language and gestures / mimics, which, according to us, should be brought closer, and not further apart.

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Introduction

Internet a bouleversé nos façons de communiquer. Des quelques dizaines, voire centaines, d’utilisateurs qui communiquaient via chat lors du début de la démocratisation du réseau Internet dans les années 1990, nous sommes passés à des centaines de millions d’utilisateurs à travers le monde, utilisant les réseaux sociaux, interagissant grâce au réseau selon des moyens divers comme les forums, les blogs, les chats, les e-mails… Au sein de chacun de ces modes de communication se sont développées des pratiques spécifiques, parfois transversales. La révolution la plus importante dans la façon de communiquer en ligne est pour nous le chat, ce mode de communication synchrone en ligne, dans lequel des utilisateurs peuvent converser, à l’écrit, en temps réel. En effet, dans ce contexte, tout se passe comme si les utilisateurs étaient en présence l’un de l’autre, tout en n’ayant à leur disposition pour assurer une interaction complète et efficace (ce qui suppose, notamment, de pouvoir exprimer rapidement des émotions ou plus généralement des attitudes subjectives, comme en face à face avec des gestes) « que » l’écrit. C’est parce que le chat allie les contraintes de l’écrit à la spontanéité, à l’immédiateté de l’oral, que les utilisateurs, très vite, ont dû développer un certain nombre de procédés destinés à indiquer leur subjectivité, fondés sur l’emploi de signes graphiques, reproductibles aisément grâce à un clavier. Ces procédés permettent d’exprimer rapidement des émotions, d’indiquer l’attitude subjective du locuteur par rapport à un énoncé, toutes choses qui se font très facilement dans une interaction orale en face à face en recourant au système sémiotique mimo-gestuel, ou encore à l’intonation, mais qui sont moins évidentes à faire passer à l’écrit.

Parmi ces procédés, certains sont apparus au sein des chats et leur ont longtemps été spécifiques (même si ce n’est plus le cas aujourd’hui, puisqu’on les retrouve dans les e-mails, dans les sms, etc.), comme les émoticônes (ces signes constitués de signes de ponctuation, imitant une mimique faciale, et servant à indiquer l’émotion du locuteur : « :) », par exemple) ou l’utilisation d’acronymes interjectifs (« lol », « mdr », indiquant le rire du locuteur). D’autres ne sont pas spécifiques du chat mais s’y trouvent en quantité importante, comme les interjections telles qu’elles existent dans la langue, à l’écrit et à l’oral. Il nous

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semble que tous ces procédés posent des questions similaires : celle, d’abord, du statut sémiotique des signes occupant ces fonctions. Les études existantes sur les interjections, assez nombreuses à ce jour, mettaient déjà l’accent sur leur caractère déictique, indexical.

L’interjection (qu’il s’agisse d’interjections dites « primaires », comme « Ah ! », « Oh ! »,

« Aïe ! » ou encore « Ouf ! », ou d’interjections secondaires ou dérivées comme « Chic ! »

« Hélas ! », « Merde ! »), contrairement à la plupart des autres mots de la langue, ne sert pas à désigner quelque chose, à référer à un objet du monde de façon symbolique, mais elle sert plutôt à indiquer (au sens peircien du terme : elle est un indice) quelque chose, à pointer un élément de la situation d’énonciation qui, sans l’interjection, resterait imperceptible : l’émotion, ou plus généralement l’attitude subjective du locuteur. Les interjections posent donc la question de ce qui, dans la langue, ne sert pas à conceptualiser, à dire, mais plutôt de ce qui sert à montrer : produire l’énoncé « aïe ! », ce n’est pas décrire sa douleur, c’est la montrer, la mettre en scène, voire la performer. Cette distinction entre ce qui, au sein même de la langue, permet de représenter conceptuellement, propositionnellement (le « dictum » de Bally, le « dit » de Wittgenstein, le « symbolique » de Peirce), et ce qui permet de montrer, de faire (le « modus » de Bally, le « montré » de Wittgenstein, l’ « indiciel » de Peirce), sera un fondement théorique important de notre travail. Cette question est particulièrement vivace dans les travaux en linguistique du moment, et nous nous engagerons dans cette voie à la suite des travaux de Laurent Perrin, qui problématisent cette distinction, mais aussi de Marion Colas-Blaise ou encore d’Alain Rabatel. C’est précisément cette question que posent les interjections : comment est-il possible de concevoir des éléments de la langue (puisqu’il est indéniable que les interjections font partie de la langue : elles sont spécifiques de telle ou telle communauté de locuteurs, puisque le français dira

« Aïe ! », alors que l’anglais dira « Ouch ! ») qui, d’une part, peuvent être employés comme des substantifs, des adjectifs, et donc servir à représenter propositionnellement, et d’autre part peuvent aussi servir à montrer voire à performer une émotion ou une attitude subjective du locuteur ? On pense par exemple au mot « chic », pouvant être en français employé comme un adjectif (« Ce manteau est chic »), comme un substantif (« Il a le chic pour casser l’ambiance »), ou comme une interjection (« Chic ! Cette introduction de thèse est vraiment passionnante »). Comment concevoir des signes qui, tour à tour, peuvent servir à décrire une réalité, comme le font en général la plupart des énoncés verbaux, prédicatifs,

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et à montrer, à pointer, à indiquer, comme le font la plupart des signes issus du système mimo-gestuel ? De cette question fondamentale découleront de nombreuses réflexions sur les fonctions de ces signes, de la modalisation au rôle qu’ils jouent dans la structuration des échanges.

Les émoticônes, elles, sont encore plus proches du geste que les interjections. Elles sont, certes, constituées de signes de ponctuation, parfois associés à des signes de l’alphabet, mais elles doivent être lues comme des images, des icônes de mimiques faciales ou de gestes. Il n’y a pas ici d’ambiguïté, comme pour les interjections, l’émoticône étant par essence liée aux codes mimo-gestuels. Elles indiquent, au sein des conversations via chat, les émotions et attitudes subjectives des locuteurs, tout en étant des imitations de gestes ou de mimiques. Cependant, les émoticônes sont elles aussi soumises à des conventions, elles font elles aussi, comme les interjections font partie de la langue, partie d’un système conventionnel, avec ses règles, ses oppositions, ses usages. On pourrait être tenté de parler de « gestes à l’écrit » ; un locuteur, produisant « :) », montre sa joie en performant un sourire. Il s’agit manifestement d’un signe qui, comme l’interjection, semble d’un point de vue sémiotique s’inscrire entre la langue et le geste, et qui, de plus, remplit peu ou prou les mêmes fonctions.

C’est cette apparente similitude qui fonde ce travail. Il s’agira pour nous de partir de l’étude des interjections, objets reconnus par la communauté scientifique en sciences du langage (des numéros entiers de revue y étant consacrés1, ainsi que des ouvrages de chercheurs2), autour desquels il existe déjà une littérature scientifique assez abondante apportant des clefs de compréhension de ces signes particuliers, pour aller vers une étude des émoticônes, signes qui, eux, malgré quelques articles émanant toujours des mêmes chercheurs3, ont été très peu étudiés. Le pari est de croire que la confrontation de ces deux types de signes permettra d’enrichir la compréhension que l’on a de l’un et de l’autre. Notre

1 Voir Langages, n° 161, Faits de Langue, n° 6, Cahiers de praxématique, n° 34, etc.

2 Voir Swiatkowska (2000), par exemple.

3 Voir Marcoccia (2000, 2004), ou encore Yus (2011).

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idée est d’étudier les interjections et les émoticônes dans un corpus de chat, en espérant par là non seulement approfondir les considérations existantes sur les interjections, mais surtout apporter quelques éclairages sur les émoticônes, de plus en plus employées, parfaitement intégrées à des conversations écrites, à des énoncés verbaux. Ce faisant, nous espérons aussi remettre en question un certain nombre de présupposés en linguistique, concernant par exemple la façon dont on y caractérise, dont on y classe, certains types de signes comme les interjections, les onomatopées ; mais aussi concernant les clivages forts, déjà remis en cause par ailleurs (voir Berrendonner 1981) lorsqu’on parle d’interactions, entre le verbal et le paraverbal, entre la langue et le geste. Nous espérons que ce travail contribuera à montrer que les choses ne sont pas si simples, ni si figées, que cela ; que des éléments de la langue peuvent fonctionner comme des gestes. Il nous faudra de plus nous intéresser aux caractéristiques pragmatique de la communication synchrone en ligne, ce qui permettra de proposer quelques considérations sur ce genre de discours, à propos duquel peu d’études existent.

L’originalité de ce travail réside aussi dans les approches que nous choisissons d’adopter. Elles seront de deux types : sémiotique, d’une part, pragmatique, d’autre part.

Nous nous appuierons surtout sur certains éléments de sémiotique peircienne, pour caractériser les signes que sont les interjections et les émoticônes ; lorsque nous étudierons les occurrences tirées du corpus, notre approche sera plutôt pragmatique et énonciative. Il s’agira pour nous non seulement d’essayer de définir, d’un point de vue sémiotique, ce que sont les émoticônes et les interjections ; mais aussi, d’un point de vue pragmatique, d’observer ce qu’elles font aux énoncés et aux autres utilisateurs.

Notre première partie sera consacrée à une première approche concernant les émoticônes et la communication via chat. Nous nous attacherons tout d’abord à caractériser le chat et les contraintes pragmatiques que ce type de communication fait peser sur ses utilisateurs. Nous aborderons l’histoire du chat, les spécificités de l’interface du logiciel à partir duquel nous avons constitué notre corpus, les caractéristiques pragmatiques de ce genre de discours, et les contraintes, en terme de marques de subjectivité, que ce type de communication fait peser sur les utilisateurs. Ensuite, un second chapitre sera consacré à une première approche de l’émoticône, d’un point de vue historique, puis en donnant

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quelques exemples tirés de notre corpus et en faisant un état des lieux des fonctions pragmatiques qu’occupent les émoticônes. Enfin, un troisième chapitre constituera une première avancée possible dans la façon de conceptualiser les émoticônes : nous les aborderons sous l’angle des rapports texte / image, en nous appuyant sur les travaux fondamentaux de Klinkenberg à ce sujet. Nous aborderons dans ce chapitre des questions d’ordre sémiotique, mais aussi des questions pragmatiques, en soulevant par exemple la question du lien entre une émoticône, non verbale par définition, et un énoncé verbal.

Notre seconde partie sera entièrement consacrée aux interjections. Il s’agira de partir d’un état des lieux concernant ces signes, faisant l’inventaire des recherches ayant été entreprises à leur sujet et nous permettant de les définir, tant d’un point de vue sémiotique que pragmatique, pour aller vers l’étude approfondie d’exemples tirés de notre corpus. Nous interrogerons différentes façon de classer les interjections, leurs liens avec les onomatopées, en nous fondant sur le corpus. Dans un troisième et dernier temps, nous dégagerons de cette étude des exemples différentes fonctions pragmatiques qui nous semblent particulièrement pertinentes pour rendre compte des interjections et de leurs rapports avec les énoncés et les utilisateurs. Nous aborderons alors leur statut d’indice, de connecteur, leur rapport à la modalisation, à la prise en compte et à la prise en charge, ainsi que leur rôle dans la structuration des échanges. Les conclusions et analyses d’exemples nous serviront de support pour aborder la partie suivante.

Notre troisième partie sera consacrée entièrement aux émoticônes, dans la continuité de la perspective développée concernant les interjections. Nous commencerons par confronter les émoticônes aux perspectives sémio-linguistiques abordées, relatives aux interjections ; puis, nous nous intéresserons à l’analyse détaillée d’exemples tirés de notre corpus et classés selon des critères que nous expliciterons. Partant de ces analyses, nous développerons dans un troisième chapitre notre conception des diverses fonctions des émoticônes dans un tel corpus, en comparant bien évidemment dès que possible ces fonctions avec celles qu’occupent les interjections dans le même contexte. Finalement, nous essaierons de conclure sur le rapprochement possible de deux types de signes apparemment très différents, l’interjection et l’émoticône, et sur ce que leur comparaison peut apporter à notre conception de la communication humaine.

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I - Émoticônes et chat sur internet : une première

approche

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1- Le chat

1.1. - Définition, histoire

Le chat (« bavardage » en anglais), parfois nommé « messagerie instantanée »,

« tchat », « dialogue en ligne » ou encore « clavardage », désigne une forme de communication synchrone, médiatisée par ordinateur, via un réseau (en l’occurrence Internet). Le chat tel qu’on le connaît aujourd’hui, d’où est tiré le corpus étudié ici, est apparu en 1988 avec l’invention de l’IRC (Internet Relay Chat) en Finlande par Jarkko Oikarinen, qui coda les premiers clients et serveurs destinés à une communication textuelle en temps réel pour son université (même si des réseaux informatisés existaient dès les années 1970 au sein de certaines entreprises). Très vite, cette invention eut un grand succès et se répandit à travers le monde. Des douze utilisateurs du début des années 1990, nous sommes passés aujourd’hui à plus de 100 000 utilisateurs réguliers de l’IRC à travers le monde entier.

On parle aujourd’hui de chat pour désigner toute forme de communication textuelle en temps réel entre utilisateurs, sur Internet. On ne parlera pas de chat pour une visioconférence, par exemple. Il existe aujourd’hui des salons de discussion qui incluent la vidéo, grâce aux webcams qui filment les interlocuteurs en temps réel, mais le terme

« chat » n’est employé que pour désigner la communication purement textuelle. Il en va de même dans les jeux en ligne où le « chat » est la zone de l’interface consacrée aux discussions, à l’écrit, entre joueurs.

Le chat requiert l’utilisation d’un logiciel, appelé « client », qui se connecte à un serveur. Les messages sont ainsi échangés quasiment « en temps réel ». Les tout premiers logiciels de chat affichaient, pour tous les utilisateurs, chaque lettre au fur et à mesure que l’utilisateur les tapait. Ainsi, on voyait en temps réel se constituer les messages, avec leurs corrections éventuelles. Aujourd’hui, le message doit être validé par l’utilisateur avant d’être

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envoyé, et les autres utilisateurs ne sont plus témoins de son élaboration complète. Dans certains chats (comme par exemple sur Facebook), à l’heure actuelle, lorsque l’utilisateur est en train de taper, le logiciel de chat l’indique à son interlocuteur : une petite phrase en italique s’affiche en bas de la fenêtre : « X est en train d’écrire… ». De plus, lorsqu’un utilisateur de Facebook clique sur la fenêtre de chat dans laquelle s’affichent les messages, son interlocuteur voit apparaître au bas de la fenêtre la mention « Vu : 12 :30 », indiquant l’heure à laquelle l’interlocuteur a vu le dernier message qui lui a été envoyé. Ces petites indications de l’interface modifient grandement les interactions entre les utilisateurs, qui auront tendance, par exemple, à ne pas écrire en même temps que leur interlocuteur ; de plus, il est impossible à un interlocuteur ayant lu un message de faire semblant de ne pas l’avoir lu, la mention « vu à telle heure » pouvant servir de preuve du contraire. On ne trouve pas de tels outils dans notre corpus.

Les différents modes de fonctionnement d’entrée des messages ont différentes implications. Ainsi, à l’origine, le fait de voir le message s’élaborer demandait certainement un contrôle plus important de ce qui était écrit, puisque l’interlocuteur pouvait voir « en direct » les corrections qui étaient portées. On peut donc sans peine imaginer qu’il était plus difficile de reformuler quelque chose par politesse, par exemple ; aujourd’hui, on peut le faire sans problème. Taper quelque chose puis revenir rapidement sur ce qu’on vient de taper pour le reformuler, avant d’envoyer le résultat par l’appui sur la touche « entrée », est une pratique courante. Les indications que proposent les logiciels de chat les plus modernes (comme la mention « vu » ou « X est en train de taper ») permettent d’assurer à l’utilisateur que son interlocuteur est bien présent et en train de converser, afin que son « silence » virtuel ne puisse pas être confondu avec son absence pure et simple.

Le corpus de cette étude a été constitué à partir du logiciel mIRC, qui ne propose pas ces fonctionnalités concernant les indications sur l’élaboration des messages et leur réception (ceci étant dû notamment au fait qu’il s’agit d’un chat public, au sein duquel la communication s’établit simultanément entre plusieurs utilisateurs conversant en même temps), en se connectant au serveur IRC « epiknet » puis en choisissant un salon de discussion nommé « # 25 - 35 ans » et un autre salon nommé « # 18-25 ans ». Notre idée n’est pas ici de comparer les deux corpus ou d’établir des relations entre l’âge des

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utilisateurs et leurs pratiques respectives du chat mais simplement d’avoir un corpus assez vaste et assez représentatif ; il s’agit bien pour nous dans cette étude d’observer comment fonctionnent les émoticônes et les interjections, et pas de faire des liens entre les caractéristiques sociologiques des utilisateurs et leur pratique du chat. Les conversations ont été enregistrées pendant environ dix heures, durant deux jours (le 28 novembre 2009 et le 30 novembre 2009), sans intervention extérieure, et c’est le contenu de l’historique de cette session qui a ensuite été étudié.

1.2 - Interface

Pour cette étude nous avons utilisé le logiciel mIRC, dont l’interface se présente comme suit :

L’interface est composée de trois grandes fenêtres, respectivement, de gauche à droite, une fenêtre contenant le nom du serveur, le canal de discussion et le nom du salon de discussion ; la fenêtre centrale, dans laquelle s’affichent les messages validés par les

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utilisateurs, ainsi que les messages automatisés produits par les « bots », utilisateurs virtuels automatisés qui permettent de gérer les utilisateurs humains ; à l’extrême droite, la liste d’utilisateurs présents dans le salon de discussion. Le préfixe, devant le nom des utilisateurs, a une signification précise, d’ordre hiérarchique : « @ » signale un « bot », un utilisateur virtuel, automatisé ; « + » signale des utilisateurs modérateurs du salon, qui ont le pouvoir, par exemple, d’en exclure d’autres utilisateurs éventuellement perturbateurs.

Notons enfin la présence d’une zone d’entrée textuelle, tout en bas, qui permet d’élaborer un message comme dans un traitement de texte (en le tapant, en effaçant éventuellement les erreurs, et enfin en le validant grâce à la touche « entrée ») ; le message, une fois validé, apparaît dans la fenêtre centrale.

Les messages apparaissent dans des couleurs différentes selon qu’ils ont été produits par un « bot » (ils apparaissent alors, comme dans l’exemple ci-dessus, en rouge bordeaux) ou un utilisateur (ils apparaissent alors en noir). Les messages automatisés à l’entrée d’un utilisateur dans le salon apparaissent en vert, et ceux qui signalent le départ d’un utilisateur apparaissent en bleu.

Dans ce qui suit, les exemples tirés du corpus se présenteront ainsi :

[17:32] <Daisy`> j'ai des fiches meme [17:32] <%Xena> ben note bien Daisy` :) [17:32] <Daisy`> ui ui c fait

[17:32] <fousacagoule> des dossiers

Entre crochets, on trouve l’heure à laquelle le message a été envoyé dans le salon de discussion. Entre chevrons, on trouve les pseudonymes des divers intervenants, suivis, une fois les chevrons fermés, des messages qu’ils produisent.

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1.3 - Caractéristiques pratiques

Communiquer par chat implique de se conformer à plusieurs caractéristiques pragmatiques déterminées par l’interface du logiciel utilisé d’une part, et par des règles d’ordre « social » d’autre part. Nous ne prendrons en compte ici que le corpus étudié dans cette étude ; il existe d’autres types de chat, en privé par exemple, d’utilisateur à utilisateur, que nous n’aborderons pas ici. Seuls quelques chercheurs francophones en sciences du langage se sont intéressés à la communication médiatisée par ordinateur, les principaux étant Anis (1999, 2005), Marcoccia (1998, 2000, 2003, 2007) ou encore Rosier (2000, 2006) ; ceci dit, nous nous référons ici aux travaux plus récents et regroupés dans un livre très complet, Cyberpragmatics, de Yus (2011), qui définissent sept grandes caractéristiques pragmatiques spécifiques du chat (Yus 2011, p.157) :

- La communication par chat est synchrone : elle est fondée sur la présence de multiples utilisateurs dont les interventions peuvent s’entrelacer, s’interrompre les unes les autres4. Elle implique (en dehors du dialogue « privé ») que ce que tape et envoie le locuteur soit lisible par l’ensemble des utilisateurs présents dans le salon de discussion au moment où le message est validé. Ainsi, il s’agit d’un type particulier de conversation : une conversation en groupe, dans laquelle chacun peut intervenir à n’importe quel moment, ce qui donne lieu parfois à des digressions ou à des conversations « secondaires ». On y trouvera donc des messages adressés à un interlocuteur précis, auquel il s’agira alors de manifester son intérêt par une formule d’adresse, par exemple, pour attirer son attention avant de produire son message ; on y trouvera aussi des messages destinés à l’ensemble des personnes présentes dans le salon de discussion à un moment donné. Il s’agit également, évidemment, d’une

4 Tout ceci se déroulant à l’écrit, précisons cependant qu’il n’y a pas ici, comme cela est possible à l’oral, de chevauchement de voix ou de jeu de pouvoir permettant par exemple à un locuteur de hausser le ton pour imposer son tour de parole.

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communication médiatisée par ordinateur : une communication à distance, entre plusieurs locuteurs anonymes ou tout du moins adoptant un pseudonyme. Les identités des uns et des autres ne sont liées qu’à ce que l’on peut reconstituer à partir de leurs pseudonymes, ainsi qu’aux caractéristiques spécifiques de leur discours, ce qui signifie en d’autres termes qu’il n’existe pas d’ethos pré-discursif en dehors des connaissances potentielles que les utilisateurs ont des habitudes discursives des uns et des autres.

- La présence d’indices contextuels forts dans le discours est nécessaire au déroulement des conversations par chat. Ce mode de communication combine la spontanéité d’un échange oral (puisque les messages s’échangent de façon quasi immédiate) avec les possibilités et les contraintes de l’écrit informatisé (on peut corriger, relire ce que l’on va envoyer, etc.).

- Les tours de parole sont conditionnés par le logiciel qui permet d’accéder au chat. C’est le logiciel qui détermine quel énoncé5 apparaît avant un autre dans le cas où deux énoncés sont tapés simultanément ; alors que dans une interaction réelle, les voix des différents interlocuteurs peuvent se chevaucher, se dominer, s’interrompre…

Le chat présente donc des tours de paroles segmentés de par les contraintes textuelles qui caractérisent ce type de communication.

- Les interactions peuvent être multiples, enchevêtrées. Différentes conversations peuvent être menées dans le même espace virtuel, en même temps : tous les messages apparaissent dans une fenêtre centrale, y compris ceux qui sont produits par les utilisateurs automatisés (les « bots »). Ceci peut rendre les conversations difficiles à suivre, augmentant l’effort nécessaire à leur interprétation ; ceci donne aussi lieu à des quiproquos ou à des situations qui peuvent être humoristiques.

5 Par « énoncé » nous entendons une production linguistique par un locuteur dans une situation d’énonciation particulière. Un énoncé est à distinguer d’une proposition ; pour nous, une proposition est une représentation logique d’un état de fait, que l’on peut juger selon des conditions de vérité. On peut énoncer des propositions (« il fait beau »), mais certains énoncés ne sont pas propositionnels (« Youpi ! »).

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18

- Les conversations sont éphémères. Le phénomène s’accentue avec l’activité conversationnelle du chat : plus les utilisateurs écrivent, plus vite les messages défilent et disparaissent de la fenêtre centrale. On peut toujours consulter les messages précédents en remontant la fenêtre grâce au curseur prévu à cet effet, mais cela demande du temps et peut faire perdre le fil de la conversation. Cela a évidemment des conséquences sur la façon dont les utilisateurs communiquent : ils prennent nécessairement en compte cette caractéristique pour écrire des messages à l’efficacité émotive forte.

- Les messages peuvent être « tronqués », interrompus. Cela peut être une conséquence de la caractéristique précédente : pour garder l’attention de leur interlocuteur, les utilisateurs écrivent parfois des messages très brefs, parfois en les interrompant abruptement, en les segmentant (concrètement, ils tapent leur message et appuient sur la touche entrée tous les trois ou quatre mots).

- Enfin, la plupart du temps, un nouvel utilisateur qui rejoint un salon de discussion arrive alors que des conversations sont déjà en train de se dérouler. Il doit donc analyser les conversations déjà présentes, et choisir de s’y insérer ou pas selon son degré d’intérêt. L’utilisateur doit donc rapidement analyser la situation d’énonciation6, la structurer, et faire des choix quant à ses propres interventions et à la façon dont il va les insérer dans le flux des messages existants. Voici un exemple d’insertion ou plutôt de « non insertion » d’un utilisateur qui vient de rejoindre le salon de discussion :

[14:54] <%ondes-virtuelles> alors t as gagné ? [14:54] <%ondes-virtuelles> :p

[14:55] <%Spinelli> pfff m'en parles pas [14:58] <%ondes-virtuelles> :o

[14:58] <%ondes-virtuelles> t'as perdu combien ?

6 Par « énonciation », nous entendons le processus de production d’un énoncé par un locuteur. La « situation d’énonciation » est constituée de l’ensemble des caractéristiques spatio-temporelles qui caractérisent l’énonciation.

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19 [14:59] <%ondes-virtuelles> épanche-toi mon petit

03[14:59] * forest76 (~forest76@A368C32C.184A15BB.F39E3193.EpiK) has joined #25-35ans

[14:59] <%Spinelli> bah je dois en être à -100$

[14:59] <%ondes-virtuelles> ah ça va encore

[14:59] <%ondes-virtuelles> je pensais que ça se chiffrait en milliers [14:59] <%Spinelli> mais bon c'est que des gains que j'ai perdu :) [14:59] <%ondes-virtuelles> ah ok

[15:00] <%Spinelli> ca va ca vient...

[15:00] <%Spinelli> mais bon en ce moment ca vient pas trop :S [15:00] <%ondes-virtuelles> :(

02[15:02] * MeeYung (~meeyung.c@EpiK- 23C6DF17.rev.gaoland.net) Quit (Ping timeout)

[15:03] <forest76> salut

[15:03] <%Spinelli> non pas que je joue mal, mais j'ai pas de chance, je perds souvent avec le meilleur jeu

[15:03] <%Spinelli> salut forest76

03[15:05] * MeeYung (~meeyung.c@EpiK- 23C6DF17.rev.gaoland.net) has joined #25-35ans

[15:06] <forest76> sa va bien

03[15:07] * Apa (~Apa@EpiK-2634BF1C.rev.gaoland.net) has joined

#25-35ans

[15:07] <Tetsuoo> Attention au démon du jeu..

[15:07] <MeeYung> re ...

[15:07] <%Spinelli> oui super et toi ? [15:07] <Apa> stlt tout le monde [15:07] <Apa> Salut

03[15:07] * rabybivelona (~rabybivel@EpiK- 3D8EB560.adsl.proxad.net) has joined #25-35ans

[15:07] <%Spinelli> non Tetsuoo t'inquiètes :) [15:07] <Apa> *

[15:07] <%Spinelli> salut Apa !

03[15:07] * rabybivelona (~rabybivel@EpiK- 3D8EB560.adsl.proxad.net) has left #25-35ans

[15:07] <forest76> tres bien merci [15:07] <Tetsuoo> re MeeYung [15:07] <forest76> tu est d'ou ???

[15:08] <Apa> Pour moi ce serait plutôt le démon du "Je".

[15:08] <forest76> vous ete moderateur ??

[15:08] <%Spinelli> hihi [15:08] <Apa> Euh.. non

[15:09] <%Spinelli> oui pourquoi ? un souci ? [15:09] <forest76> non mdr ya rien

[15:10] <%Spinelli> tant mieux :)

03[15:10] * Demonelle|Away is now known as Demonelle

[15:10] <Apa> On dirait un dialogue de sourd. J'espère moi. que personne n'est aveugle en plus, sinon..

[15:11] <%Spinelli> quel age as tu forest76 ? [15:11] <Demonelle> lol Apa

[15:11] <forest76> 33 ans pk ???

[15:11] <Apa> Donc tu es de paris.

[15:12] <%Spinelli> simple curiosité :)

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20

Dans cet exemple, l’utilisateur <forest76> se connecte au salon, et sa connexion est indiquée par le message suivant : « 03[14:59] * forest76 (~forest76@A368C32C.184A15BB.F39E3193.EpiK) has joined #25-35ans ». Cet utilisateur se connecte alors que se déroule une conversation entre <%ondes-virtuelles> et <%Spinelli>, et on remarque qu’il ne prend la parole, pour saluer et indiquer sa présence, qu’après que huit énoncés aient été produits par d’autres que lui. On peut ici faire l’hypothèse que <forest76>

attend une opportunité, une pause, dans la conversation pour pouvoir saluer. Lorsqu’il le fait, la conversation entre les deux interlocuteurs principaux s’interrompt, et un troisième utilisateur intervient alors, <Tetsuoo>, continuant la conversation interrompue par les salutations de <forest76>. Puis, deux conversations s’entrelacent : d’un côté, certains utilisateurs continuent à parler des « problèmes de jeu », l’un deux osant même un hasardeux jeu de mot « démon du JE » ; de l’autre, une routine conversationnelle de salutation s’installe entre d’autres utilisateurs. Cet entrelacement rend très vite la tâche de suivre ce qui se déroule dans la fenêtre de discussion difficile, comme le souligne d’ailleurs

<Apa> : « On dirait un dialogue de sourd. J’espère moi que personne n’est aveugle en plus, sinon.. ». On voit dans cet exemple les implications qu’ont les caractéristiques pratiques du chat.

Des règles régissant les conversations existent au sein du chat. Elles sont tacites pour la plupart, et correspondent au respect de ce que certains appelaient la netiquette aux débuts de la démocratisation d’internet (Marcoccia, 1998), mais d’autres sont annoncées lors de la connexion au salon de discussion par les « bots », ces utilisateurs artificiels, automatisés, qui servent à gérer les salons de discussion. Ces « bots » produisent des messages automatisés dès qu’un utilisateur se connecte, indiquant par exemple la langue à utiliser au sein de tel ou tel salon de discussion. Exemple de message d’accueil automatisé du salon utilisé pour récolter notre corpus :

03[13:26] * Now talking in #25-35ans

03[13:26] * Topic is 'Bonjour et bienvenue sur #25-35ans, merci de prendre en considération les règles noticées par Artemis. Nous vous souhaitons un excellent moment de détente, ainsi qu'une bonne humeur contagieuse! Forum #25-35ans disponible sur www.forums.epiknet.org / Bon t'chat' à toutes et tous :)'

03[13:26] * Set by Sl3viN on Sun Nov 08 15:31:19

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21 05[13:26] -Artemis- [#25-35ans] L'équipe de #25-35ans vous invite à prendre connaissance de la netiquette du réseau sur www.netiquette.epiknet.org. Ne divulguez pas d'informations personnelles.

Nous attendons de vous : Politesse, Éthique, Savoir_vivre, Altruisme, ... Le style SMS ainsi les Pv's sauvages ne sont pas tolérés ! Un problème ? sl3vin@epiknet.org ! Bon t'chat à tous

L’un des comportements les moins tolérés dans les salons de discussion, conséquence directe des caractéristiques pragmatiques du chat, est ce que l’on appelle le spam en anglais (« pourriel » ou « polluriel » en français, mots qui ont beaucoup moins de succès et ne sont pour ainsi dire jamais employés) ; le terme, contraction de « Spiced Ham » (jambon épicé, une marque de jambon servie dans l’armée anglaise), est employé depuis un célèbre sketch des Monty Python (mettant en scène un restaurant dans lequel tout ce qui est servi est du

« Spam », les personnages répétant sans cesse ce mot jusqu’à en faire une chanson dont les paroles sont « Spam, spam, spam, spam, lovely spam ») pour désigner la répétition abusive d’un mot ou d’une phrase, avec pour seul objectif la saturation de la fenêtre de conversation afin d’empêcher les autres utilisateurs de communiquer.

Les interventions des « bots » donnent parfois lieu à des échanges intéressants, puisque certains utilisateurs peuvent les utiliser en temps réel pour faire passer un message particulier. Certaines commandes peuvent être utilisées par tous les utilisateurs pour former des messages ressemblant à des didascalies (du type « L’utilisateur X effectue l’action Y ») et énoncés par un « bot » (voir l’exemple ci-dessous). L’utilisateur « fait parler » un « bot » à sa place. Les autres utilisateurs peuvent aussi réagir aux interventions automatisées des

« bots », faisant semblant d’engager un dialogue alors que par définition, c’est impossible puisque le « bot » en question est complètement automatisé. Cela provoque un effet comique dont voici un exemple :

[13:41] <MeeYung> !chatouille BiLLOU95

[13:41] <+BotTools03> MeeYung fait des giligili à BiLLOU95 qui explose de rire :-) [13:41] <MeeYung> non mais ^^

[13:41] <BiLLOU95> loll [13:41] <BiLLOU95> :)

[13:42] <MeeYung> quand je vois des gens s'étirer ça me donne envie de les chatouiller :)

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Ici, l’utilisateur Meeyung utilise une commande (signalée par la présence du point d’exclamation devant son intervention) : « !chatouille ». Le « bot » (en l’occurrence nommé +BotTools03) est programmé, lorsque cette commande est utilisée, pour écrire le message automatique suivant : « MeeYung fait des giligili à BiLLOU95 qui explose de rire :-) ». Les utilisateurs réagissent ensuite à cette « didascalie », par des interjections et des émoticônes indiquant leur amusement ; on trouve même, dans la dernière intervention de MeeYung, un commentaire méta linguistique sur sa propre utilisation de la commande automatisée.

L’effet comique, qui amuse nos deux utilisateurs, est dû au fait que MeeYung emploie le

« bot ». Ce faisant, il ne décrit pas lui-même ce qu’il fait, comme s’il n’en prenait pas la responsabilité ; il met plutôt en scène ce qu’il fait, par l’intermédiaire de cette commande automatisée.

Les caractéristiques conversationnelles du chat en font un lieu privilégié d’étude de la façon dont la subjectivité7 des locuteurs passe à l’écrit ; les émoticônes, interjections y sont nombreuses. En effet, les utilisateurs, dans les salons de discussions virtuels, ne sont pas en face à face ; les indices qui supportent une conversation verbale « réelle » (mimiques faciales8, gestes, mouvements volontaires ou non) ne sont pas présents. Se substituent à ces indices des procédés spécifiques qui permettent de faire passer la subjectivité du locuteur à l’écrit ; les émoticônes en font partie, mais d’autres moyens plus communs – en tout cas, plus connus et travaillés par les linguistes - sont eux aussi utilisés, comme les interjections, employées en très grand nombre dans les chats, par exemple. Ces quelques exemples montrent que les caractéristiques pragmatiques du chat ont un impact direct sur les discours qui y sont tenus ; c’est pourquoi nous avons choisi ce corpus, présentant un ensemble de

7 Par « subjectivité », nous entendons dans ce travail tout ce qui relève du « sujet » dans les énoncés, c’est-à- dire ce qui ne relève pas de la logique vériconditionnelle mais bien de l’affect, de l’émotion, ainsi que des instructions pragmatiques visant à modifier l’interprétation que l’interlocuteur peut faire d’un énoncé ou plus généralement à influencer cet interlocuteur. Nous parlerons aussi volontiers d’ « attitude subjective », évoquant par là le positionnement que veut montrer le sujet par rapport aux contenus propositionnels qu’il énonce ou qu’énonce l’interlocuteur.

8 Le terme de « mimique » désigne, selon le TLF, « l’ensemble des gestes expressifs et/ou des jeux de

physionomie (spontanée ou non) qui accompagnent le langage oral ou se substituent à lui. » Nous utilisons le terme de « mimique faciale » pour distinguer les expressions du visage des autres gestes.

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phénomènes spécifiques liés à ces caractéristiques, dont font partie les émoticônes et les interjections. Les émoticônes sont naturellement présentes dans les conversations des salons de discussion en ligne, mais pas dans les œuvres littéraires, ou les articles de journaux, par exemple. Ceci est dû aux caractéristiques pragmatiques du chat telles qu’elles ont été abordées précédemment, ainsi qu’au fossé sémiotique qui sépare les émoticônes, icône à saisir visuellement, des mots de la langue comme les interjections (elles bien présentes dans les oeuvres littéraires et dans les articles de journaux, pour installer le plus souvent une oralité fictive ou l’émotion de tel ou tel locuteur). Les émoticônes (et, comme nous le verrons, d’autres éléments, parfois verbaux, comme les interjections) prennent la place, dans les conversations synchrones à l’écrit, des mimiques faciales et des gestes (ou d’autres éléments co-verbaux) qui, lors d’une conversation en face à face, interagissent avec les contenus verbaux pour orienter l’interprétation globale de l’échange. L’œuvre littéraire n’ayant pas du tout ces caractéristiques pragmatiques, le recours à l’émoticône n’y est pas nécessaire, ce qui ne veut pas dire qu’un jour les émoticônes ne seront pas présentes dans la littérature « légitime ».

1.4. - Panorama des différentes marques de subjectivité dans le chat

Il existe de nombreuses façons de montrer sa subjectivité à l’écrit, dans le cadre d’une conversation synchrone comme celles qui ont lieu dans les chats. Certaines sont spécifiques du chat, d’autres non ; en tout cas, on trouve, si l’on compare les conversations produites dans le chat à d’autres types de discours écrit, une quantité très importante de marqueurs de subjectivité. Il nous paraît important d’en faire un rapide inventaire, puisque ces marques apparaîtront régulièrement dans les exemples que nous allons étudier. Observons le court exemple suivant (nous soulignons) :

[15:16] <%ondes-virtuelles> fais comme moio [15:16] <%ondes-virtuelles> moi

[15:16] <MeeYung> gni ?

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24 [15:16] <MeeYung> c’est-à-dire ?

[15:16] <%ondes-virtuelles> j ai pris un medecin referent gratuit [15:16] <%ondes-virtuelles> et j y ss jms retournée

[15:16] <MeeYung> Oo [15:16] <Tetsuoo> ? [15:16] <MeeYung> ok

[15:16] <%ondes-virtuelles> mais comme ça je suis bien remboursée

Les émoticônes (comme « Oo » dans l’exemple ci-dessus) sont des marques de subjectivité qui sont apparues dans les chats, même si aujourd’hui elles ne sont plus spécifiques de ce type de corpus. La troisième partie de ce travail9 leur est entièrement consacrée, aussi ne nous attardons-nous pas à leur sujet ici.

On trouve aussi des interjections, et des onomatopées (comme « gni ? » ci-dessus) en très grand nombre. Nous nous intéresserons à ces deux catégories dans la seconde grande partie10 de ce travail.

Il existe aussi dans le chat une pratique qu’on trouve rarement ailleurs, si ce n’est peut-être dans la bande dessinée : exprimer sa subjectivité à travers un signe de ponctuation employé seul, pour montrer, par exemple, une attitude interrogative, ou la surprise. C’est le cas, dans l’exemple ci-dessus, du « ? » produit par <Tetsuoo>. Nous nous y intéresserons dans la partie consacrée à l’émoticône.

Enfin, une dernière pratique, utilisée couramment dans le chat mais qui ne lui est pas spécifique, consiste à modifier l’aspect graphique des énoncés verbaux, par exemple en employant des lettres capitales pour montrer que l’on crie, ou encore en étirant certains morphèmes en reproduisant plusieurs fois, par exemple, la lettre finale d’un mot :

[12:54] <Woucky> tain j'la HAIS.

9 Cf la partie : « III - L’émoticône, une interjection comme les autres ? ».

10 Cf la partie : « II – De l’émoticône aux interjections ».

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Ou encore

[13:09] <_Roi2Coeur> Bisoussssssssssssss ondes-virtuelles

1.5 - Les pseudonymes

Les utilisateurs de chat (comme la plupart des utilisateurs dans un contexte d’interactions en ligne) choisissent un pseudonyme (qui apparaît dans notre corpus entre chevrons) pour intervenir dans les discussions. Cela leur permet d’être anonymes d’une part, et, d’autre part, de se présenter aux autres utilisateurs d’une certaine manière. En effet, les pseudonymes disent quelque chose de l’utilisateur. Il existe nécessairement des relations entre l’utilisateur « réel » et le pseudonyme qu’il adopte ; un pseudonyme révèle un choix de la part de l’utilisateur : il s’agit d’indiquer aux autres comment il souhaite qu’ils s’adressent à lui.

Dans la plupart des salons de discussion en ligne, les utilisateurs peuvent changer leur pseudonyme quand et comme ils le souhaitent ; cela peut être par jeu, ou pour éviter une conversation. Parfois, le pseudonyme doit être enregistré une fois pour toutes, par exemple en étant associé à une adresse e-mail. Les utilisateurs ne peuvent pas changer de pseudonymes comme ils le souhaitent au sein d’un même salon de discussion, à moins de recréer un nouveau compte complet, avec une nouvelle adresse e-mail. Les contraintes sur les pseudonymes existent mais sont en général plutôt souples. Il existe des règles de politesse et quelques conventions tacites, plus ou moins rigides selon les salons de discussion. Dans notre corpus, tout utilisateur est libre de changer de pseudonyme quand il le souhaite ; par contre, évidemment, tous les pseudonymes ne sont pas acceptés. Les

« bots », ainsi que les modérateurs humains du salon, sont chargés de repérer les pseudonymes qui seraient offensants : les pseudonymes trop vulgaires, ou ouvertement racistes, par exemple, seraient immédiatement « censurés », certains termes étant reconnus

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26

directement par les « bots », dont la programmation inclut la reconnaissance de mots

« interdits », d’autres étant laissés au jugement des modérateurs réels, humains, du salon.

Les pseudonymes fonctionnent comme des noms propres, à ceci près qu’ils ne réfèrent pas à l’identité réelle d’une personne, mais bien à un locuteur virtuel qui parle dans le contexte précis du salon de discussion dans lequel il se trouve ; le pseudonyme est là aussi pour masquer l’identité réelle de celui qui l’utilise. Cependant, un pseudonyme peut aussi être utilisé pour indiquer certains traits de l’identité réelle de l’utilisateur. Ce dernier a donc le contrôle, par le choix de son pseudonyme, des traits identitaires qu’il veut montrer aux autres, ce qui n’est pas vrai du nom propre qui réfère toujours à une personne réelle et ne relève généralement pas du choix, ni ne dit nécessairement quelque chose sur la personne en question. C’est toute la différence qui existe entre « Martin Dupont », qui désigne une personne réelle, et qui indique quelques éléments la concernant (par exemple, il s’agit manifestement d’un nom français, donc la personne a certainement des origines françaises, etc.), dont elle n’est pas responsable, et un pseudonyme comme <Tristesire 57>, par exemple, qui relève du choix de l’utilisateur et indique un certain nombre de traits qu’il veut que les autres utilisateurs lui attribue : la tristesse, dans ce cas précis, et l’appartenance au département de la Moselle, ainsi qu’une forme d’auto-dévalorisation ironique, puisque la formule « triste sire » est moins la description d’une personne triste qu’une insulte adressée à un interlocuteur.

Les pseudonymes peuvent aussi indiquer, par leur forme, le statut de l’utilisateur dans le salon de chat. Les modérateurs apparaissent en rouge, ou en vert, par exemple, ou encore, un astérisque (ou une apostrophe) est ajouté à la fin de leur pseudonyme.

Notre corpus comporte évidemment de nombreux pseudonymes, et notre propre travail sur le corpus révèle la façon dont ils fonctionnent : nombreux seront les moments où nous utiliserons par exemple le pronom « elle » pour désigner l’utilisateur <Daisy>, parce que ce pseudonyme est un prénom féminin, et que nous en inférons donc que l’utilisateur veut être perçu comme une femme (ce qui ne veut pas dire que l’utilisateur est réellement une femme, mais cela a-t-il une importance ?) ; de même pour <ondes-virtuelles>, qui nous semble – peut être à tort – être un pseudonyme féminin, pour un ensemble de raisons parfois difficiles à énumérer et à expliquer. <Demonelle>, avec sa terminaison en « elle »,

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