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Considérations sur le droit international public des anciennes cultures extra-européennes

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Considérations sur le droit international public des anciennes cultures extra-européennes

KOLB, Robert

KOLB, Robert. Considérations sur le droit international public des anciennes cultures

extra-européennes. In: Dupuy, Pierre-Marie & Chetail, Vincent. The roots of international law = Les fondements du droit international : Liber amicorum Peter Haggenmacher . Leiden : M. Nijhoff, 2014. p. 673-709

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:45028

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CONSIDI~RATIONS SUR LE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC DES ANCIENNES CULTURES EXTHA-EUROPÉNNES

Robert Kolt/'

Dans un ouvrage des plus intéressants, mais insuffisamment connus en dehors de l'Allemagne, feu le professeur Wolfgang Preiser1 montrait qu'il a existé à des périodes diverses de l'histoire universelle quelques ordres juridiques internationaux assez consolidés et une pléiade de phénomènes juridiques internationaux épars clans tous les grands continents. Il ame-

nait ainsi, dès les années 1970', elu vent frais dans la branche des études historiques du droit international public. Ce vent frais s'inscrivait pour ainsi dire dans l'air du temps : il allait de pair avec un effort de la science internationaliste de se défaire d'une perspective d'ancienne date, cen- trée (trop) exclusivement sur le droit public de l'Europe, le fameux jus publicum europaeum, dont est issu notre système de droit international moderne2• Cette évolution des pensées était particulièrement bienvenue dans les études historiques du droit international public, qui n'avaient jusque-là guère poussé en dehors du cadre européen et tout au plus méditerranéen3 . La conscience était ainsi éveillée et cultivée qu'il ne s'agit

* Professeur de droit international public, Universitl; de Genève.

1 W. Preiser, Frühc viilkerrechtliche Ordrwngen der aussercuropiiischen Wclt ···· Ein Beitrag zur Geschichte des Viilkerrechts, Wiesbaden, 1976. Voir désormais notre ouvrage, dévelop- pant celui de W. Preiser el le mettant à jour: R. Kolb, Esquisses d'un droit international public des anciennes cultures extra-européennes, Paris, 2010.

2 Voir W.G. Grewe, « Vom europiiischen zum universellen VO!kerrecht >>, ZaiiRV, vol. 42, 1982, 449 ct suiv.

'1 Il n'y avait, depuis longue date, pour les autres cultures que celles du bassin médi- terranéen et européennes, hormis pour l'Inde cause des racines inclo-européennes de notre culture occidentale), des descriptions très sommaires dans les premières pages de manuels de droit international et dans les quelques ouvrages traitant de l'histoire du droit international. Voir par exemple P. Fiore, Trattato di diritto internazionale pubblico, 4" éd., vol.!, Turin, 1904, 3 et suiv. ; A. Wegner, Gesclzichte des Volkcrrechts, Stuttgart, 1936, 2···7, avec surtout l'ancienne Inde, loc. cit., 5-7; A. Nussbaum, A Concise His tory of the Law of Nations, New York, 1947, 7 et suiv., 10-11; G. Stadtrnüller, Geschichte des Viilkerrechts, Hannover, 1951, 13 et suiv.; A. Truyol y Serra, Histoire du droit international public, Paris, 1995, 5···10. Le manuel classique de P. Dailler, M. Forteau & A. Pellet (ancien Nguyen Quoc Dinh), Droit intemational public, H. éd., Paris, 2009, 53 est un exemple assez édifiant de cette approche: sous le titre «La Chine», il se borne peu ou prou ù allirmer qu'on peut être certain que des rapports internationaux existaient hors du rnonde méditerranéen,

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là, dans ce droit public européen, que de l'un des droits internationaux publics ayant existé dans le temps. S'il a retenu pendant plusieurs siè- cles à lui seul l'attention des juristes, c'est non seulement que ceux-ci, Européens, restaient par un penchant naturel dans la tradition eurocentri- que. Deux autres facteurs ont contribué à cet état des choses. En premier lieu, l'état des connaissances sur ces droits anciens de cultures extra- européennes a été pendant très longtemps très rudimentaire. Il a fallu d'abord que des études monographiques historiques et ethnologiques viennent quelque peu déblayer le terrain et enrichir nos connaissances, avant de pouvoir songer à s'adonner à cet exercice très difficile consistant à brosser les linéaments de phénomènes juridiques, qui sont parmi les plus subtils et les plus chatoyants imaginables. En second lieu, ce droit public de l'Europe avait pour lui l'avantage de s'être imposé comme« droit victorieux». Car s'il a existé à diverses époques différents droits interna- tionaux publics, plus ou moins consolidés, et plus ou moins avancés, ils ont fini par céder finalement leur place au droit public européen, étendu à travers la colonisation. Pour faire utilement l'histoire du droit interna- tional public que nous connaissons aujourd'hui, il était dès lors naturel d'analyser le droit public de l'Europe dont celui-ci était issu. La perspec- tive consistant à joindre au droit international public d'abord européen et ensuite universel, celles, multiples et multipolaires, des droits interna- tionaux publics ayant existé ailleurs, a permis d'approfondir notablement les connaissances sur les tréfonds du «droit international». Le concept même de ce droit apparaît plus clairement; ses institutions communes à travers les temps, mais aussi ses traits contingents, se manifestent sous un jour d'une clarté nouvelle ; et les spéculations relativement plates sur les droits des « sauvages » ont üüt place à une connaissance plus scientifique des tenants et aboutissants de cette branche si mouvementée du droit.

D'autres apports importants se rattachent à ces études historiques au « cadre élargi». D'abord, il faut surtout retenir qu'il a été erroné de n'attribuer le caractère d'un droit international public qu'à l'ordre juridi- que développé entre les Etats européens. Au contraire - la démonstration en est désormais h1ite- plusieurs droits internationaux publics ont: existé

mais qu'ils ne pesaient pas sur le cours de l'évolution générale. Voir aussi M. Shaw, Inter- national Law, 6" éd., Cambridge, 2008, 15. La grande majorité des ouvrages n'évoque que le monde judéo-chrétien :voir par exemple J. Hosack, On the Rise and Growth of the Law of Nations, Londres, 1882, 1 el su iv.; T.A. Walker, A History of the /,aw t!f Nations, Cambridge, 1899, 31 el sui v. ; E. Nys, Les origines du droit international, Bruxelles/Paris, 1894 ; C. Calvo, Le droit international théorique el pratique, éd., t.. 1, Paris, 1896, 2 el suiv. ; P. Fauchille, Traité de droit international public, t. 1, Paris, 1922, 67 et suiv. ; K.H. Ziegler, Viilkerreclzts- gesclzichte, Munich, 1994.

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à différentes périodes aux places les plus diverses du monde. En ce sens, le droit international public constitue donc une réalité universelle. Elle prend son essor partout où des puissances relativement indépendantes les unes des autres et se reconnaissant comme telles et entrent dans des contacts pacifiques ou belliqueux d'un certain suivi, à la lumière d'un sentiment de l'obligation juridique progressivement distillé à partir de conceptions religieuses, sacrales, morales et politiques.

En même temps, toutefois, et cela aussi apparaît clairement dans les études menées, seul le jus publicum europaeum est arrivé à un degré de maturation ultime du phénomène juridique. Il a pu se greffer sur un déve- loppement culturel plusieurs fois séculaire. Seul l'Occident, dès la Thémis grecque, mais notamment ù Rome, et dans une moindre mesure les peu- ples sémitiques, ont développé l'idée du droit au point d'en faire un signe distinctif de leur culture. L'Occident seul a su transporter cette idée dans les relations internationales en dépouillant la sphère du juridique des éléments religieux, moraux et politiques auxquels elle est resté inextrica- blement liée ailleurs. Ce Ülit découle en premier lieu du génie propre de la pensée juridique européenne. Il dépend toutefois aussi des conditions heureuses d'un continent auquel la puissance politique a permis de durer et d'évoluer pendant des millénaires. Le temps particulièrement insigne que la culture y a possédé pour progresser des stades les plus primitifs jusqu'ù ceux plus élevés lui a permis de secréter un système juridique dont

le corps et l'exégèse doctrinale forcent l'admiration.

En somme, dans une perspective historique, il y à un seul droit inter- national public positif; valable aujourd'hui, avec une seule histoire, son histoire (jus publicum europaeum); mais il y a eu aussi une pluralité de droits internationaux publics dans les régions les plus diverses du monde, qui n'ont pas eu l'heur de s'imposer comme droit mondial parce que les civilisations dont ils émanaient ont fini, à un moment des interminables enchaînements historiques, par péricliter. Dès lors, le fil évolutif de ces ordres juridiques a été brutalement coupé. Leurs vestiges ont été empor- tés par les tourbillons et les commotions de l'histoire. Il n'est pas dit que dans des conditions plus heureuses et plus durables, ces ordres juridiques ne se fussent pas peu ~J peu élevés vers des plages plus raffinées, aptes à concurrencer un tant soit peu le droit public de l'Europe.

Le Professeur Preiser, dans l'ouvrage mentionné d'entrée, avait choisi de traiter cinq ensembles régionaux: l'Amérique précolombienne, les îles polynésiennes, l'Afrique noire, le sous-continent indien et la Chine avec ses régions limitrophes. Le lecteur sera peut-être surpris de ne pas y trouver des cultures du Proche Orient (Assyrie, Babylone, Empire perse, Sassanides, Mitanni, etc.) ou de l'Afrique méditerranéenne. Le choix opéré

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répond toutefois à des critères scientifiques précis. Les cinq ensembles retenus ont ceci en commun qu'ils ont existé jusqu'il une certaine période de l'histoire sans aucun contact notable avec des Puissances européen- nes. Ils ont donc pu développer des ordres juridiques en toute indépen- dance des conceptions judéo-chrétiennes. C'est à ce titre que leur intérêt est considérable pour l'historien du droit. C'est à leur égard qu'il pourra déterminer clans quelle mesure des institutions de droit international ont pu se développer en divers lieux et espaces sans aucune forme d'influence réciproque, ainsi que de corn parer les résultats concrets auxquels ces évo- lutions parallèles ont donné efflorescence. Les cultures du Proche ou du Moyen Orient et du bassin méditerranéen n'ont jamais eu cette indépen- dance. Du temps déjà de l'Empire romain elles ont été, soit colonisées, soit sont entrées en de multiples contacts avec le monde judéo-européen.

Elles ne présentent donc pas le même intérêt du point de vue de cette étude, qui veut analyser uniquement les ordres juridiques internationaux ayant existé au-delà de toute influence européenne. C'est aussi la raison pour laquelle l'analyse de ces cultures s'arrête au moment de l'arrivée des colonisateurs européens.

Le but de cette brève contribution en l'honneur de l'insigne spécialiste de l'histoire des doctrines internationalistes qu'est Peter Haggenmacher, n'est pas de retracer le fond des droits extra-européens et de sombrer ainsi dans une inutile répétition des contenus de notre ouvrage précité, continuant les efforts de W. Preiser. Toutefois, à titre d'exemple, mais de manière très abrégée, le droit international mésoaméricain et iroquois sera évoqué en fin de parcours, pour que le lecteur ait un exemple concret de l'objet même de ces études sous les yeux sans être simplement renvoyé vers un ouvrage qu'il n'aura pas nécessairement à portée de main. Prin- cipalement, toutefois, l'orientation des lignes qui suivront sera de s'enga- ger clans une espèce de «perspective secondaire». Il s'agira de réfléchir sur une série de problèmes et d'aspects communs, ou transversaux, que suscite l'étude de ces droits extra-européens. On quitte pour ainsi dire le fond des institutions juridiques pratiquées ici et là, en prenant de la hau- teur pour regarder elu dehors vers le continent ainsi ouvert à notre vue.

Quelles sont alors les questions émergentes? Il y en a toute une farandole passablement bigarrée. Les suivantes seront ici proposées à la réflexion critique du lecteur. Certaines ont trait au fond ; d'autres à la méthode. Les voici : quels sont les éléments définitionnels pour déterminer l'existence d'un droit international public'? comment un «ordre juridique » se distin- gue-t-il de simples « phénomènes juridiques » internationaux'? y avait-il une perception «juridique » dans les cultures extra-européennes'? quelles C~)

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sont, s'il y en a, les matières que l'étude historique comparée permet de désigner de communes à tout droit international public, et quelles matiè- res au contraires sont contingentes? un droit international peut-il exister dans un ensemble hégémonique ou suppose-t-il par nécessité une société décentralisée de collectivités politiquement indépendantes et paritaires'?

peut-on confirmer le théorème énoncé par B. Paradisi4, selon lequel un ordre juridique international naît dans le sillage de la décomposition d'Empires, de fédérations ou d'Etats unitaires quand précisément subsiste le soubassement d'une culture commune? quels sont les problèmes liés aux sources à exploiter? quelles sont les ornières guettant du point de vue de l'anachronisme et de l'occidentalisme souvent inconscients? pourquoi, enfin, l'histoire du droit est-elle utile'?

Il ne saurait être assez souligné à quel point les réflexions suivantes seront incomplètes et préliminaires. Il s'agira avant tout de solliciter la réflexion propre du lecteur intéressé et de la nourrir d'apports divers. Au regard de cet objet, il ne sera pas non plus utile de reproduire ici les mul- tiples réferences bibliographiques contenus dans les Esquisses précitées.

En effet, elles n'éclairent en rien les libres propos suivants, inscrits quant à eux dans le méta-plan précédemment évoqué.

Première série de questions: quels sont Les éléments d~finitionnels pour déterminer l'existence d'un droit international public ? comment un «ordre juridique» se distingue-t-il de simples «phénomènes juridiques» interna-

tionaux? Il est connu depuis longtemps que les définitions de notions premières sont les plus difficiles : ne pouvant se fonder sur des concepts antérieurs ou supérieurs, elles n'échappent pas à un certain apriorisme5.

Elles restent dès lors toujours en danger de dévier vers un dogmatisme excessivement réducteur de la réalité par elles désignée. Certes, l'observa- tion de la réalité permet de nourrir ces «définitions » ou pour le moins de les soumettre au crible d'une mise à l'épreuve pragmatique6 • Toutefois, les

4 B. Paradisi, Storia del diritto internazionale nelmedio evo, t. 1, Milan, 1940, g-n. Cet auteur soutient que tout droit international procède historiquement de la désintégration d'un Empire qui l'a précédé en unissant les peuples. C'est parce qu'il procède du creuset de l'ancien droit« fédéral>> que le droit international public constitue un vrai droit commun et non simplement une somme de droits étatiques externes, ou, pire encore, une Jiction sans prise sur la réalité.

5 L'un des précurseurs protestants de Grotius, B. Winkler, écrivait: « ln tota iurispru- dentia, nihil est quod minus legaliter tractari possit quam ipsa principia >> (Principiorwn hais, Leipzig, 1615, lib. !, cap. Il, première phrase).

G On a 1m dire que l'étalon de vérité d'une théorie ne n\sidt~ pas dans ses prémisses, mais en aval, dans ses conséquences (surtout si l'on essaie de considérer les conséquences d'une théorie li rée vers ses spectres extrêmes). Comme l'a bien dit le logicien C.S. Peirce,

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apports de cette mise à l'épreuve pratique sont ici comme ailleurs limités.

En effet, par exemple, pour déterminer quelle partie de la réalité sociale fait partie du phénomène juridique, il faut déjà posséder un présupposé sur ce qu'est le droit. En définitive, dans le va-et-vient d'approximations infinies entre l'idée et la réalité, la définition reste toujours partielle et inachevée; elle est en chemin. Il n'est pas étonnant que Kant? ait pu se moquer des juristes, qui ne possèdent pas encore, après tant de siècles, de définition et de concept précis de leur science, le droit. Les difficultés s'accroissent encore quand il s'agit de définir un phénomène de droit inter- national. Car non seulement faut-il déterminer ce qu'est le droit dans des cultures et à des temps les plus divers, mais encore faut-il déterminer ce qui constitue le phénomène «international» opposé à celui « interne ».

jusqu'à l'époque moderne, avec des Etats souverains bien délimités et verrouillés vers l'extérieur, avec sa doctrine du dualisme de « l'interne » et de «l'externe », cette distinction n'avait aucune rigidité. Le Moyen Age européen, avec ses croisements d'allégeances personnelles les plus diverses et son absence d'une pensée territoriale, le montre de manière très claire. Des phénomènes d'interpénétration similaires ont existé clans d'autres parties du monde, notamment dans les nombreux espaces« fédé- ralisés » au sens le plus large du terme. La définition du droit international public, voué aux relations «externes» n'en devient que plus difficile.

Il faut toutefois une définition première du droit international, au moins comme hypothèse de travail et comme grille d'analyse. L'histoire du droit international sub specie universi, comme celle conduite par W. Preiser, ouvre ici des perspectives intéressantes et autrement plus riches que la seule prise en compte du droit public européen. La base d'induction s'élargit considérablement, par l'adjonction tous azimuts d'autres phénomènes juridiques et internationalistes. Preiser s'est per- mis de définir le droit international public sur la base de trois éléments

c'est par les fruits d'une théorie qu'on reconnaît sa valeur ( << Principe de Peirce»). Voir C.S. Peirce, Collcctcd Papcrs, vol. V, Praymatism and Praymaticisrn, Cambridge (Massachu- setts), 1965, 1 et suiv. Le pragmatisme anglo-saxon se retrouve aussi bien dans ce vers du poète Pope : << For forms of government let fools contest, \A/hatever is best administered is best » : cité par L. Lederrnann, Les précurseurs de l'Ot~qanisation internationale, Neuchàtel, 1945· 156.

7 !. Kant, Critique de la raison pure (1781), Akademieausgabe, vol. !Jl, 47D· en note inlb- paginale (éd. Flammarion, Paris, Jf)?G, 558, note 1) : <<Les juristes cherchent encore une définition pour leur concept du droit>>. Voir aussi !. Kant, Métaphysique des mœurs (1797) Introduction à la doctrine du droit, § B.

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cumulatifs. Ceux-ci continuent il constituer la pierre de touche de toute réflexion en la matière. Un ordre juridique international consolidé sup- pose les trois éléments suivants: (1) des Etats indépendants l'un de l'autre (ou des tribus sunisamment organisées et également indépendantes l'une de l'autre) se reconnaissent mutuellement comme sujets de droit;

(z) entre ces entités existent des échanges continuels culturels, économi- ques ou politiques, qui supposent une réglementation juridique ou qui pour le moins génèrent des conséquences juridiques (réparation elu tort causé, etc.); et (3) les sujets participant à ces échanges sont convaincus que les règles conventionnelles ou coutumières sur la base desquelles ces interactions ont lieu représentent des règles juridiquement contraignantes dont l'irrespect fautif entraîne des sanctions juridiques. Dans la mesure où la société internationale ainsi formée est composée non seulement d'Etats indépendants mais aussi d'entités à capacité internationale limitée, cette société se présentera comme ensemble complexe et hiérarchisé à l'instar du Moyen Age occidental. A l'autre bout du spectre, on pourra toutefois aussi être confrontés à une société internationale du type « westphalien », où des Etats souverains représentent les acteurs uniques ou largement prédominants des relations internationales. Une société internationale pertinente pour le droit international suppose toujours au minimum l'existence de deux Etats ou deux entités souveraines et indépendantes.

Ceux-ci doivent mutuellement se reconnaître comme sujets de droit de même rang ou de rang similaire, que ce soit suite à un sentiment de soli- darité spontané ou suite à la contrainte qu'exercent les circonstances.

Les premiers contacts entre tribus et collectivités furent historique- ment belliqueux. La morale close des sociétés en cause, leur méfiance et la méconnaissance réciproques, la volonté d'expansion et de domination, la recherche de ressources et la pratique de la rapine, les devoirs sacraux et divins, tous ces Ü1cteurs parmi d'autres favorisèrent un climat propice aux rapports tendus et belliqueux. Des règles relatives aux causes recon- nues de guerre, au déclenchement de celle-ci, à sa conduite et à sa fin, sont parmi les plus anciennes clans les rapports interétatiques. Il ne faut dès lors pas s'étonner qu'on les retrouve dans toutes les parties du monde.

Il en va de même pour les ambassades et la diplomatie, ainsi que des tran- sactions qui peuvent en émaner, notamment les traités.

Le Professeur Preiser a d'autre part soigneusement distingué dans son ouvrage des phénomènes épars de droit international public, tels que des missions diplomatiques ou la conclusion d'un accord, et l'existence d'un ordre (ou d'un ordonnancement) juridique international. L'un et l'autre,

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le phénomène et l'ordre, supposent un certain fait, à savoir l'existence d'Etats indépendants comme sujets de droit se reconnaissant mutuelle- ment. L'ordre juridique développé suppose en plus l'existence d'une série d'interactions régulières entre ces Etats, en temps de guerre et de paix, ainsi que l'existence d'une conscience juridique, à savoir la conception selon laquelle des obligations contraignantes sont assumées envers la collectivité étrangère sous peine de sanction en cas de contravention.

Dès lors, nous avons affaire à deux couches seulement très partiellement concentriques de droit international : le « phénomène » exige unique- ment la présence d'Etats souverains entrant ponctuellement en contact par des transactions dont le caractère juridique peut rester douteux8 ;

«l'ordonnancement» exige l'existence de tels Etats indépendants mais aussi des contacts réguliers en guerre et en paix qui permettent de déve- lopper un sentiment d'être juridiquement lié ( opinio juris ). Pour la majo- rité des cultures et des époques traitées dans cet ouvrage, nous ne sommes en possession que de témoignages de «phénomènes». Il serait hardi de prétendre qu'ils découlent d'un ordre juridique international consolidé.

Dans certains cas toutefois, comme clans l'Amérique de la triple alliance (15" siècle après

J.

C.) ou dans la Chine elu « printemps et de l'automne » (771--481 avant]. C.), ou dans l'Inde post-védique, de véritables ordonnan- cements juridiques ont manifestement vu le jour.

Tout contact pourvu d'un minimum d'opinio juris entre collectivités indépendantes donne lieu à un «phénomène» de droit international s'il ne remplit pas les conditions plus exigeantes de «l'ordonnancement».

En d'autres termes, si l'une des trois conditions énoncées ci-elevant pour l'existence d'un ordre juridique international fait défaut, il n'existera que des phénomènes de droit international isolés. Ces derniers constituent donc une espèce de bassin résiduel d'un droit international public poten- tiellement en devenir. Les simples « phénomènes » pourront intéresser l'historien du droit comme reliques d'un ordre juridique qu'il ne connaît pas, comme éléments d'un ordre en consolidation progressive ou encore comme simples témoignages de phénomènes étant restés clairsemés. En revanche, il ne s'agira pas d'un ordonnancement juridique international

8 C'est la raison pour laquelle on ne saurait simplement argumenter que le phénomène juridique international suppose logiquement l'ordre juridique (exemple: pour conclure un trnité il L1ut un ordre juridique international prévoyant. un droit des traités) dont il tire sa force, si bien que la présence du premier induit l'existence du second. Derrière les

« phénomènes» il y avait peut-être parfois un ordre juridique. Le plus souvent, nous ne pouvons pas le savoir.

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cohérent, complet et fonctionnel, susceptible de contribuer régulièrement à une coexistence pacifique des Etats et de maîtriser le cas échéant les éruptions de violence.

Cette dualité entre les ordonnancements et les phénomènes est pré- cieuse, car elle permet de nuancer les réalités observables selon leur qualité et leur intensité juridiques. Il ne servirait à rien de qualifier de

«droit international public» au sens plein du terme chaque conclusion toute précaire d'un traité entre deux collectivités très éloignées l'une de l'autre et dont le contact reste moins que sporadique. Il n'est d'ailleurs que conséquent, dans ces conditions particulièrement primitives ou peu développées, que le traité n'est pas conclu en fonction de règles d'un ordre juridique international perçu comme imposant des règles communes aux deux collectivités en cause. Au contraire, le traité est assumé et juré devant les propres divinités par chacun des Etats. Ainsi, il est en quelque sorte le fruit de l'addition (sans recoupement matériel) de deux actes de droit public externe, relatifs chacun à l'ordre juridique de l'un des Etats en cause9 . La distinction entre ordonnancement et phénomène permet donc la nuance qualitative entre le droit au vrai sens du terme et ses subs- tituts plus primitifs. Elle enrichit ainsi notre bagage analytique. Enfin, la définition donnée, tant de l'ordonnancement que elu phénomène, permet de dégager toute l'importance de l'élément de l'opinio juris dans la défi- nition d'un droit international. Tant que les contacts avec d'autres collec- tivités restent dominées par la seule idée de la force ou de l'opportunité, il n'est pas possible de parler d'un droit international, ni consolidé, ni même épars. Ce n'est que lorsque se dégage idéologiquement et socia- lement l'idée, même encore très rudimentaire, mMinée encore pendant longtemps d'éléments religieux, sacraux, moraux, et autres, du « devoir juridique », qu'il est possible de désigner comme «juridiques » les aspects de la réalité sociale ainsi qualifiables. Il n'est certes pas étonnant que la

«conception du droit» soit nécessaire pour qu'il puisse y avoir du droit.

Mais l'importance de cet élément pour faire le départ des phénomènes à l'aurore de l'établissement d'un ordre juridique est notable10

9 Voir par exemple D.J. Beclerman, International Law in Antiquity, Cambridge, 2001, 61

et suiv. Voir aussi M.W. Janis & C. Evans (éds.), Religion and Internationa/J,aw, Leyde 1 Boston, 1999.

10 Comparez l'importance malgrt' tout notablement moins aigui~ de l'opiniojuris dans le cadre elu droit internntional coutumier: certains auteurs ont pu estimer qu'elle n'existait pas ou qu'elle se déduisait implicitement d'une pratique ayant une certaine qualité et densité.

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La difficulté réside à cet égard dans la distinction seulement progres- sive de l'idée du droit des autres phénomènes d'autorité, notamment la religion, la morale et le pouvoir. Un ordre juridique achevé ne se pré- sentera que lorsque le droit formera une branche autonome du savoir et de la régulation sociale. A cet égard toutefois, il faut noter deux choses:

d'abord que ce processus de décantation est très lent et qu'il n'a été réelle- ment achevé que dans le monde occidental11 ; et ensuite que seul l'homme moderne pose comme condition la nécessité d'une certaine séparation de ces réalités spirituelles et sociales, alors que les cultures plus anciennes vivent sous le paradigme tout différent de la nécessité de leur fusion. Il peut donc apparaître anachronique et / ou excessivement eurocentrique d'exiger une opiniojuris achevée avant de pouvoir parler d'un phénomène

«juridique » ou d'un ordonnancement «juridique» internationaux. Il conviendra pour cette raison de ne pas être trop strict quant à l'exigence d'une telle opinio juris épurée (espèce d'école du droit pur kelsénienne ).

Le droit primitif peut et doit dès lors être étudié sans lui nier sa qualité à cause de ce que nous percevons comme étant ses imperfections et ses compromissions (ou promiscuités) avec des corps étrangers. Son existence ou inexistence permettra toutefois une fois de plus d'opérer un certain départ entre des phénomènes épars et mineurs, et des ordonnancements consolidés et majeurs.

De plus, il n'est pas utile de s'enferrer dans une définition a priori d'un certain niveau de rationalité, d'humanité ou de qualité des règles juridiques avant de les admettre comme telles et de les étudier comme phénomènes ou comme ordonnancements de droit international public.

L'idée préconçue d'une certaine civilisation peut en effet rendre dogma- tiquement aveugle pour des ordres juridiques construits autour d'autres

11 Comme l'a écrit un historien du droit:« La thèse selon laquelle l'ordre juridique pré- suppose un stade de civilisation déjà avancé semble à première vue contenir une restric- tion infondée. 'Ubi societas ibi ius', 'là oü il y a une société il y a un droit' elit un vieil adage, en effet le droit semble inséparable de la société et aussi ancien qu'elle. [ ... ]. Cependant, dater les débuts du droit en tant qu'événement dans le temps importe peu au juriste, ce qui nous intéresse c'est le passage et la transformation des règles et des préceptes primitifs en des nonnes juridiques dans lesquelles s'exprime une volonté autonome 1· .. ]. Il est vrai que tabous, oracles, ordalies et rites sacramc [ .. ·.1 contiennent aussi des éléments norma- tifs. Toutefois, ceux-ci ne sont pas encore aptes à être placés an niveau de l'ordre juridique proprement dit. Le droit ne peut prendre naissance que s'il s'émancipe de cel amalgame primitif de croyances et de traditions ancestrales, pour trouver des formes rationnelles qui se traduisent dans des procédés el des règles contrôlables, reconnus comme autonomes>> : B. Schmidlin, Droit privé romain, vol. !, 2" éd., Lausanne, rg88, 14.

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réalités idéologiques que les nôtres contemporaines. Une certaine neu- tralité du regard doit donc être recommandée, bien qu'elle soit si difficile.

Ainsi, il est certain que nous ne pouvons pas regarder vers un ordre juri- dique qui incitait à la guerre pour capturer des prisonniers - à sacrifier par extraction de cœur aux Dieux - comme un ordre «juridique » nous semblant digne de ce nom. Nous avons du mal à concevoir que le droit ait pu consacrer des ordalies, l'esclavage, la torture, les massacres dans la guerre. Ou alors un droit (mélangé à la religion) dans lequel le sacrifice des enfants était prévu aux fins de f~1ire tomber la pluie12. S'il est mani- festement possible de condamner de telles pratiques au regard de notre vision rationnelle et humanitaire moderne, il n'est pas correct scientifi- quement de nier la qualité de «droit» à ces ordonnancements ou phé- nomènes parce qu'ils diffèrent si fondamentalement des nôtres du point de vue axiologique. Du point de vue historique, est droit ce qui est vécu comme tel (ou comme phénomène normatif d'autorité, au sens le plus large) dans une société donnée. Le droit, enraciné dans l'idéologie sociale, varie avec elle. La critique de ses contenus et de ses alliances ne saurait être ontologique, là ott elle ne doit être que déontologique. Cette mise en garde est d'ailleurs parf[titement conciliable avec l'idée d'une grada- tion de la qualité de ces ordres juridiques et avec celle du progrès (relatif d'ailleurs) de la civilisation.

Deuxième complexe de questions, découlant des lignes précédentes:

y avait-il une perception «juridique» dans les cultures extra-européennes ? L'étude des réalités juridiques sur les divers continents à travers le temps montre qu'une réponse univoque ne peut être donnée à cette interroga- tion. Manifestement, une pensée juridique aussi spécialisée et développée que celle Occidentale, nourrie des apports décisifs du droit romain, n'a existé nulle part ailleurs dans le monde. Pour le reste, il faut nuancer les propos. D'un côté, il a existé des cultures ayant développé une concep- tion elu droit s'approchant déjà relativement de la nôtre, bien qu'elle n'ait pas poussé, à notre connaissance, des ramifications aussi élaborées et rationnelles que le droit romain. C'est le cas du droit international dans

12 Le monde occidental n'était pas dépourvu de telles déviations. Il a connu depuis l'Antiquité, et pour plus de mille ans, l'esclavage comme institution de droit positi[ Les Conquistadores espagnols, arrivés avec la prétention d'apporter la vraie foi aux indigènes, n'ont pas hésité à recourir à la torture et aux bùchers, ni à écarter toutes les règles elu droit de la guerre valables entre peuples chrétiens. L'époque moderne ne manque pas non plus de pratiques inhumaines.

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l'Amérique précolombienne, dont il sera question plus loin. Le droit en général y a connu dans la dernière phase avant l'arrivée du colonisateur européen un raflinement rare en dehors de l'Europe: existence d'un sys- tème de juridictions de première instance et d'appel, élaboration d'une procédure civile et pénale, nuance des peines administrées clans le cadre du droit pénal, figures juridiques telles que la tentative de commettre une infraction pénale distinguée de la commission consommée de l'acte, etc ... D'un autre côté, il a existé des cultures dont l'évolution sociale a connu le droit, mais où celui-ci n'a pas joué, culturellement et socia- lement, le rôle que nous lui assignons en Occident. Tel fut le cas de la Chine ancienne. Le droit n'a jamais reçu en Chine, comme en Europe, l'estampille d'une élaboration conceptuelle raffinée et d'une reconnais- sance incontestée en tant que moyen de régulation socialé~. En confor- mité avec l'enseignement confucéen, les relations sociales elevaient être régulées à travers des normes rituelles ou des rites (li), c'est-à-dire des nor- mes internalisées par l'éducation, plutôt que par des normes extérieures, imposées à travers la sanction étatique (fa). Par rapport à l'idéal moral, le droit représente une «chute » : la sanction extérieure et la peur de celle- ci prennent la place de la vertu intérieure et de l'action autonome. C'est une raison de se méfier elu droit. L'éducation, la persuasion et l'exemple moral tenaient une place plus éminente dans l'idéologie sociale. Le roi était le centre de cette éducation morale ; d'où un certain paternalisme et le caractère absolu de l'Etat. De plus, le développement de la pensée juridique était censé aboutir cî l'incrémentation des litiges de la part de personnes habituées à exagérer leurs intérêts et à s'entêter de manière autiste sur leurs« droits» (subjectifs)14 . De même, on craignait que la pen- sée juridique ne favorise l'esprit sectaire, subtil et manipulateur, chaque sujet interprétant les normes positives en fonction de ses intérêts égoïstes.

J:; Voir notamment la présentation succincte, précise et éclairante de Li Zhaojie, << Tra- ditional Chinese World Orcier>>, Chinese Journal of international Law, vol. 1, 2002, 40 et sui v.

14 Une pensé(' similaire se trouve ù propos des droits de l'homme modenws chez M. Villey, I.e droit et les droits de l'homme, Paris, 1983. Voir par exemple n--12, el 97:

«Malheureusement nous en sommes là: tous ... les syndicats, les femmes, les handica- pés - ont pris l'habitude de calculer leurs 'droits' sur la seule considération narcissique d'eux-mêmes el d'eux seuls. Par cette voie, déduits du sqjet: l'Homme, et sans égard à la nature politique et sociale des hommes, naquirent les droits de l'Homme infinis : 'bon- heur', 'santé', droit df' poss<\der une chose totalement, à son srul profît, libert<\s pm-faites.

Voilà bien le point de vue du sujet! Mais limsses promesses, intenables, irréelles, idéolo- giques>> (italique dans l'original). Pour rendre justice à cet auteur, il convient de signaler qu'il recollnaîtlui-mêrne la<< nécessité des droits de l'homme» (ibid., 8-10).

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Par contraste, les normes du li (rites) sont centrées sur l'idée de correction, sur la médiation et sur le compromis. La 'litigation' juridique est connotée négativement; la conciliation est connotée positivement. D'où, d'ailleurs, le fait qu'en Asie les moyens de règlement politiques de différends inter- nationaux aient conservé jusqu'à nos jours une faveur dont les moyens de règlernent juridictionnel ne jouirent jamais. En somme, le droit n'a pas eu en Chine la place qu'il a eue en Europe15. En même temps, force est de constater que les rites (li) se rapportant à la politique étrangère opérèrent fonctionnellement comme des normes juridiques internationalesw. Par ailleurs, comme nous l'avons déjà signalé, il ne faudra pas nécessairement rechercher en de telles matières une conception « pure » du phénomène juridique (modus Kelsenii), dépouillée des autres phénomènes sociaux, parce que cela consisterait à importer anachroniquement dans un ordre social des conceptions lui étant étrangères.

Troisième série d'interrogations: quelles sont, s'il y en a, les matières que l'étude historique comparée permet de désigner de communes à tout droit international public, et quelles matières au contraires sont contingentes ? La comparaison de tous les droits internationaux publics ayant existé un peu partout clans le monde permet en tout cas de dégager une matrice de ce qui est véritablement commun à tous les peuples et à tous les temps. On sait que le droit international est une matière ouverte : c'est un conte- nant qui peut contenir un peu n'importe quelle matière. Il en est ainsi parce que n'importe quelle question peut faire l'objet d'un intérêt inter- national et (~tre dès lors réglementée ù un niveau commtm17. C'est dire

15 C'est la raison pour laquelle le droit civil, contrairement à Rome, resta sous-déve- loppé ; qu'il n'y eut jamais en Chine une doctrine de la séparation des pouvoirs ou de l'indépendance du pouvoir judiciaire; qu'il n'y exista pas une éducation ou profession proprement juridiques; et qu'un concept des droits de l'hornme ou de droits individuels n'y prit pas racine. De même, le sens de la participation aux afhüres publiques ne put pas être développé. L'éducation paternaliste et la morale inculquée prédominaient. Voir Zhaojie, << Traditional Chinese World Order >>, 41---42.

16 Y. Zhang, «System, Empire and State in Chinese International Relations>>, Review (Jj' International Studies, vol. 27, 2001, 49-50; Fung Yu-Lan, A Short History ofChinese Philoso- phy, New York, 195:3, 178.

17 << En Ülit il n'existe aucune matière qui par sa nature nH~me serait réservée au droit

national et ne pourrait être réglée par le droit. international, aucune matière rentrant.

exclusivement clans la compétence de l'Etat et ne pouvant être réglée par une norme générale ou individuelle du droit international, aucune matière ne pouvant faire l'objet d'une obligation établie par une telle norme. Le droit international peut régler n'importe quelle matière, même celles qui sont normalement réglées par le droit national, comme pnr exemple la forme du gouvernement, l'acquisition ou la perte de la nationalité, la poli- tique sociale, la religion, l'immigration, les tarifs douaniers ou les matières relevant du code pénal, du code civil ou des codes de procédure pénale ou civile. [ ... ] Un Etat peut

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que le droit international ne peut guère être défini par son objet (ratione materiae). Celui-ci varie dans le temps. Toutefois, certaines règles de type

«secondaire », propres à la constitution et au fonctionnement du sys- tème juridique lui-même, possèdent une plus grande constance clans le temps. Indépendamment de ces règles structurantes, certaines matières deviennent fondamentales au droit international à un stade donné de son évolution. Le droit international mondialisé moderne est construit autour de sept pôles structurants et une série de matières contingentes plus ou moins fondamentales. Les sept pôles structurants sont les suivants : ( 1) les sources, c'est-à-dire la production du droit et les places où on le trouve ; ( 2) les relations entre le droit international public et les ordres juridiques internes; (3) les sujets du droit, leurs définitions, leurs compétences;

assumer dans un traité l'obligation d'instaurer ou de conserver un régime républicain ou monarchique, de naturaliser à certaines conditions les ressortissants d'un autre Etat, de limiter !ajournée de travail à huit heures, d'accorder la liberté de culte à ses ressortissants, de permettre l'immigration de ressortissants d'un autre Etat, d'appliquer un tarif douanier spécial à l'importation de marchandises provenant d'un autre Etat, d'adapter certaines normes de son droit civil à un modèle établi par une convention internationale. [ .. ·1 Si aucune matière ne se trouve, par sa nature même, uniquement ou essentiellement clans la compétence interne des Etats, n'importe quelle matière peut être réglée par le droit international. Le domaine matériel de la validité de ce droit est ainsi illimité, de telle sorte qu'il est impossible de définir le droit international par son objet, par les matières que ses normes règlent ou auxquelles elles se réfèrent[ ... ] S'il n'y a aucune matière qui ne puisse être réglée par le droit international, il y en a qui ne peuvent être réglées que par lui, donc à l'exclusion du droit national dont la validité est limitée à un territoire déterminé et à la population qui y réside. Le but primitif du droit international, sa fonction primaire est de délimiter les domaines de validité territoriale, personnelle, temporelle et matérielle des ordres juridiques nationaux et ainsi d'établir entre eux un rapport de coordination. Une telle fonction ne peut être remplie que par le droit international et non par un ordre juri- dique national dont la validité est limitée à un territoire déterminé et à la population qui y réside. De même la création et l'application des normes du droit international et notam- ment la conclusion des traités et l'établissement des tribunaux internationaux ne peuvent être réglés que par le droit international et non par le droit national clans la mesure où ce droit national est conçu comme le droit d'un seul Etat, comme un ordre juridique dont la validité est limitée à un territoire déterminé et à la population qui y réside» : H. Kelsen,

«Théorie du droit international public», RCAlJI, vol. 84, 1953---III, m----118, les passages cités se trouvant aux pp. 112--·113, n6 -117. Voir aussi : H. Kelsen, <<Théorie générale du droit international public», RCADJ, vol. 42, 1932-IV, 178-181; H. Kelsen, Princip/es of Interna-- tional Law, New York, 1952, 191 et suiv. Cette opinion a été reprise par d'autres auteurs, non nécessairement disciples de la théorie pure du droit: voir par exemple A. Truyol y Serra, <<Théorie du droit international public>>, RCADI, vol. 17;i, 1081 IV, 38. En déf-initive, Hans Kelsen admet que certaines matières ne peuvent rationnellement être régies que par le droit international public, qu'elles sont par voie de suite « nécessaires>> à celui-ci.

Le relativisme substantiel s'arrête à un point extrême et vertigineux. De toute manière, l'illimilation quant aux contenus possibles était à sens unique: le droit international peul contenir n'importe quelle matière el il n'y a donc pas de domaine réservé par nature au droit interne; inversement, le droit interne ne peut régler certaines matières, quant ù elles nécessairement internationales; il existe ainsi un domaine réservé par nature au droit international.

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(4) la responsabilité internationale, c'est-à-dire les règles sur les consé- quences de la violation des règles de droit international public; (5) le règlement des différends, que ce soit par la force (droit ancien) ou par des moyens pacifiques (droit moderne) ; (6) le droit des espaces communs (sur- tout la haute mer et l'espace extra-atmosphérique); (7) la diplomatie et la guerre. Autour de ces matières formant le squelette du droit international s'agglutinent les matières les plus diverses, parfois fondamentales, comme le non-recours à la force et le maintien de la paix ou encore la protection internationale des droits de l'homme, parfois plus marginales, comme la protection internationale de la propriété intellectuelle ou les échanges météorologiques. Le droit international a toutefois existé pendant des siècles sans interdiction générale de recourir à la force; il a existé pen- dant des siècles sans protection des droits de l'homme ; il a existé pendant des siècles sans protection de l'environnement naturel. Ce n'est pas dire que ces matières ne lui soient pas fondamentales aujourd'hui et qu'elles n'influent pas considérablement sur la qualité intrinsèque de ce droit;

c'est elire uniquement que le droit international public a pu exister pen- dant longtemps sans elles. La perspective diachronique de longue haleine permet aussi de noter que l'histoire du droit international public, depuis l'Antiquité primitive jusqu'à aujourd'hui, est marquée par une croissance considérable des interdépendances internationales et par conséquent par un accroissement insigne du domaine matériel du droit international. Jadis, ce droit ne réglait que quelques questions, au tout début de l'évolution sociale notamment quatre domaines (voir ci-après). Aujourd'hui, il régit un nombre pratiquement illimité de questions et de matières, puisqu'il n'est plus aucune branche de l'activité sociale qui ne présente quelques attaches internationales, nécessitant à ce titre une réglementation juridi- que internationale. Dans certains cas, il suHira de prévoir une harmonisa- tion des droits internes opérée par un accord international; dans d'autres cas, des questions données seront substantiellement réglées par le droit international. Cette expansion, voire explosion, du domaine matériel du droit international a été notée par de nombreux auteurs18.

La perspective « extra-européenne » permet de répondre avec acuité à la question suivante : quelles sont les matières qu'on rencontre toujours et partout, dans chaque ordonnancement de droit international public

18 Voir par exemple M. Sorensen, «Principes de droit international public>>, RCAJ)f, vol. 101, I960-··III, 5 el suiv.; P. Weil, <<Cours général cie droit international public: le droit intemational en quête de son identité>>, RCADI, vol. 237, 1992·-VI, 83 et suiv. ; C. Tom us- chat, << International Law: Ensuring the Survival of Mankind on the Eve of a New Cen- tury », RCADI, vol. z81, I>J99, sG et suiv. ; etc.

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ayant existé dans l'histoire? Quelles sont donc les règles les plus incom- pressibles du droit international? On se rend compte qu'il s'agit de quatre matières: (1) la guerre et la réglementation des rapports hostiles (jus ad belLwn et jus in belLo); (z) la diplomatie et les missions spéciales à des fins de négociation; (3) les transactions, notamment les traités; (4) la coopé- ration (extradition de criminels, œuvres communes, etc.). La qualité et l'étendue de ces quatre branches varient notablement d'ensemble régio- nal à ensemble régional, ainsi que d'époque à époque. Toutefois, nulle part au moins des embryons de ces quatre matières ne font entièrement défaut. Elles semblent donc consubstantielles au code génétique le plus intime du droit international public.

Les rapports hostiles sont parmi les plus anciens. Des tribus ou collectivi- tés primitives se rencontrent généralement d'abord dans l'hostilité: incur- sions de rapine, méfiance réciproque, morale close et rejet de l'étranger, politique d'expansion et de conquête, sont le lot de ce début belliqueux des contacts humains. De plus, tous les âges ont connu la guerre; elle n'a fait défaut à aucun continent. Contrairement aux autres trois matiè- res qualifiées ici d'incompressibles, la guerre et sa réglementation n'ont toutefois pas le même degré de nécessité. Le droit international devra s'en occuper tant que la guerre continuera à exister et à déployer son sceptre sanglant. En ce sens, la réglementation de la guerre est « néces- saire»: s'agissant d'un phénomène international, du contact entre des collectivités indépendantes, il sera nécessaire d'élaborer certaines règles communes - donc internationales ·- aux collectivités en lice pour canali- ser le mal guerrier et pour permettre le retour à la paix. Mais ce ne sera le cas qu'au bénéfice d'inventaire. Tant que la guerre existera comme fait social, le droit devra proposer des règles. Or, il n'est pas dit que la guerre ne puisse pas être, non seulement contenue dans des limites toujours plus étroites, si bien qu'elle serait de plus en plus rare, mais encore entièrement éliminée des relations internationales. La construction de l'Europe depuis 1957 prouve qu'il ne s'agit pas là d'une simple chimère irénique fondée sur un pacifisme à la fois outrancier, rêveur et bucoli- que. L'Europe a été le berceau de guerres de grande ampleur depuis sa nuit des temps. Désormais, un conflit armé entre Etats de l'Europe (CEE, UE) semble aussi chimérique que ne semblait hier précisément un état de paix perpétuelle (ou à très long terme) entre eux. La seule chose que l'on puisse dire avec une certaine assurance est que la guerre subsistera au plan universel pendant un temps encore prolongé, si bien que le droit international continuera à devoir la réglementer.

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Ce degré de nécessité de la réglementation s'accroît dans les domaines du droit de la paix susmentionnés. Les collectivités publiques composant le monde ne retourneront plus jamais à l'autarcie des rapports frugaux entre peuplades primitives (à moins d'une catastrophe cosmique d'enver- gure inouïe, rejetant l'humanité aux premiers cycles de son évolution).

En maintenant un niveau élevé de contacts, il faudra toujours aux Etats des moyens pour entretenir ces contacts (diplomatie), des moyens pour s'entendre (transactions) et des moyens pour coopérer dans des questions d'intérêt commun (droit de coopération). Il s'agit là de matières dont aucun droit international public de l'avenir ne pourra être dépouillé, sauf à être dénaturé et à perdre tout son sens.

Par ailleurs, ces trois dernières matières constituent des «complexes»

ou des ruches de règles importantes. Les transactions n'évoquent pas uni- quement le règlement des différends par accords, mais aussi toutes les

« sources» du droit. Le traité, résultat le plus important d'une transaction, est une source essentielle chez les peuples primitifs. Il précède probable- ment assez souvent la coutume. Entre peuples que n'unit aucun lien de culture et qui se rencontrent dans un état de nature primitif; seul le pacte est susceptible de rompre l'isolement. Une coutume n'a pas encore eu le temps de mùrir entre eux. Ce n'est que dans des ensembles d'Etats mar- qués par la même descendance culturelle que la coutume peut précéder les traités. Tel fut le cas pour les rites (li) et le droit (fa) dans l'ancien ensemble chinois du« printemps et de l'automne» (771-481 avantJ. C.)1~1.

Chacune de ces quatre branches incompressibles suppose également un traitement de la question des « st~jets » de droit international. En effet, seuls ces sujets peuvent déclarer la guerre et la faire, peuvent envoyer des ambassades chez un autre souverain, peuvent conclure des traités, peu- vent coopérer internationalement. Le caractère plus phénoménologique des ordres juridiques primitifs (dans lesquels il n'existe pas encore une science juridique analytique, avec la caste des juristes, comme dans le droit romain républicain et impérial) médiatise ces questions plus géné- rales des « sources» et des «sujets» derrière les phénomènes concrets de la vie publique. Il serait toutefois une erreur de les croire absents.

S'il reste donc vrai que le droit international public peut régir n'importe quelle matière tenue à un moment donné de l'histoire pour être

w Voir Zhaojie, « Traditional Chinese Worlcl Orcier», 40 et su iv. Voir aussi l'excellent texte de Wang Tieya, «International Law in China: Historical and Contemponuy Perspec- tives>>, RCADI, vol. 221, IB9ü-ll, 195-370.

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of international concern, il n'en demeure pas moins que certaines matières ne peuvent pas être réglées par un droit autre que le droit interne et sont ainsi nécessaires au droit international. L'histoire du droit international uti universi permet de serrer de près l'identification de ces matières, non pas comme spéculation de l'esprit, mais comme donnée de l'expérience.

Quatrième série de questions: un droit international peut-il exister dans un ensemble hégémonique ou suppose-t-il par nécessité une société décentra- lisée de collectivités politiquement indépendantes et paritaires ? Il a souvent été affirmé que le droit international public suppose une société interna- tionale structurée d'une certaine manière, à savoir composée d'Etats ou de collectivités publiques relativement indépendantes les unes des autres (souveraineté) et entretenant des rapports divers dont certains sont régis par des règles juridiques. Inversement, la consolidation des espa- ces publics en un seul Empire ou Etat fédéral transformerait les rapports précédemment internationaux en relations de droit fédéral, c'est-à-dire en relations de droit public interne20L'on évoque alors comme exem- ple la consolidation de l'Empire romain autour de la Méditerranée, allant de pair avec le recul du droit international au bénéfice d'un droit impérial;

l'on évoque aussi la consolidation de l'Empire chinois au 3" siècle avant

J.

C., transformant des relations auparavant internationales entre une série d'Etats chinois (notamment les sept Puissances) en relations internes. Pax romana, pax sinaica, aujourd'hui pax americana et donc societas romana, sinaica, americana ... Que faut-il penser de ce théorème?

Sans doute faut-il noter qu'il existe une corrélation étroite entre la vitalité d'un droit international et une configuration « westphalienne »,

c'est-à-dire formellement paritaire de puissances superiorem non recogno- centes. Plus l'espace politique se compose de collectivités indépendantes entre elles, et plus le droit international se développe ; plus cet espace se consolide en empires ou fédérations, et plus le droit international se

20 L'histoire des relations internationales, dans les plus diverses civilisations depuis des temps les plus reculés, révèle deux forces constantes dont l'œuvre n'est jamais épuisée.

C'est le cas en premier lieu de l'oscillation permanente entre des phases cie concentra- tion du pouvoir (constitution d'Etats unitaires) et de dissolution du pouvoir (création de sociétés internationales constituées d'entités indépendantes). Des formes mixtes peuvent exister, notamment pendant des phases intermédiaires, à travers des Etats dépendants et des rapports de vassalité. Cette oscillation transforme constamment la qualité du droit:

celui-ci se balance pmallèlement à ces événements politiques entre un droit commun impérial ou fédéral (phases de contraction) et un droit international public (phases de dissolution).

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rétracte. Paradoxalement, toutefois, si le droit international se développe dans des sociétés westphaliennes, il ne manque pas d'y manifester une certaine faiblesse. Car avec l'émergence de collectivités publiques ayant récemment acquis leur souveraineté et jalouses de celle-ci, le sentiment même elu droit tend, du moins clans une première phase, toute conqué- rante, à s'amenuiser. Si bien qu'au moment même où naît un droit inter- national (souvent de la décomposition d'un Empire ou d'un Etat unitaire), et où structurellement il manifeste donc une belle vitalité, son efficacité réelle est sujette à des ornières et des échecs, la politique de puissance le tenant encore en l'état. Il faudra que les Etats en cause fassent d'abord l'expérience des résultats néfastes d'une concurrence politique effrénée et débridée, pour qu'ils puissent, quelque peu assagis par la phase de leur Sturm und Drang, rendre au droit (international) une place quelque peu plus importante dans certains domaines de leurs rapports. L'assise du droit international est dès lors elle-même évolutive et dépend en dernière analyse d'un état d'esprit (international) chez les unités dont il cherche à régir les rapports. Cette assise est loin de découler simplement d'un fait structurel, à savoir de la présence d'une pluralité d'Etats; il suppose au contraire la maturation de leurs relations, un certain raffinement cultu- rel et surtout l'état d'esprit modérateur qui découle généralement d'une expérience sinon douloureuse du moins problématique. Celle-ci suscite une prise de conscience des difficultés réelles et induit la recherche plus rationnelle de solutions.

Toutefois, il serait erroné de croire que les rapports internationaux et donc le droit international s'effacent automatiquement dans tout espace unitaire ou fédéral. Tout d'abord, il n'y a guère de notion aussi multiple et aussi relative que celle de fédération ou de confédération. Derrière ces termes d'apparence unitaire se cachent autant d'expériences juridiques et politiques uniques. En particulier, le degré d'intégration de chacune de ces « fédérations » a varié considérablement en elle-même et dans le temps. L'Empire romain, à son apogée, à été relativement centralisateur;

l'Empire chinois, dans ses relations avec les entités tributaires, était au contraire fondé sur une dose d'indépendance mutuelle très considérable, la souveraineté des entités tributaires n'étant pratiquement pas affectée.

Un espace considérable de rapports« internationaux» restait donc ouvert entre la Chine impériale et ses régions limitrophes, reliées à elle par un tissu de traités ouvrant un espace peu fédéralisé et très internationalisé.

Il en allait de même en Mésoamérique, bien que les liens «fédéraux»

fussent quelque peu plus étroits. On peut ajouter l'exemple actuel de l'UE

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