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La situation des partenaires de même sexe en droit communautaire et dans le cadre de l'Accord sectoriel sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne

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La situation des partenaires de même sexe en droit communautaire et dans le cadre de l'Accord sectoriel sur la libre circulation des

personnes entre la Suisse et l'Union européenne

KADDOUS, Christine

KADDOUS, Christine. La situation des partenaires de même sexe en droit communautaire et dans le cadre de l'Accord sectoriel sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne. Revue suisse de droit international et de droit européen, 2001, no.

1, p. 143-172

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:44219

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La situation des partenaires de meme sexe en droit communautaire et dans le

cadre de l'Accord sectoriel sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union europeenne

par

CHRISTINE KADDOUS*

Sommaire

I. Introduction

1I. Lajurisprudence de la Cour dejustice relative au transsexualisme et l'homosexualit6

1. L'arrt P c. S. de 1996 : la protection des droits des transsexuels 2. L'arr~t Grant de 1998 : l'absence de protection des droits des

partenaires de m~me sexe

3. L'arr~t D. c. Conseil de 1999 : la non-reconnaissance des partenariats enregistr6s

III. La libre circulation des partenaires de mme sexe : situation actuelle et perspectives nouvelles

1. Rappel des principes de base de la libre circulation des personnes dans l'Union europ~enne, de la notion de << conjoint , et de celle

d'(, avantages sociaux >

2. Vers une application de ces principes et notions aux partenaires de mme sexe ?

3. L'art. 13 CE et la discrimination fonde sur l'orientation sexuelle 4. La Charte des droits fondamentaux de l'Union europenne de 2000 IV. La situation des partenaires de m~me sexe dans le cadre de l'Accord

sectoriel de 1999 sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union europ~enne

1. Rfffrence au droit communautaire 2. D6veloppement du droit

V. Conclusion

Professeure associ6e a la Facult6 de droit de l'Universit6 de Fribourg - L'auteur remercie Madame Rute Vicente, lic. iur., pour son aide pr6cieuse dans la relecture et la mise au point du manuscrit.

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I. Introduction

Pendant longtemps, le droit communautaire ne contenait pas de disposition g~n6rale relative aux discriminations fond6es sur 1'orienta- tion sexuelle. Les premiers textes qui ont plaid6 en faveur de l'6galit6 de traitement pour les couples homosexuels sont des textes d6pour- vus de caract~re obligatoire. I1 s'agit essentiellement de r6solutions

du Parlement europ6en.1

Jusqu'au 1er mai 1999 - date de l'entre en vigueur du Trait6 d'Ams- terdam -, les trait6s communautaires ne mentionnaient explicitement que les formes de discrimination exerc6es en raison du sexe (art. 141 CE, 6galit6 de r6mun6ration entre les hommes et les femmes pour un mme travail ou un travail de mme valeur) ou en raison de la natio- nalit6 (art. 12 CE). Cette situation a fait que la protection des droits des partenaires de m~me sexe devait etre recherch6e dans des prin- cipes et des r6gles de droit communautaire qui ne les visaient pas ex- press6ment, mais qui pouvaient ou auraient pu, comme nous le ver- rons, par une interpretation extensive et volutive, leur tre appliques2.

I Voir par exemple, la resolution du 17 septembre 1996 sur le respect des droits de l'homme dans l'Union europ~enne en 1994, dans laquelle le Parlement europ~en deman- dait que toute discrimination et toute in~galit6 de traitement envers les homosexuels soient abolies, notamment en ce qui concerne l'Age A partir duquel les rapports homo- sexuels sont autoris~s,JOCE n' C 320 du 28 octobre 1996, p. 36 ; la rsolution du 17 sep- tembre 1998 sur l'6galit6 du droit pour les homosexuels et les lesbiennes dans l'Union europ~enne,JOCE n' C 313 du 12 octobre 1998, p. 186 ; la resolution du 16 mars 2000 sur le rapport annuel sur le respect des droits humains dans l'Union europ~enne (1998

et 1999), JOCE n' C 377 du 29 d~cembre 2000, p. 344, dans laquelle le Parlement europ&n demande aux Etats membres de garantir aux familles monoparentales, aux couples non marius et aux couples de mme sexe 1'6galit6 de droits par rapport aux couples et aux familles traditionnels, notamment au regard du droit fiscal, des regimes patrimoniaux et droits sociaux. I1 y invite les Etats membres, au cas off ils ne l'auraient pas encore fait, A adapter leur l6gislation afin que le partenariat enregistr6 de personnes de mrme sexe soit reconnu, et que ces derni~res b~n~ficient des mmes droits et devoirs que les couples h~t~rosexuels reconnus. I1 demande 6galement aux Etats membres dans lesquels une telle reconnaissance juridique n'est pas encore accord6e de modifier leurs lois de telle mani~re qu'une reconnaissance juridique de la cohabitation hors mariage ind~pendamment du sexe soit instaur~e. II estime d~s lors n~cessaire que des progr~s soient accomplis rapidement afin de parvenir la reconnaissance mutuelle dans I'Union europ~enne de ces diverses formes lgales de cohabitation non conjugale ainsi que des mariages l6gaux entre personnes de mme sexe.

2 Andrew CLAPHAM/Joseph H. H. WEILER, Lesbians and Gay Men in theEuropean Com- munity Legal Order, in: Kees Waaldijk/Andrew Clapham (6d.), Homosexuality: a European Community Issue International Studies in Human Rights, Dordrecht/Boston/Londres

1993, p. 7-70, p. 18.

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LA SITUATION DES PARTENAIRES DE MEME SEXE

C'est dans ce contexte que la Cour de justice des Communaut6s europiennes ajou6 un r6le central, bien qu'elle n'ait rendu que trois arrts sur la protection des droits des transsexuels et des homosexuels.

Avec l'entr~e en vigueur du Trait6 d'Amsterdam la situation a chang&

La lutte contre les discriminations fond6es sur l'orientation sexuelle est maintenant ancre dans l'art. 13 CE3.

Dans le cadre de cette contribution, nous exposerons d'abord la jurisprudence de la Cour dejustice (II). Nous ferons ensuite &tat de la situation actuelle de la libre circulation des partenaires de mme sexe au sein de l'Union europ6enne et traiterons des perspectives nouvelles qui se pr6sentent sur la base de l'art. 13 CE et de la Charte des droits fondamentaux (III). Nous nous pencherons enfin sur la situation des partenaires de mme sexe dans le cadre de l'Accord sectoriel sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union europ6enne

(IV) avant d'envisager des conclusions en la mati~re (V).

II. La jurisprudence de la Cour de justice rela- tive au transsexualisme et a l'homosexualite

Les themes de transsexualisme et d'homosexualit6 n'ont 6t6 abord6s par la Cour de justice qu'assez r&emment, contrairement aux or- ganes de Strasbourg qui ont eu A en traiter d~s les premieres ann6es apr~s l'entrde en vigueur de la Convention europ6enne des droits de l'homme4. En effet, ce n'est qu'en 1996 que la Cour de justice a eu

3 L'art. 13 CE se lit comme suit: Sans pr6judice des autres dispositions du present trait et dans les limites des comp&ences que celui-ci conf~re A la Communaut , le Conseil, statuant A l'unanimit6 sur proposition de la Commission et apr~s consultation du Parlement europ6en, peut prendre les mesures n6cessaires en vue de combattre toute discrimination fond6e sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convic- tions, un handicap, l'Age ou l'orientation sexuelle ,.

4 Cour EDH, arrt Dudgeon c. Royaume-Unidu 22 octobre 1981, S6rie An' 45 ; Cour EDH, arr~t Noris c. Irlandedu 26 octobre 1988, S6rie An0 142 ;Cour EDH, arr~t Modinos c. Chypredu 22 avril 1993, S~rie An0 259 ; Cour EDH, arrt A.D. T c. Royaume-Uni du 31juillet 2000, non publi6; Cour EDH, arr~t Smith and Grady c. Royaume-Uni du 27 septembre 1999, non publi6 ; Cour EDH, arr~t Lustig-Prean and Beckett c. Royaume-Uni du 27 septembre 1999, non publi6 ; D6cision du 3 mai 1983, X. et Y c. Royaume-Uni, D6cisions et Rapports de la Commission 32, p. 220 ; D6cision du 14 mai 1986, S. c. Royaume-Uni, D6cisions et Rapports de la Commission 47, p. 274. Dans le cadre de cette contribution, nous ne trai- terons de lajurisprudence des organes de Strasbourg que dans la mesure o/i celle-ci est cit6e par la Cour de justice.

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l'occasion pour la premiere fois, dans l'arrit P c. S.5, de se prononcer sur la question de la protection des droits des transsexuels. Quant aux droits des homosexuels, ils ont fait l'objet de deux arrts : 'arrt Grant de 19986 et 'arrt D. c. Conseil de 1999'.

1. L'arrt P. c. S. de 1996 : la protection des droits des transsexuels

Dans cette affaire, la question pose A la Cour de justice 6tait celle de savoir si le licenciement d'un transsexuel pour un motif i6 A sa conversion sexuelle pouvait tre consid~r6 comme une violation de la directive n' 76/207 du Conseil, du 9 f~vrier 1976, relative A la mise en oeuvre du principe de l'&galit6 de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'acc~s A l'emploi, A la formation et la promotion professionnelles, et les conditions de travail.8

Pour r~pondre A cette question, la Cour s'est r~f~r~e A lajurispru- dence de la Cour europenne des droits de l'homme relative a la no- tion de - transsexuels ,, selon laquelle il faut entendre - les personnes qui, tout en appartenant physiquement A un sexe, ont le sentiment d'appartenir A l'autre ; elles essaient souvent d'acc~der une identit6 plus coh6rente et moins 6quivoque en se soumettant a des soins m6di- caux et L des interventions chirurgicales afin d'adapter leurs carac- tires physiques ; leur psychisme. Les transsexuels ainsi operas forment un groupe assez bien d~termin& et d~finissable 0. La Cour dejustice a ensuite affirm6 que la directive n' 76/207 n'est que l'expression du principe d'galit6 entre hommes et femmes, principe fondamental du droit communautaire1 °, et ajout6 que le droit de ne pas tre discri- min6 en raison de son sexe constitue Fun des droits inh~rents A la personne humaine, dont elle est tenue d'assurer le respect".

5 CJCE, arrt P c. S. du 30 avril 1996, aff. C-13/94, Rec. 1996, p. 1-2143.

6 CJCE, arrt Grant du 17 f~vrier 1998, aff. C-249/96, Rec. 1998, p. 1-621.

7 TPI, arrt D. c. Conseil de l'Union europdennedu 28janvier 1999, aff. T-264/97, Rec.

1999, p. 1-1.

8 JOCE no L 39 du 14 f~vrier 1976, p. 40.

9 Cour EDH, arrt Rees du 17 octobre 1986, S~rie A no 106, § 38.

10 CJCE, arrt P c. S. du 30 avril 1996, aff. C-13/94, Rec. 1996, p. 1-2143, § 18.

11 M~me arr~t, § 19. Voir galement CJCE, arrft Defrenne du l5juin 1978, af. 149/77, Rec. 1978, p. 1365, § 26 et 27, et CJCE, arrt Razzouk et Beydoun c. Commission du 20 mars

1984, aff.jtes 75/82 et 117/82, Rec. 1984, p. 1509, § 16.

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LA SITUATION DES PARTENAIRES DE MtME SEXE

La Cour a ainsi admis que le champ d'application de la directive ne saurait tre r6duit aux seules discriminations d6coulant de 'apparte- nance A l'un ou l'autre sexe. Elle a considfr6 que compte tenu de son objet et de la nature des droits qu'elle vise A prot~ger, la directive a 6galement vocation Ai s'appliquer aux discriminations qui trouvent leur origine dans la conversion sexuelle de 1'int~ressL 12 Pour la Cour, de telles discriminations sont fondes essentiellement, sinon exclusive- ment, sur le sexe de la personne concern~e. Ainsi, lorsqu'un travail- leur est licenci au motif qu'il a l'intention de subir ou qu'il a subi une conversion sexuelle, il fait l'objet d'un traitement d~favorable par rapport aux personnes du sexe auquel i 6tait r6put6 appartenir avant cette operation.1" Tol&rer une telle discrimination reviendrait A me- connaitre, L 1'6gard d'une telle personne, le respect de la dignit6 et de la libert6 auquel elle a droit et que la Cour a pour mission de pro- t~ger.1 4 Le licenciement doit donc tre regard6 comme contraire A l'interdiction des discriminations fond6es sur le sexe.

Cet arrt a k6 consid6r6 comme progressiste par rapport A lajuris- prudence restrictive de la Cour europ6enne des droits de 'homme relative aux droits des transsexuels1 5, et plein de potentiel pour une protection juridique des homosexuels contre les discriminations fon- d6es sur 'orientation sexuelle, qui pourraient, elles aussi, ktre com- prises dans le champ d'application de la directive sur l'6galit6 de trai- tement1 6. Or, comme nous le verrons, les espoirs qui ont t6 mis dans cet arrt se sont rvl&s vains. La jurisprudence de la Cour de justice relative aux droits des homosexuels n'a pas suivi cet esprit d'ouverture et d'adaptation a 1'volution contemporaine des mentalit~s vis- t-vis de l'homosexualit6.

12 CJCE, arrt P c. S. du 30 avril 1996, aff. C-13/94, Rec. 1996, p. 1-2143, § 20.

13 Mme arr~t, § 21.

14 Mme arr~t, § 22.

15 Anne WEYEMBERGH, Les droits des homosexuels devant lejuge communautaire, Journal des Tribunaux. Droit europ~en 19 9 8, p. 110-113, p. 110 ; Cour EDH, arr~t Van Oosterwijck du 6 novembre 1980, Srie A n' 40 ; Cour EDH, arrt Rees du 17 octobre 1986, S&rie A n' 106 ; Cour EDH, arr~t Cossey du 27 septembre 1990, S~rie A n0 184 ; Cour EDH, arrt B. c. France du 25 mars 1992, Srie A n0 232 ; Cour EDH, arr~t X., Y, Z. c. Royaume-Uni du 22 avril 1997, Recueil 1997-11, p. 619.

16 Leo FLYNN, Commentaire de 'arr &P c. S., Common Market Law Review (CMLRev) 1997, p. 367-387, p. 387.

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2. L'arr6t Grant de 1998 : l'absence de protection des droits des partenaires de m&me sexe

Dans l'affaire Grant, la question pose A la Cour 6tait celle de savoir si le refus par un employeur d'octroyer une r6duction sur le prix des transports en faveur de la personne, de m~me sexe, avec laquelle un travailleur entretient une relation stable constitue une discrimination prohib~e par l'art. 141 CE et par la directive n' 75/117 du Conseil, du 10 f6vrier 1975, concernant le rapprochement des legislations des Etats membres relatives A l'application du principe de l'galit6 de r6mu- n6rations entre les travailleurs masculins et les travailleurs f6minins.17 L'avocat g6n6ral Tesauro avait consid6r6 qu'une telle disposition constitue une discrimination fond~e sur le sexe, contraire A l'art. 141 CE. La Cour de justice n'a, quant A. elle, pas suivi ce raisonnement.

Elle a reformul6 la question pr6judicielle en trois sous-questions, que nous traiterons s~par~ment ci-apris : celle de savoir si la condition fixe par le r~glement de l'entreprise constitue une discrimination fond6e directement sur le sexe du travailleur ; celle de rechercher, en cas de r~ponse negative A la premiere question, si le droit communau-

taire exige que les relations stables entre deux personnes du m~me sexe soient assimilkes aux relations entre personnes marines ou A des relations stables hors mariage entre deux personnes de sexe diffrrent ; et enfin, celle de savoir si une discrimination fond6e sur l'orientation sexuelle constitue une discrimination fond~e sur le sexe du travail- leur.18

- La condition fixie par le r~glement d'entreprise constitue-t-elle une dis- criminationfondie directement sur le sexe du travailleur ?

La r~glementation applicable dans l'entreprise oi travaille Mine Grant pr~voit l'octroi de r6ductions sur le prix des transports au tra- vailleur, A son - conjoint ,,, c'est-A-dire A la personne t laquelle il est mari6 et dont il n'est pas l6galement s~par6, ou A la personne de sexe diffrrent avec laquelle il entretient une relation < significative > de- puis deux ans ou plus, A ses enfants, aux personnes de sa famille qui sont Ai sa charge ainsi qu'A son conjoint survivant.

Mine Grant ne remplissait pas ces conditions, puisqu'elle ne vivait pas avec un < conjoint , ou avec une personne de sexe diffrrent avec laquelle elle entretiendrait une relation « significative depuis deux

17 JOCE n' L 45 du 19 fevrier 1975, p. 19.

18 CJCE, arrt Grant du 17 f~vrier 1998, aff. C-249/96, Rec. 1998, p. 1-621, § 24.

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ans ou plus. La Cour a consid6r6 que cette derni~re condition 6tait applique ind~pendamment du sexe du travailleur concern6 : les re- ductions sur le prix des transports sont refus~es A. un travailleur mas- culin s'il vit avec une personne du m~me sexe de la m~me mani~re qu'elles sont refus6es ;! un travailleur fkminin s'il vit avec une personne du m~me sexe. Elle a ainsi observe que la condition fix~e par le r~gle- ment de l'entreprise s'applique de la m~me mani~re aux travailleurs de sexe f~minin qu'a. ceux de sexe masculin, et qu'elle ne saurait ds lors tre consid~r6e comme constituant une discrimination directe-

ment fond6e sur le sexe.19

- Le droit communautaire exige-t-il que les relations stables entre deux per- sonnes du mime sexe soient assimiles aux relations entrepersonnes mariies ou d des relations stables hors mariage entre deux personnes de sexe difflrent ?

A cet 6gard, Mine Grant a notamment fait valoir que le droit des Etats membres ainsi que celui de la Communaut6 et d'autres organi- sations internationales assimilent de plus en plus souvent les deux si- tuations.20

La Cour n'a pas suivi cette argumentation. Elle a relev6 que bien que le Parlement europ~en ait dclar6 qu'il d6plorait toute discrimi- nation motiv~e par la tendance sexuelle d'un individu, il n'en restait pas moins que la Communaut6 n'avait pas encore adopt6 de normes proc~dant A une telle assimilation.2 1 En dcrivant la situation dans le droit des Etats membres, elle a observe que si, dans certains d'entre eux, la communaut6 de vie entre deux personnes du mime sexe est assimil6e au mariage, quoique incomplktement, dans la plupart des Etats membres, elle n'est assimilke aux relations h~t&rosexuelles sta- bles hors mariage que pour un nombre limit6 de droits, ou ne fait 1'objet d'aucune reconnaissance particulire.22

La Cour s'est ensuite r~far~e A la jurisprudence restrictive de la Commission europ6enne des droits de l'homme, qui consid~re qu'en d6pit de 1'6volution contemporaine des mentalit6s vis-A-vis de l'homo- sexualit6, des relations homosexuelles durables ne rel&vent pas du droit au respect de la vie familiale prot6g6 par l'art. 8 CEDH23 et que des

19 Mme arrt, § 28.

20 Mme arrt, § 30.

21 Mme arrt, § 31.

22 Meme arrt, § 32.

23 Reference a &6 faite aux decisions du 3 mai 1983, X. et Y c. Royaume-Uni, Decisions et Rapports de la Commission 32, p. 220 ; du 14 mai 1986, S. c. Royaume-Uni, Decisions et Rapports de la Commission 47, p. 274, § 2 ; et du 19 mai 1992, Kerkhoven etHinke c. Pays- Bas, non publiee, § 1.

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dispositions nationales assurant, a des fins de protection de la famille, un traitement plus favorable aux personnes mari~es et aux personnes de sexe diffrent cohabitant comme mari et femme qu'aux personnes de m~me sexe ayant des relations durables ne sont pas contraires a l'art. 14 CEDH, disposition qui prohibe notamment les discrimina- tions fond~es sur le sexe24.

Elle a 6galement fait appel a lajurisprudence de la Cour europ~enne des droits de l'homme relative At l'art. 12 CEDH, selon laquelle cette disposition ne vise que le mariage traditionnel entre deux personnes de sexe biologique diff~rent.2 5

Sur la base de ces considfrations, la Cour a conclu qu'en l'tat actuel du droit au sein de la Communaut6, les relations stables entre deux personnes de m&me sexe ne pouvaient pas &tre assimilkes aux rela- tions entre personnes marines ou aux relations stables hors mariage entre personnes de sexe diff6rent. En d'autres termes, un employeur n'est pas tenu par le droit communautaire d'assimiler la situation d'une personne qui a une relation stable avec un partenaire de mrme sexe celle d'une personne qui est marine ou qui a une relation stable hors mariage avec un partenaire de sexe diff6rent.26

- Une discrimination fondie sur l'orientation sexuelle constitue-t-elle une discrimination fondie sur le sexe du travailleur ?

Dans cette partie de l'arrt relative A la place des droits fondamen- taux dans l'ordrejuridique communautaire, la Cour a examin6 si, a la lumi~re de sajurisprudence P c. S. et de certaines conventions inter- nationales (le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 196627 notamment), une discrimination fond~e sur l'orientation

24 Elle a notamment mentionn6 les dcisions du 14 mai 1986, S. c. Royaume-Uni, pr6-cit~e, § 7 ; du 9 octobre 1989, C. et L. M. c. Royaume-Uni, non publi~e, § 2 ; et du 10 f&vrier 1990, B. c. Royaume-Uni, Decisions et Rapports de la Commission 64, p. 278, § 2.

25 CJCE, arrt Grantdu 17 f~vrier 1998, aff. C-249/96, Rec. 1998, p. 1-621, § 34. Les arrits de la Cour EDH mentionn s sont 'arrt Rees du 17 octobre 1986, S~rie A n' 106,

§ 49, et F'arrt Cossey du 27 septembre 1990, S~rie A n' 184, § 43.

26 CJCE, arrt Grantdu 17 f~vrier 1998, aff. C-249/96, Rec. 1998, p. 1-621, § 35.

27 RS 0.103.2. Le Pacte figure, selon une jurisprudence constante, au nombre des instruments internationaux concernant la protection des droits de 'homme dont la Cour tient compte pour I'application des principes g~n~raux du droit communautaire.

Voir, par exemple, CJCE, arrt Orkem c. Commission du 18 octobre 1989, aff. 374/87, Rec.

1989, p. 3283, § 31, et CJCE, arrt Dzodzi du 18 octobre 1990, aff.jtes C-297/88 et C-197/

89, Rec. 1990, p. 1-3763, § 68.

Mme Grant a fait r~f~rence At Favis du Comite des droits de l'homme de I'ONU, institu6 conformment A lart. 28 du Pacte, avis selon lequel la notion de - sexe , viserait 6galement les prefrrences sexuelles ; voir la communication n' 488/1992, Toonen c.

Australie, constatations adopt~es le 31 mars 1994, 5 0e session, point 8.7.

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sexuelle peut tre assimil~e a. une discrimination fond&e sur le sexe, laquelle est prohib6e par le droit communautaire. Elle a ni6 une telle assimilation.

La Cour a consid~r6 que les droits fondamentaux, qui font partie int~grante des principes g~n6raux du droit communautaire, ne peuvent avoir pour effet d'6largir le champ d'application des dispositions du trait6 au-delA des comptences de la Communaut&28 Ces droits fon- damentaux n'op~rent pas de fagon ind~pendante lorsque la situation en cause se trouve hors du cadre du droit communautaire.29

La porte de l'art. 141 CE, comme celle de toute disposition de droit communautaire, ne peut tre dtermin~e qu'en tenant compte de son libell6 et de son objectif, ainsi que de sa place dans le syst~me du trait6 et du contextejuridique dans lequel cette disposition s'ins~re.

Or, la Cour a consid6r que le droit communautaire ne couvrait pas en l'tat une discrimination fond~e sur l'orientation sexuelle,30 mme si elle a fait mention de l'art. 13 CE, qui n'6tait pas encore en vigueur au moment du prononc6 de l'arrt. Aucune discrimination n'a donc k6 constat~e par la Cour.

Cet arrt a k6 largement critiqu6 en doctrine. Plusieurs reproches ont k6 faits it la Cour, notamment d'avoir opt6 pour une interpreta- tion restrictive de la port6e de l'6galit6 des sexes en droit communau- taire, de mme que d'avoir manqu6 de coh6rence par rapport A sajuris- prudence P c. S. de 1996. Deux 6l6ments m~ritent ici d'tre soulign6s.

Le premier concerne la delicate question du << choix du compara- teur .La Cour a considfr6, dans l'arrt Grant, que la limitation des avantages aux conjoints et aux concubins de sexe different ne consti- tue pas une discrimination fond6e sur le sexe puisque les couples d'homosexuels femmes sont trait~s de mani~re aussi d~favorable que les couples d'homosexuels hommes. Ce raisonnement est en contra- diction avec celui suivi par la Cour dans l'affaire P c. S., puisqu'elle avait rejet6 l'argument qui consiste A. d6duire 'absence de discrimina- tion sur la base du sexe du fait que les transsexuels hommes sont trai- t6s de mani~re aussi d~favorable que les transsexuels femmes.

Dans l'affaire P c. S., la Cour a soutenu que " lorsqu'une personne est licencife au motif qu'elle a l'intention de subir ou qu'elle a subi une conversion sexuelle, elle fait l'objet d'un traitement d6favorable par rapport aux personnes du sexe auquel elle 6tait r~put~e apparte-

28 CJCE, arrt Grant du 17 f~vrier 1998, aff. C-249/96, Rec. 1998, p. 1-621, § 45.

29 Voir notamment CJCE, arr~tDemireldu 30 septembre 1987, aff. 12/86, Rec. 1987, p. 3719.

30 CJCE, arrt Grantdu 17 f~vrier 1998, aff. C-249/96, Rec. 1998, p. 1-621, § 46 et47.

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nir avant cette op6ration 0 3'. Le comparateur choisi est donc une per- sonne du sexe auquel P, le demandeur, 6tait r~put appartenir avant cette operation.

Dans l'affaire Grant, la requ~rante se comparait A son pr6dcesseur, un travailleur masculin ayant obtenu des reductions sur le prix des transports pour sa partenaire de sexe f6minin, sans ktre mari6 avec elle. Cela signifie que si un travailleur f~minin ne b~n~ficie pas des m~mes avantages qu'un travailleur masculin, toutes choses 6tant 6gales par ailleurs, il est victime d'une discrimination directe fond6e sur le sexe. Or la Cour n'a pas suivi ce raisonnement. Elle a choisi comme comparateur une personne du sexe oppose a celui de Mme Grant, mais qui est aussi homosexuelle. Elle a donc proc~d6 A deux change- ments de sexe, ce qui a eu pour effet de dissimuler la discrimination fond~e sur le sexe.3 2

Le second 6l6ment a trait au manque de coh6rence dans la juris- prudence de la Cour vis-A-vis de la prise en compte de lajurisprudence des organes de Strasbourg. Dans l'arr~t P c. S., elle s'6tait r6f6r6e A cette jurisprudence pour reprendre la definition du transsexualisme, tout en 6vitant de mentionner lajurisprudence restrictive relative A la protection des droits des transsexuels, alors que, dans l'arrt Grant, elle a fait largement appel :1 la jurisprudence restrictive en mati're d'homosexualit&33 Ce qui frappe ici, c'est la prise en compte diff&

rencike par la Cour de justice de cette jurisprudence. Elle a 6vit6 de mentionner la jurisprudence restrictive dans 'arrt P c. S. pour ne pas porter atteinte au caract~re progressiste de sa decision, alors que dans l'arrt Grant, elle l'a utilis~e comme une des bases de son raison- nement.34

L'attitude raserv6e de la Cour pourrait tre justifi&e par les cons6- quences financi~res importantes qu'aurait entrainaes une decision considarant que le refus de 1'employeur d'accorder des avantages dans les transports au partenaire de mime sexe est constitutif d'une discri-

31 CJCE, arr~t P c. S. du 30 avril 1996, aff. C-13/94, Rec. 1996, p. 1-2143, § 21.

32 En changeant uniquement le sexe de l'individu et en maintenant les autres circonstances inchang~es, la comparaison aurait &6 faite avec un individu masculin demandant le b~n~fice de r6ductions tarifaires pour sa partenaire feminine. Si la Cour avait suivi cette approche, elle serait parvenue A la conclusion que Mine Grant avait 6t&

discrimin~e directement en raison de son sexe. Voir dans ce sens, John MCINNES, Commentaire de l'arrit Grant, CMLRev 1999, p. 1043-1058, p. 1050.

33 Ulrich HanSJESSURtN D'OLIVEIRA, Lesbians and Gays and the Freedom of Movement of Persons, in : Kees Waaldijk/Andrew Clapham (note 2), p. 289-316, p. 305 ss.

34 Voir dans le m~me sens, Anne WEYEMBERGH (note 15), p. 112.

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LA SITUATION DES PARTENAIRES DE MIME SEXE

mination sur la base du sexe.3 5 Les discriminations dans le monde du travail fond6es sur l'orientation sexuelle des individus auraient alors 6t& consid~r~es comme contraires au droit communautaire et donc ill~gales. A cela, il peut tre rtorqu6 que les consequences de la solu- tion retenue dans l'arrt P c. S. sont aussi trs importantes. Elles le sont toutefois moins, il est vrai, quant au nombre de situations suscep- tibles d'ftre vis~es, dans la mesure oia le transsexualisme est un ph~nom~ne tout A fait marginal, statistiquement beaucoup plus rare que l'homosexualit. 36

La dimension morale et sociale de cet arrt doit 6galement tre souligne. La Cour de justice a tendance it 6viter de se prononcer sur des themes aussi importants et d~licats que le mariage et la famille, ou sur des themes controvers~s, tels que la pornographie3 7 l'avortement"8 ou encore l'6galit6 de traitement des homosexuels. Elle semble renon- cer A. intervenir, pr~ffrant laisser aux Etats membres une large marge d'appr6ciation lorsque des arguments de caract6re moral, social ou religieux entrent en ligne de compte. On trouve, toutefois, des arr~ts caract~ristiques de la tendance inverse. La Cour s'est notamment prononc6e en faveur de l'application du principe de l'6galit6 de trai-

tement entre hommes et femmes en matikre de s6curit6 sociale, alors qu'il s'agissait d'une d6cision-cl de dimension morale et sociale im- portante.3 9 On peut d'ailleurs considfrer que la discussion, dans l'arrt

Grant, sur l'assimilation des relations de mime sexe A. celles de sexe diffrrent, relve implicitement de la moralit6 lorsque la Cour se base sur le manque de consensus moral au sujet des droits des homose- xuels pour justifier son interpretation restrictive du droit communau- taire.40

35 Robert WINTEMUTE, Liberts et droits fondamentaux des personnes gays, lesbiennes et bisexuelles en Europe, in : Daniel Borillo (6d.), Homosexualit~s et droit: de la tolerance sociale t la reconnaissance juridique, Paris 1999, p. 183-209, p. 206 et 207.

36 Sur ce point, voir les conclusions de l'avocat g~n~ral Elmer dans l'arrt Grant (note 18), § 42. Cet argument a aussi 6t6 d~velopp6 par Leo FLYNN (note 16), p. 381 ; Anne WEYEMBERGH (note 15), p. 113 ; Mark BELL, Shifting Conceptions of SexualDiscrimination

at the Court ofJustice :from P v S. to Grant v SWT, European LawJournal (ELJ) 1999, p. 63-81, p. 75.

37 CJCE, arrft Quietlynn c. Southend BC du 11 juillet 1990, aff. C-23/89, Rec. 1990, p. 1-3059.

38 CJCE, arrt Society for the protection of the unborn child c. Grogan du 4 octobre 1991, aff. C-159/90, Rec. 1991, p. 1-4685. Voir aussi Mark BELL (note 36), p. 77.

39 Voir notamment CJCE, arr~t McDermott c. Ministerfor Social Welfare et Attorney Gene- raldu 13 mars 1991, aff. C-377/89, Rec. 1991, p. 1-1155.

40 John MCINNES (note 32), p. 1053.

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La circonspection manifest6e par la Cour peut 6galement s'expliquer par les critiques qui lui ont 6t6 adress6es aussi bien par des politiciens que par desjuristes.41 Des voix se sont 1ev~es pour d6noncer le - gou- vernement desjuges , pour accuser la Cour d'avoir exerc6 un <, acti- vismejudiciaire > et d'avoir omis de s'interroger sur l' acceptabilit6 ,, de ses d6cisions, ou d'avoir interprt6 de mani~re extensive la port6e du droit communautaire.4 2 En d6finitive, l'ensemble de ces critiques revient a rappeler i la Cour le principe de l'attribution des comptences et le fait que les Etats membres demeureraient les seigneurs des trai- t6s (< Herren der Vertrdige >>). Depuis quelque temps d6ja, la Cour semble avoir adopt une tendance de -judicial self restraint dans sa lecture des dispositions du droit communautaire.43 La mention de

41 Sur les critiques dont la Cour a fait l'objet, voir notamment les r6f6rences cit~es dans Fernand SCHOCKWEILER, La Cour de justice des Communautis europeennes dpasse-t-elle les limites de ses attributions ?,Journal des Tribunaux. Droit Europ6en 1995, p. 73-80, notes 1 et 2 ; La Coura-t-elle outrepassi sa compitence ?, Le Monde du 27 avril 1971 ; Michel DEBRt,

Les pritentions inouies de la Cour de justice europienne, Le Monde du 11 janvier 1979 ; Mau- rice DUVERGER, Le gouvernement desjuges europcens, Le Monde du 20 septembre 1980. Voir aussi la doctrine, notammentJean-Pierre COLIN, Le gouvernement des juges dans les Commu- nautis europiennes, Paris 1966 ; Hjalte RASMUSSEN, On Law and Policy in the European Court of Justice, Dordrecht 1986 ; ID., Between Self-Restraint and Activism : A Judicial Policy for the European Court, European Law Review (ELRev) 1988, p. 28-38 ; Wolfgang DkNZER-VANO=rI, Unzuliissige Rechtsfortbildung desEuGH, Recht der Internationalen Wirtschaft (RIW) 1992, p. 733 ; Patrick NEILL, European Court - Strangling Our Liberties -,, The Times du 19 sep- tembre 1994; P. JOHNSON, Striking Right in theHeart of British Justice, The Daily Mail du 20 sep- tembre 1994. Ces critiques sont 6galement sous-jacentes dans l'arr&t de la Cour constitutionnelle f6d6rale allemande du 12 octobre 1993 relatif A la constitutionnalit6 du Trait6 de Maastricht, 2BvR2134/92, 2BvR2159/92, traduit et publi6 dans la Revue universelle des droits de l'homme (RUDH) 1993, p. 286-292.

42 Sur une analyse de ces critiques, voir notamment Pierre PESCATORE, Jusqu'oul le jugepeut-ilallertrop loin ?, in: Festskrift Til Ole Due. Liber Amicorum, Copenhague 1994,

p. 299-338, p. 309 ; Fernand SCHOCKWEILER (note 41), p. 73-80 ; Pierre PESCATORE, La protection judiciaire des droits individuels comme facteur de dimocratie, Colloque sur les , Nouvelles voies de la d6mocratie ,, Luxembourg, 14-17 d6cembre 1995 ; Ulrich EvERLING,

The Court of Justice as a Decisionmaking Authority, in : Michigan Law Review Association (6d.), The Art of Governance: Festschrift zu Ehren von Eric Stein, Baden-Baden 1987, p. 156-172 ; Koen LENAERTS, Some Thoughts about the Interaction between Judges and Politicians

in the European Community, Yearbook of European Law (YEL) 1992, Oxford 1993, p. 1-34;

Jean-PaulJAcQut/Joseph H.H. WEILER, Sur la voie de l'Union europenne, une nouvelle architec- turejudiciaire, Revue trimestrielle de droit europ6en (RTDE) 1990, p. 441-456, p. 452.

43 Voir notamment CJCE, arr&t Keck et Mithouard du 24 novembre 1993, aff. jtes C- 267/91 et C-268/91, Rec. 1993, p. 1-6097, ainsi que l'avis 2/94 relatif ' l'adh6sion de la Communaut6 europ6enne A la CEDH, Rec. 1996, p. 1-1759 ; cet avis concerne l'61argisse- ment du champ des comp~tences externes de la Communaut6 et l'application de l'art. 308 CE (ex-art. 235). Voir 6galement sur cette probl6matique dans le domaine des relations ext~rieures, Christine KADDouS, Le droit des relations extifieures dans la jurisprudence de la Cour dejustice des Communauts europiennes, B5le/Gen~ve/Munich/Bruxelles 1998, p. 452-459.

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LA SITUATION DES PARTENAIRES DE MfME SEXE

F'art. 13 CE dans l'arrt Grant est r~v6lateur A cet 6gard. La Cour semble indiquer, comme elle l'a d'ailleurs fait dans l'avis 2/9444, que c'est aux institutions politiques (Commission et Conseil), et non aujudiciaire, de mettre en ceuvre les principes contenus dans cette disposition.

3. L'arrt D. c. Conseil de 1999 : la non-reconnaissance des partenariats enregistr6s

Cet arrt, rendu en 1999 par le Tribunal de premiere instance4 5, confirme lajurisprudence restrictive Grant. Cette affaire concerne une demande d'annulation d'une d~cision du Conseil refusant d'admettre D. au bn~fice de l'allocation de foyer du chef de son partenaire.

Le requ6rant, de nationalit6 su~doise, est fonctionnaire du Conseil.

I1 a demand6 ; son institution de faire passer comme mariage son 6tat civil de partenaire enregistr6, conform~ment A. la loi su~doise46, afin d'obtenir le b6n~fice de l'allocation en question. Le Conseil a rejet6 la demande en relevant que le Statut des fonctionnaires des Commu- naut~s europ6ennes ne permettait pas l'extension du b~n~fice de l'allo- cation aux fonctionnaires non mari6s et qu'il excluait 1'assimilation, par voie d'interpr6tation, du partenariat enregistr6 au mariage. Le requ~rant a alors introduit une r~clamation contre cette decision en invoquant une violation de l'art. 8 CEDH ainsi que du principe d'6galit6 de traitement. Cette r~clamation ayant k6 rejete, D. a agi en annulation contre cette decision.

Le Tribunal de premiere instance a consid6r6 que le Conseil 6tait en mesure de d~celer, dans les seules dispositions pertinentes du Sta- tut, les 6l6ments lui permettant de d~finir, par voie d'interpr6tation autonome, le contenu et la porte des notions en cause et qu'il n'6tait pas tenu de se r~frer aux droits des Etats membres.4 7. I1 s'est en outre

44 Voir supra (note 43).

45 TPI, arrt D. c. Conseil de 1'Union europienne du 28janvier 1999, aff. T-264/97, Rec.

1999, P. I-1.

46 La loi su~doise sur le partenariat enregistr6, du 23juin 1994, est entree en vigueur le lerjanvier 1995. Elle permet A deux personnes de mme sexe de faire enregistrer leur partenariat aupr~s de 1'administration su6doise. Selon F'art. Ier du chapitre 3 de cette loi, le partenariat enregistr6 emporte, pour une large part, les memes effetsjuridiques que le mariage.

47 TPI, arrt Diaz Garcia c. Parlement europen du 18 dcembre 1992, aff. T-43/90, Rec. 1992, p. 11-2619, § 36.

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r~f~r6 i l'arrt Arauxo-Dumay4", A la jurisprudence de la Cour euro- p6enne des droits de l'homme relative A l'art. 12 CEDH, selon laquelle cette disposition ne vise que le ,, mariage traditionnel entre deux per- sonnes de sexe biologique difffrent ,, ainsi qu'A l'arrt Grant de la Cour dejustice, selon lequel des relations stables entre deux personnes du mme sexe ne sont pas assimilkes aux relations entre personnes mari6es. 4 9

Dans ces conditions, le Tribunal a conclu qu'un employeur n'est pas tenu d'attacher A la situation d'une personne entretenant, comme le requ~rant, une relation stable avec un partenaire de mime sexe, mme ayant fait l'objet d'un enregistrement officiel par une adminis- tration nationale, les effets dcoulant de l'tat civil d'une personne engag~e dans les liens du mariage traditionnel.5 ° Le Conseil n'avait donc, en sa qualit6 d'employeur, aucune obligation de consid~rer le partenariat enregistr6 du requrant comme un mariage au sens des dispositions statutaires. Il ne s'est donc rendu coupable d'aucune dis- crimination prohib6e.

Quant A l'application de l'art. 141 CE, le Tribunal a consid6r6 que les dispositions statutaires pertinentes, s'appliquant de la mme ma- niire aux fonctionnaires de sexe f~minin et A ceux de sexe masculin, ne sauraient tre considr~es comme g6n~ratrices d'une discrimina- tion directement fond~e sur le sexe au sens de cette disposition.51

Cet arrt a fait l'objet de nombreuses critiques, dans la mesure off il reprend les 6l6ments principaux de l'arrt Grant, mais aussi parce que

48 TPI, arrt Arauxo-Dumay c. Commission du 17juin 1993, aff. T-65/92, Rec. 1993, p. 11-597. Dans cet arr&t, le Tribunal, tout en tant conscient du contexte social du cas d'esp~ce (pension de survie, annexe VIII du Statut des fonctionnaires des Communaut&s), ne s'est pas estim6 comptent pour 6largir l'interprtationjuridique des termes precis utilis&s dans le Statut afin d'inclure dans la notion de - mariage > des situations de cohabi- tation ou de concubinage, ou dans celle de - conjoint >, ou d' - 6pouse , la situation d'un(e) , concubin(e) .

49 TPI, arrt D. c. Conseil de l'Union europdenne du 28janvier 1999, aff. T-264/97, Rec.

1999, p. II-I, § 28.

50 Mme arrt, § 29.

51 Mme arrt, § 43. S'agissant du moyen tir6 de l'art. 8 CEDH, le requ~rant avait soutenu que, en refusant de transcrire son 6tat civil de partenaire enregistr6 et de recon- naitre les effets qui en d~coulent, le Conseil avait commis une ing~rence ill~gale dans l'exercice de son droit a la protection de la vie priv~e et familiale protfg6 par lart. 8 CEDH. Ici 6galement, le Tribunal s'est rff~r6 ft l'arrt Grant et la pratique de la Com- mission europ~enne des droits de l'homme, qui consid~re que, en d~pit de l'6volution contemporaine des mentalit&s vis-4-vis de l'homosexualit6, des relations homosexuelles durables, telles que celles entretenues par le requrant avec son partenaire, ne rel~vent pas du droit au respect de la vie familiale prot~g6 par l'art. 8 CEDH. I1 en conclut que, par consequent, le Conseil n'a pas pu violer cette disposition en adoptant la decision de rejet.

KADDOUS

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LA SITUATION DES PARTENAIRES DE MtME SEXE

le Tribunal n'a pas su tirer profit de la formule de l'arrt Arauxo-Dumay, selon laquelle les termes < conjoint -, " veuve , et - 6pouse ,, du Sta- tut se r~ffrent A des personnes ayant formellement contract6 un < mar- age civil reconnu par « la loi >.52 Celle-ci ne pouvant tre que le droit national, il aurait k6 concevable d'envisager que la notion de mari- age comprenne le partenariat enregistr6, lorsque celui-ci est considfr6 6quivalant A un mariage selon la l6gislation d'un Etat membre.53 Le Tribunal aurait ainsi pu, par un renvoi au droit national, prendre en compte la l6gislation su6doise, et plaider en faveur d'une interpr6ta- tion dynamique et progressiste de la notion de mariage.54

52 TPI, arrft Arauxo-Dumay c. Commission du 17 juin 1993, aff. T-65/92, Rec. 1993, p. 11-597, § 28.

53 Voir dans ce sens, Christine DENYS, Homosexuality : A Non-Issue in Community Law?, ELRev 1999, p. 419-425, p. 421.

54 Un pourvoi est pendant devant la Cour de justice. L'arr~t est fort attendu. A titre d'information, le Conseil a adopt6, le 7 avril 1998, le raglement (CE, CECA, Euratom) n' 781/98 du Conseil modifiant le Statut des fonctionnaires des Communaut~s europ- ennes ainsi que le regime applicable aux autres agents de ces Communaut~s en mati~re d'6galit6 de traitementJOCE n' L 113 du 15 avril 1998, p. 4. Un art. Ibis a 6t6 introduit, qui pr~voit que :

1. Les fonctionnaires ont droit dans l'application du statut A 1'6galit6 de traitement sans r~frence, directe ou indirecte, A la race, A. la conviction politique, philosophique ou religieuse, au sexe ou A lorientation sexuelle, sans prejudice des dispositions statu- taires pertinentes requ~rant un 6tat civil determine.

2.

Selon Mark BELL, le licenciement d'un fonctionnaire europ~en au motif de son orien- tation sexuelle serait contraire au statut du personnel, mais il resterait loisible aux institu- tions de refuser aux lesbiennes et aux gays 1'6galit6 de traitement en matire de reconnais- sance du couple, voir International Lesbian and Gay Association (ILGA)-Europe : L'aprs Amsterdam : l'Union europienne et l'orientation sexuelle, septembre 1999, p. 35.

Dans le mme ordre d'id~es, le livre blanc sur la r~forme de la Commission contient un chapitre consacr6 au cadre de travail et t l'6galit6 des chances, dans lequel il est indiqu6 qu'il sera proc~d6 A la definition de conditions pour la reconnaissance des partenariats civils stables hors mariage, COM (2000) 200 final.

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III. La libre circulation des partenaires de meme sexe : situation actuelle et

perspectives nouvelles

1. Rappel des principes de base de la libre circulation des personnes dans l'Union europeenne, de la notion de

«

conjoint et de celle d'« avantages sociaux ,

Un des obstacles les plus importants que rencontrent les partenaires de m~me sexe sont ceux li6s a la libre circulation des personnes.55 Pour en comprendre la port6e, rappelons-en brivement les principes de base.

La libre circulation des personnes occupe une place centrale dans le droit de l'Union europ6enne. Elle constitue, avec la libre circula- tion des marchandises, des capitaux et la libre prestation des services, l'une des quatre grandes libert6s fondamentales destinies ;I permettre la r6alisation du march6 int6rieur. A 'origine, la personne 6tait saisie dans sa dimension 6conomique.5a Puis, elle a k6 appr~hende comme un membre de la socift6, ind6pendamment de sa qualit6 d'op~rateur 6conomique, en tant que citoyen de l'Union europ6enne.57

Dans le cadre de la libre circulation des personnes, il faut distinguer entre le r6gime applicable aux travailleurs salari6s (art. 39 ss CE) et le r6gimejuridique applicable aux travailleurs indpendants. Si ces der- niers sont &ablis dans un autre Etat membre que l'Etat membre dont ils sont nationaux, ce sont les dispositions relatives au droit d'6tablisse-

55 Auxquels s'ajoutent les questions relatives au droit p6nal, droit de la famille, droit des successions, droit des obligations, droit du travail, droit des assurances sociales qui ne sont pas traitees dans cette contribution. S'agissant du domaine des visas, asile et immigration, le Trait6 d'Amsterdam a introduit un nouveau titre IV dans le trait6 CE, qui est d'importance pour la d6termination des r~gles applicables aux ressortissants d'Etats tiers. L'art. 63 CE relatif au domaine de l'asile et de la politique d'immigration va engendrer, selon toute vraisemblance, une 16gislation qui tiendra compte des principes contenus dans l'art. 13 CE. Voir notamment une proposition de directive du Conseil relative au droit au regroupement familial du 1er d6cembre 1999 sur la base de l'art. 63

§ 3 et 4 CE, COM (1999) 638 final. Il y a actuellement une proposition modifi~e du 10 oc- tobre 2000, COM (2000) 624 final.

56 Seule la personne qui exerce une activit6 lucrative avait le droit de circuler librement sur le territoire de I'Union europ6enne.

57 Art. 2 UE et art. 17 A' 22 CE. L'inclusion des dispositions sur la citoyennet6 conf~re A tout citoyen un droit fondamental et personnel A' circuler et s6journer sur le territoire des Etats membres. Les conditions et modalit6s de ce droit, telles que fix~es dans le droit d6riv6, continuent cependant A s'appliquer.

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ment (art. 43 ss CE) qui s'appliquent. En revanche, s'ils se limitent A exercer une libre prestation de services transfrontire au sein de l'Union europenne, dans un Etat membre autre que celui oa ils ont leur r~si- dence, ce sont les dispositions relatives Ai la libre prestation de services (art. 49 ss CE) qui s'appliquent.

Cette libre circulation permet notamment aux citoyens de l'Union de choisir librement leur lieu de travail et de sjour au sein de l'Union europ6enne et leur permet 6galement dejouir des mmes droits que les nationaux dans l'Etat membre d'accueil. Le principe qui sous-tend cette libert6 est le principe de 1'6galit6 de traitement dans les Etats membres pour tous les ressortissants communautaires.58

La libre circulation comprend 6galement la libre circulation des personnes sans activit6 lucrative (6tudiants, retrait6s et autres non actifs5 9) s'ils disposent d'une assurance maladie couvrant l'ensemble

58 Tous les droits lies t la libre circulation peuvent tre soumis A des restrictions justifi~es par des raisons d'ordre public, de s~curit6 publique et de sant6 publique. La port~e de ces exceptions est pr~cis~e dans des actes de droit d~riv : la directive n' 64/

221 du Conseil, du 25 f~vrier 1964, pour la coordination des mesures sp~ciales aux 6trangers en mati~re de d~placement et de sjourjustifi~es par des raisons d'ordre public, de scurit6 publique et de sant6 publique,JOCE n' 56 du 4 avril 1964, p. 850 ; la directive n' 68/360 du Conseil, du 15 octobre 1968, relative A la suppression des restrictions au dplacement et au sjour des travailleurs des Etats membres et de leur famille i l'int~rieur de la Communaut ,JOCE n' L 257 du 19 octobre 1968, p. 13 ; la directive n' 73/148 du Conseil, du 21 mai 1973, relative A la suppression des restrictions au d~placement et au sjour des ressortissants des Etats membres A l'int~rieur de la Communaut6 en matire d'6tablissement et de prestation de servicesJOCE n' L 172 du 28juin 1973, p. 14 ; et la directive n' 72/194 du Conseil, du 18 mai 1972, 6tendant aux travailleurs qui exercent le droit de demeurer sur le territoire d'un Etat membre apris y avoir occup6 un emploi, le champ d'application de la directive du 25 f~vrier 1964 pour la coordination des mesures spciales aux 6trangers en mati~re de d~placement et de sjourjustifi~es par des raisons d'ordre public, de scurit6 publique et de sante publique, JOCE n' L 121 du 26 mai 1972, p. 32. La question qui se pose est celle de savoir si la libre circulation des homosexuels peut tre empch~e par l'application d'une de ces exceptions ? En tout tat de cause, les restrictions A la libre circulation ne sont admises qu'A titre exceptionnel et sont interpr~t~es restrictivement par la Cour de justice. Voir notamment CJCE, arrt

Van Duyn du 4 dcembre 1974, aff. 41/74, Rec. 1974, p. 1337; CJCE, arrt Adoui et Cornuailledu 18 mai 1982, aff.jtes 115 et 116/81, Rec. 1982, p. 1665 ; CJCE, arrt Singh Shingara et Radiom du 17juin 1997, aff.jtes C-65/95 et C-111/95, Rec. 1997, p. 1-3343 ; CJCE, arrt Pereira Roque du 16 juillet 1998, aff. C-171/96, Rec. 1998, p. 1-4607. Voir

6galement Ulrich HansJESSURUN D'OLrvEIRA (note 33), p. 294.

59 Voir A ce sujet la directive n' 90/364 du Conseil, du 28juin 1990, relative au droit de sjourJOCE n' L 180 du 13juillet 1990, p. 26 ; la directive n' 90/365 du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de sjour des travailleurs salaries et non salaries ayant cess6 leur activit6 professionnelle,JOCE n' L 180 du 13juillet 1990, p. 28 ; ainsi que la directive n' 93/96 du Conseil, du 29 octobre 1993, relative au droit de s~jour des

&tudiants,JOCE n' L 317 du 18 d~cembre 1993, p. 59.

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SZIER 1/2001 LA SITUATION DES PARTENAIRES DE M ME SEXE

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des risques dans l'Etat membre d'accueil et des ressources suffisantes pour 6viter qu'ils ne deviennent une charge pour l'assistance sociale de l'Etat membre d'accueil.

Un ressortissant d'un Etat membre de l'Union europienne qui exerce son droit A la libre circulation a le droit d'tre accompagn6 par son conjoint et les membres de sa famille. S'agissant des travailleurs, ce droit dcoule de l'art. 10 du r~glement n' 1612/68 relatif :1 la libre circulation des travailleurs dans l'Union europ~enne.6 0 Le conjoint a notamment le droit de s'installer avec le travailleur ressortissant d'un Etat membre employ6 sur le territoire d'un autre Etat membre, quelle que soit sa nationalit6.

- Sur la notion de «conjoint ,

La Cour de justice a interpr~t6 l'art. 10 du rhglement n' 1612/68 dans F'arrt Reed de 198661, qui portait sur le refus d'une demande de permis de sjour pr~sente par Mine Reed, requ6rante en tant que partenaire d'un travailleur ressortissant d'un autre Etat membre.

La requfrante avait soutenu que l'6volution juridique et sociale implique que, pour l'application de cette disposition et le sens A don- ner au mot « conjoint ,, les partenaires non marius doivent, autant que possible, dans un cas comme celui de l'esp~ce, tre assimilks a des conjoints.

La Cour a soutenu qu'une interprtation de notions juridiques fon- d~e sur l'6volution de la socikt6 doit se faire par un examen de la situation dans l'ensemble de la Communaut6, et non pas de celle d'un seul Etat membre.62 Elle a considfr6 qu'en l'absence de toute indica- tion d'une 6volution sociale d'ordre g~nfral quijustifierait une inter- pr6tation extensive, et en l'absence de toute indication contraire dans le rhglement, le mot « conjoint dans l'art. 10 du rhglement vise seu- lement un rapport fond6 sur le mariage.6' Dhs lors, un partenaire ayant une relation stable avec un travailleur ressortissant d'un Etat membre employ6 sur le territoire d'un autre Etat membre ne peut ktre assi-

60 JOCE n' L 257 du 19 octobre 1968, p. 2. L'art. 10 § 1 du rhglement se lit comme suit : Ont le droit de s'installer avec le travailleur ressortissant d'un Etat membre em- ploy6 sur le territoire d'un autre Etat membre, quelle que soit sa nationalit6 :

a) son conjoint et leurs descendants de moins de vingt et un ans ou / charge;

b) les ascendants de ce travailleur et de son conjoint qui sont A sa charge ,,.

61 CJCE, arrt Reed du 17 avril 1986, aff. 59/85, Rec. 1986, p. 1283.

62 Mme arrt, § 9.

63 Mme arrt, § 15.

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LA SITUATION DES PARTENAIRES DE MIME SEXE

mile sous certaines conditions au « conjoint vis6 par cette disposi- tion.64

Comme la requ~rante a 6galement invoqu6 en sa faveur le principe de non-discrimination inscrit aux art. 12 et 39 CE, la Cour a k6 ame- n~e a verifier si la facult6 de se faire accompagner par son partenaire non mari6 rel&ve du champ d'application du trait6 et si, par cons&

quent, elle doit tre appr&ci6e a la lumi&re du principe de non-discri- mination.

- Sur la notion d'« avantages sociaux ,,

En raison de la qualit6 de travailleur salari6 du partenaire de Mme Reed, la Cour a examin6 la question A. la lumi~re des art. 39 ss CE et des dispositions de droit d~riv6 prises pour leur application, et notam- ment l'art. 7 § 2 du rdglement n' 1612/68, qui dispose que le travail- leur ressortissant d'un autre Etat membre doit b~n~ficier dans l'Etat membre d'accueil « des mmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux ,,65.

Selon une jurisprudence constante, cette notion ne doit pas tre interprkte limitativement. Elle comprend tous les avantages, «qui lies ou non a un contrat d'emploi, sont g6n~ralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualit6 ob- jective de travailleurs ou du simple fait de leur residence sur le terri- toire national, et dont l'extension aux travailleurs ressortissants d'autres Etats membres apparait d~s lors comme apte a faciliter leur mobilit6 a l'int~rieur de la Communaut6 66. La facult6, par exemple, pour un travailleur migrant, de b~n~ficier des reductions sur les prix de trans- ports en faveur des families nombreuses ou celle d'utiliser sa propre langue dans une procedure engag6e devant les juridictions de l'Etat membre de residence rel&vent de la notion d'avantage social au sens de l'art. 7 § 2 du r~glement.67

La Cour a admis, dans le mme esprit, que la possibilit6 pour un travailleur migrant d'obtenir que son partenaire non mari6, non res- sortissant de l'Etat membre d'accueil, soit autoris6 :1 y sjourner avec lui peut contribuer a. son integration dans le milieu du pays d'accueil et donc A la r~alisation de l'objectif de la libre circulation des travail- leurs. Elle a consid~r6 que, dans ces conditions, cette facult6 doit tre regardfe comme relevant de la notion d'avantage social vis6 par l'art. 7

64 Mme arrt, § 16.

65 Mme arrt, § 24.

66 Mme arrt, § 25 et 26, et lajurisprudence cit~e.

67 Mme arrt, § 27.

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§ 2 du r~glement. Elle en a conclu qu'un Etat membre qui accorde un tel avantage a ses travailleurs nationaux ne saurait le refuser aux tra- vailleurs ressortissants des autres Etats membres sans commettre une discrimination fond6e sur la nationalit6, prohibe par les art. 12 et 39 CE.68

2. Vers une application de ces principes et notions aux partenaires de m4me sexe ?

Si le partenaire de mime sexe est lui-m~me ressortissant d'un Etat membre de l'Union europ6enne et exerce une activit en tant que travailleur salari, ou ind6pendant, ou encore s'il n'exerce pas d'activit6 lucrative (6tudiant, retrait6 ou autre non actif), il pourra b~n~ficier des droits de la libre circulation de mani4re ind6pendante de son par- tenaire.

Si par contre, il n'exerce pas lui-m~me son droit a la libre circulation et souhaite accompagner son partenaire dans un autre Etat membre, surgissent alors les difficult~s. Ce sont les rigles nationales d'immi- gration qui sont aujourd'hui encore applicables. Sur le plan commu- nautaire, pourront, a notre avis, entrer en ligne de compte les notions de « conjoint et" d'avantages sociaux , si la Cour dejustice accepte une interpretation 6volutive et dynamique du droit.

Dans la lign~e de F'arrt Reed, on pourrait imaginer une interpr&a- tion extensive de la notion de < conjoint de mani~re a. comprendre le partenaire de mme sexe. La Cour pourrait ainsi tenir compte de l'6volution legislative apparue dans diff~rents Etats membres relative au partenariat enregistr6.69

I1 est vrai cependant que le Tribunal de premiere instance a refus6 de franchir ce pas dans l'arrift D. c. Conseilde 1999, alors que le couple 6tait lgalement enregistr6 selon la loi su~doise. On peut esp6rer qu'avec l'entr~e en vigueur du Trait6 d'Amsterdam, qui est post~rieure

68 Mme arrt, § 29.

69 Le regime des partenariats enregistr~s existe au Danemark, en Norv~ge, en Suede, en Islande, aux Pays-Bas, en France et en Espagne (Catalogne et Aragon). A noter que les autorit~s helv~tiques sont en train d'examiner la possibilit6 d'adopter une lgislation r~glementant la situation des couples homosexuels en Suisse. Sur la question de 1'inter- pr&tation 6volutive de dispositions conventionnelles, voir notamment Rudolf BERNHaRT, Evolutive Treaty Interpretation, Especially oftheEuropean Convention on Human Rights, German Yearbook of International Law 1999, p. 11-25, p. 19.

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