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Procédure pénale aux Etats-Unis : note sur quelques débats d'actualité

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Procédure pénale aux Etats-Unis : note sur quelques débats d'actualité

ROTH, Robert

ROTH, Robert. Procédure pénale aux Etats-Unis : note sur quelques débats d'actualité.

Pratique juridique actuelle , 2003, no. 9, p. 1057-1066

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:46246

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Procédure pénale aux Etats -Uni s

AJPIPJA 912003

Procédure pénale aux Etats-Unis:

note sur quelques débats d'actualité llel.W

Plan:

1. Introduction

ROBERT ROTH, Professeur à la Faculté de droit, Genève

ll. La réforme de la procédure pénale: la procédure pénale com- me "système"?

Ill. Le cinquième Amendement revisité: les arrêts U.S. v. Hub- bell et Dicker.~on v. U.S. de juin 2000

A. Deux arrêts clefs

B. Dickerson: la portée de Miranda circonscrite C. U.S. v. Hubbell: les documents témoignent-ils?

IV. Les "documents d'entreprise": une faible protection

1. Introduction

La présente note ne commentera pas le Patriot Act du 26 octobre 2001', ni la législation "complémentaire", adop- tée depuis lors dans le prolongement de cette loi2Cet en- semble de textes, dont le développement ct la pérennisation font actuellement l'objet de vives discussions3, est en effet exceptionnel à plus d'un titre: d'une part, l'importance des principaux débats suscités par ces textes et les enjeux de pouvoir qu'ils révèlent et font naître ne peuvent concerner qu'une super-puissance planétaire, voire uniquement l' "hyper-puissance" de ce début du XXIe siècle, puissance qui au demeurant se considère en "état de guerre"; d'autre part, certaines des innovations du Patriot Act et de ses sur- geons concernent des institutions spécifiques aux Etats- Unis, tel le "Grand jury"•. A côté de cela, certes, d'autres dispositions exercent des effets sur des institutions5 qui ne sont en rien spécifiquement états-uniennes6Nous avons toutefois décidé de faire porter cette chronique sur des sujets plus éloignés de l'actualité politique, en abordant successivement des aspects choisis de la postérité du (trop?) célèbre arrêt Miranda de 1966 (ch. ID), puis en soumettant à la discussion quelques notes sur un sujet d'actualité brû-

Article rédigé à l'occasion d'un séjour scientifique à la Law School de l'Université de Duke (Caroline du Nord) au prin- temps 2003. Nos remerciements vont à nos collègues pour leur accueil chaleureux, en partictùier la Doyenne KATHARTh"E T. BARTLETI et les prof. SARA SUN BEALE et MADELINE MOR-

RIS. lis sont également destinés à Mes BITA AMTRDIVAA, et YVAN JEANNERET, assistants à la Faculté de droit de Genève, pour leur suggestions, ainsi qu'à Mme JEANJ\'E DURLEMANN pour sa relecture attentive.

1 Publ. L. No 107-56, 115 Stat. 272 (2001).

2 En particulier l'Att. Gen. Order No 2529-2001 "National Security: Prevention of Acts of Violence and TeiTOrism", 28 CFR 500-01 (200 il). Les commentaires sur ces textes pleuvent depuis une année. Voir en particulier les deux fascicules collectifs Criminal Justice (revue de la Section "Criminal Justice" de l'Arnerican Bar Assiociation) 2002, no 2 et Har- vard Journal of Law and Public Policy, 2002, no 2, ainsi qu'une analyse critique marquante couvrant l'ensemble de la matière: DAVID CoLE, Enemy Aliens, 54 Stanford L. Rev. 953 (2002). Le présent article applique le principe de la territo- rialité des modes de référence et citera donc lois, décisions et doctrine selon les normes en vigueur aux Etats-Unis (à l'exception du choix des caractères).

3 Les principaux textes ont en principe une durée de validité limitée à fin 2005 (sunset provisions). Les parlementaires républicains souhaitent d'ores et déjà en prolonger la durée de vie, ce à quoi s'opposent, à l'heure où ces lignes sont écrites, les démocrates ou en tout cas la majorité d'entre eux. Cf. New York Times du 9 avril 2003

4 Voir à ce propos les articles très approfondis (et très critiques) de SARAH SUN BEALE et JAMES E. FEL.\1AN (n. 2), in Criminal Justice et Harvard Review cités, aux 43-51 et respectivement 699-720: en substance, les pièces sur lesquelles se fonde la mise en accusation décidée par Je Grand Jury sont ensuite

"secrètes", dans le sens qu'elles ne peuvent être reprises qu'à des conditions restrictives dans les étapes successives de la procédure et en dehors de celle-ci. Le Patriot Act et la légis- lation complémentaire autorisent la transmission sans con- trôle judiciaire à une série d'agences chargées de la protec- tion publique. Les auteurs identifient deux risques majeurs:

le cofltoumement de restrictions à l'administration de preuves prévues par la législation ordinaire, le Grand Jury disposant de pouvoirs d'investigations étendus (historiquement liés, précisément, aux restrictions à l'utilisation postérieure des informations); et surtout l'ouverture de procédures pénales dans le but de recueillir des informations destinées à la pro- tection de la sécurité intérieure; or les deux fonctions doi- vent rester distinctes dans la tradition constitutionnelle des Etats-Unis.

5 Ont ainsi fait l'objet de vives critiques en particulier les dispo- sitions régissant les rapports entre l'avocat et son client, et surtout le développement tentaculaire des interceptions de télécommunications. Voir sur ce dernier point la chronique

"Cyberlaw• d'MITA RAMAsASTRY, "Total Information Aware- ness• sur Findlaw (http://practice.findlaw.com./archives/

cberlaw_00203.html) et, dans une perspective générale, KIM- BERLEY A. HORN, Privacy versus Protection Exploring the Boundaries of Electronic Surveillance in the Internet Age, 29 Fordham Urban L. Jnal2233 (2002), en particulier sur les

"changing priorities" après le 9 septembre 2001, 2269-2271.

6 Nous utilisons comme les auteurs québécois l'adjectif certes peu élégant "états-unien(s)", qui rappelle que l'Amérique, et même l'Amérique du Nord, ne se réduit pas à la puissance dominante.

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Jante en Suisse, le starut de l'entreprise prévenue d'avoir commis une infraction pénale (ch. IV). Avant cela, un pre- mier chapitre dressera un bref tableau général du débat actuel wr la réforme de la procédure pénale et sa néces- sité.

II. La réforme de la procédure pénale: la procédure pénale comme "système"?

A priori, rien n'est plus éloigné de la mentalité dite anglo- saxonne que la conception du droit comme système ration- nel. Le débat du XVIII• siècle anglais à ce sujet, marqué par les personnalités de BLACKSTONE pour les tenants de la tradition du Common lAw ct de BENTHA\4 pour ceux d'une codification et d'une rationalisation, inspirées par les Lu- mières de l'Europe continentale, du système juridique - auteurs d'ailleurs beaucoup plus présents dans la doctrine états-unienne contemporaine que les travaux des pénalis- tes anglais de la fin du XXe siècle ... -ne s'est jamais tout à fait éteint. Il renaît régulièrement, et les années quatre- vingt-dix ont connu une de ces renaissances.

La question fondamentale n'a pas changé depuis BLACK- STONE et BENTHAM: un droit dont la jurisprudence repré- sente la source essentielle - et cela est plus vrai, en tout cas dans le domaine de Ja procédure pénale, aux Etats-Unis qu'en Angleterre7- présente-t-il les qualités de précision et apporte-t-illes garanties quant à sa prévisibilité que l'on est. en droit d'attendre aujourd'hui? Le débat n'a rien de théorique et d'abstrait; si tel était le cas, il n'intéresserait pas l'immense majorité des juristes d'outre-Atlantique. Bien au contraire, la vocation que la Cour suprême, et à sa suite la doctrine, reconnaît à la jurisprudence rend le problème concret et aigu. U en va en particulier ainsi dans le domaine extrêmement sensible du contrôle exercé (a posteriori) par les tribunaux sur l'activité de la police, contrôle névralgique ét.ant donné l'autonomie dont jouit la police, pour des raisons systémiques qu'il n'est ni possible ni nécessaire de déve- lopper ici8La Cour suprême assigne ainsi à ses décisions rendues dans les domaines les plus controversés -la con- formité au droit des opérations de perquisitions et de saisie, les "Miranda wamings"9, les "règles d'exclusion" (des preu- ves acquises de manière illicite). y compris la célèbre doc- trine des fruits of a poisonous tree - la fonction de "discipli- ner la police"10Cette fonction n'est pas en soi indiscutée11; mais encore plus discutée est la capacité du droit tel qu'il est articulé autour des décisions de la Cour suprême- et dans une moindre mesure des arrêts des cours inférieures, en particulier les arrêts des "Cours de circuit" fédérales12-

à remplir cette fonction13Le système est ainsi, aux yeux de ses détracteurs, en contradiction avec lui-même: il se fixe- ou on lui assigne-de hautes ambitions qu'il n'a pas les moyens d'atteindre. Cette impuissance n'a bien entendu rien à voir avec une quelconque incompétence des acteurs, en particulier des acteurs judiciaires; le respect pour les magistrats-et pas uniquement les hauts magistrats de la Cour suprême - demeure sensiblement plus élevé aux

Etats-Unis que dans la plupart des pays d'Europe. Elle s'ex- plique par divers facteurs objectifs.

JJ y a d'abord trop d'acteurs. Comme dans tout Etat fédé- ral, l'enchevêtrement de deux ordres juridiques - celui de l'Etat central et celui des Etats fédérés -produit de la com- plexité, une complexité accrue par la politique ambitieuse et quelque peu brouillonne-ce sont les voix critiques qui s'expriment- des responsables fédéraux, qui se chargeraient inutilement d'affaires que les autorités de poursuite des Etats seraient parfaitement à même de gérer••.

Sur Je plan fédéral ensuite, Je partage des compétences entre le Congrès et la Cour suprême a donné lieu ces der- nières années à quelques frictions, la plus spectaculaire étant sans doute celle qui a pris fin avec l'arrêt Dickerson

7 Cf. une des rares études comparatives approfondies CRAIG M. BRADLEY, The Failure of the Criminal Procedure Revo- lution, 97 ss. (Philadelphia, 1993).

8 Cf. JOSHUA DRESSLER, Understanding Criminal Procedure, 3rd cd., § 1.03 (8) (St-Paul, 2002).

9 Repris ci-après ch. Ill.

10 Cf. YALE KAMISAR. On the "fruits" of Miranda Violations:

Cocrced Confessions and Coropelled Testimony, 93 Michlgan L. Rev. 929 (1995), surtout 936 et 946-947.

11 Le plus agressif et le plus cité est un article de JOSEPH D.

GRANo, Prophylactic Rules in Criminal Procedure: A Ques- tion of Article III Legitimacy, 80 Nw. Univ. L. Rev. 100 (1985). Pour un r6sumé du débat J. DRESSLER (n. 8), § 21.04.

Int6rcssantc analyse comparatiste chez C. M. BRADLEY (n. 7), 125, qui met en lumière l'absence- ou du moins le caractère très subsidiaire-de ce rôle disciplinaire en Europe conti- nentale (en l'occurrence l'Allemagne, mais la démonstration vaut pour les Etats voisins).

12 Pour une présentation de l'organisation judiciaire états-unienne d'un point de vue suisse, cf. NIKLAUS SCHMID, Strafverlahren und Strafrecbt in den Vereinigten Staaten, Eine Einfüb.rung, 2•"'" éd., Heidelberg, 1993.

1 3 Cf. à cc sujet le débat résumé au début du ch. Ill ci-après.

14 Cf. sur ce thème un rapport important puisqu'il émane de la Task Force 011 Federalization of Criminal Justice de l'Ame- rican Bar Association (section Criminal Justice, cf. n. 2 ci- dessus), publié en 1998 sous le titre: The Federalization of American Law. Ce rapport développe avec une certaine viru- lence les critiques énoncées dans le corps du présent texte, et d'autres encore. U fournit également des chiffres sur les rapports quantitatifs enlre les otttput des deux systèmes: en 1994, il y a eu 872218 condamnations pour felonies par les tribunaux des Etats, pour (ou contre) 39624 federal convic- tions (loc. cit, 20). Les objets prioritaires des poursuites fédérales sc sont modifiées depuis une cinquantaine d'années;

comme on pouvait s'y attendre, le trafic de drogues a rem- plac6 à la première place les infractions dirigées contre le patrimoine. Il n'en reste pas moins que l'activité des autorités fédérales ne touchent que 2% de l'ensemble des affaires de trafic de drogue d'une certaine gravité (avec arrestation; ibi- dem, 20-23). Le rapport- et donc l'ABA- propose l'adop- tion d'une politique criminelle cohérente, sur la base d'une

"impartial public policy analysis" (ibidem, 52-53). Sur l'en- semble de ce débat, voir également les Annales 1996 de l'Aca- demy of Political and Social Sciences.

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de la Cour suprême, qui sera commenté ci-après15Mais la concurrence s'exerce également dans d'autres domaines'6

La critique est parfois plus fondamentale, sans pour autant être nouvelle: c'est ainsi que, reprenant et actualisant BENTHAM, il a été relevé que la jurisprudence comme source première du droit présentait le désavantage d'être indisso- ciable d'une argumentation parfois tellement riche qu'elle finit par étouffer le pouvoir de conviction de la décision:

la Cour suprême est amenée à donner des raisons qui ouv- rent la voie à des interprétations différentes de la décision qu'elle a prise17L'existence et l'importance d'opinions dissi- dentes et convergentes ne règlent pas la difficulté, et la creu- sent même parfois, poussant les exégètes à suivre l'évolu- tion des attitudes personnelles des juges, de manière à com- prendre non seulement leur ralliement à la majorité de la Cour ou leur dissidence dans une autre affaire, mais égale- ment les raisons qui ont pu les amener à suivre ce parcours'8!

Comment sortir de là et démêler l'écheveau? La codifi- cation est une voie, qui n'est d'ailleurs pas inconnue du législateur états-unien. Le "droit légal" comprend en effet, à côté d'une série composite d'Acts du Congrès dont nous rencontrerons quelques spécimens par la suite'9, une véri- table codification des règles de procédure d'une part et de preuve d'autre part, et cela aussi bien sur le plan fédéraJ2°

que dans de nombreux Etats. A son tour, la cohabitation de ces différentes règles pose d'ailleurs quelques problèmes de cohérence2'. Pour résoudre ces problèmes de cohabita- tion et de cohérence, la recommandation générale qui res- sort de la littérature est la retenue: retenue du législateur, on J'a vu, mais également discernement plus grand de la Cour suprême, appelée à distinguer mieux qu'elle ne le fait

la "procédure pénale constitutionnelle", sur laquelle elle

devrait bien entendu conserver la haute main, et le reste de la procédure qu'elle pourrait abandonner à la responsabilité du Congrès, des législateurs des Etats et des tribunaux infé- rieurs22. Le premier dossier brfilant que nous allons main- tenant examiner illustre bien ce débat.

ITI. Le cinquième Amendement revisité:

les arrêts U.S. v. Hubbell et Dickerson v. U.S. de juin 2000

A. Deux arrêts clefs

Au mois de juin 2000, la Cour suprême des Etats-Unis a rendu deux arrêts largement commentés, qui ont eu l'effet commun de raviver les débats autour du contenu du ym•

Amendement à la Constitution des Etats-Unis et singu- lièrement la protection des individus contre l'usage de la

"contrainte douce" aux fins de favoriser l'établissement de

la preuve de leurs agissements supposés illicites. Même si le type de "contrainte" était différent, c'est dans les deux cas le "Privilege against self-incrimination", contenu dans le ym. Amendemene3, qui était en jeu.

La première décision (dans l'ordre logique et non chro- nologique) marque un jalon dans l'affirmation de la des-

-

lleltjl

cendance de l'arrêt sans doute le plus important rendu en matière de procédure pénale2\ la décision Miranda du

15 Ch. III, A. Sur l'aspect institutionnel (et également les aspec- ts matériels), voir YALE KAMlSAR, Can (did) Congress Over- rule Miranda? 85 Comell L. Rev. 883 (2000).

16 Cf. DANTEL J. CAPRA, A Recipe for Confusion: Congress and the Federal Rules of Evidence, 55 Univ. Miami L. Rev. 691 (2001).

17 Cf. le cas soigneusement analysé parC. M. BRADLEY (n. 7), 63 ss.: la Cour suprême est interpellée sur l'interprétation qu'il convenait de donner à son arrêt Miranda sur le point sui- vant: que doit faire la police quand, informé de ses droits, le suspect refuse de répondre aux questions? Dans son arrêt Michigan v. Mosley (423 U.S. 96 [1975)), la Cour ne déclare pas inconstitutionnelle la pratique consistant à interrompre l'interrogatoire, pour le reprendre quelques heures plus tard, sous la responsabilité d'un autre policier, et donne six rai- sons à l'appui de sa décision: laquelle est déterminante?

18 Cf. ci-après (ch. m. Ad) le cas de Mme SANDRA O'CONNOR, rapporteur dans l'affaire Oregon v. Elstad, puis membre (et membre décis.if si l'on en croit les familiers de la Cour) dans l'affaire Dickerson.

19 Cf. les§ 3501 et 6002 des Acts réunis dans le United States Code de Westlaw, auxquels il sera fait référence ci-après dans le cb. ill, lit. A et B.d.

20 Dernière version des Federal rules of Procedure publiée le l" décembre 2000; dernière version des Federal Rules of Evi- dence, publiée le 1" décembre 2002.

21 Cf. l'étude de cas intéressante sur la comparaison et la coha- bitation de l'importante Federal Rule of Evidence 807 (pré- voyant une "exception résiduelJe" à l'exclusion d'une décla- ration par ouï-dire [hearsay rule, FRE 803 ss.], en l'espèce pour une déclaration faite hors de toute confrontation par une personne âgée) et les règles (ou l'absence de règle) correspon- dantes de quelques Etats, dont la Floride, STACEY SCHULMAN, The Florida Supreme Court vs. The United States Supreme Court: The Florida Decision in Connor v. State and the Federal Interpretation of Confrontation and Federal Rule of Evidence 807, 55 Univ. Miami L. Rev. 583 (2001).

22 Cf. le livre et les thèses provocantes -et fort chahutées - d'AKHIL REED AMAR, The Constitution and Criminal proce- dure, First Principiles, 150 (Yale, 1997). L'ensemble des parti- cipants à ce débat se réfèrent à un article relativement ancien d'un juge du Cour d'appel unanimement respecté: HENRY 1.

FRIENDLY, The Bill of Rights as a Code of Criminal Proce- dure, 53 Calif. L. Rev. 929 (1965).

23 "No person shalllbe compelled in any criminal case to wit- ness against himself ... ".

24 Cf. WELSH S. WHJTE, Miranda's Waning Protections, 1 (Ann Arbor, 2001). L'influence de Miranda hors des Etats-Unis est presque aussi considérable, même si elle s'est déployée plus tard. Pour ne prendre que l'exemple de la Suisse, voir le débat actuellement en cours sur l'art. 167 de l'avant-projet de Code de procédure pénale fédérale (avant-projet Schmid), qui prévoit une information "avant le début de la première audition" du droit de refuser de faire des déclarations (al. 1 lit. b) et, la non-utilisabilité des "auditions qui interviennent sans ces indications" (al.2); dans la littérature récente, voir avant tout HANS VEST, Am~rikanisierung des Scbweizeri- schen Strafprozesses? In Recht und Internationalisierung,

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13 juin 19662$. Dans Dickerson v. U.S. du 26 juin 200026, la Cour suprême devait se prononcer sur la constitution- nalité d'une loi1' votée depuis bien des années par le Con- grès, mais restée inappliquée. Cette loi entendait offrir une solution de substitution aux garanties affirmées par la Cour suprême dans Miranda, sous la forme d'un test de "volun- tariness" de la déclaration auto-incriminante28: pourraient être retenues des déclarations faites Librement par la per- sonne soupçonnée, et cela même si ces déclarations n'a- vaient pas été précédées des célèbres Miranda warnings (qui comprennent en premier lieu, mais pas exclusivement, l'information sur le droit de se taire), avertissements eux- mêmes déduits du ym• Amendement. Par sept voix contre deux, et contrairement aux attentes de certains observa- teurs79, la décision de la Cour d'appel fédérale du 4èmo Cir- cuit30, reconnaissant la constitutionnalité de l'acte du Congrès, à été renversée, et Miranda, de ce fait, réaffirmé. Que sig- nifie cette réaffirmation? Quelle portée faut-il donner à Dickerson? Nous nous efforcerons de répondre à ces ques- tions sous lit. B ci-après.

Si Miranda ct maintenant Dickerson occupent le cœur du "privilège contre l'auto-incrimination'' reconnu par Je s- Amendement, l'autre grande décision de juin 2000,

us.

v. Ht!bbelPI, se situe dans un deuxième cercle concentrique.

Son enjeu principal est de déterminer si la production de documents dont le contenu est propre à renforcer l'accusa- tion portée contre le détenteur des documents, et donc à l' "incriminer", tombe ou non dans le champ d'application du Privilege et, si oui, sous quelles formes et avec quelles conséquences. Nous discuterons ces points sous lit. C. Nous aborderons enfin une question adjacente, d'un intérêt marqué pour la Suisse avec l'introduction prochaine de la responsa- bilité pénale des entreprises: dans quelle mesure l'entreprise qui fait l'objet de poursuites peut-elle faire valoir le Privilege?

Nous résumerons la jurisprudence états-unienne, ferme- ment établie pour l'essentiel, dans un ch.

m.

B. Dickerson: la portée de Miranda circonscrite

a. Avant d'aborder le cœur du débat, soit la compatibilité entre la loi de 1968 et les principes de Miranda, la Cour suprême devait répondre à une question préalable soulevée par les tenants d'un "retour sur Miranda": est-il bien correct d'établir un rapport entre cette décision et les- Amende- ment, soit entre le défaut de la part de la police de donner un certain nombre d'indications à la personne soupçonnée d'une part, et le caractère contraint de son témoignage d'autre part? Ne convient-il pas de dissocier les deux choses et d'examiner la contrainte hors de toute référenc.e au défaut d'avertissement préalable32? La Cour suprême conflrme dans Dickerson sa jurisprudence et l'opinion de la doctrine majoritaire: une violation des principes de Miranda amène à poser une présomption de "unvoluntariness" des déclara- tions litigieusesJJ.

b. Cela confirmé, deux qu~stions plus controversées se posent: i) sur l'objet de la protection: est-ce la contrainte exercée sur l'individu ou Je droit de ne pas s'incriminer qui

est protégé par Miranda? ii) sur la finalité de la protection:

à quoi sert-elle en définitive? Le premier débat est encore ouvert dans la doctrine, et Dickerson et la jurisprudence récente n'y répondent pas de manière définitive. En revan- che, ils apportent une clarification sur le second point.

La loi de L 968 d'une part et Miranda d'autre part visent en principe le même objectif. Pourquoi dès lors le test de la voluntariness des déclarations prévu par la loi est-il déclaré inconstitutionnel par la Cour suprême dans Dicker- son? Parce que le but de Miranda est double: il s'agit d'assu- rer la crédibilité (reliability) des déclarations, certes, mais aussi et surtout de discipliner la police3411 faut toujours

St. Galien, 2000, 294-298 ss., ainsi que BENJAMIN SCHlND- LER, Miranda Waming- bald auch in der Schweiz?, in Straf- recht ais Herausforderung, Zünch, J 999, 465 ss.

25 384

u.s.

436 (1966).

26 530

u.s.

428 (2000).

27 18 U.S. C (United States Code Amwted) § 3501, adopté par le Congrès en 1968.

28 "In any criminal proescution brought by the United States or

the District of Columbia, a confession ... shall be admissible in evidence if it is voluntarily given .... The trial judge shall. ..

determine any issue asto voluntariness" 3501 lit. a) 29 Cf. le débat ayant précède de quelques semaines Je prononcé

de Dickerson: Will Miranda Survive? Dickerson v. United States: The Right to Remain Silent, the Supreme Court and Congress 37 Amer. Crim. L. Rev. 1165 (2000).

30 11 ne faut pas dissimuler l'enjeu politique de cette affaire: la Cour d'appel fédérale du 41"" Circuit, qui siège à Richmond (Va), est considérée comme une sorte de laboratoire de la Cour suprême que le second Président BUSH aimerait mettre en place: une Cour proche des convictions "conservatrices"

du Président et de la majorité des deux Chambres. Le para- doxe- et le sel de Dickerson- vient du fait qu'une de ces convictions consiste à "privilégier les droits des Etats sur ceux des individus" (cf. l'enquête du New York Times du 9 mars 2003 sur la Cour du 4.,. Circuit), et donc à invalider des actes du Congrès au motif d'un empiètement constitu- tionnellement infondé sur les droits des Etats. Or, la Cour d'appel prend, tout comme les juges minoritaires de la Cour suprême, dans Dickerson la position quasiment inverse: ils veulent "sauver" un Act du Congrès contre le grief d'incons- titutionnalité. C'est bien entendu leur hostilité à l'égard de Miranda, qui s'inscrit dans le prolongement de plus de trente ans de combat "conservateur" contre cette décision symbo- lique de l'ère "libérale" de la Cour suprême présidée par le Chief Justice EARL WARREN, qui explique cette position à première vue contradictoire. De ce fait, Dickerson n'est pas une affaire absolument typique de l'activisme judiciaire de la majorité des juges de la Cour du 4'.,. circuit.

31 530 U.S. 27 (2000 [26 juin)).

32 Cf. PAUL CASSElLL, dans son Amicus brief on behalf of the Washington legal Foundation dans la procédure Dickerson, qui résume les arguments des partisans d'un renversement au moins partiel de Miranda; v. également son intervention dans Amer. Crim. L. Rev. (n. 29), 1172-1173.

33 Cf. le débat bien résumé et les références chez W. S. WHITE

(n. 24), llO ss. . ,

34 Cf. les articles de Y. KAMISAR, en particulier celui qui est c1te (n. 10), 936 ss.

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Procédure pénale aux Etats-Unis

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avoir en tête cette importante spécificité des systèmes pro- céduraux états-uoicns au moment d'évaluer la portée du dispositif post-Miranda et surtout sa capacité d'exp01tation et de transposition dans d'autres systèmes: c'est essentiel- lement parce que la longue phase antérieure à la mise en accusation formelle (arraignmenfj ou indictment) se fait entièrement par la police sans aucun contrôle judiciaire36, que le poids de ces déclarations est si important.

La validité de ce second (ou premier, selon les sensibi- lités) objectif étant admis, il paraît évident que la loi de 1968 et le test qui en forme le noyau sont impropres à l'at- teindre, puisque le test ne concerne que la déclaration elle- même et non les événements qui l'ont précédée; or, les uns et l'autre ne peuvent être dissociés, comme on l'a vu.

c. La meilleure défense étant l'attaque, les adversaires de Miranda au sein et en dehors de la Cour suprême ont soulevé une autre question de constitutionnalité: celle de "mesures prophylactiques" décidées par les tribunaux. Dans le cadre de la procédure Dickerson, la Cour d'appel du 4tme Circuit, puis les juges minoritaires de la Cour suprême, ont repris à leur compte la critique adressée par divers auteurs à Miranda, selon laquelle les tribunaux, y compris la Cour suprême, n'auraient pas cette compétence d'ordonner des mesures prophylactiques31La Cour suprême ne discute pas directement l'argument, ce qui lui est reproché depuis lors38 d. Ce débat est toutefois propre aux Etats-Unis. A en revan- che une valeur plus générale la précision apportée par la Cour suprême à la portée de Miranda, précision menée à un aboutissement sans doute provisoire par Dickerson. Les analystes de la jurisprudence de la Cour suprême entre 1966 et 2000 s'accordaient à lire une volonté progressive de limiter la p01tée de Miranda. Restait à déterminer quelle était la ligne directrice. Deux thèses étaient principalement avancées: i) cantonner Miranda à la prophylaxie, voire à ses effets symboliques39, et le considérer dès lors comme hors du champ du "droit constitutionnel": admettre cette thèse aurait sans doute conduit à reconnaître la constitution- nalité de la loi de 196840; ii) distinguer au sein de Miranda ce qui est constitutionnel et ce qui ne l'est pas. C'est ce deu- xième raisonnement qui avait amené la Cour suprême à réduire la portée de Miranda, en particulier dans Oregon v.

Elsrad41: la position de la juge SANDRA O'CoNNOR, parlant pour la majorité, était de distinguer entre "mere Miranda violations" et violations qualifiées: seules les secondes devaient être sanctionnées. D'où, dans le cas Elstad, l'admis- sion de la validité de déclarations faites après un Miranda warning, alors que, préalablement, il y avait eu un premier aveu effectué en violation de Miranda42La loi déclarée inconstitutionnelle par Dickerson touche toutefois à la sub- stance même de la protection constitutionnelle: les mesures prévues pour s'assurer du caractère non contraint des décla- rations non assorties des Miranda warnings ne sont pas

"sufficcnt to meet the constitutional minimum"0. On peut

~insi admettre - c'était la position du Département de la JUstice dans la procédure Dickerson44- qu'un interrogatoire durant une période de détention est "inherently coercive"

et que les Miranda warnings représentent une condition

lutai

nécessaire-également suffisante?-pour renverser cette présomption de contrainte.

Miranda a ainsi survécu à Dickerson, et plutôt bien sur- vécu. A quand le prochain assaut? Les nominations judi- ciaires en cours d'examen devant le Sénat donneront sans doute une partie de la réponse.

C.

U.S.

v. Hubbell: les documents témoignent-ils?

Rendu en ce même mois de juin 2000, l'arrêt U.S. v. Hub- belr5 reprend le débat sur un autre sujet chaud: la protec- tion du Y"" Amendement s'étend-elle

aux documents remis"<~ par la personne soupçonnée?

aux éléments physiques (sang etc.), dans la mesure où ils sont propres à porter témoignage contre la personne chez qui ils sont prélevés?

35 L'arraigmnent, dont le profil varie d'un système procédural à l'aulre, est en substance la phase de la procédure à l'occa- sion de laquelle un magistrat notifie à la personne sur laquelle pèsent des soupçons les charges provisoires qui la concernent.

Mieux connu, l'indictm.ent est prononcé par un Grand Ju1y, qui décide le renvoi devant un juge du fond (ou l'abandon des charges). Tous les Etats ne connaissent pas cette procé- dure: on passe (ou on peut passer) alors directement de l'ar- raignmenr au jugement au fond; on appelle "information jurisdiction" le système de ces états sans indictment (obli- gatoire).

36 Pour une présentation simple de ces phases et de leur équi- libre, voir ]OSHUA DRESSLER (n. 8), § 1.03 (8).

37 En particulier J. D. GRANO (n. 11).

38 Même par W. S. WHITE (n. 24), qui est pourtant un partisan résolu d'une extension de Miranda, cf. ses propositions résumées 224.

39 Bien mise en lumière par W. S. WHJTE (n. 24}, 222.

40 Cf. la démonstration de PAUL CASSELL, Amer. Crim. L. Rev.

(n. 29), 1172-1173, 1180.

41 470

u.s.

298 (1985).

42 La problématique examinée dans cet arrêt touche également l'application de la célèbre théorie des fruits of the poisonous tree, sur laquelle nous revenons brièvement ci-dessous lit. C.

b et d.

43 Dixit la Cour suprême, 530 U.S. 442 (2000).

44 Cf. un résumé de cette position par ROBERT Lrrr in Amer.

Crim. L. Rev. (n. 29), 1175.

45 Référence ci-dessus n. 3 J. L'affaire Hubbell prend place dans Je cadre des enquêtes menées par le procureur spécial KEN-

NETH STARR au sujet des infractions reprochées à l'ancien pré- sident BlLL Cu:-rroN, ce qui amène naturellement à s'interroger sur son caractère atypique. La doctrine qui s'est interrogée sur ce point nie généralement le caractère exceptionnel de la jurisprudence Hubbell.

46 Remis "volontairement" (le cas échéant suite à une subpoena duces tecum) et non saisis; dans ce second cas, c'est la pro- tection du 4""" Amendement qui entre en ligne de compte.

Nous revenons sur les rapports complexes entre 4•-et 5'"'"

Amendements ci-dessous lit. b.

(7)

AJP/PJA 9/2003

De manière générale, la (majorité47 de la) Cour suprême va moins loin que la Cour européenne des droits de l'bomme48

Elle s'efforce de cantonner l'application de la protection du Y"'' Amendement dans des limites qu'imposent les néces- sités d'une law enforcement raisonnable. Ce n'est pas pour autant une attitude de strict refus qui se dégage de la jmis- prudence, et l'interprétation des subtilités, voire des méandres de celle-ci, fait l'objet de débats passionnés dont les lignes qui suivent rendent J'écho.

a. La première question est celle de l'assimilation de la production de documents potentiellement auto-incriminants à un témoignage. Une partie minoritaire de la littérature défend la thèse de l'exclusion absolue de cette assimilation et donc une interprétation ultra restrictive du mot "witness"

du yme Amendement49La Cour suprême et la majorité de la doctrine rejettent cette thèse. A l'inverse, l'assimilation complète, également défendue dans la littérature50, n'est pas (encore?) admise par la majorité de la Cour suprême. Dès lors, celle-ci est amenée à se livrer à de délicates distinc- tions et délimitations.

La délimitation principale est la suivante: ce n'est pas le contenu des documents qui fait pendant au témoignage, mais l' "act of producing" les documents5'. On verra toute- fois plus bas que cette distinction est finalement de faible portée. Cela établi, la majorité de la Cour suprême réaffirme et développe tm peu52 la docu·ine53 de !"'acte de producrion"54, doctrine qui concrétise - ou remplace - la protection contre J'auto incrimination tirée du Y'"' Amendement, lorsque le

"témoignage" consiste en l'apport de documents sur ordre de l'autorité.

En principe et en résumé, la remise de documents ne saurait tomber dans le champ d'application du privilege, en tout cas s'agissant des trois éléments de base de la "remise simple": i) le prévenu reconnaît l'existence du document;

ii) il reconnaît le détenir et iii)le document peut éventuel- lement être authentifié grâce à lui; ces éléments sont en soi insuffisants pour permettre l'assimilation de la production à un témoignage. Pour que la remise soit couverte par le privilege, il faut que l'acte dans ses trois dimensions ou dans l'une des trois comprenne une information supplé- mentaire potentiellement auto incriminante. Ainsi, dans un des arrêts fondamentaux en la matière, U.S. v. DoelS, ce der- nier était soupçonné de participation à des actes de corrup- tion; les documents produits prouvaient l'existence de liens entre le suspect et des participants avérés à l'entreprise de corruption; dès lors, quel que soit le contenu des documents (il pouvait être indifférent), le simple fait pour Doe de les avoir produits avait fourni à l'accusation un élément dans l'élaboration de la preuve.

Dans l'affaire Hubbell, la Cour d'appel du District de Columbia, dont la décision fut confirmée par la Cour suprê- me, avait, dans un développement sensiblement plus subs- tantiel que celui de la haute juridiction, tenté de formuler en termes généraux la doctrine de l'acte de production, et de l'articuler autour de la notion de "testimonial value": la production d'un document est assimilée à un témoignage quand l'ensemble des circonstances entourant la production

a une valeur testimoniale. Cette valeur doit être niée lorsque l'accusation connaissait l'existence des documents et pou-

47 On retrouve dans cette affaire la même opposition entre une majorité de sept juges et une minotité de deux juges que dans l'affaire Dickerson. Si les camps sont les mêmes, la ligne de clivage est en revanche entièrement différente. Alors que l'objet de Dickerson était un enjeu majeur pour les "néo-conserva- teurs", à l'intérieur conune en dehors de la Cour suprême, ce qui explique l'opinion dissidente rédigée par les juges SCALIA et THOMAS, les "juges préférés" du Président Busn, ces mêmes minoritaires ont rédigé dans Hubbell une opinion concur- rente qui envisageait et proposait "dans un cas prochain"

(arrêt cité n. 31, 49) d'élargir la protection assurée par le 5è""

Amendement à la production de documents et donc d'aller dans le sens de la jurisprudence "européenne" (bien entendu jamais citée). Un autre aspect intéressant de l'opinion conver- gente de Hubbell tient à un phénomène peu fréquent aux Etats-Unis, mais moins rare qu'on ne Je dit parfois: les juges minoritaires s'appuient clairement et explicitement sur la

"doctrine" au sens européen du terme (en particulier l'article de RICHARD NAGAREDA, Compulsion "to be a witness" and the Resurrection of Boyd, 74 New York Univ. L. Rev. 1575- 1659 [ 1999)) largement cité ci-après, ce qui donne à l'af- frontement des idées une dimension plus "conceptuelle" et dogmatique qu'à l'ordinaire, propre à faciliter sa transposition de l'autre côté de l'Atlantique.

48 Le "leading case" est bien entendu l'arrêt J.B. c. Suisse du 3 mai 2001, Rec. 2001-III 455. Voir le commentaire de cet arrêt et les perspectives qu'il est possible d'en tirer par Y vAN

JEANNERET, in PJA/AJP 2002, 222-227 et dans sa thèse, La violation des devoirs en cas d'accident, Analyse critique de l'article 92 LCR, Bâle, 2002, 108 ss. Les développements qui suivent sont nourris par les très intéressantes discussions de l'auteur avec M. JEANNERET, à l'imagination juridique duquel il profite de rendre hommage.

49 Cf. pour le texte de ce dernier ci-dessus n. 23. Le principal représentant de cette école est AMAR, cité n. 22,.

50 Cf. en particulier R. NAGAREDA (n. 47), largement repris par la minorité de la Cour suprême. La thèse deR. NAGAREDA, longuement développée, peut se résumer en une fom1Ule: "to be a witness ... (is) to give evidence", 1503. C'est exactement la thèse inverse à celle d'A. R. AM.AR (n. 22), selon lequel

"un témoin, c'est un témoin, point final".

51 U. S. v. Hubbell (n. 31 ), 40 et 42.

52 S'il les a généralement satisfaits quant au résultat, l'arrêtde la Cour suprême a laissé beaucoup de commentateurs sur leur faim quant au raisonnement. D'où l'intérêt d'un retour à la décision de la Cour d'appel du Circuit fédéral du District de Columbia U.S. v. Hubbell, 167 Federal Reporter 3rd Series (F.3d) 552, cf. en particulier LANCE COLE, The Fifth Amend- ment and Compelled Production of Persona! Docwnents After US v. Hubbell: New Protection for Private Pa pers?, 29 Amer. Jnal of Crim. L. 123 (2002).

53 Au sens anglo-américain du terme: corps de principes sur un sujet détemùné.

54 Pour un résumé de cette doctrine, voir WAYNE R. LAFAYE!

JEROLD H. ISRAELINANCY J. KING, Criminal Procedure, 3'""

éd.§ 8.12-8.13 (St-Paul, 2000).

55 465 U.S. 605 (1984). Dans le même sens, Hofmann v. U.S., 341

u.s.

479 (1951).

(8)

Proc é dure péna l e aux Etats-Unis

AJP/PJA 9/2003

vait en évaluer la force probatoirel6. La Cour d'appel propo- sait également un test qui permet de vérifier si cette valeur existe et est suffisante. Les deux questions à examiner sont les suivantes5':

- que savait l'accusation avant d'obliger (par subpoena duces tecum) le suspect à remettre les documents?

- quelle information l'accusation veut-elle extraire des documents, quant au "content of an individual mind"?

Ce double test a pour principal mérite de développer et de concrétiser J'argument des foregone conclusion.s58Son second volet met bien en lumière la difficulté de distinguer, comme le veut l'axiome de base de la doctrine de l'acte de production, entre production et contenu des documents.

Certes, c'est sur les attentes de l'accusation que doit se pen- cher le juge, puisqu'il doit établir quelles étaient ses fore- gone conclusions. Mais il est difficile ex post pour le juge de négliger ce qu'il a dans l'intervalle découvert quant au contenu réel- et non pas hypothétique dans le chef de l'ac- cusation-des documentss9

Ainsi, à mesure de son développement, la doctrine de l'acte de production conduit à un déplacement du regard de l'acte lui-m€me vers l'ensemble des circonstances entou- rant la remise. De ce fait, le juge peut être dispensé d'ana- lyses sophistiquées sur la signification de tel geste ou de telle parole, qui l'oblige à ce à quoi il est généralement réti- cent, surtout quand il est de tradition anglo-saxonne: de l'épistémologie. Il convient encore d'insister sur le caractère concret de la démarche. L'accusation60 ne peut se contenter de se référer à l'expérience générale de la vie ou à toute autre donnée d'expérience: elle doit démontrer les circons- tances favorables entourant ce cas particulie~'. On notera au passage la similitude de cette démarche avec celle par laquelle la jurisprudence, en particulier la jurisprudence suisse, admet la prise en considération d'une preuve obtenue de manière illicité2

Le débat sur Je statut de la production de documents con- naît divers prolongements. La situation la plus proche- et la plus facile à décoder- est celle de la remise de clefs de coffre: celui ou celle qui est contraint(e) (par subpoena) à remettre à l'accusation les clefs d'un coffre contenant des documents au contenu fortement auto-incriminant ne saurait invoquer le privilege, si l'accusation sait ou suppose, élé- ments d'enquête à l'appui, ce qui se trouve dans Je coffre.

b. Lorsque la production est refusée sur la base du privi- lege, la mesure de substitution est la perquisition, dont les conditions sont établies par l'immense jurisprudence déri- vée du 4tm• Amendement63Sans entrer dans l'analyse de cette jurisprudence, on peut admettre que les exigences posées pour l'émission d'un mandat sont moins strictes64

Elles comprennent toutefois la détermination d'une "cause probable", appréciée selon un "particularity standard" fina- lement assez proche de celui qui est mis en œuvre dans la jurisprudence confirmée et affinée dans U. S. v. Hubbell:

l'autorité (celle qui propose le mandat et/ou celle qui approu- ve) doit disposer d'éléments de connaissance spécifiques et ne peut se contenter de soupçons généraux quant à la présence d'un élément de preuve dans le lieu visé par la demande de perquisition65

-

ilefiM

Il est intéressant de noter au passage le rapport de sub- sidiarité qui se dégage implicitement de la jurisprudence et de la démarche que celle-ci suit et recommande: il con- vient en premier lieu d'examiner la possibilité d'obtenir les documents par présentation, spontanée ou contrainte, de leur détenteur, avant de se tourner le cas échéant vers une perquisition. Cette subsidiarité de l'intrusion domiciliaire rappelle l'importance fondatrice de la protection du domi-

56 Dans la jurisprudence antérieure à Hubbell, cette dernière dimension était primordiale: l'accusation aurait-elle pu tirer des "conclusions anticipées" (joregone conclusions) à partir du contenu supposé des documents (cf. Fisher v. U.S., 425 U.S. 391 [1976]; U.S. v. Doe, 465 U.S. 605 [1984])? La por- tée de ce critère reste sujette à discussion: n'amène-t-il pas à

soustraire à la protection du 5*-Amendement toute pièce

qui appartient à la routine de la marche des affaires et que l'on peut donc toujours s'attendre à trouver dans des docu- ments produits par des businessmen? La Cour d'appel du District de Columbia répond par la négative dans sa décision /Jubbell (n. 52, 570-571). L'argument desforegone conclu- sions n'en reste pas moins vivement critiqué par une partie de la doctrine (cf. R. NAGAREDA Ln. 47] 1598-1599), relayée par une partie des juges de la Cour supr6me. L'ensemble des

décisions rendues dans l'affaire Hubbell permet, comme on

le verra dans un instant, de reconsidérer la portée et Je con- tenu desforegone conclusions.

57 4th Circuit US v. Hubbell (n. [52] ), 575; L. COLE (n. 52), 156.

58

cr.

n. 56 ci-dessus.

59 C'est un des points forts de la sévère critique deR. NAGAREDA (n. 47), 1598-1599, qui brocarde les probationes diabolicae et les "metaphysical classifications".

60 La question de la répartition du fardeau de la preuve appelle une analyse différenciée. D'une part, la nécessité de démon- trer une connaissance préalable de l'existence et du contenu des documents dans le cas particulier fait peser l'essentiel de la charge sur l'accusation. Mais, comme l'"acte de production simple" ne permet pas au "témoin" d'invoquer le privilege, ce "témoin" supporte également une partie de la charge; cha- que partie doit donc faire un bout de chcnûn. Sur la "grea ter burden" pour Je "témoin" produisant un document que pour le témoin simple, W. R. LAFAYE et al. (n. 54), 473.

61 Cf. en particulier l'arrêt de la Cour d'appel (n. 52), 570-572.

62 L'élément de preuve aurait-il pu être obtenu par d'autres moyens; autrement dit, l'accusation ou le juge d'instruction en savaient-ils assez pour procéder à l'opération litigieuse de manière licite? Cf. ATF 109 la 244 consid. 2b; JERÔME BENE-

DICT, Le sort des preuves illicites dans Je procès pénal, Lau- sanne, 1994, 100.

63 "The right of the people to be securc on their persons, bouses,

papers and effects, against unreasonablc searches and seizures, shall not be violated, and no warrants shall issue, but upon probable cause ... ".

64 Cf. L. COLE (n . 52), 171. Plus généralement, SARAH SuN BEALE et al., Grand Jury Law and Practice, 2- éd., § 6-172/

6-176 (St-Paul, 1997). Dans Oregon v. Elstad déjà cité (lit. B in fine), la Cour suprême sépare bien les champs et les con- ditions d'application du 4w,, et du 51"~ Amendement, en refu- sant entre autres d'appliquer la doctrine des fruits of the poi- sonous tree à un aveu issue d'une première déclaration faite en violation de Miranda, 410 U.S. 306 (1985).

65 Cf. L. COLE, (n. 52), 185 ss.

(9)

AJP/PJA 9/2003

cile, illustrée par le célèbre "Discours sur les mandats de perquisition permanents" de JAMES Ons (1761), considéré par JOHN ADAMS comme Je "souffle de la vie" de ce qui deviendra quelques années plus tard la révolution améri- caine.

c. Une autre question adjacente à celle de la protection des documents privés auto-incriminants est celle du statut des

"éléments de preuve corporels". Arrêtons-nous brièvement sur la prise de sang, sujet de grande actualité66

Le leading-case sur cette question a été rendu une semaine après Miranda, en ce fructueux mois de juin 1966. Dans Schermber v. Californie67, la Cour suprême décide d'exclure la prise de sang du champ de protection du Y"" Amende- ment. Jamais renversée depuis lors, cette décision fait depuis lors l'objet de belles controverses, tant quant à ses conclu- sions qu'à l'égard du rationale qui la sous-tend. Deux thèses méritent à nos yeux d'être particulièrement mentionnées.

La première s'insctit dans le prolongement de la doctrine de l'acte de production: pour la Cour suprême, "le sang ne dit rien"; on ne saurait donc assiuliler la prise de sang à une confession68Le sang n'a pas la "testimonial" ou "communi- cational value" nécessaire pour revendiquer la protection du privilege. Plus simple en un sens, une autre approche nous paraît plus convaincante: la ligne de démarcation entre ce qui est couvert par le Y"'• Amendement et ce qui ne l'est pas doit passer par la différence entre evidence giving (cou- vert) et evidence taking (non couvert). Alors que la produc- tion de documents, simple ou "qualifiée", relève manifes- tement de l'evidence giving, la prise de sang, dont l'objet essentiel est l'obligation de rester à disposition de la police (qui entre dans le champ de protection du 4'm' Amende- ment), n'en relève pas69

Dès lors, le débat peut être résumé en une discussion sur l'interprétation du terme "witness" du 5'"'• Amendement'0. La Cour suprême n'est manifestement pas prête pour l'heure à donner à ce terme l'interprétation large qui ouvrirait la voie à une assimilation de toutes les modalités de collabora- tion du prévenu avec l'autorité à un témoignage, avec toutes les conséquences et les protections qui en découleraient.

Cela l'oblige à des distinguos dont la subtilité nourrit la controverse, mais qui ne fait que rappeler et illustrer que le rôle de l'autorité judiciaire supérieure consiste à chercher et si possible à trouver l'équilibre précaire entre protection des droits individuels et nécessités de la law enforcement.

d. Pour en revenir à un plan plus strictement procédural, l'affaire Hubbell a également rouvert un débat à la fois spé- cifiquement états-unien au regard de l'institution mise en œuvre, et de caractère général quant à ses enjeux. L'institu- tion en question est l'immunité procédurale: l'ordre de pro- duire les documents avait été assorti d'un immmunity order11 émis par l'accusation, qui garantissait à l'accusé qu'il ne ferait pas l'objet de poursuites sur la base des documents produits. Or, Hubbell fut poursuivi pour fraude fiscale; cette nouvelle accusation se fondait sur les documents produits, ainsi que sur d'autres pièces obtenues entre autres grâce aux informations contenues dans ces documents. Dès lors, deux questions distinctes se posaient:

le mécanisme de l'immunité procédurale pouvait-il s'ap- pliquer à l'"acte de production"?

dans la mesure où l'immunity order visait l'utilisation directe et l'utilisation dérivée (use and derivative use) des documents par l'accusation, jusqu'où s'étendait la notion d'utilisation dérivée?

Alors que la réponse à la première question découlait de la position intermédiaire prise par la Cour suprême quant à

l'assimilation de l'acte de production à un témoignage et

qu'un acte assimilable à un témoignage et possédant un contenu auto-incriminant72 pouvait par conséquent faire l'objet d'une immurùté73, la seconde question ouvre des per- spectives plus larges et conduit à une brève rencontre avec un des produits d'exportation les plus reconnus de la juris- prudence états-unienne, la doctrine des fruits of the poiso- nous tree14

L'arrêt de référence est ici Kastigar v. US. 75Dans cette décision, réaffirmée avec force par la majorité de Hubbell, la Cour suprême admettait la constitutionnalité du § 6002 du "Code des Etats-Unis" (la collection des Actes du Con- grès qui mérite ce titre76)77, sur lequel repose l'ensemble de

66 La jurisprudence européenne et allemande refuse l'assimila- tion de la prise de sang à une "production", au motif que la

"donnée" que fournit Je sang "existe indépendamment de la volonté de l'auteur" et que cette donnée pourrait être obtenue sans participation du "détenteur", cf. ACEDH Saunders du 17 décembre 1996, Rec 1996-VI 2064; ACEDH J.B. cité n. 48, ch. 68, 472; Y. JEANNERET(n. 48), La violation, 91-92 et 115 ss.

67 384

u.s.

757 (1966).

68 Dans ce sens Y. KAMISAR (n. 10), 986.

69 Cf. en particulier R. NAGAREDA (n. 47), 1581 ss. Pour d'autres critiques à l'égard de Schermber, voir A. R. AMAR (n. 22), 63 ss. et ses références.

70 Cf. ci-dessus ill. C. a et n. 23.

71 Fondé sur 18 U.S.C. § 6002.

72 Cf. L. COLE (n. 52), 181 et 187.

73 Etant bien entendu que c'est l'acte de production et non le contenu des documents remis qui est assimilé à un témoig- nage (US v. Hubbell [n. 31], 40), d'où des difficultés quand il s'agira de déterminer si d'autres éléments de preuve recueil- lis par la suite dérivent de cet acte (et non, ce qui est beau- coup plus facile à établir, des documents eux-mêmes).

74 Pour la réception en Europe et en Suisse en particulier de la doctrine des fruits ... , on peut toujours se référer à l'excel- lente thèse de J. BENEDICT (n. 62), 77 et 243 ss. Pour un regard actuel, dans le domaine de la surveillance de la correspon- dance postale et téléphonique, NIKLAUS ScHMID, Verwertung von Zufallsfunden sowie Verwertungsverbote nach dem neu- en B ÜPF, RPS 2002, 309 ss. Pour un essai de codification, art. 147 al. 3 avant-projet N. SCHMID (n. 24).

75 406

u.s.

441 (1972).

76 Cf. n. 19 ci-dessus.

77 il s'agit d'une collection disparate et non systématique, dans la tradition du droit commun européen d'avant la codification.

Une véritable codification existe parallèlement s'agissant des règles de procédure et de preuve, que ce soit à l'échelon fédéral ou à l'échelon des Etats, cf. ci-dessus n. 20.

(10)

Procédure pénale aux Etats-Unis

AJP/PJA 9/2003

~

la démarche de l'attribution de l'immunité; elle admettait donc que la personne poursuivie bénéficiât de l'immunité, y compris pour l'utilisation dérivée des documents produits, et soumettait la réception d'un élément de preuve apparem- ment dérivé de l'acte de production au test suivant: l'accu- sation est-elle à même d'établir que J'élément en question

"provenait de sources entièrement indépendantes des aspects testimoniaux de l'activité 'immunisée' du prévenu lorsqu'il a assemblé et produit les documents"78? L'élément le plus important dans le "test Kastigar" tel que reformulé ici tient donc au fardeau de la preuve: la Cour rejette clairement J'assertion de l'accusation selon laquelle il aurait appartenu à l'accusé de démontrer qu'il existait "sorne substantial rela- tion" entre l'acte de production et les éléments réunis par la suit.e79

Il nous paraît par ailleurs que la Cow· elle-même dilue la distinction, sur laquelle s'appuie pourtant son assimilation partielle entre production de documents et "témoignage", entre l'acte de production et le contenu des documents, puisque celui-là est "the first step in a chain of evidence"80

n

est évident que le document n'existe dans la procédure que parce qu'il y a été introduit. Donc, la chaîne qui mène de la pièce "non immunisée" (ou plus généralement ob- tenue de manière légale) au document obtenu suite à un acte immunisé (ou suite à une opération illégale) peut être prolongée jusqu'à la production elle-même. Cela revient à nos yeux à soumettre les résultats indirects de l'acte de pro- duction au régime commun de l'exclusion des moyens de preuve qui sont les "fnüts de l'arbre empoisonné". Sans doute est-ce la voie raisonnable81; mais que reste-t-il alors de la distinction entre acte de production et contenu du document produit? Rien, en tout cas, s'agissant des fruits de l'opération.

VI. Les "documents d'entreprise": une faible protection

Alors que les normes substantielles régissant la responsa- bilité pénale des entreprises en Suisse à partir probablement de l'automne 200482 sont le produit d'un long processus législatif13, les dispositions procédurales accompagnant ces nonnes substantielles n'ont pour ainsi dire fait l'objet, avant leur adoption, d'aucun débat84Ce déséquilibre se retrouve dans la littérature85

n

est dès lors utile de se tourner vers le droit des Etats-Unis, qui connaît de très longue date la corporate criminalliability86 et en particulier, dans le pro- longement du sujet présenté ci-dessus, vers la reconnais- sance ou la non-reconnaissance du droit pour l'entreprise de ne pas s'incriminer ou des représentants de l'entTeprise d'invoquer le s~m• Amendement au bénéfice de cette der- nière. Cette question est une des clefs du statut procédural de l'une et des autres. La démarche se justifie d'autant plus que la jurisprudence est sur ces points, bien établie, ce qui n'empêche pas qu'elle soit discutée. On peut dire d'emblée que cette jurisprudence n'offre qu'infiniment peu de ressour- ces à l'entreprise et à ses représentants sous l'angle du 5''"' Amendement.

Les questions du statut de l'entreptise elle-même d'une part et de ses représentants d'autre part doivent être abordées séparément et successivement.

a. Tout d'abord, les entreprises ne peuvent pas invoquer le privilege. Celui-ci est "a persona! one"; sous cet angle au moins, la jurisprudence états-uniennë 7 fait écho à la doc- trine et à la jurisprudence d'un des derniers pays d'Europe fermé à la responsabilité pénale des entreprises, l'Italie, et à l'interprétation dominante donnée à l'a.tt. 27 de la Consti- tution de ce pays: "La responsabilità penale e personale"88.

La raison d'être de ce refus s'est infléchie au fil des années et des jurisprudences se confirmant l'une l'autre quant au résultat: dans la première moitié du siècle, la motivation rappelait beaucoup les thèses de BURCKHARDr9: l'entreprise n'existant que suite à une autorisation (directe ou indirecte) de l'Etat, celui-ci ne pouvait être empêché de vérifier si les conditions (explicites ou implicites) de l'autorisation étaient

78 Traduction libre-et simplifiée- du test tel que décrit dans U.S. v. Hubbell530 U.S. 45 (2000).

79 Ibidem.

80 Ibidem, 42.

81 Cf. dans ce sens, avant l'affaire H ubbell, Y. KAMISAR (n. 1 0), surtout 942 et 955 pour l'histoire et Je contenu de la doctrine des fruits ... , et 984 ss. pour une défense d'une application extensive- celle que suivra la Cour dans Hubbell- de la juris- prudence Kasligar.

82 Les normes en question sont introduites par la loi fédérale sur le financement du terrorisme du 21 mars 2003 (FF 2003 2532), art. 100''"'"', avant d'être reprises dans la révision générale du Code pénal suisse, probablement art. 102, qui entrera pour sa part en vigueur au plus tôt en janvier 2005.

83 Cf. JosÉ HURTADO Pozo, Droit pénal, Partie générale II, Zurich, 2002, N. 828 ss.

84 C'est le Conseil des Etats, première Chambre délibérative, qui a complété l'art. 102 (nouvellement 100'"•"', cf. n. 82) par un art. 102•1' (nouvellement lOO~•lnqu;"), qui n'était pas prévu dans Je projet du Conseil fédéral, qui portait il est vrai exclu- sivement sur la révision de la partie générale du Code pénal (FF 1999

n

1943 ss. er 2136).

85 A mentionner toutefois une première monographie, due à CARLO ANTONIO BERTOSSA, Untemehmensstrafrecht-Straf- prozess und Sanktionen, Bern, 2003, qui ne fait toutefois aucune référence, dans la partie consacrée à la procédure pénale, à la jurisprudence états-unienne. Voir aussi GüNTER HEINE, Das kommende Unternehmensstrafrecht, RPS 2002.

86 La littérature est également abondante. L'ouvrage de référence est celui de KATHLEEN F. BRJCKEY, Corporate Criminal Lia- bility, 2~.,. éd. (Willmette, Ill, 1992, avec un supplément de 2002).

87 En partictùier Couch v. U.S., 409 U.S. 322 (1973); U.S. v.

White, 322 U.S. 694 (1944).

88 Cf. FRANCESCO PALAZZO!ROBERTO GUERRINI, Rapport italien (sur la responsabilité pénale des personnes morales), in: La responsabilité, Aspects nouveaux, Travaux de l'Association Hertri-Capitant t. L, Paris, 2003, 765 ss.

89 Cette construction rappelle celle, quasiment contemporaine, de WALTER BURCKHARDT, sur l'autonomie déléguée des cor- porations, cf. son Methode und System des Rechts, 1936, 170-172, cité et commenté par MAX KUMMER, Spielregel und Rechtsregel, Bern, 1973, 37-38.

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