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«Il faut combler le fossé qui sépare la recherche scientifique de la pratique»

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Academic year: 2022

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interview

2000 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 12 octobre 2011

Le septième symposium «Platin» de la Société suisse de médecine interne géné­

rale (SSMI) a eu pour thèmes l’écart qui existe entre recherche fondamentale et pratique médicale et la perte d’informa­

tions qui entoure la sortie d’un patient de l’hôpital. En quoi ces deux sujets sont­ils particulièrement actuels ?

Ces problématiques existent depuis long- temps. Ce qui les rend encore plus impor- tantes et aiguës, c’est l’attention que nous devons porter aux coûts de

la recherche et de la méde- cine pris globalement, à l’ef- ficience de nos pratiques et à leur qualité. Les investisse-

ments de recherche consentis sont consi- dérables et les coûts de la médecine repré- sentent une part croissante du pro duit inté rieur brut du pays. Les résultats issus de ces dépenses sont-ils pour autant satis- faisants ? Dit de façon plus triviale : en a-t- on vraiment pour son argent ? Est-il effi- cient qu’un patient soit réhospitalisé peu après sa sortie de l’hôpital du fait de défi- cits de communication et de confusion dans ses traitements ? Ceci répond-il aux stan- dards actuels d’éthique et de qualité ? Comment améliorer la production de la recherche fondamentale ?

Il faudrait, pour commencer, réussir à ré- duire le délai nécessaire à amener une nou- velle molécule aux premiers essais clini-

ques puis à son application en pratique. Il y a là une perte considérable de temps, d’argent et d’énergie. Aujourd’hui encore, les entreprises pharmaceutiques travaillent chacune avec leur propre banque de don- nées et de molécules susceptibles d’appor- ter des développements thérapeutiques.

La recherche fondamentale aurait énormé- ment à gagner d’une mise en commun des connaissances et des découvertes. On pour- rait imaginer que les industries sous-trai-

tent aux universités une grande partie de leur recherche de base. Ces centres facul- taires disposeraient ainsi d’immenses ban- ques de données, ce qui permettrait d’abou- tir à des informations bien plus larges que celles dont nous disposons actuellement, en évitant doublons et réplications inutiles.

Au fond, il faudrait une recherche beaucoup moins compartimentée.

Une recherche fondamentale plus acadé­

mique ne pose­t­elle pas un problème de financement ?

Il y a certainement un nouveau modus vi- vendi à trouver entre les entreprises phar- maceutiques et les milieux académiques, et des partenariats entre l’industrie et les universités à accroître, car les investisse-

ments publics en la matière restent insuffi- sants. Les chercheurs doivent sans cesse défendre les budgets dévolus à leurs acti- vités, bien qu’il ne s’agisse pas de mon- tants énormes à l’échelle de notre pays.

La solution est­elle politique ?

En partie. La Suisse pourrait, elle-même, mettre plus d’argent sur la table pour finan- cer la recherche fondamentale. Mais, vu sa petite taille et sa difficulté à réaliser seule des projets d’envergure, ne devrait-elle pas participer plus qu’elle ne le fait aujour- d’hui aux vastes programmes mis en place par l’Union européenne ? Les universités ont, elles aussi, un rôle à jouer pour favori- ser des partenariats académiques larges. Les politiciens doivent également contribuer à faire tomber les frontières dans le domaine de la recherche, non seulement sur un plan international, mais également sur un plan intercantonal. De moins en moins de pro- jets de recherche clinique sont proposés par l’industrie aux hôpitaux suisses, vu les longs délais et les contraintes imposées par le fait de devoir déposer autant de de- mandes d’autorisation qu’il y a de cantons et de comités d’éthique !

Au­delà de la production même de la re­

cherche, n’y a­t­il pas aussi un problème d’accès et de mise en pratique de ces nou­

velles connaissances ?

Effectivement. Maintenir un lien fort entre recherche et pratique quotidienne est diffi- cile. C’est ce que nous essayons de faire lors de la formation des jeunes médecins avec les programmes de MDPhd. Celui qui a un pied dans la recherche est plus at- tentif aux résultats produits par celle-ci et est du coup plus prompt à l’introduire dans sa pratique clinique. Il est également impé- ratif que la recherche se développe dans des domaines qui intéressent les prati- ciens, telles la médecine de premier re- cours et la recherche en cabinet. Mais, il faut soutenir également un type de re- cherche particulier portant sur la manière de promouvoir cette médecine basée sur les preuves scientifiques, ou les évidences

«Il faut combler le fossé qui sépare

la recherche scientifique de la pratique»

Septième symposium «Platin» de la Société suisse de médecine interne générale

Réunie à Thoune au début du mois de septembre, la Société suisse de méde­

cine interne générale (SSMI) a invité chercheurs, cliniciens, aca dé miciens, politiciens et représentants de l’industrie pharmaceutique, à débattre de l’écart qui existe entre pratique médicale et recherche fondamentale. La perte d’informations qui entoure la sortie d’un patient de l’hôpital a aussi été abor­

dée. Jean­Michel Gaspoz, nouveau Président de la SSMI, voit dans ces deux thèmes «un maillon­clé» de l’évolution de la pratique médicale, de la qualité des soins et de la sécurité des patients. Quels enjeux se cachent derrière la production scientifique et la transition entre l’hôpital et la méde cine ambu­

latoire ? Réponses détaillées du patron du Département de méde cine commu­

nautaire, de premier recours et des urgences des Hôpitaux universi taires de Genève.

Interview du Pr Jean-Michel Gaspoz par Michael Balavoine

… Nous devons porter une attention toute

particulière aux coûts de la recherche

et de la médecine de pointe …

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cliniques. Quelles structures doit-on déve- lopper à cet effet ? Quels doivent être les lieux de formation ? Quels comportements favoriser pour faire évoluer les mentali- tés ? Dans quel sens pro filer la formation continue des médecins ? Les résultats obte- nus sont-ils ceux que l’on visait ? Comment corriger le tir ? Il est essentiel d’investir dans ces domaines. En Suisse, le finance- ment de ce type d’investigations est ex- trêmement pauvre car ces projets entrent en compétition, au sein du Fonds national, avec des demandes provenant de la méde- cine de pointe, considérées comme plus prestigieuses. Aux Etats-Unis, le président Clinton a créé une «Agency for Health Care Research and Quality» entiè rement dévo- lue au financement de ce type de projet et le président Obama un «Ins titute for Trans- lational Research». Ainsi la boucle est bou- clée. La Suisse serait bien inspirée d’ana- lyser de près ces exemples.

Les praticiens de «ville» ne devraient­ils pas être intégrés à ces processus de re­

cherche transversaux ?

C’est fondamental. Mais les budgets pour les études cliniques en cabinet sont au- jourd’hui dérisoires ! C’est une erreur. Car si l’on veut que les résultats de la recherche soient mis en pratique, il faut impliquer ce type de médecin. Le principe est toujours le même : si tout le monde est intégré dans une chaîne de développement, la motiva- tion grandit et les pratiques évoluent beau- coup plus vite.

Ce rapport entre ville et hôpital qu’il fau­

drait intégrer dans les processus de re­

cherche est le deuxième sujet qui a été abordé lors du symposium. En quoi la sortie d’un patient est­elle critique ? On s’est rendu compte aux Etats-Unis et en Europe que la transition de l’hôpital vers le milieu ambulatoire était une source très importante d’erreurs médicales et d’évé- nements indésirables pour les patients, al- lant même jusqu’au décès. Au fond, cela montre qu’on pourrait faire une médecine universitaire «high-tech» qui ne servirait à rien, car lorsque le patient rentre chez lui, les résultats obtenus à l’hôpital se dégra- dent ; il faut parfois procéder à une réhos- pitalisation. Tout cela parce que l’on a mal organisé la transition entre l’hôpital et la ville.

Comment améliorer cette transition ? Les pistes sont multiples. Il faudrait déjà réussir à changer la mentalité des méde- cins lors de leur formation universitaire ou post-grade en leur inculquant ce principe fondamental qui veut que gérer la transi- tion entre l’hôpital et la ville, c’est une exi- gence professionnelle. Mal le faire est une attitude contraire à l’éthique et une erreur médicale aussi conséquente qu’une pres- cription médicamenteuse erronée.

Des outils peuvent­ils être mis en place pour faciliter la sortie du patient ? C’est effectivement la deuxième piste à suivre. Au Service de médecine interne gé- nérale des Hôpitaux universitaires de Ge- nève, par exemple, a été mis en place un

entretien de sortie structuré avec remise d’une carte de traitement. Le patient ne ren- tre pas chez lui seulement avec une pres- cription destinée au pharmacien, mais avec un descriptif détaillé de ce qu’il doit faire ou prendre, qui lui est expliqué et dont la compréhension est vérifiée. Cela permet également d’informer le praticien de ville, mais surtout d’impliquer le patient dans son projet thérapeutique. Cet «empower- ment» du malade est un facteur décisif pour une meilleure adhésion au traitement prescrit.

Les nouvelles technologies de l’informa­

tion sont aussi au cœur de cette transi­

tion…

Oui. Le dossier informatique partagé va être au centre de la pratique médicale du futur. Ce qui est aujourd’hui encore à l’état de pilote va se développer et apporter des gains considérables en permettant aux pra- ticiens d’avoir une vue complète du pa- tient, et amener à moins de doublons, plus de sécurité et de qualité. Il faudra s’assurer d’une harmonisation nationale pour une efficacité optimale.

Entre des trajectoires toujours plus com­

plexes, une formation «perpétuelle» et l’ap port des nouvelles technologies, le métier de médecin est en plein chambar­

dement. Quel sera son rôle dans le futur

et quelles seront ses collaborations avec les autres professionnels de la santé ? Le médecin restera au cœur des prises en charge médicales. Mais, à l’image d’un chef d’orchestre qui ne joue pas de tous les ins- truments, le médecin doit apprendre par- fois à ne faire «que» diriger la manœuvre.

Autrement dit : il doit savoir déléguer une partie des tâches à d’autres corps de mé- tiers. Or, aujourd’hui, nous avons encore trop la vision du médecin homme-orches tre et non pas chef d’orchestre. Les maladies chroniques explosent, la population vieillit : la prise en charge doit être multidiscipli- naire. Et le médecin en cabinet, aussi com- pétent et formé soit-il, ne peut plus tout gérer. Notamment la prévention, qui est capitale. Il faut donc inventer de nouvelles formes de collaboration, parti- culièrement avec les infirmières pour lesquelles des mis sions et compétences nouvelles sont à développer. Le métier de méde- cin se trouve à un carrefour décisif. D’une part, parce que les malades ont changé et sont devenus multi-morbides, mais aussi parce que la nouvelle génération de méde- cins souhaite une vie plus équilibrée entre sphères professionnelle et privée. Vous voulez un mot-clé ? La multi-profession- nalité.

Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 12 octobre 2011 2001

… Gérer la transition entre la ville et

l’hôpital est une exigence professionnelle

fondamentale …

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