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Une géographie politique du pouvoir
RAFFESTIN, Claude
RAFFESTIN, Claude. Une géographie politique du pouvoir. L'Espace géographique , 1984, vol. 13, no. 4 p 379
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:4337
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Une géographie politique du pouvoir
S'il est raisonnable de penser qu'une culture est vi- vante et forte lorsqu'elle est un modèle pour elle-même,
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cela n'implique pas qu'elle doive ignorer 3es autres ap- ports qui pourraient la rendre plus vivante et plus forte encore. Le « splendide isolement » de la géographie an- glo-saxonne m'étonne. Qu'on ne vienne pas me dire que je fais de l'américanophobie et de l'anglophobie, de grâce, il faut s'épargner le ridicule même s'il ne tue plus ! Je crois que certains collègues anglo-saxons — je n'ai pas dit tous
— traversent une crise dont ils ne sont pas conscients (chacun son tour) : la croyance en une supériorité qui les anesthésie progressivement. En effet, par rapport à ce champ relativement « à la mode » (terme déplaisant mais parfois utile) qu'est la géographie du pouvoir, on aura de la peine à m'objecter que les géographies non-anglo- saxonnes n'ont pas apporté leur contribution. Pourtant il n'y en a aucune trace dans l'ouvrage de R. Paddison (1).
En matière de pouvoir, je trouve Dahl et Easton mais ni Foucault ni Crozier. N'auraient-ils pas été traduits ? Mais non c'est inutile Paddison lit le français puisqu'il cite Siegfried à la p. 128 et qu'il se réfère à Gottmann.
Evidemment, il est difficile d'oublier Gottmann quand on publie à Oxford (mais peut-être s'agit-il d'une référence ornementale). J'allais oublier Castells, le pauvre, devenu l'inévitable alibi ubiquiste des géographes anglo-saxons.
Allons, mes chers collègues, soyons sérieux, les livres traversent aisément l'Atlantique... et la Manche, encore faut-il avoir envie de les ouvrir.
Si Paddison les ouvrait cela lui éviterait de nous donner un ouvrage fabriqué « à la colle et aux ciseaux » qui est un mélange d'empirisme et de quantification rudimentaire. Les graphiques et la cartographie sont soignés mais la réflexion l'est un peu moins, beaucoup moins même. Les chapitres sont accolés les uns aux autres sans véritable ligne directrice. « The Fragmented State » is a fragmented book. Peut-on encore faire de la géographie politique en juxtaposant sur une carte le fédéralisme américain et le fédéralisme soviétique, le fédéralisme brésilien et le fédéralisme suisse ? Sincère- ment je ne le crois pas, alors pourquoi cette carte ?
Cela dit, on trouvera dans ce livre des informations multiples, qui ne sont pas inintéressantes, mais auxquel- les manque une cohérence qu'on est en droit d'attendre d'un ouvrage général.
Il est une maladie qui nous guette tous et qui com- mence à faire des ravages chez beaucoup d'entre nous : la pseudo-urgence de l'écriture. Le livre de R. Paddison ne m'a rien apporté parce qu'il a été écrit dans la hâte : information sans réflexion n'est que ruine de la pensée.
La géographie anglo-saxonne nous a beaucoup donné, il n'y a aucune raison pour qu'elle nous le reprenne de cette manière. — Claude RAFFESTIN,Université de Genève.
(1) PADDISON (R.), 1983, The fragmented state. The political geography of power. Oxford, Basil Blackwell.