• Aucun résultat trouvé

Dysphonie et dissection carotidienne spontanée : à propos d’un cas

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Dysphonie et dissection carotidienne spontanée : à propos d’un cas"

Copied!
3
0
0

Texte intégral

(1)

A. Cuno M. Becker I. Leuchter

Dysphonia as a manifestation of internal carotid artery dissection : a case report We report a case of spontaneous internal ca- rotid artery dissection in a young patient re- sulting in vagal (X) and accessory (XI) nerve palsies. Clinical examination revealed right shoulder and laryngeal paralysis, with pre- servation of velar function. This corresponds to Garel-Gignoux syndrome. However, this patient also had hemipharyngeal paralysis, which Gignoux did not report in his case.

Rev Med Suisse 2010 ; 6 : 1868-70

Nous rapportons un cas de paralysie des nerfs vague (X) et ac- cessoire (XI) consécutive à une dissection spontanée de l’artère carotide interne chez un jeune patient. On observait une parésie de l’épaule et du larynx à droite, sans atteinte vélaire, corres- pondant à un syndrome de Garel-Gignoux. Toutefois, ce patient présentait aussi une paralysie de l’hémipharynx, dont l’exis- tence n’est pas mentionnée dans le cas que rapportait Gignoux.

Dysphonie et dissection

carotidienne spontanée : à propos d’un cas

analyse de cas

1868

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

6 octobre 2010 Drs Alexander Cuno et Igor Leuchter Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale Dr Minerva Becker

Service de radiologie HUG, 1211 Genève 14 alexander.cuno@hcuge.ch

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

6 octobre 2010

0

introduction

Une dissection des artères cervicales est une cause majeure d’accident vasculaire cérébral chez le jeune patient.1 Une dis- section de l’artère carotide interne dans sa portion extracrâ- nienne est symptomatique dans 90% des cas 2 et se présente le plus souvent par un syndrome douloureux craniocervical unilatéral, suivi d’un syndrome déficitaire avec un accident isché mique cérébral jusque dans trois cas sur quatre.1,2 L’at- teinte des nerfs crâniens inférieurs (nerfs V à XII) se voit dans environ 10% des cas.3 Nous rapportons ici un cas de dissec- tion spontanée de la carotide interne se manifestant par un syndrome de Garel-Gignoux un peu particulier.

casclinique

Un patient de 40 ans, en bonne santé habituelle, se présente aux urgences avec une dysphonie apparue brusquement 24 heures auparavant, accompa- gnée d’une douleur latéro-cervicale irradiant dans l’épaule droite. A l’examen clinique, on observe une paralysie hémilaryngée et hémipharyngée droite. Il n’y a pas d’atteinte de la mobilité et de la sensibilité vélaires. Il y a un déficit d’abduction de l’épaule au-delà de 90°. On conclut cliniquement à une at- teinte des nerfs vague (X) et accessoire (XI) droits.

Un CT cervico-thoracique, ainsi qu’une angio-IRM (figure 1) mettent en évi- dence une dissection aiguë de l’artère carotide interne droite dans sa portion extracrânienne et de l’artère vertébrale gauche. Il existe également une image d’une dissection ancienne de l’artère carotide interne gauche. Aucun signe d’accident vasculaire cérébral n’est décelable.

Le traitement consiste en une anticoagulation pendant six mois.

Une électroneuromyographie (ENMG) du nerf accessoire droit à deux mois objective un axonotmésis de 80 à 85%. Un bilan gustatif du tiers postérieur de la langue, par taste strips, conclut à une normogueusie droite. Le bilan géné- tique pour la maladie de Marfan est négatif.

L’évolution est progressivement favorable avec une récupération complète de la paralysie hémilaryngée et hémipharyngée droite à quatre mois.

discussion

Ce patient a présenté une dissection aiguë de l’artère carotide interne droite dans sa portion extracrânienne et de l’artère vertébrale gauche, avec comme

20_22_35117.indd 1 30.09.10 08:35

(2)

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

6 octobre 2010

1869

seule manifestation une atteinte périphérique des nerfs crâniens X et XI à droite, la dissection de l’artère verté- brale gauche n’ayant pas eu de conséquence.

Deux hypothèses physiopathologiques pourraient ex- pliquer l’atteinte des nerfs crâniens inférieurs consécutive à la dissection de l’artère carotide interne. La première est une compression mécanique des derniers nerfs crâniens par un pseudoanévrysme de dissection.4 Cette théorie ne permet pas d’expliquer la fréquente atteinte des nerfs V et VII qui ne sont pas au contact de la carotide, ni les pa- résies du nerf hypoglosse qui est le nerf le plus fréquem- ment touché. En raison du rapport anatomique intime de la chaîne sympathique cervicale avec la carotide interne, une compression mécanique devrait engendrer un syn- drome de Claude-Bernard-Horner chez la plupart des pa- tients, ce qui n’est pas le cas.3-5 La deuxième hypothèse, plus plausible, est que le déficit neurologique résulte d’une compression de l’artère pharyngée ascendante, au niveau de sa branche pharyngée, responsable en grande partie de la vascularisation des dernières paires crâniennes.6,7

Deux syndromes regroupent une atteinte périphérique des nerfs X et du XI (tableau 1). Le premier est celui de Schmidt 8 qui décrit un patient avec atteinte du nerf X, ainsi qu’une atteinte complète du nerf XI au niveau de ses bran- ches externe et interne. La branche externe innerve les mus- cles sterno-cléido-mastoïdien et trapèze (figure 2).9 La branche interne, qui se termine dans le nerf vague juste en

dessous du foramen jugulaire, est responsable de la mo- tricité du voile, du pharynx et du larynx.8,9 Le patient décrit par Schmidt souffrait donc d’une paralysie de l’épau le, du larynx et du voile. Le deuxième est celui de Garel-Gignoux.

En 1910, Gignoux,8,10 dans la clinique du Dr Garel, décrit un cas associant une hémiparalysie laryngée avec une at- teinte homolatérale de la branche externe du nerf spinal se traduisant par une paralysie de l’épaule, sans atteinte vélaire. Quelques années plus tard, Vernet 8 considérait que ce syndrome serait dû à une lésion du nerf X sous l’émergence de sa branche pharyngée, expliquant ainsi la préservation de la fonction vélaire. Selon lui, il y aurait aussi une préservation du nerf laryngé supérieur.

Ni Gignoux ni Schmidt ne décrivaient la motricité pha- ryngée dans leur cas et limitaient la description du syndro-

0

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

6 octobre 2010 Figure 1. Ct-scan et IRM du cou

Le Ct-scan (à droite) montre une dissection de l’artère carotide interne droite dans sa portion extracrânienne (flèche), confirmée à l’IRM (à gauche) avec une image de pseudoanévrysme (flèche). L’IRM montre éga- lement l’occlusion complète de l’artère carotide interne gauche (tête de flèche).

Figure 2. Schéma anatomique du défilé inter-jugulo- carotidien

Une lésion située dans l’ellipse rouge pourrait expliquer les déficits ob- servés chez notre malade. Une telle lésion préserve la branche pharyngo- vélaire du nerf vague mais touche une autre branche pharyngée. L’exis- tence de telles branches est toutefois encore controversée.

Cp : constricteurs du pharynx ; SCM : muscle sterno-cléido-mastoïdien ; Tr : muscle trapèze ; Ci : carotide interne ; Ji : jugulaire interne ;1 : branche pharyngée du glossopharyngien ; 2 : branche pharyngo-vélaire, collatérale du ganglion inférieur du nerf vague ; 3 : nerf laryngé supérieur ; 4 : nerf accessoire, avec ses branches internes et externes.

Tableau 1. Syndromes d’atteinte périphérique du X et XI

Le cas que nous rapportons ressemble à celui de Garel-Gignoux qui, toutefois, ne se prononçait pas sur l’existence ou non d’une paralysie des constricteurs du pharynx.

Atteinte périphérique du X et XI Paralysie Paralysie Paralysie Paralysie de l’épaule laryngée du voile des constricteurs

du pharynx

Syndrome de Schmidt Oui Oui Oui Non décrit

Syndrome de Garel-Gignoux Oui Oui Non Non décrit

Cas rapporté Oui Oui Non Oui

20_22_35117.indd 2 30.09.10 08:35

(3)

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

6 octobre 2010

0

me à la motricité laryngée et vélaire. Or, le cas que nous rapportons, présente, en plus de l’atteinte de l’hémilarynx, une atteinte de l’hémipharynx au niveau des constricteurs du pharynx, sans atteinte vélaire.

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer la dissociation entre l’atteinte vélaire et pharyngée. La première serait une atteinte de la branche pharyngée du nerf vague unique- ment, les autres nerfs impliqués dans l’innervation du voile étant épargnés. Une autre hypothèse serait qu’existent plusieurs branches pharyngées, collatérales du nerf vague.

En effet, des études anatomiques ont montré que la bran- che pharyngée du nerf vague, souvent unique, est parfois double, tantôt même triple.11 Il pourrait ainsi y avoir une branche pharyngée destinée aux constricteurs et une autre destinée au voile, avec la possibilité d’atteintes sélectives (figure 2). Une autre hypothèse serait que les fibres du voile sont moins sensibles et donc plus résistantes à des lésions compressives ou ischémiques que les fibres pha- ryngo-laryngées. La mobilité vélaire serait donc plus long- temps conservée.10

Finalement, ce cas soulève la question du rôle poten- tiel d’autres nerfs crâniens que le X dans l’innervation mo- trice du voile.12-14 Une participation inégale et variable de différents nerfs est possible.10 La participation du nerf glossopharyngien (IX) à l’innervation motrice du pharynx est encore controversée. Il est généralement admis que le nerf IX joue un rôle dans la sensibilité oropharyngée et qu’il est responsable de l’innervation motrice du muscle stylo-pharyngé.14 En revanche, sa participation à l’innerva- tion motrice du muscle constricteur du pharynx est large-

ment débattue.12 Son rôle dans l’innervation motrice vé- laire est encore plus controversé. A noter que dans le cas que nous décrivons, il n’y a pas d’atteinte de la sensibilité oropharyngée, le réflexe nauséeux étant préservé et la gueusie de l’hémi-base de langue droite normale. Ces élé- ments sont en défaveur d’une atteinte du IX.

conclusion

Une lésion des nerfs périphérique X et XI occasionnant une paralysie de l’épaule et du larynx, sans atteinte du voile, est connue sous le syndrome de Garel-Gignoux. Le cas rapporté ici montre qu’il est possible d’avoir une at- teinte motrice pharyngée, associée à une atteinte laryngée, sans atteinte vélaire. Une fonction motrice vélaire normale n’exclut donc pas une atteinte motrice pharyngée.

1870

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

6 octobre 2010

Remerciements

Merci au Professeur J.-P. Guyot pour sa lecture du manuscrit et ses suggestions.

1 ** Debette S, et al. Cervical-artery dissection : Pre- disposing factors, diagnosis, and outcome. Lancet Neu- rol 2009;8:668-78.

2 Baumgartner RW, et al. Clinical manifestations of carotid dissection. Front Neurol Neurosci 2005;20:70-6.

3 * Mokri B, et al. Cranial nerve palsy in spontaneous dissection of the extracranial internal carotid artery.

Neurology 1995;46:356-9.

4 Guy N, et al. Spontaneous internal carotid artery dissection with lower cranial nerve palsies. Can J Neuro Sci 2001;28:265-9.

5 * Guidetti D, et al. Spontaneous carotid dissection presenting lower cranial nerve palsies. J Neuro Sci 2001;

184:203-7.

6 Cavalanti D, et al. The ascending pharyngeal artery and its relevance for neurosurgical and endovascular procedures. Neurosurgery 2009;65(Suppl. 1):114-20.

7 Hacein-Bey L, et al. The ascending pharyngeal artery and the blood supply of the lower cranial nerves. J Neuroradiol 1978;5:287-301.

8 ** Vernet M. The classification of the syndromes of associated laryngeal paralysis. J Laryng 1918:354-65.

9 Gray H. Gray’s anatomy. Chapter 9, Neurology : The vagus nerve. 20th edition, 1918.

10 Gignoux A. Un cas de paralysie laryngée associée d’origine traumatique. Ann des Mal de l’Oreille et du larynx 1910. Tome XXXVI;12:505-23.

11 Testut L. Traité d’anatomie humaine. Tome troi-

sième. 4e édition. p. 100-12, 1905.

12 Shimokawa T, et al. An anatomical study of the leva tor veli palatini and superior constrictor with spe- cial reference to their nerve supply. Surg Radiol Anat 2004;26:100-5.

13 Goodwin JW, et al. Surgical anatomy of the glosso- pharyngeal nerve. Laryngoscope 1993;103:1302-4.

14 Sakamoto Y. Classification of pharyngeal muscles based on innervations from glossopharyngeal and vagus nerves in humans. Surg Radiol Anat 2009;31:755-61.

* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

Implications pratiques

Les vaisseaux cervicaux peuvent être le siège de dissections spontanées chez les jeunes

Des lésions majeures des grands vaisseaux du cou peuvent passer relativement inaperçues, générant peu de déficits neu- rologiques

>

>

20_22_35117.indd 3 30.09.10 08:35

Références

Documents relatifs

Management of spontaneous coronary artery dissection: review of the lite- rature and discussion based on a series of 12 young women with acute coronary syndrome. Saw J, Ricci

Après transfert en unité de soins intensifs, une coronarographie est réalisée 5 jours après la délivrance, retrouvant une SCAD pluri- focale, impliquant le tronc commun (TC)

L ’ angioscanner des troncs supra-aortiques met en évidence une dissection focale de 4 mm de hauteur du bord antérieur de la carotide interne droite dans sa portion préintracrânienne,

Shahzad K, Cao L, Quara T, et al (2013) Post-partum spontaneous dissection of the first obtuse marginal branch of the left circumflex coronary artery causing acute coronary syndrome:

Pride YB, Tung P, Mohanavelu S, et al (2010) Angiographic and clinical outcomes among patients with acute coronary syndromes presenting with isolated anterior ST-segment depression:

La dissection spontanée et isolée d ’ une artère digestive, et notamment du tronc c œ liaque, est peu fréquente.. Plus d ’ une centaine de cas ont été rapportés dans

Dans notre cas, le DTC réalisé à H+6, après stabilisation de l’état hémodynamique et respiratoire du patient montrait une asymé- trie des Vs au niveau de l’ACM gauche

Dans notre cas, le DTC réalisé à H+6, après stabilisation de l’état hémodyna- mique et respiratoire du patient montrait une asymétrie des Vs au niveau de l’ACM gauche