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Academic year: 2022

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Appel à communications

Le « crayon bleu » de la censure : le contrôle, le contournement et la circulation des informations dans les régimes non-démocratiques au XX siècle

Colloque international transdisciplinaire Paris, France

2 octobre 2020

Eugène Lyons, journaliste américain accrédité à Moscou à la fin des années 1920, décrivait dans ses mémoires le travail d’un correspondant étranger en URSS, qui, de par son métier, était régulièrement confronté à la censure : outre les contraintes imposées, on y voit aussi les pratiques spécifiques de la lecture d’une presse sous le contrôle étatique comme source tout de même majeure d’information, la nécessité pour les correspondants de maîtriser les codes comportementaux et langagiers pour pouvoir exercer convenablement leur travail, les interactions et les sociabilités multiples entre les journalistes rivaux et les censeurs, le profil et les pratiques quotidiennes de ces derniers (Lyons 1938).

Loin de l’image d’un censeur à crayon bleu exerçant l’acte répressif du pouvoir d’État dans un vacuum social, cette description de Lyons invite à réinterroger la censure d’informations dans des pays non-démocratiques au XXe siècle dans un cadre plus large de l’histoire sociale, attentive aux acteurs, à leur pratiques, et aux circulations. Ainsi, la notion même de la censure doit être élargie à « un large spectre de pratiques qui sont présentes à tous les niveaux de la société et qui dirigent le discours et le comportement à travers tout un ensemble de mécanismes qui sont parfois subconscients » (Sherry 2015). Ce thème de la censure nous permet en outre de questionner la notion même d’un régime non-démocratique qui est traditionnellement définie par opposition à celle de la démocratie1 ainsi entrainant le modèle de l’opposition binaire. Des études récentes témoignent de la remise en question de cette distinction prétendument nette : telles notions que « la démocratie illibérale »2 ou « la démocrature »3 se voient apparaître à la fin du XXe siècle pour caractériser des régimes de nature hybride qui empruntent certaines caractéristiques de la démocratie libérale mais qui sont caractérisés par le pouvoir autoritaire, ce qui nous permet de les attribuer également aux régimes non-démocratiques.

Le focale sur le domaine d’information s’explique d’abord par des raisons historiographiques, la production culturelle ayant déjà fait l’objet de nombreux travaux et conférences (Biltereyst 2013; Bradley 2010, Goret thèse en cours)4. Par ailleurs, dans les régimes non-démocratiques, l’information représente un enjeu majeur pour un spectre transversal d’acteurs : des instances gouvernementales à la population dans son ensemble. Elle reflète les aspirations de légitimation du pouvoir, des tentatives de former les horizons de références, mais aussi des efforts de déconstruire des discours officiels, de se procurer des sources alternatives de connaissances et de s’orienter dans des contextes socio-politiques

1 Le régime établi selon le principe du « gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple », selon la définition de la République donnée par la Constitution française de la IVe République. Buton, Philippe. Une Histoire intellectuelle de la démocratie : 1918-1989. Seli Arslan, 2000, p. 8.

2 Le terme forgé par le politologue américain Fareed Zakaria pour désigner les pays en voie de démocratisation.

Fareed Zakaria, « The rise of illiberal democracy », Foreign Affairs, nov./déc. 1997, vol. LXXVI, no 6.

3 Ce terme a été inventé par Pierre Hassner pour caractériser les pays en voie de transition, sortant du communisme après la chute du mur de Berlin. Pierre Grémion et Pierre Hassner, Vents d’Est, Paris, puf, 1990.

4 Cf. Ces dernières années, ce sujet était au cœur de plusieurs conférences : Censures, d’hier à aujourd'hui, Sciences Po, 6-8 février 2014 ; Regards croisés sur la censure. Les modes de contrôle de la production culturelle sous différents régimes politiques, EHESS, 4 octobre 2017 ; et dans la moindre mesure

New Perspectives on Censorship under Communism, Oxford, 23 octobre 2015.

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changeants. En outre, l’information sur ou en provenance des pays non-démocratiques est souvent insérée dans les cadres interprétatifs plus politisés qui impactent son statut : elle suscite plus de méfiance mais aussi plus d’attention puisque considérée comme indicateur des évolutions de ces régimes, appréhendés comme étrangers aux démocraties libérales.

Vieux sujet de l’historiographie, la censure dans les régimes non-démocratiques est à l’heure actuelle revisitée par de travaux récents, mettant justement à mal cette image « d’un flux unidirectionnel du pouvoir des censeurs aux censurés » (Plamper 2001). Les récentes études démontrent une tendance à dépolitiser le sujet (Peter Molnar 2015), non pas dans le sens de relativiser le poids de la politique ou de l’idéologie, mais dans leur intérêt au fonctionnement concret et parfois conflictuel des institutions chargées de la censure, aux logiques multiples qui guident ce processus non-unidirectionnel, aux acteurs concernés que ce soit les censeurs, les auteurs, ou même les lecteurs (Bonsayer, Samuel & Gordon 2005, Depretto 2001, Danton 2014, Lynch 1999, Herwig 1987, Hsi Hsuan-Wou & Charles Reeve 2011, Peschanski 1990). Les interrogations se multiplient et englobent entre autre la réflexion sur les frontières entre ces groupes mais aussi entre l’objet censuré et l’objet non-censuré. Les pratiques de lecture dans des contextes de contraintes censoriales sont davantage analysées (Anghelescu et Poulain 2001), ainsi que les univers parallèles de production et de diffusion de la production écrite et la formation des communautés dites dissidentes (Oushakine 2001, Komaromi 2012, Yurchak 2013).

Ces travaux bénéficient par ailleurs des analyses portant sur les mécanismes et les modalités de ce qui s’apparente à la censure dans les démocraties libérales (Billiani 2014, Bourdieu 1982, 1996; Champagne et Marchetti 2002; Laurent 2016). Celles-ci adoptent une perspective plus large sur la censure comme une force régulatrice majeure, impliquée dans « la fixation des normes, l’instauration des pratiques et la production de discours » (Sherry 2015).

Malgré les risques du nivellement que cette approche plus large présente (Post 1998), son adoption aux régimes non-démocratiques a toutefois des avantages importants : elle permet notamment d’interroger un spectre plus large des formes de la censure bien au-delà de l’intervention étatique directe, tout en mettant en avant le dynamisme et multidirectionnalité des interactions entre tous les acteurs concernés (Sherry 2015).

Il s’agit donc de faire rencontrer des doctorant.e.s et des jeunes chercheu.rs.ses dont le travail se penche sur la censure d’informations dans les régimes non-démocratiques au 20ème siècle afin de développer un dialogue transdisciplinaire permettant de dresser des comparaisons et des parallèles, voire de contribuer aux discussions théoriques actuelles. Puisque la question de la censure dans le domaine de la production culturelle a largement été abordée, cette journée propose de réduire le focale et de s’intéresser uniquement au domaine de la production, de la circulation et de la consommation de l’information. Plus particulièrement, les questions suivantes pourraient être abordées :

Axe 1 : Problèmes méthodologiques

Il s’agit de se pencher entre autres sur la multiplicité des termes utilisées (censure, contrôle, encadrement, régulation et circulation limitée etc) et leur valeur opératoire ; sur les outils théoriques ou archivistiques qui permettent d’analyser la censure, l’autocensure, le contournement etc ; et sur les difficultés liées à ce type d’analyse.

Axe 2 : Acteurs et mécanismes

En fonction du terrain et du contexte historique, quels sont les acteurs concernés par la censure ? Sont-ils toujours conscients d’être objet de la censure et, si non, peuvent-ils contribuer à la renforcer ? Peuvent-ils contourner la censure en changeant l’échelle d’action (local-national- international) ? Quels sont les mécanismes précis de la censure, les modes de son

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contournement ainsi que les facteurs qui influencent ces processus? Pourrait-on parler du produit final (œuvre, texte, manifestation etc) en tant que résultat de co-production ?

Axe 3 : Censure et la circulation de l’information

La production et la circulation des informations sont indissociables des contextes politiques, économiques et culturels qui les engendrent mais aussi du processus de transferts et de circulations des connaissances à l’échelle internationale. Quels sont les particularités des terrains impliqués dans les processus de la production et de la circulation des informations ? Quelles sont des frontières géopolitiques et symboliques franchies par ces informations ? Quels sont les mécanismes de censure et d’appropriation appliqués aux informations qui font l’objet d’un transfert ?

Comité d’organisation :

Yuqing Qiu, Anna Shapovalova, Anna Sidorevich

Conseil scientifique : Olga Bronnikova (Université Grenoble Alpes), Sabine Dullin (CHSP, Sciences Po), Marc Lazar (CHSP, Sciences Po), Isabelle Thireau (EHESS, CNRS)

Calendrier :

Les propositions de 4000 signes maximum (en français ou en anglais) avec un CV doivent être envoyées avant le 10 juillet 2020 à l’adresse censure.colloque@gmail.com

Les réponses sont transmises le 24 juillet 2020.

Les candidat(e)s retenu(e)s devront envoyer un texte de 20.000 à 40.000 signes jusqu’au 24 août 2020 aux organisateurs.

Informations pratiques :

Langues de travail : français et anglais Lieu du colloque : Sciences Po, Paris

Compte tenu de la situation sanitaire, le colloque pourrait se dérouler en partie en visio- conférence.

Ouvrages cités :

1. Hermina Anghelescu, Martine Poulain (éd.), Books, Libraries, Reading, and Publishing in the Cold War, University of Texas Press, 2001.

2. Francesca Billiani (dir.), Modes of censorship: National contexts and diverse media, Routledge, 2014.

3. Daniel Biltereyst (éd), Silencing Cinema. Film Censorship around the World, Palgrave Macmillan, 2013.

4. Guido Bonsaver, Robert Samuel, Clive Gordon (dir.), Culture, censorship and the state in twentieth-century Italy, London, 2005.

5. Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire, Paris, Fayard, 1982.

6. Pierre Bourdieu, Sur la télévision, Raisons d’agir, 1996.

7. Laura Bradley, Cooperation and Conflict: GDR Theater Censorship, 1961-1989, Oxford University Press, 2010.

8. Philippe Buton, Une Histoire intellectuelle de la démocratie : 1918-1989, Seli Arslan, 2000.

9. Patrick Champagne, Dominique Marchetti (dir.), « Censures visibles, censures invisibles », Dossiers de l’audiovisuel, n° 106, 2002.

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10. Robert Danton, Censors at Work. How States Shaped Litterature, Norton and Company, NY, London, 2014.

11. Catherine Depretto, « La censure à la période soviétique (1917-1953): état de la recherche », Revue des études slaves, 2001, p. 651-665.

12. Pierre Grémion et Pierre Hassner, Vents d’Est, Paris, puf, 1990.

13. Léa Goret, Produire et voir du cinéma sous un régime autoritaire: censure et spectateurs dans l’Espagne franquiste (1945-1963), thèse en cours.

14. Holger H. Herwig, « Clio deceived: Patriotic self-censorship in Germany after the great war », International Security n. 12.2, 1987, p. 5-44.

15. Hsi Hsuan-Wou, Les mots qui font peur: vocables à bannir de la Toile en Chine, l’Insomniaque, 2011.

16. Ann Komaromi, « Samizdat and Soviet dissident publics », Slavic Review n. 71.1, 2012, p. 70-90.

17. Daniel C. Lynch, After the Propaganda State: Media, Politics and “Thought Work in Reformed China”, Stanford University Press, 1999.

18. Eugene Lyons, Assignment in Utopia, NY, Harcourt, Brace and Company, 1938.

19. Laurent Martin (dir.), Les censures dans le monde, XIX-XXI siècles, PUR, 2016.

20. Peter Molnar, Free Speech and Censorship around the Globe, Central European University Press, 2015.

21. Serguei Oushakine, « The terrifying mimicry of samizdat », Public Culture n. 13.2, 2001, p. 191-214.

22. Jan Plamper, « Abolishing ambiguity: Soviet Censorship Practicies in the 1930s », The Russian Review, vol. 60, n. 4, 2001, p. 526-544.

23. Robert Post (éd), Censorship and Silencing: Practices of Cultural Regulation, Getty Research Institute for the History of Art and the Humanities, Los Angeles, 1998.

24. Samantha Sherry, Discources of Regulation and Resistance. Censoring Translation in the Stalin and Khrushchev Era Soviet Union, Edinburgh University Press, 2015.

25. Denis Peschanski, « Contrôler ou encadrer ? : Information et propagande sous Vichy », Vingtième Siècle. Revue D'histoire, n. 28, 1990, p.65-75.

26. Alexei Yurchak, Everything was forever, until it was no more: The last Soviet generation, Princeton University Press, 2013.

27. Fareed Zakaria, « The rise of illiberal democracy », Foreign Affairs, nov./déc. 1997, vol. LXXVI, no 6.

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