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Rapport au risque routier et évolution

des pratiques de conduite chez les

conducteurs âgés

Analyse des freins et leviers à l’adoption de stratégies de

régulation du comportement chez les conducteurs âgés

M2 Psychologie sociale, travail et organisation (Université de Paris) - avril 2020

Intervention psychosociale faite pour Crédit Agricole Assurances - PACIFICA

Équipe : Camille BRETON - Inès DAOUSSI - Xavier LEONCE – Cassandre MAHÉ Tuteur : Aldric ZEMMOURI

Responsable universitaire : David VAIDIS Commanditaires : Alexandre BRAN, Emilie ROUX

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Remerciements

Un grand merci à Aldric Zemmouri, consultant psychosociologue à Cénacle Conseil, pour son aide précieuse et dont le soutien tout au long de ce projet nous a permis de mieux appréhender le déroulement et les spécificités de l’intervention psychosociale appliquée.

Nous tenons également à remercier Catherine Gabaude, directrice de recherche à l’Université Gustave Eiffel (ex-IFSTTAR), et à la psychologue sociale spécialisée en prévention routière pour les entretiens qu’elles nous ont accordés. Leur expertise a été un apport précieux pour mieux saisir la grande hétérogénéité de la population des conducteurs âgés et les risques de vouloir la réduire à des catégories.

Pour finir nous adressons nos remerciements aux participants qui se sont portés volontaires pour les entretiens ; leurs discours ont été d’une grande richesse pour l’analyse produite.

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Résumé

Cette synthèse reprend les points essentiels d’une enquête menée de novembre 2019 à avril 2020 par une équipe-projet constituée de quatre étudiants du Master 2 Psychologie sociale (CSIR) de l’Université Paris-Descartes, en réponse à une sollicitation du service prévention de Crédit Agricole Assurances - PACIFICA, dans le cadre d’un enseignement universitaire professionnalisant. Ce rapport final propose quelques éléments pour étoffer une réflexion déjà initiée par Crédit Agricole Assurances - PACIFICA visant à alimenter son offre d’actions de prévention à la sécurité routière avec un stage de sensibilisation aux risques routiers ciblant spécifiquement un public de conducteurs âgés. Dans le cadre de cette mission, il est demandé à l’équipe-projet d’analyser la population ciblée par l’offre ainsi que ses résistances et motivations à la perspective de participer à un stage de sensibilisation routière. En outre, il est demandé de produire un ensemble de recommandations pour sensibiliser efficacement cette population-cible, à savoir celle des conducteurs âgés. Est entendue ici comme conducteur âgé toute personne de plus de 65 ans, pratiquant la conduite automobile, que ce soit de manière régulière ou occasionnelle, indépendamment de la nature de ses trajets.

Cette analyse se déroule en trois temps. Tout d’abord, une revue de la littérature sur la question des spécificités de la population nous permettra d’appréhender les spécificités psychosociales de notre population-cible (Partie I). Ensuite, la restitution d’un ensemble d’entretiens menés en début d’année 2020 permettra de préciser certains points préalablement identifiés (Partie II). Enfin, un ensemble de recommandations (méthodologiques ou stratégiques) seront proposées pour identifier des modalités d’engagement efficaces de cette population (Partie III).

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SOMMAIRE

Introduction : L’intérêt de la prévention au risque routier chez les séniors 5

■ Quelle caractérisation de l’accidentologie des conducteurs âgés ? 5 ■ Un zoom sur les stratégies d’engagement efficaces au regard des spécificités de la population-cible 6

Partie 1 : Spécificités psychosociales des conducteurs âgés en matière de perception du risque routier &

modalités d’engagement efficaces 7

1. Quelles spécificités de cette population dans son rapport à la conduite ? 7 ■ Des différences en matière de conduite comparativement aux autres conducteurs ? 7

■ Les stéréotypes, une menace pour les conducteurs âgés 8

■ Quelles répercussions des croyances partagées sur ses capacités et sur la perception de ses propres

capacités ? 8

■ L’importance subjective de la dimension menacée : un déterminant de la force des répercussions 9

■ Face à la menace : attention aux biais 9

2. Régulations comportementales en réponse à ces spécificités 9

■ Différentes modalités d’adaptation mises en place par les conducteurs 9 ■ L’importance de facteurs individuels pour appréhender la mise en place de stratégies 10

3. Comment inciter aux changements ? 10

■ L’importance de l’approche pour penser l’incitation au changement 10

■ Quelques grands modèles de changement 11

Partie 2 : Aborder la prévention des risques routiers chez les séniors : la méthode des entretiens pour rendre compte des enjeux caractéristiques de cette population 13

1. Témoignages de conducteurs séniors : attentes et menaces en matière de conduite 13

■ Quelle évaluation des risques routiers chez les séniors ? 13

■ Conduite et vieillissement 14

■ Représentations de la prévention et des stages chez les conducteurs âgés 16 ■ Freins, leviers et attentes pour la mise en place de stage de prévention 17 2. L’apport d’experts de la prévention : Stages pour séniors, quels enjeux ? 20 ■ 1er entretien : Psychologue sociale spécialisée dans la sensibilisation à la sécurité routière 20 ■ 2nd entretien : chercheuse en psycho-ergonomie – LaPEA, Université Gustave Eiffel 21

Partie 3 : Préconisations pour la mobilisation des conducteurs séniors dans les stages 23

1. Le ciblage de la population 23

2. Répondre à la demande : quelles attentes chez les conducteurs séniors ? 24

3. Leviers et freins situationnels : des éléments à ne pas négliger 25

CONCLUSION 27

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INTRODUCTION

L’intérêt de la prévention au risque routier

chez les séniors

Quelle caractérisation de l’accidentologie des conducteurs âgés ?

Avant d’aborder le risque perçu et l’adoption de stratégies de régulations telles que la participation aux stages, il nous semble important de faire un point sur le risque accidentologique observé chez les conducteurs âgés. La variabilité dans les tranches d’âges dont est constituée notre population-cible et la multiplicité des trajectoires de vieillissement rendent impossible une réponse unique à la question de la qualification de l’accidentologie (Waller, 1991). Une étude australienne analysant près de 200 000 accidents sur une période de 9 ans (Rakotonirainy et al., 2012) illustre la diversité des patterns accidentologiques selon les tranches d’âge (à différentes tranches d’âges, différents types d’accidents, mais également différents niveaux de responsabilité).

60-69 ans 70-79 ans +80 ans

◾ Intersections ◾ Consommation d’alcool ◾ Fatigue ◾ Stops ◾ Cédez-le-passage ◾ Intersections conventionnelles ◾ Intersections circulaires

Tableau 1. Causes d'accidents par tranche d'âge (Rakotonirainy et al., 2012)

En dépit de l’absence de consensus scientifique sur le risque d’accident subi et causé par les conducteurs âgés, nous pouvons proposer quelques éléments de caractérisation de la conduite des conducteurs âgés à la lumière des recherches scientifiques.

Tout d’abord, bien que les déplacements aient augmenté chez les conducteurs âgés ces 20 dernières années, il convient de noter que ces derniers continuent de se déplacer moins que la population générale. En ce qui concerne le risque d’accident en tant que tel, la question qui se pose est celle du critère utilisé pour l’évaluer. Ainsi, en utilisant comme indicateur le nombre d’années de vie perdues chez les victimes d’accidents de la route, il apparaît que les conducteurs âgés sont moins dangereux et moins souvent impliqués dans des accidents (comparativement à la population générale). Toutefois, nous avons également noté que les conducteurs âgés parcourent une distance moindre que le reste de la population.

Aussi, si l’on prend en considération le critère de l’accidentalité au kilomètre parcouru, il apparaît cette fois-ci qu’elle est supérieure chez les conducteurs âgés comparativement à la population générale des conducteurs (Fontaine & Hubert, 1997 ; Li, Braver, & Chen, 2003). De plus, le risque de décès suite à un accident augmente au-delà de 65 ans (Lafont, 2016 ; ONISR, 2019). Ainsi, les séniors conduisent moins que les conducteurs d’âge inférieur mais leur usage de la voiture est en constante augmentation et ils sont plus susceptibles de perdre la vie en cas d’accident. Leur vulnérabilité concourt à en faire une population d’intérêt pour agir en termes de prévention des risques.

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Un zoom sur les stratégies d’engagement efficaces au regard des spécificités de la

population-cible

L’objectif de notre étude est d’identifier chez notre population-cible les freins et leviers psychosociaux à la participation à un stage de sensibilisation. Il s’agira d’identifier, le cas échéant, des sous-populations plus ou moins enclines à accepter de participer à un tel stage d’une part, et d’autre part d’apporter un éclairage sur les stratégies les plus susceptibles d’engager la population concernée au regard de ses motivations et réticences. Spécifiquement, l’action de prévention sur laquelle nous travaillons est un stage de prévention avec un volet théorique suivi d’un volet pratique (mise en situation de conduite). Au regard de la nature de cette action de prévention, la problématique que nous traitons est la suivante : quelles stratégies d’engagement efficaces pouvons-nous proposer au regard des spécificités de la menace perçue par les conducteurs âgés ?

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PARTIE 1

Spécificités psychosociales des conducteurs

âgés en matière de perception du risque

routier & modalités d’engagement efficaces

Le vieillissement peut s’accompagner d’un déclin des capacités cognitives et sensori-motrices susceptible d’augmenter le risque accidentologique chez les conducteurs âgés. En réponse à ce déclin les individus peuvent spontanément mettre en place des stratégies dites d’autorégulation : il peut s’agir de stratégies d’évitement (telles que la diminution ou l’arrêt de la conduite) ou bien d’adaptation (recherche d’informations, recherche d’alternatives en matière de mobilité ou réactualisation des connaissances et compétences). Identifier ces stratégies permettra de mieux cerner leurs conditions d'émergence et de proposer des moyens de faciliter leur adoption et leur adaptation aux contextes individuels. L’objet de la présente revue est d’identifier les spécificités des conducteurs âgés, tant dans leurs capacités que dans les représentations qui leur sont associées (Partie I). Nous nous concentrerons dans un deuxième temps sur les stratégies d'adaptation des conducteurs âgés (Partie II), puis nous présenterons des modèles théoriques pour approcher la question de l’engagement de cette population (Partie III).

1. Quelles spécificités de cette population dans son rapport à la conduite ?

Des différences en matière de conduite comparativement aux autres conducteurs ?

Toutes tranches d’âge confondues, les séniors sont décrits dans la littérature comme des conducteurs prudents, avec une conduite peu risquée et soucieuse de la sécurité. Les accidents mettant en cause les séniors sont davantage dus à des déficits au niveau du traitement de l’information qu’à des infractions réglementaires délibérées (Assailly et al., 2006). Notamment, les séniors éprouvent un déclin en matière d’attention et d’efficience dans la prise de décision dans un temps court ainsi que dans la gestion des imprévus (Ruer et al., 2016).

On observe parfois une discordance en ce qui concerne l’adéquation entre ses capacités de conduite objective et la perception que l’on en a, avec une tendance générale à surestimer ses capacités. Cette tendance se retrouve chez la population générale : on parle d’illusion de supériorité ou d’effet “meilleur que la moyenne” (Svenson, 1981). Toutefois, il existe une variabilité forte d’une personne à l’autre, notamment en fonction de caractéristiques telles que le genre. Ainsi, les hommes auraient une tendance plus forte que les femmes à surestimer leurs capacités cognitives. Les femmes quant à elles auraient tendance à se sous-estimer et à arrêter de conduire plus tôt que les hommes, et ce même lorsque leurs capacités de conduite sont encore suffisantes (Spitzenstetter & Moessinger, 2008)

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Les stéréotypes, une menace pour les conducteurs âgés

Au-delà de leurs capacités individuelles, les conducteurs âgés font l’objet de représentations sociales en tant que groupe. On parle de stéréotypes autour de la catégorie sociale des conducteurs âgés et des comportements discriminatoires associés. Ces stéréotypes, qui sont des croyances partagées, peuvent avoir des répercussions à différents niveaux (cognitif, comportemental, affectif...) chez les membres du groupe stéréotypé. Steele et Aronson (1995) définissent la menace du stéréotype comme une peur de confirmer un stéréotype négatif sur son propre groupe par ses agissements. Il existe un certain nombre de stéréotypes concernant les conducteurs âgés : ils sont perçus comme « plus lents », « moins agressifs », « timides », « anxieux au volant » ou encore « excessivement prudents » (Joanisse, 2012).

Quelles répercussions des croyances partagées sur ses capacités et sur la

perception de ses propres capacités ?

Les croyances partagées impactent négativement l’estime de soi des conducteurs âgés qui prennent connaissance du stéréotype. Un certain nombre de stratégies visent au rehaussement de leur estime de soi (e.g. utiliser des critères de comparaison originaux et avantageux ou mettre en question leur statut de personne âgée).

La connaissance de ces stéréotypes peut également avoir des conséquences sur le fonctionnement cognitif des populations concernées. Dans le cadre des stages de prévention dédiés spécifiquement aux conducteurs âgés, il nous semble important d’apporter des éléments de connaissance sur ces stéréotypes et sur l’impact qu’ils peuvent avoir sur les individus. Il nous apparaît en effet essentiel de ne pas renforcer ces stéréotypes et les impacts négatifs qu’ils peuvent avoir sur notre population.

À ce titre, la modalité de présentation d’une information (information stéréotypique vs. information factualisée) a des répercussions négatives sur les capacités de conduite des conducteurs visés par ladite information. Lamont (2015) a soumis des conducteurs à deux formes d’informations menaçant leur conduite : l’une fondée sur des stéréotypes (avec des phrases commençant par « il est communément admis que… »), l’autre prétendument étayée de faits objectivés par la recherche (« la recherche montre que… »). Les résultats de l’étude suggèrent que les conducteurs de la première condition (menace par le stéréotype) disposent de moins de ressources cognitives et sont davantage envahis de pensées distractives, comparativement à la seconde condition (menace par le fait). De surcroît, la simple exposition à une information dite stéréotypique influence la capacité de mémoire de travail.

Lambert et al. (2016) ont mesuré l’impact de la menace du stéréotype sur les conducteurs âgés en plaçant leurs participants dans deux conditions distinctes : dans l’une d’elle, des stéréotypes sur la conduite des personnes âgées étaient invoqués (condition expérimentale) tandis qu’aucune allusion de ce type n’était faite dans la seconde condition (condition contrôle). Les participants devaient ensuite effectuer une tâche sur un simulateur de conduite : suivre un véhicule à une distance précise (avec un signal sonore retentissant chaque fois qu’ils s’en éloignaient trop) et effectuer des changements de voie. Deux semaines plus tard, leurs capacités de mémoire de travail étaient mesurées. En condition de menace, les temps de réaction pour les changements de voie étaient plus élevés et les distances de suivi plus grandes auprès des participants ayant de faibles capacités de mémoire de travail. Dans la condition contrôle, il n’y avait pas de différence dans les performances des conducteurs quelles que soient leurs capacités de mémoire de travail. De plus, nous pouvons noter à titre informatif que sur les six accidents ayant eu lieu sur ce simulateur de conduite, cinq ont eu lieu dans la condition où la menace du stéréotype était activée. La menace du stéréotype affecterait ainsi

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davantage les capacités de conduite des conducteurs âgés lorsque ceux-ci ont de plus faibles capacités de mémoire de travail.

L’importance subjective de la dimension menacée : un déterminant de la force des

répercussions

Ces stéréotypes impactent différemment les individus. Nous avons vu que la menace du stéréotype agit négativement sur la mémoire de travail des individus en la surchargeant, ce qui nuit à la performance. Mais d’autres facteurs peuvent également entrer en ligne de compte. Hess et collègues (2003) constatent par exemple que l’effet de la menace du stéréotype est plus fort lorsque le stéréotype concerne un domaine auquel on accorde de l’importance. Il s’agit donc ici de garder à l’esprit que les stéréotypes sur la conduite auront d’autant plus d’impact sur les personnes pour lesquelles la conduite est importante. En 2009, Hess ajoute que les performances des personnes de 60-70 ans seraient plus impactées par la menace du stéréotype que celles des personnes ayant entre 71 et 82 ans. Cela peut être lié à l’appartenance nouvelle au groupe social stéréotypé (Hess et al., 2009).

Outre une diminution des capacités de conduite, la menace du stéréotype peut également impacter la volonté des individus à développer des comportements plus précautionneux. Ceci nous semble particulièrement important à relever lorsque l’on cherche à développer la sensibilisation aux risques routiers chez ce public spécifique. En effet, annoncer aux conducteurs âgés qu’ils sont plus à risque est susceptible de participer à l’épuisement des ressources exécutives et à la surcharge de la mémoire de travail des individus stéréotypés. Cela peut notamment conduire à adopter des comportements visant à contredire le stéréotype : par exemple, rouler plus vite en réaction au stéréotype selon lequel les personnes âgées conduiraient trop lentement (Brelet et al, 2006).

Face à la menace : attention aux biais

Lorsqu’ils sont exposés à la menace du stéréotype, les individus vont chercher à maintenir une image de soi positive. Ceci peut amener à des biais de jugement tels que l’optimisme comparatif (Spitzenstetter & Moessinger, 2008). Dans le cas de la conduite des seniors, l’optimisme comparatif reviendrait pour les conducteurs âgés à évaluer leur risque d’accident comme plus faible que celui des autres conducteurs. Ce biais est observé chez les conducteurs de plus de 65 ans lorsqu’ils doivent estimer leurs risques d’accident liés à la conduite. Ce biais et le désir de maintenir une estime de soi positive - notamment en réponse face aux stéréotypes - pouvant impacter l’adoption de stratégies de régulation, il nous semble important de le prendre en compte dans le développement d’actions de sensibilisation aux risques routiers.

2. Régulations comportementales en réponse à ces spécificités

C’est sur les stratégies de régulation que nous avons choisi de nous concentrer dans un deuxième temps. Il ressort en effet de la littérature que les conducteurs âgés modifient d’eux-mêmes leurs comportements de conduite.

Différentes modalités d’adaptation mises en place par les conducteurs

Face à l’évolution de leurs capacités de conduite, certains choisissent d’eux-mêmes de modifier leurs habitudes de conduite. C’est notamment ce que montre Boccara (2010) dans une enquête réalisée à l’issue d’un stage de conduite dédié aux séniors, durant lequel les participants

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effectuent deux journées de formation, dont une demi-journée de conduite en groupe avec et sans moniteur. A l’issue du stage, il a été demandé aux participants d’évaluer leur conduite. Le moniteur devait également évaluer les participants. Les résultats montrent une congruence entre les auto-évaluations et les auto-évaluations des moniteurs : les conducteurs avaient une perception relativement juste de leur conduite, ce qui suggère qu’ils étaient conscients de leurs capacités et de leurs limites.

En réaction au déclin de leurs capacités, les conducteurs adoptent spontanément des stratégies d’autorégulation, à savoir qu’ils adaptent leurs pratiques en cohérence avec leurs capacités. 73% des stagiaires déclarent ainsi éviter de conduire dans certaines situations, jugées à risque (dans l’ordre : aux heures de pointes, de nuit, sur de longues distances, en cas de pluie, seul) (Boccara, 2010). Ceci laisse à penser que les conducteurs âgés ont une juste évaluation de leurs capacités et qu’ils décident d’eux-mêmes de s’y adapter. Cette étude ne porte toutefois que sur 37 conducteurs ayant choisi d’eux-mêmes de participer à ce stage. Outre une taille d’échantillon faible, la sélection des participants vient limiter ces conclusions : ayant choisi de participer à ce stage, ces conducteurs âgés étaient potentiellement parmi les plus enclins à faire preuve de réflexivité sur leurs propres comportements.

L’importance de facteurs individuels pour appréhender la mise en place de

stratégies

D’autres chercheurs se sont quant à eux intéressés à ce qui pouvait faciliter la mise en place de ces stratégies d’autorégulation chez les conducteurs âgés. Ainsi, Gabaude (2016) a pu constater des différences de genre dans la mise en place de stratégies d’autorégulation : les femmes semblent plus enclines que les hommes à mettre en place de telles stratégies. Au-delà de ces différences de genre, d’autres facteurs favorisent la mise en place de telles stratégies autorégulatrices ; dans l’ordre : la perception du danger, l’utilité des stratégies, la diminution des capacités. Percevoir les dangers, reconnaître l’utilité de ces stratégies, reconnaître une éventuelle diminution de ses capacités, avoir vécu des situations de conduite complexes, ressentir un inconfort à la conduite, accepter de recevoir de l’aide des autres et avoir d’autres alternatives de transports à disposition constituent également des déterminants majeurs de la volonté de mettre en œuvre des stratégies de régulation comportementales.

Inversement, ne pas connaître de stratégies adaptatives, un fort sentiment de fierté, un manque d’autocritique, des réticences de l’entourage (famille et médecin) à intervenir, une perception de coûts trop importants, une dépendance au moyen de transport, une perception négative des autres types de mobilités ou encore l’éloignement des services sont autant de freins à l’adoption de ces stratégies.

3. Comment inciter aux changements ?

L’importance de l’approche pour penser l’incitation au changement

Nous allons ici présenter quelques moyens d’inciter au changement chez les conducteurs âgés, en commençant par aborder des initiatives déjà existantes. Dans un premier temps, il apparaît que le type d’intervention joue rôle sur la réception des messages incitant au changement. Tuokko et al. (2015) ont réalisé des interventions autour de la conduite chez les personnes âgées sur deux supports différents : pour certains une pièce de théâtre visant à ouvrir la conversation sur la conduite et sur des

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problématiques vécues par d’autres conducteurs de la même tranche d’âge ; pour d’autres de la documentation écrite basée sur des faits autour de la conduite. Il en ressort que les attitudes envers la conduite deviennent plus négatives avec le temps chez les personnes ayant assisté à la pièce tandis qu’elles demeurent positives chez ceux lisant la documentation. L’intention de continuer à conduire diminue chez les personnes visionnant la pièce tandis que leur prise de conscience augmente. Ceci suggère qu’une représentation théâtrale amènerait à une plus grande prise de conscience que la lecture d’une documentation informative. Ainsi, un support interactionnel tel qu’une pièce de théâtre serait plus efficace pour enclencher un processus de changement qu’un support écrit purement factuel.

Quelques grands modèles de changement

Pour mieux comprendre comment des changements de comportements peuvent s’opérer chez des conducteurs âgés, quelques modèles développés en psychologie sociale peuvent être utiles. L’étude de Tuokko et al. (2015) présentée plus haut faisait référence au modèle transthéorique du changement de comportement (Prochaska & Velicer, 1997). Ce modèle propose que le changement comportemental se produit en six étapes, dont les premières consistent à prendre du recul sur ses comportements actuels et sur la possibilité d'en changer, ce qui est par ailleurs mis en place dans l'étude de Tuokko et collègues. Dans cette partie, nous allons chercher à présenter d'autres modèles qui permettent d'appréhender concrètement la question de la modification des comportements.

Le modèle du Processus d’adoption du comportement de précaution

Le modèle du processus d’adoption du comportement de précaution (PAPM, Weinstein, 1988 ; adapté par Hassan, 2015) propose sept stades d’évolution dans la trajectoire du vieillissement des conducteurs ; il permet de comprendre les processus d’autorégulation en jeu. Il convient de noter un élément essentiel : les rétro-actions perçues facilitent la prise de conscience des déficits et constituent la première étape pour engager un changement comportemental.

Ce modèle peut être schématisé ainsi :

Il comprend plusieurs phases : absence de conscience du risque, absence d’engagement (“je pense que je suis un conducteur prudent, je n’ai jamais songé modifier ma conduite”), indécision (“je ne suis pas sûr que je devrais considérer des stratégies d’évitement de situations et de réduction de ma conduite”), restriction de l’action (“il serait inutile pour moi d’éviter certaines situations”), planification de l’action (“je prévois d’éviter des situations”), autorégulation / action (“j’ai commencé à éviter des situations complexes pour moi”).

Trois grands stades s’en dégagent finalement :

L’engagement (étapes 1 à 3) : à ce stade, ce sont majoritairement des facteurs intra-personnels (état de santé, perception des capacités), interintra-personnels (feedbacks) et

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l’historique personnel en matière de conduite (éventuels accidents antérieurs) qui faciliteront l’engagement ;

La décision d’agir (étapes 3 à 5) : elle est liée aux croyances et aux attentes vis-à-vis de sa conduite future (observations de l’entourage qui réduisent leurs déplacements) et repose sur la confiance en sa conduite et son confort au volant ;

L’action (étapes 6 et 7) : elle consiste ici dans la modification de l’activité de conduite, voire son arrêt.

À cela s’ajoute des facteurs externes sur lesquels il est plus difficile d’intervenir et qui peuvent agir comme des contraintes pour les individus : présence ou non de modes de transports alternatifs, composition du foyer, modalités d’assistance technologique (système de détection d’angles morts, autre assistance).

La protection-motivation theory

La théorie de la protection-motivation propose que, face à une menace, les personnes vont être motivées à adopter un comportement de protection selon quatre déterminants :

● La sévérité perçue de la menace ;

● La vulnérabilité à cette menace, c’est-à-dire la probabilité d’y être exposé ; ● L’efficacité estimée du comportement de protection ;

● L’auto-efficacité : la capacité estimée à mettre en place ce comportement de protection. En ce qui concerne la question traitée, le comportement protecteur consiste à l’engagement dans le stage de conduite pour se prémunir de risques routiers spécifiques. D’après Berndl (2013), les facteurs qui prédisent le mieux la volonté d’adopter le comportement de protection (i.e. « participer à un programme ») sont plus spécifiquement la sévérité perçue du risque d’accident, sa vulnérabilité propre et son auto-efficacité perçue. Cette étude menée auprès de personnes âgées sur le thème des programmes de conduite accompagnée suggère que lorsque l’évaluation de la menace (la sévérité et la vulnérabilité) et l’évaluation de l’efficacité (efficacité de la réponse et auto-efficacité) sont élevées, les personnes sont plus à même d’accepter de participer à ce type de programmes et à accepter des feedbacks.

Pour mieux saisir les éventuelles réticences des personnes âgées à s’engager dans le stage, on peut également appréhender la perte de mobilité en tant que menace à leur autonomie. Ainsi, éviter de se questionner sur ses capacités de conduite pourrait pour certains devenir le comportement protecteur à adopter, au détriment de participer à un stage.

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PARTIE 2

Aborder la prévention des risques routiers

chez les séniors : la méthode des entretiens

pour rendre compte des enjeux

caractéristiques de cette population

1. Témoignages de conducteurs séniors : attentes et menaces en matière de

conduite

Seize entretiens téléphoniques ont été menés au début de l’année 2020 auprès de conducteurs âgés de 62 à 80 ans (moyenne d’âge : 69 ans). Les interviewés résidaient dans différentes régions de France (Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Grand Est, Normandie, Occitanie, Pays de la Loire), en zone urbaine ou rurale. Ces entretiens nous ont permis de déterminer trois profils de conducteurs distincts, avec des rapports différents à la conduite. Le premier est constitué de séniors qui perçoivent la conduite comme une activité agréable et la pratiquent quotidiennement, sur des trajets longs ou courts, seuls ou accompagnés. Le second profil est composé de personnes adoptant une conduite principalement utilitaire. Les distances plus courtes sont privilégiées ; conduire peut être une activité agréable mais tend à l’être moins que par le passé. Enfin, un dernier profil tend à réduire sa conduite au maximum, généralement suite à des problèmes de santé et/ou un accident. Pour tous, la conduite est associée à un sentiment de liberté, mais parfois aussi au plaisir, à l’indépendance et à la vie sociale.

Quelle évaluation des risques routiers chez les séniors ?

Toutes ces personnes ont pu partager avec nous leur perception des risques routiers et de l’évolution de ces risques. La plupart attribue la responsabilité des accidents actuels à des facteurs humains. D’après les participants, les usagers les plus problématiques sont les jeunes conducteurs et les conducteurs sous l’influence de substances psychotropes. Plusieurs participants témoignent du fait que les routes et les véhicules sont devenus plus sûrs. Malgré cela, ils restent nombreux à estimer que le risque a augmenté depuis quelques années. Ils expliquent cette augmentation notamment par la fréquentation accrue des routes, y compris par les camions, et les plus nombreuses incivilités et infractions.

« Il y a du progrès, les routes sont beaucoup mieux organisées, mieux aménagées, il y a les limitations de vitesse. Ça a progressé. Il y a aussi plus de dispositifs de sécurité dans les voitures. »

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Homme, 71 ans, Bas-Rhin « Prendre la voiture est moins dangereux qu’avant. Mais il y a des moments où je sens que ça ne va pas du tout : quand les gens vont chercher les gamins à l’école, par exemple : ils sont en retard pour aller les chercher, se dépêchent, se garent n’importe où, ne regardent pas… leur conduite n’est plus dans la conduite mais dans le problème de récupérer les gamins ; comme ceux qui sortent du boulot. Et ça, c’est quelque chose qui n’existait pas avant.

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Maintenant c’est devenu systématique. »

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Homme, 78 ans, Morbihan

« Je pense que le risque d’accident a diminué. En tout cas, on voit moins de voitures accidentées que quand j’étais jeune, moins de voitures en panne. Mais dans les villes, il y a plus de conducteurs qui ne respectent pas les limites, qui ont des petites crises de testostérone, des manières brusques… »

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Femme, 65 ans, Bas-Rhin

Ces constats sont intéressants parce qu’ils marquent une évolution dans la manière d’occuper la route, ce qui peut constituer un changement dans les habitudes ou la manière d’appréhender la conduite par ces conducteurs, suscitant des difficultés nouvelles. Cela est d’autant plus notable que cette évolution mobilise fortement les capacités de conduite, comme le fait remarquer un des interviewés.

« Ma vision personnelle est que la conduite, actuellement, exige de plus en plus des capacités d’audition, de vision, de réactivité, qui sont celles qui baissent avec l’âge. La circulation est de plus en plus complexe, avec les files, les pistes cyclables et les ronds-points qui demandent une vivacité, une rapidité de jugement. On trouve des situations qui sont de plus en plus compliquées. Avec l’âge, on n’a pas la même vivacité d’esprit, de perception. »

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Homme, 71 ans, Bas-Rhin « Les gens roulent trop vite en ville, on n’a pas le temps de lire les panneaux, il y a trop d’informations [...] qu’on n’appréhende pas dans l’instant. »

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Femme, 75 ans, Morbihan

Conduite et vieillissement

L’évolution perçue des risques soulève donc la question du lien entre conduite et vieillissement. On a vu que l’augmentation de la circulation et le partage de la route a pu progressivement changer les habitudes de conduite.

À cela s’ajoute le déclin des capacités qui peut survenir avec l’âge. Sans être expérimenté ou clairement éprouvé par les participants, la possible détérioration des compétences est une problématique critique chez les conducteurs âgés. Les participants sont la plupart du temps conscients que leurs capacités peuvent être amenées à diminuer. La perspective que ce déclin rende nécessaire l’arrêt de la conduite est pour beaucoup une source d’inquiétude. La conduite étant associée à une certaine liberté, la perspective de l’arrêt est redoutée et fréquemment repoussée, sur le plan fonctionnel mais aussi symbolique.

« Arrêter de conduire, ça arrivera sûrement. C’est comme pour faire du bateau : je sais qu’un jour il faudra que j’arrête. Alors je m’étais donné une date à l’époque, c’était 75 ans, maintenant j’ai dit 80… Dans dix ans, je dirai 90 ! »

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Homme, 78 ans, Morbihan « J’envisage sérieusement d’utiliser [la voiture] le moins possible, pour différentes raisons. Mais arrêter, non - j’aurais du mal. J’appréhende cette perspective, ce serait assez dramatique. Ça sous-entend plein de choses : une incapacité à le faire. Même sans l’utiliser pendant plusieurs jours, savoir qu’elle est là c’est bien. »

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Femme, 62 ans, Haut-Rhin

Le maintien de l’autonomie est donc un point d’intérêt pour les conducteurs âgés ; les stages peuvent alors se présenter comme une opportunité de préserver cette autonomie, dans la mesure où ils apporteraient des informations à même de permettre une conduite plus sûre, sur un plus long terme. Cela pourrait d’après certains participants passer par le fait de redonner confiance aux conducteurs âgés en leur capacité, ceux-ci étant décrits comme pouvant manquer d’assurance.

« On se rend compte que la perte de cette autonomie, ou de ce symbole d'autonomie, est très très mal vécue. C'est souvent un drame. Donc les stages pourraient aider à prolonger un peu ce temps où on peut décider de partir, de se rendre quelque part simplement. On reste très dépendant de la voiture, surtout dans l'ancienne génération. La réassurance [sur les capacités de conduite] pourrait aussi être un axe. »

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Femme, 62 ans, Haut-Rhin « Quand on roule derrière une voiture à 40km/h, on dit direct “alors pépé/mémé !”. Et souvent c’est vrai que c’est une personne âgée, parce qu’elles n’ont plus confiance en elles, donc elles roulent doucement. »

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Femme, 80 ans, Pyrénées-Orientales

Ce manque d’assurance peut venir du fait qu’avec l’âge, l’afflux d’informations, la vitesse soient moins facile à gérer. Mais on a vu dans la littérature que les stéréotypes peuvent influer non seulement sur l’assurance des conducteurs, mais aussi directement sur leur performance de conduite. Lors des entretiens, la plupart des participants reconnaissent l’existence de stéréotypes visant les conducteurs âgés, et, plus rarement, déclarent être affectés par ceux-ci.

« Il y a des idées reçues, les médias jouent un rôle là-dedans. Mais je n’y adhère pas du tout, au contraire, je trouve qu’il y a plus de sagesse chez les personnes âgées, moins de prise de risques. Il faut faire du cas par cas. »

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Femme, 65 ans, Ardèche « Certains considèrent que [les personnes âgées] n’ont rien à faire sur les routes. Les personnes qui disent ça devraient se faire à l’idée qu’ils seront vieux un jour. Ça m’affecte un peu ; tout le monde a le droit de vivre. »

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Femme, 66 ans, Sarthe

Un levier d’action pour pallier les difficultés rencontrées dans la conduite est l’autorégulation. La plupart des séniors de notre échantillon ont en effet adopté des stratégies d’adaptation afin de réduire les risques d’accidents. Cela peut passer par le fait d’éviter de prendre le volant dans les situations jugées à risque (conduite la nuit, heures de pointe, fatigue…), mais d’autres peuvent également choisir de conduire plus lentement. Plusieurs conducteurs interrogés évoquent spontanément identifier certaines limites dans leurs capacités, qui sont parfois apparues avec l’âge.

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comme avant à cent kilomètres faire la fête. Je sens que je pourrais vraiment dormir. Donc je ne pars plus toute seule, je fais des covoiturages. Le fait d’être à plusieurs aide à rester éveiller. »

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Femme, 65 ans, Ardèche « Maintenant que je suis retraité, je choisis mes heures de trajet. Donc j’évite quand il y a des gens qui travaillent, le matin et le soir, j’évite ça. »

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Homme, 73 ans, Bas-Rhin « La vision baisse. Quand il pleut, qu’il commence à faire nuit, je trouve que c’est un peu plus compliqué, donc j’évite. Pour le coup, je m’adapte en fonction du contexte. »

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Homme, 65 ans, Seine-Maritime

Représentations de la prévention et des stages chez les conducteurs âgés

Lorsque les participants sont questionnés sur leur connaissance des actions de prévention existantes, les réponses sont souvent assez évasives et peuvent évoquer des actions préventives (campagnes, interventions dans les écoles, stages) ou des mesures restrictives (limitations de vitesse, radars). Les spots de prévention sont le plus souvent cités. Globalement, les interviewés n’avaient pas d’opinion particulière sur ces actions ou leur efficacité. Quand ils avaient déjà participé à des stages, leurs retours étaient assez positifs.

L’idée de stage de conduite visant à réduire les risques était ensuite présentée aux participants. Leur perception a priori d’un tel outil de prévention était explorée. Puis les questions approfondissaient des aspects plus concrets du stage, pour identifier d’éventuelles attentes : modalités de participation, contenu du stage...

Les participants sont quasi unanimement favorables, voire très favorables aux stages de sensibilisation. Ces stages suscitent majoritairement la curiosité, l’intérêt pour les conseils qui pourraient y être prodigués ; ils sont jugés utiles pour tester ses connaissances et ses capacités de conduite. Le besoin principal qui a été remonté au cours des entretiens concerne la mise à jour des connaissances, chez des conducteurs ayant souvent obtenu le permis plusieurs décennies auparavant. Mais ces stages sont aussi vus comme une occasion de prendre conscience des risques, de prévenir les accidents, de prendre conscience de ses limites voire d'un éventuel déclin dans ses capacités (constat qu’il peut être difficile de réaliser seul, comme nous l’avons vu avec les biais de jugement présentés dans la littérature).

« Pour parler de l’expérience de mon beau-frère : quand il a commencé à avoir des troubles, lui-même ne s’en était pas aperçu. Les stages pourraient sûrement aider à sensibiliser à ça.»

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Homme, 78 ans, Morbihan « Ça pourrait être intéressant, pour les personnes qui commencent à sentir que c'est moins facile, elles pourraient trouver des réponses dans les stages ou des moyens de compenser si cela est présenté. Sensibiliser à la diminution des capacités peut éventuellement soulever des questions et des demandes. Je crois que souvent les personnes ne se rendent pas bien compte, sans vraiment réaliser que ça va moins bien. »

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« C’est sûrement bien, parce que les gens qui en ont fait me disent “oh dis donc, je me suis fait avoir parce qu’on m’a présenté un panneau, je n’ai pas su…” ou encore “ma manière de prendre le rond-point, c’est pas comme ça qu’il faut faire”. Parce qu’avant il n’y en avait pas. Les anciens ne connaissaient pas les ronds-points. [...] Donc il y a des gens qui doivent apprendre comment [les] prendre. »

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Homme, 78 ans, Morbihan

« Quand j’ai fait mon premier stage, je pensais que j’étais assez lente mais en fait pas du tout. Je me suis rendu compte qu’on se voyait pas comme on est. Je trouve donc très intéressant de pouvoir avoir un retour extérieur. »

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Femme, 66 ans, Sarthe

Cependant, une minorité d'individus estime que chacun est en mesure d'identifier d'éventuels déclins dans ses capacités de manière assez objective et d'adapter sa conduite en conséquence, et que les stages n’auraient donc pas d’utilité sur ces aspects. D’autres ont le sentiment que le stage serait inutile pour les conducteurs ne rencontrant pas de difficulté particulière : les savoirs seraient déjà acquis et l’existence d’autres modalités d’informations renforcerait cette perception. Cette opinion était généralement émise dans les premières questions concernant les stages ; en approfondissant, les participants étaient amenés à identifier d’éventuelles attentes qu’ils auraient en y participant, ce qui pouvait changer leur intérêt pour ces stages ou la représentation qu’ils en avaient.

« Je n’ai jamais participé à un stage autour de la conduite. Je n’en vois pas l’utilité, je pense que je conduis bien. »

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Femme, 65 ans, Ardèche « Il y a plein de gens pour lesquels on ne sait pas comment ils ont eu le permis. Donc une remise à niveau pour eux, pourquoi pas. Mais je vois pas trop pourquoi les gens iraient sans besoin ou par curiosité. Pour ma part je n’ai jamais eu d’accident où j’étais en tort, je vois pas pourquoi je participerai à un stage de ce type, et ce même en ayant rien d’autre à faire. Même si ça pourrait être hyper intéressant, et que je pourrais y apprendre des choses, mais bon. »

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Homme, 63 ans, Bas-Rhin

Freins, leviers et attentes pour la mise en place de stage de prévention

Les entretiens ont permis d’identifier quelques éléments qui pourraient encourager ou au contraire dissuader les conducteurs de participer à des stages. L’organisation d’un stage basé sur la classe d’âge “sénior” tend à susciter une réactance chez les participants. En effet, nombreux sont ceux qui ne ressentent pas le besoin de suivre un stage adressé spécifiquement aux “conducteurs âgés” car ils estiment que leurs capacités de conduite sont bien préservées, et ne s’identifient pas (ou peu) à ce groupe. Mais cela pouvait également être jugé stigmatisant par les enquêtés.

« Mon acceptation pour participer dépendra du contexte dans lequel c’est proposé. J’imagine qu’une personne comme moi, qui conduit toujours assez régulièrement, qui n’a pas de besoin particulier, pas de problème particulier, si je reçois un courrier qui me propose

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un stage, ma première réaction serait de me dire : “mais pourquoi on me propose ça ?”. Tout dépend du contexte mais ça risque d’être mal compris. [...]

Moi j’ai passé mon permis en 1976. On me proposerait de me réactualiser un peu, ou de me rafraîchir, ou de voir les nouveautés, pourquoi pas. Le contenu du stage pourrait orienter ma réponse. Si on reçoit quelque chose adressé en fonction de l’âge, à 60 ans, on peut se dire qu’on n’a pas besoin de ça. »

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Femme, 62 ans, Haut-Rhin

Ce ciblage suscite d’autant plus de méfiance du fait qu’il s’articule avec la dimension d’évaluation que peut revêtir le stage. Il peut alors faire écho à la crainte de devoir arrêter la conduite, ou encore à l’idée débattue selon laquelle des stages obligatoires devraient conditionner la poursuite de la conduite à partir d’un certain âge. La peur de ne pas être à la hauteur est ainsi souvent évoquée lors des entretiens.

« On pourrait faire évaluer mes capacités de conduite, pour voir. Enfin… on m’enlèvera pas le permis j’espère ? Parce que sinon, les gens stressés s’ils savent ça, ils vont conduire encore plus mal. »

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Homme, 78 ans, Morbihan

« J’ai déjà eu l’occasion de faire un stage de conduite. Ça m’a permis de me mettre à jour sur certains points, ce qui était bien étant donné que j’ai mon permis depuis longtemps et que les choses ont évolué. J’ai été surprise d’être plutôt bien évaluée par le moniteur. J’anticipais un peu son avis, vu qu’on passait chacun son tour. »

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Femme, 66 ans, Sarthe « Recevoir des conseils pratiques, pourquoi pas. Même si c’est jamais agréable d’être jugé sur sa conduite. Mais j’apprendrais peut-être encore des choses. Ce n’est cependant pas l’aspect qui m’intéresserait le plus. Peut-être que je ne me rends pas compte de certaines mauvaises habitudes. »

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Femme, 65 ans, Ardèche « Il y a des personnes qui ne sont pas à l’aise, [l’idée du stage] peut foutre la trouille. Le fait de proposer plus de stage banaliserait la chose et pourrait rendre ça plus efficace. »

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Femme, 67 ans, Côtes-d’Armor

La crainte de la dimension évaluative du stage reste cependant à relativiser. En effet, l’aspect évaluatif est motivant pour certains séniors. S’ils ont peur de ne pas être à la hauteur, ils sont tout autant motivés à l’idée d’obtenir un retour sur leurs capacités. Sur la base des discours récoltés, l’évaluation des capacités serait motivante si elle est dispensée de façon ludique et pédagogique, qu’elle revêt une visée de conseil et en prenant garde de maintenir la confiance des personnes en leurs capacités.

« Pourquoi pas avoir un retour sur la façon dont on conduit, et ce qu’il faudrait corriger. Je pense qu’il faut une personne compétente pour se rendre compte des défauts . Mais avec un

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peu de tact, pour ne pas qu’on se dise “je suis foutue, je ne peux plus conduire”. »

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Femme, 67 ans, Côtes-d’Armor « L’idée d’apprendre quelque chose, de me tester, de réactualiser les connaissances pourrait m’intéresser, mais c’est plus de la curiosité. »

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Homme, 78 ans, Morbihan « Il faudrait que ce soit un peu ludique ; ne pas entendre la même chose qu’à la radio tous les jours. »

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Homme, 63 ans, Bas-Rhin

En termes de contenu, la principale attente de l’échantillon vis-à-vis d’un stage de prévention concerne l’actualisation du Code de la Route. Les plus importantes lacunes qui ont été mises en avant lors des entretiens concernent spécifiquement les carrefours giratoires et certains panneaux de signalisation, des éléments qui n’existaient pas toujours au moment où les participants ont obtenu leurs permis.

« Il m’arrive de faire deux fois le tour du rond-point avant de comprendre la chose. »

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Femme, 73 ans, Bas-Rhin « Ce qui pourrait me faire accepter au niveau du contenu : peut-être voir un peu les premiers secours, ce qui est important en cas d’accident. Donner les grandes lignes de prévention sur les limites de vitesse tout ça… Mais après, surtout revoir des points du code de la route, des panneaux… moi j’ai eu mon permis en 1973, or ça évolue constamment. [...] Ce sont des choses qui peuvent servir. Des stages pratiques pour acquérir certains réflexes ça peut être intéressant. »

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Femme, 65 ans, Ardèche

Quelques participants suggèrent qu’accompagner le stage d’une offre promotionnelle ou d’une motivation externe au stage pourrait encourager la participation.

« Ce qui pourrait m’amener à accepter plus facilement : si on offrait le repas de midi par exemple, un truc comme ça. Enfin je sais pas, s’ils ne le faisaient pas peut-être que j’irais quand même. Mais une petite carotte pourrait aider : un verre de l’amitié à la fin, ou une réduction sur l’assurance... »

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Homme, 65 ans, Seine-Maritime

Parmi les modalités de participation, certaines sont régulièrement avancées comme des freins possibles : le fait de devoir payer, d’autant plus que des organismes publics (collectivités locales) proposent des stages de sensibilisation aux risques routiers. Un stage gratuit basé sur le volontariat est beaucoup mieux accepté. Plusieurs enquêtés ont montré une réticence vis-à-vis de ces stages relatifs à l’éloignement géographique du lieu de stage. On note globalement une préférence pour un stage se déroulant sur une demi-journée ou une journée en deux temps. Quant au statut de l’organisme proposant le stage (e.g. public vs. privé), il n’influerait pas sur la prise de décision de la plupart des participants: le contenu du stage est plus important. Ceux qui font part d’une préférence

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sont, à une exception, plus favorables à suivre un stage proposé par un organisme public. Ils expliquent cela par une certaine méfiance envers une proposition qui émanerait d’un organisme privé.

« Je pourrais y consacrer quelques heures, une journée. Il ne faut pas que ce soit trop long, surtout s’il n’y a pas de demande. Si j’en avais, je serais prête à y consacrer plus de temps : on peut alors aller plus loin, et faire plus long. »

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Femme, 62 ans, Haut-Rhin « A priori je préférerais un organisme public, dont j’attends une certaine neutralité, une objectivité. Pour un organisme privé, j’aurais plus tendance à penser qu’on va vendre quelque chose. »

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Homme, 71 ans, Bas-Rhin « Au contraire, je préférerais un organisme privé, quitte à payer une assurance. Public, non merci ! »

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Homme, 63 ans, Haut-Rhin

2. L’apport d’experts de la prévention : stages pour séniors, quels enjeux ?

Deux entretiens avec des expertes sur la question de la conduite automobile et de la prévention ont été menés. Ces entretiens visaient à recueillir le point de vue d’expert(e)s sur la population des conducteurs séniors, notamment sur la question d’une possible méfiance de ces conducteurs envers les actions de prévention ; méfiance identifiée par des préventeurs dans la demande initiale.

Premier entretien : Psychologue sociale spécialisée dans la sensibilisation à la

sécurité routière

Dans les formations qu’elle organise, cette psychologue sociale débute par un état des lieux de la sécurité routière. Lors des discussions entre les participants, ils évoquent d’abord des représentations sur les jeunes conducteurs puis leurs représentations sur les séniors. Lors de l’échange que nous avons eu, l’accent a été mis sur le fait que les séniors n’ont souvent pas le même rapport à la route que les jeunes conducteurs, dans la mesure où ils choisissent leurs trajets. Certains disent ressentir la pression des autres conducteurs et évitent les flux importants. De plus, l’interviewée a pu se rendre compte que les jeunes conducteurs ont tendance à se sentir plus invulnérables. À l’inverse, les séniors ont conscience de leurs défaillances pour la majorité, la prise de risques est donc moins forte pour eux.

Durant ses stages, elle ne dispense pas de partie pratique. Selon elle, les analyses accidentologiques ont montré que l’important ne se situe pas dans la réalisation de la manœuvre mais en amont, au niveau de la prise d’informations et la phase d’analyse. Les comportements ne seraient pas automatiques chez les conducteurs séniors, ce qui amène beaucoup de questionnements de leur part au moment de prendre le volant. Durant les stages, ils arrivent alors avec des questions sur

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l’évolution du Code et tendent à sous-estimer leurs connaissances ; ils pensent ignorer beaucoup d’informations, alors que leurs connaissances sont plutôt bien développées.

« [Les conducteurs séniors] ont l’impression d’être mal aimés. Or la route n’est pas que pour ceux qui ont un travail ; beaucoup ont peur de l’isolement. [...] Ils ont tendance à se dévaloriser au début du stage. À la fin, ils repartent en se disant que ce n’est pas si mal que ça. S’ils restent entre eux, ils vont se dévaloriser et les autres tranches d’âge ne se remettront plus en question. »

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Psychologue sociale, experte en sécurité routière

D’après elle, si certains peuvent montrer des réticences, la majorité des participants séniors sont ouverts à l’échange. Ils éprouvent beaucoup de plaisir à être avec les plus jeunes, car ce sont les échanges informels qui font évoluer les uns et les autres. Ce sont principalement les représentations des jeunes qui évoluent le plus. Plus c’est hétérogène, plus cela convient aux séniors.

Enfin, en ce qui concerne la proposition d’un stage exclusivement réservé aux conducteurs séniors, l’interviewée qualifie cela d’« abomination ». En effet, ce type de stage irait à contre-sens des valeurs qu’elle essaie de défendre en sécurité routière. Durant ses stages, elle cherche à changer l’angle de vue, favoriser le partage de la route, à défendre le droit d’emprunter la route quel que soit l’usage qui en est fait. C’est d’ailleurs un point que l’on a pu retrouver lors de nos entretiens avec les conducteurs séniors :

« Il faudrait trouver un moyen pour que les gens soient beaucoup plus civilisés en voiture. [...] Ils s’imaginent qu’ils ont tous les droits. »

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Homme, 73 ans, Bas-Rhin

Second entretien : chercheuse en psycho-ergonomie – Laboratoire de Psychologie

et Ergonomie Appliquée, Université Gustave Eiffel

Nous avons recueilli l’avis d’une chercheuse à l’Université Gustave Eiffel, qui travaille sur la question des aptitudes à la conduite et la manière dont les personnes âgées autorégulent leurs aptitudes. D'après elle, cette population de conducteurs ne représente pas forcément une menace pour les autres contrairement à la représentation que peuvent construire les médias. On ne constaterait pas de remontée du risque chez les séniors par rapport aux autres tranches d'âge du point de vue des kilomètres parcourus, bien qu'ils puissent rencontrer les difficultés classiquement associées au vieillissement, et ce parce qu’ils ont tendance à réguler leur conduite en fonction des difficultés rencontrées.

Selon cette chercheuse, il est nécessaire dans ces stages d'insister sur l’important potentiel d'autorégulation individuelle des pratiques de conduite. Il est ainsi préférable d’apprendre à avoir conscience de son état, à écouter les signaux, mais aussi à développer les connaissances sur toutes les autorégulations pouvant être mises en œuvre. Elle déplore que ces aspects, malgré l'intérêt qu'ils représentent, ne sont pas ceux mis en avant dans les outils de prévention classiques.

La principale différence à prendre en compte chez les conducteurs, d’après cette chercheuse, sera l'estimation qu'ils ont de leurs propres capacités. L'intervention ne sera dès lors pas la même : s'ils sous-estiment leurs capacités, il s'agira de les réassurer tandis que s'ils les surestiment l'enjeu sera de leur faire prendre conscience des risques. En termes de genre, les hommes auraient davantage tendance à surestimer leurs capacités que les femmes. Ce problème est également plus présent

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lorsque la conduite a pu tenir une place importante dans la vie ou la construction identitaire des conducteurs, et les leviers d'action sont alors beaucoup plus réduits.

Dans un stage visant à prévenir les risques, il s'agirait donc de s'orienter davantage sur les personnes sur-estimant leurs capacités, ce décalage représentant le plus gros risque. Un problème central est celui du biais de sélection : les personnes s'intéressant aux outils de prévention ne sont pas ceux qui en ont le plus besoin. L'enjeu est donc de trouver comment engager la population ciblée. Proposer un stage pour les séniors n'est pas selon la chercheuse le critère le plus pertinent de sélection. Mais en dehors de cette différence quant à l'estimation des capacités, il lui semble très difficile de sous-catégoriser la population des conducteurs âgés qui est hétérogène, même par tranche d’âge. La rupture qui se dégage principalement se situe à la sortie de la vie active où un changement de mobilité peut s'observer.

Dans ces conditions, il serait intéressant d'adapter les contenus aux usages et aux profils des individus, le sur-mesure étant le plus efficace. Par exemple, une bonne évaluation-conseil nécessiterait d'après elle de suivre le conducteur pendant 40 à 45 minutes, et idéalement dans ses usages, autour de son lieu d'habitation. Les stages classiques manqueraient de la finesse d'approche nécessaire à les rendre réellement efficaces.

Un autre enjeu pour elle, qui permettrait de faciliter la question de la mobilité et du vieillissement, serait d'apprendre à réduire et à diversifier sa mobilité assez précocement. Investir les autres modes de transport serait bénéfique pour anticiper les changements possibles : la diversification favoriserait la flexibilité cognitive et l'activité physique associées, et préviendrait un bouleversement des habitudes trop drastiques. Enfin, la chercheuse identifiait parmi les attentes des conducteurs le fait d'être sensibilisée aux évolutions technologiques qui pourraient changer les habitudes mais aussi le Code de la route, ce qui rendrait impertinent d'axer les stages uniquement sur la question de réactualisation du code (qui reste l'axe majoritairement proposé dans ces formations).

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PARTIE 3

Préconisations pour la mobilisation des

conducteurs séniors dans les stages

Dans cette partie, nous mettrons en avant les éléments à prendre en compte dans la communication autour du stage afin de susciter l’intérêt des conducteurs ciblés pour celui-ci. Ces suggestions pourront également concerner le contenu ou l’organisation des stages, dans la mesure où les entretiens ont permis d’identifier des attentes des conducteurs séniors sur ces aspects.

1. Le ciblage de la population

Le projet consiste à proposer un stage de sensibilisation aux risques routiers pour les conducteurs âgés. On l’a vu dans la littérature et au travers des entretiens (auprès de conducteurs séniors comme d’expertes), ce ciblage soulève un point de sensibilité : les stéréotypes négatifs associés aux conducteurs âgés sont très présents dans l’esprit des individus, et les médias participent à alimenter ces représentations.

Si l’existence de ces stéréotypes est reconnue, ceux-ci étaient pour beaucoup des interviewés infondés. D’une part, certains associent des qualités positives aux conducteurs séniors : davantage de prudence, d’expérience et de respect du Code de la Route. Mais surtout, la diversité des cas et des problématiques parmi la population des conducteurs âgés est trop importante pour en faire une catégorie homogène... Cette hétérogénéité, en même temps que les représentations négatives associées à la catégorie des conducteurs séniors, en favorisent la désidentification. D’autre part, certains associent des qualités positives aux conducteurs séniors : davantage de prudence, d’expérience et de respect du Code de la Route.

Le risque consiste dans le fait que proposer des stages adressés aux conducteurs âgés non seulement active les stéréotypes mais converge en leur sens. Ces stéréotypes sont menaçants pour les conducteurs âgés, à la fois au niveau de leurs capacités de conduite sur lesquelles porte le stage, mais aussi au niveau de leur indépendance : l’incapacité à la conduite soulève la question de son arrêt et de la perte d’autonomie. Au-delà de cette menace, la proposition du stage pourrait provoquer une défiance auprès des personnes chez qui ce stéréotype est injustifié, ou encore une distanciation des conducteurs de la population ciblée par les stages. La plupart des conducteurs séniors parmi les personnes interrogées déclaraient en effet ne pas s’identifier à la catégorie des conducteurs âgés.

Si ces stages devaient être mis en place, la communication autour des stages devra donc contourner les trois problèmes suivants :

Activation de la menace : le stéréotype du sénior comme mauvais conducteur s’accompagne

souvent de l’idée que l’aptitude à la conduite puisse être remise en question à partir d’un certain âge (l’idée du stage obligatoire était souvent évoquée en entretien, et souvent perçue comme un frein à l’intérêt pour ces stages). L’évaluation des capacités de conduite est alors doublement menaçante pour ces conducteurs. La menace induite pourrait mener à éviter le stage si la dimension évaluative y apparaît (trop) présente.

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Défiance envers l’outil de prévention : la communication autour du stage ne devrait pas

donner l’impression d’aller dans le sens des stéréotypes envers les conducteurs âgés, en évitant de cibler de manière trop directe ces conducteurs. Pour cibler cette population sans la stigmatiser, il semble pertinent de communiquer sur le fait que le stage puisse répondre aux attentes spécifiques de cette population (qui seront présentées en deuxième partie).

Désintérêt : l’absence d’utilité perçue du stage peut prendre deux niveaux : le stage peut être

considéré comme inutile de manière générale ou pour soi particulièrement. Le premier cas restait assez rare et ciblait des types de stage spécifiques chez nos enquêtés (récupération de point). Le deuxième cas était plus souvent rencontré ; la quasi-totalité des personnes interviewées estimaient ne pas avoir besoin d’un stage de conduite, de la même manière qu’elles ne considéraient pas faire partie des conducteurs âgés problématiques. Cependant il était également reconnu que ces stages pouvaient enrichir (ou rafraîchir) les connaissances, la curiosité restait donc un moteur pour la participation. Cependant au cours des entretiens, il était commun que le développement de la discussion fasse émerger des attentes et des points d’intérêt qui n’étaient pas spontanément identifiés par les conducteurs. Argumenter de manière précoce, dans la communication, sur ces points d’intérêt particuliers, pourrait donc favoriser l’intérêt pour ces stages.

2. Répondre à la demande : quelles attentes chez les conducteurs séniors ?

Pour toucher la population des conducteurs séniors, à défaut de se baser sur l’âge, il est pertinent d’avancer des arguments qui répondent aux besoins spécifiques de cette population. Les entretiens ont permis de mettre en évidence une certaine consistance dans les attentes des interviewés.

La route change : réactualiser le code

La réactualisation des connaissances était le premier besoin exprimé. En effet, beaucoup de participants témoignaient du fait que depuis l’obtention de leur permis, le Code ou le paysage routier ont évolué. Au niveau des infrastructures routières par exemple, les carrefours giratoires se sont beaucoup développés depuis quelques décennies. Ce type de carrefour n’avait pas forcément été abordé lors de l’obtention du permis des conducteurs âgés. Beaucoup des personnes interrogées constataient des divergences dans les manières d’aborder ces intersections, et manifestaient un déficit d’informations sur les règles en vigueur.

Dans le même ordre d’idée, certains participants déclaraient ne pas toujours se remémorer la signification de certains panneaux. Il existe en effet des panneaux nouveaux ou rares, pour lesquels la réactualisation des connaissances peut être pertinente. Enfin, le partage de la route s’étant complexifié, cela peut constituer un autre axe de prévention sur lequel les conducteurs rencontraient des difficultés.

Maintenir l’autonomie

Si le stage peut susciter des craintes quant au fait de voir ses capacités de conduite évaluées, voire de se rendre compte de ses propres limites, il apparaît plus favorable de le présenter au contraire comme un outil permettant de maintenir ou renforcer les capacités de conduite sur un plus long terme. Cette question de l’autonomie étant particulièrement sensible pour les conducteurs séniors, il pourrait

Figure

Tableau 1. Causes d'accidents par tranche d'âge (Rakotonirainy et al., 2012)

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