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RENDRE LE CHRIST PRÉSENT À NOTRE MONDE *

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Academic year: 2022

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RENDRE LE CHRIST PRÉSENT À NOTRE MONDE

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par Claude DAGENS, évêque d’Angoulême

I – NOUS SOMMES EN ÉTAT D’INITIATION PERMANENTE AU MYSTÈRE DU CHRIST

Je me sens de plain-pied avec vous. Parce que je reconnais des visages et parce que, grâce à vous, je retrouve certaines de mes racines bordelaises : la chapelle de La Madeleine, le nom du Père Chaminade et aussi des sœurs de la Miséricorde. Car j’ai vécu mon enfance et ma jeunesse près de l’église Sainte-Eulalie. Et cette rencontre d’aujourd’hui est comme un pèlerinage aux sources, c’est-à-dire à l’action du Christ dans l’histoire, et cette action passe par des personnes précises. Sous la Révolution, à Bordeaux, face à la violence des ennemis de l’Église, ce qui est apparu, ce n’est pas une contre-violence, c’est la force de la Charité du Christ, sous le signe de la Vierge Marie, avec votre fondateur et votre fondatrice.

Face à votre question, qui est immense et très ambitieuse, j’ai une double réaction : - D’abord, ne faut-il pas critiquer et inverser la question. Sommes-nous appelés à rendre le Christ présent à notre monde, par des stratégies pastorales, ou bien ne faut-il pas plutôt apprendre à le reconnaître et à l’accueillir, Lui, le Christ, qui a promis d’être avec nous

« chaque jour jusqu’à la fin des temps » (Matthieu 28,20) ?

- Cependant, j’entends votre question comme l’expression d’un besoin de renouveau, d’un renouveau intérieur à chacun de nous pour ne pas être des

« chrétiens habitués », mais des « chrétiens habités », apprenant à vivre du Christ, de sa Vérité, de sa Force, de sa présence, de son Alliance dans un monde qui se passe de Lui ?

Autrement dit, nous n’avons pas des stratégies à inventer. Nous avons des conversions à opérer en nous et aussi dans l’Église, pour que le Christ soit reconnu comme le cœur vivant et brûlant de nos vies et de la mission de l’Église. Et cette perspective positive inclut des jugements critiques : nous ne pouvons pas consentir à un repliement de la foi chrétienne dans notre société sécularisée, nous ne pouvons pas consentir à ce que l’Église elle-même se referme sur elle-même et ne soit préoccupée que de sa survie.

Il s’agit d’un ensemble de conversions, c’est-à-dire de retournements à opérer, de métamorphoses à accepter, au sens fort de ce terme : dans les formes anciennes qui s’effacent ou qui s’effondrent, pourquoi ne pas laisser germer des formes nouvelles et les voir déjà apparaître, en particulier la fraternité au milieu des durcissements des relations humaines, et l’espérance au milieu des événements qui poussent au pessimisme ou au désarroi ?

*Ce texte est celui d’une intervention donnée le samedi 27 juin 2015, à Angoulême, lors d’un rassemblement régional des Fraternités marianistes.

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Comme l’avait déjà affirmé le pape Jean-Paul II, saint Jean-Paul II, au début de ce deuxième millénaire, et comme nous y appelle avec vigueur le pape François, nous sommes appelés à repartir du Christ, comme l’a fait à sa manière le Père Chaminade en des temps de troubles et d’opposition à la Tradition catholique. C’est le Christ qui nous appelle sans cesse à comprendre la nouveauté de sa présence en ce monde. Il est vivant. Il est présent et c’est cette expérience de la rencontre du Christ vivant, présent, qui constitue notre vocation et notre mission primordiales.

Comment cela est-il possible ?

Première condition : consentir à être nous-mêmes, nous qui sommes déjà chrétiens, en état d’initiation permanente au mystère du Christ à sa Vérité et à sa Force. L’Esprit Saint nous est donné pour cela, c’est la promesse de Jésus : « Il vous conduira vers la Vérité tout entière » (Jean 14,13). Et la Vérité tout entière du Christ, c’est celle de son mystère pascal fait d’humiliation et de relèvement, de mort et de résurrection et qui vient s’inscrire en nous, pour une vie nouvelle. Les catéchumènes comprennent spontanément cette réalité fondatrice de la vie chrétienne : et même, plus ils sont passés par des épreuves, plus ils perçoivent cette force libératrice et rénovatrice de la Pâque du Christ en eux.

Il nous faut repartir de cet appel à une métamorphose d’abord intérieure qui est toujours en forme de découverte et de commencement, d’initiation. Et cette métamorphose implique un acte de foi primordial, presque antérieur à la foi au Christ. Nous acceptons que le Dieu vivant, par le Christ, vienne en nous et nous transforme, nous métamorphose insensiblement. Par la force de sa présence : j’insiste sur cet élément de force, que nous oublions parfois. Mais c’est la Vérité du Christ : il nous est présent avec la puissance de sa Résurrection. Il n’est pas vaincu. Il ne fait pas de nous des vaincus. Il vient agir en nous, si nous le laissons agir. Le principal obstacle, alors, comme pour les apôtres, dans les récits de l’Évangile, ce n’est pas l’incroyance. C’est la peur, la peur de l’action réelle du Christ en nous. Et c’est le sens des appels que l’apôtre Paul adresse aux premières communautés chrétiennes, comme à celle de Colosses : « Reconnaissez l’œuvre du Christ en vous ! Laissez- vous saisir par elle ! » Comme lui-même a été saisi. La vie chrétienne est un saisissement ininterrompu par le Christ en nous :

« Que le Dieu de notre Seigneur Christ, le Père à qui appartient la gloire… ouvre votre cœur à sa lumière pour que vous sachiez… quelle immense puissance il a déployée en notre faveur à nous les croyants ; son énergie, sa force toute-puissante, il les a mises en œuvre dans le Christ, lorsqu’il l’a ressuscité des morts et fait asseoir à sa droite dans les cieux, bien au-dessus de toute Autorité, Pouvoir, Puissance, Souveraineté et de tout autre nom qui puisse être nommé non seulement dans ce monde, mais dans le monde à venir. » (Colossiens 1,18-21)

Il faut noter les termes employés par Paul et qui font partie de la nouvelle Alliance : puissance, énergie, force. Et cette force, ce dynamisme du Christ ne vient pas seulement agir à l’intérieur de notre humanité, pour la saisir et la renouveler. Cette force du Christ agit dans le monde entier, à travers tout le cosmos. Il est la source d’une création nouvelle.

Les dieux païens sont très humains, trop humains, et ils jouent avec les humains. Ce Dieu Père qui se révèle dans le Christ est totalement différent : il vient vivre à l’intérieur de

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notre humanité réelle. Il assume tout de notre condition humaine, tout de notre finitude, de la naissance à la mort. De Bethléem au Golgotha, Jésus le Christ est vraiment l’Emmanuel, Dieu avec nous en tout ce qui nous constitue dans notre humanité. Mais, en même temps, il nous dépasse infiniment. On ne peut pas mesurer le mystère du Christ selon nos mesures humaines.

Le mystère du Christ touche à la création tout entière. En lui, tout, de l’humanité et du cosmos, est ressaisi et renouvelé. Lisez ou relisez Teilhard de Chardin, et aussi le Père Martelet : tout de l’histoire du monde converge vers le Christ. Écoutez le Cantique des Créatures de François d’Assise ! De la terre au ciel, en passant par les hommes, c’est l’Amour du Christ qui meut le monde.

Cette grandeur du Christ, à la fois présent à notre humanité et présent à l’immensité du cosmos, a pour nous de grandes conséquences. Nous ne pouvons pas être chrétiens et vivre en chrétiens sans participer à une grande passion, qui est celle même du Christ, passion pour Dieu, le Père Créateur, et passion pour ce monde auquel il se lie et se donne.

Voilà la double condition de notre vérité chrétienne.

- Passion pour Dieu et pour l’Amour de Dieu victorieux dans le Christ, au sens fort, intense de passion amoureuse. (Voyez François d’Assise, ou Thérèse d’Avila, ou Thérèse de Lisieux). Se laisser saisir par Lui, le Seigneur, le Fils, quand il fait de nous ses signes, les signes de sa victoire sur tout le mal du monde, les signes de cette Création nouvelle, qui passe aussi par nos corps, comme avec le lavement des pieds, et le baptême.

C’est la passion apostolique, qui peut être vécue par des fidèles laïcs, telle que l’apôtre Paul l’exprime passionnément : « Le connaître Lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances » (Philippiens 3,10) et comprendre que le mystère de la Croix n’est pas un mystère de mort, mais de saisissement et de relèvement.

Et si nous ne percevons pas en nous la puissance de ce mystère, il nous est donné de la percevoir chez d’autres, chez des pauvres et des humiliés qui ne se laissent pas vaincre par la peur, qui apprennent à se relever, comme les infirmes de l’Évangile.

- Passion pour le monde que le Christ vient saisir : car il ne suffit pas de dire « pour le monde », de façon naïve, comme si le principe d’ouverture au monde suffisait. Car le monde est complexe, ambigu, mélangé de bien et de mal, de beauté et de laideur, de bonté et de laideur.

Mais, en vivant du Christ, dans le monde, avec Lui, nous sommes liés à Lui à ceux et celles qui ne le connaissent pas, qui le refusent, ou le tournent en dérision. C’est la passion du Christ pour ce monde parfois si dur qui nous inspire. Comme Madeleine Delbrêl à Ivry : dans notre solitude, parfois si réelle, nous ne cessons pas d’être reliés à Dieu, au Christ, au nom de tous, et avant d’aller parler de Dieu aux autres, nous apprenons à parler des autres à Dieu, par le Christ. Par notre prière, souvent balbutiante, tout de nos relations humaines passe dans le mystère du Christ. C’est la grandeur cachée du ministère de la prière.

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II – VIVRE EN CHRÉTIENS AU MILIEU DES MÉTAMORPHOSES DU MONDE

1. Ces métamorphoses sont aujourd’hui à la fois immenses, accélérées et durables. Le pape François vient d’en prendre la mesure, dans sa dernière encyclique sur la sauvegarde de la maison commune, Laudato si’, d’une façon réaliste et engageante. Il en appelle à la responsabilité de tous, des hommes politiques, des responsables économiques et de chacun de nous.

À partir d’un diagnostic global : nous changeons de civilisation, en raison de la domination de la technologie, qui détermine aussi bien l’action politique que les décisions économiques, et d’une mondialisation qui, en même temps, unifie la planète, mais engendre des processus de déshumanisation. Faut-il subir ces métamorphoses, ou les maîtriser, les orienter, en sachant écouter ce qu’il appelle « les clameurs de la terre », qui souffre parce qu’on ne la respecte pas, et des « clameurs des pauvres », que l’on traite souvent comme des déchets ?

Le pape François s’inspire de François d’Assise, en donnant des éléments pour une

« écologie intégrale » qui puisse à la fois respecter la terre, au lieu de l’épuiser, et reconnaître la dignité des personnes qui souffrent d’être exclues des évolutions du monde.

L’appel du pape François a la forme d’un défi adressé à tous les hommes de bonne volonté, à cause du Christ, en qui se révèlent à la fois la beauté et les gémissements de la création. De la création qui « gémit dans les douleurs d’un enfantement qui dure encore. » (Romains 8,22)

2. Il y a, dans l’analyse et les appels du pape François, une sorte de confiance primordiale. Il est temps d’agir. On ne peut pas se résigner à ce qui déshumanise le monde.

L’amour de Dieu pour le monde peut le sauver.

Je traduirai autrement cette confiance primordiale. Ce temps de métamorphoses est le temps de notre foi. Le temps d’aujourd’hui est le temps de notre foi. Cette conviction vient de cette femme nommée Madeleine Delbrêl qui a vécu à Ivry, dans un monde dominé par un communisme très actif, de 1933 à 1964. Elle a vécu de Dieu dans ce monde où la foi en Dieu était considérée comme une aliénation. Elle a pratiqué ce qu’elle appelle une « évangélisation fraternelle » dans une société où dominait la lutte des classes, et elle savait que cette évangélisation fraternelle passait par une pastorale quotidienne de la bonté et qu’elle ne pouvait pratiquer cette bonté que parce qu’elle puisait à la bonté du Christ, par la prière et par l’adoration eucharistique.

Mais, en même temps que ce travail de ressourcement, il y avait chez Madeleine Delbrêl cette certitude que tout temps de l’histoire est ouvert à Dieu, ou plutôt que Dieu, dans le Christ, est ouvert à tout temps de l’histoire. Dieu est présent dans le monde. Tout être humain peut avoir accès à Dieu, à sa vérité et à sa miséricorde.

Mais cette certitude-là, qui est d’ordre théologal, a une grande importance pour nous, parce qu’elle nous appelle à ne pas désespérer du temps que nous vivons. Il s’agit non pas seulement de ne pas désespérer de l’avenir, mais de vivre l’aujourd’hui de Dieu.

« La foi est une passante. Aucun temps ne lui est réfractaire. Elle n’est réfractaire à aucun temps. Elle est faite pour le temps. Elle est destinée à chaque temps, et quand un temps semble lui être réfractaire, c’est à nous qu’il est sans doute réfractaire, parce que nous

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drainons avec nous le résidu d’un autre temps qui se trouve être contradictoire au temps que nous devons vivre. » (Nous autres, gens des rues, Paris, 1966, p.221-222)

Cette conviction théologale a des conséquences pratiques pour nous, aujourd’hui, encore plus qu’à l’époque de Madeleine Delbrêl. Parce que l’alliance naturelle entre la Tradition catholique et la société française s’est défaite. Notre société n’est plus chrétienne.

Elle est « sortie » de la religion catholique qui l’a façonnée durant des siècles. Elle est devenue sécularisée et pluraliste. Elle a d’autres repères que les repères chrétiens. Ou bien elle manque totalement de repères.

Face à cette situation éprouvante pour beaucoup de catholiques, et notamment pour des grands-parents et des parents, deux attitudes sont possibles :

- ou chercher à reconquérir les terrains perdus, lutter contre les effets négatifs de la sécularisation et chercher à occuper des espaces de pouvoir politique

- ou bien repartir de nos sources vives et avant tout du Christ, le Fils du Dieu vivant, le Ressuscité, le vainqueur du mal et de la mort, en comprenant nous-mêmes que la nouveauté chrétienne peut s’inscrire à nouveau dans notre société d’indifférence, parce que l’indifférence peut nous réveiller et nous obliger à comprendre que nous ne sommes pas en état de survie, mais de métamorphose. À nous de voir, de discerner ce qui germe à travers ce qui disparaît.

Je suis heureux, avec mon expérience de pasteur, d’évêque, de recueillir ces signes, ténus mais réels, de l’action de Dieu parmi nous, ces signes qui ont la forme de nouveaux commencements, plus ou moins cachés, mais réels.

- Des enfants qui demandent d’eux-mêmes à être catéchisés, alors que leurs parents n’ont ni racines chrétiennes, ni mémoire chrétienne. Et ce sont alors les parents qui s’étonnent, et des mamans qui demandent à être initiées au mystère de la foi chrétienne.

- Des jeunes, pareils à ceux à qui je donne le sacrement de confirmation. Je l’ai donné dans onze paroisses de mon diocèse ces derniers mois. Ces jeunes, qui ont entre 14 et 18 ans, portent en eux des questions graves de vie et de mort : « Pourquoi vivre ? Pourquoi aimer la vie ? Pourquoi ne pas se donner la mort ? Comment discerner le bien et le mal ? À qui faire confiance alors que le mensonge est si facile ? Pourquoi aimer et être aimé de façon durable ? Et comment rencontrer le Christ, le connaître, l’écouter, le prier ? »

- Des adultes, souvent blessés par des épreuves personnelles ou familiales, et qui découvrent Dieu comme une force pour vivre et qui demandent à recevoir le baptême, comme pour naître à une vie nouvelle. C’est la belle expérience du catéchuménat.

- Des divorcés, remariés ou non remariés, qui ne veulent pas être traités comme des exclus et qui croient qu’ils ont une place réelle dans nos communautés catholiques.

- Des personnes homosexuelles qui n’osent pas ou ne veulent pas parler de ce qui est constitutif de leur existence, mais qui ne doutent pas d’être eux aussi des enfants de Dieu appelés à aimer et à être aimés. Sans oublier les parents et les familles de ces personnes homosexuelles qui sont tiraillés entre le refus de cette réalité ou l’acceptation facile et superficielle.

- Et aussi des hommes et des femmes qui butent sur l’énigme de la mort, surtout s’il s’agit d’un suicide, et qui ne demandent pas à mesurer leur culpabilité, mais à trouver des raisons d’espérer dans la vie.

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III – LA FIGURE DU COMPAGNON DES PÈLERINS D’EMMAÜS

En ces temps de métamorphoses, qui sont à la fois des temps d’épreuves et des temps d’attentes et de découvertes spirituelles, sous quelle figure le Christ Jésus, Jésus Christ, se révèle-t-il plus spécialement aux temps qui sont les nôtres, marqués par l’incertitude et l’inquiétude du lendemain ? Ou plutôt à quel signe de sa Révélation pouvons-nous nous- mêmes le reconnaître et devenir ses témoins ?

J’ose concentrer mon attention et la vôtre sur le signe d’Emmaüs (Luc 24,13-35).

C’est un signe complexe qui passe par une route, par un long chemin et pas seulement par le moment final de la rencontre. « Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent » (Luc 24,31). Mais le récit de Luc comporte plusieurs étapes qui sont liées les unes aux autres.

Il y a l’étape de la marche commune avec un inconnu qui les rejoint et les écoute, en leur donnant de confier leur souffrance et leur désarroi.

Il y a, de la part de cet inconnu, une « ouverture des Écritures », une longue initiation au mystère de Dieu dans les événements de l’histoire, et à l’événement de sa Passion et de sa Pâque.

Il y a la halte à Emmaüs et le signe de la fraction du pain, dans le silence. Et c’est le signe qui parle.

Écoutons ce récit tellement révélateur, révélateur de Jésus Christ ressuscité et de nous, qui nous ouvrons peu à peu à sa Révélation pascale.

Qui est Jésus à travers ce récit et comment se révèle-t-il ?

Il est cet inconnu qui consent à rester inconnu et qui leur donne de parler et de se livrer en parlant, ou plutôt de livrer leur compréhension de Dieu : Celui qui doit s’imposer au monde, l’Adversaire des méchants.

Il est lié à ce Dieu qui se dit dans l’histoire, et à travers les événements de l’histoire, de Moïse aux prophètes.

Il est Celui qui se livre en rompant le pain, Celui qui a devancé sa mort par le signe du sacrifice.

À partir du Christ qui chemine et qui accompagne, nous sommes appelés à former une Église qui pratique l’art du cheminement et de l’accompagnement.

Accompagner : être avec des personnes, marcher avec elles, mais aussi espérer que des seuils pourront être franchis, que de cœurs fermés s’ouvriront et qu’il y a une grâce du chemin, de la marche commune, de la conversion commune.

À partir du Christ qui ouvre la Parole, donner la Parole de Dieu comme une nourriture de vie, qui demande à être digérée, assimilée, lue avec les yeux de l’amour…

À partir du Christ qui rompt le pain, laisser parler les signes, et les rythmes, et les paroles de l’Eucharistie – ne pas les surcharger et se laisser porter par la liturgie. Que l’Eucharistie nous façonne et nous transforme en membres vivants de ce Corps dont le Christ est la tête et l’Esprit Saint le cœur !

La nouvelle évangélisation passe par cette pédagogie de l’espérance. Dans cette société pétrie d’incertitude, nous sommes appelés à vivre de l’espérance du Christ et, sans rien ignorer de ce qui rend les hommes tristes, à ne pas cacher cette joie qui nous est donnée et que rien ne peut abolir.

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Écoutons à ce sujet la méditation que le pape François a faite de ce récit des pèlerins d’Emmaüs, dans son discours aux évêques du Brésil, à Rio, le 27 juillet 2013 :

« Avant tout, il ne faut pas céder à la peur dont parlait le bienheureux John Henry Newman : “Le monde chrétien est en train de devenir graduellement stérile, et s’épuise comme une terre exploitée à fond qui devient du sable”. Il ne faut pas céder au désenchantement, au découragement, aux lamentations. Nous avons beaucoup travaillé et, parfois, il nous semble être des vaincus, et nous avons le sentiment de celui qui doit faire le bilan d’une période désormais perdue, regardant ceux qui nous laissent ou ne nous considèrent plus comme crédibles, importants.

Relisons à cette lumière encore une fois l’épisode d’Emmaüs (cf. Lc 24, 13-15). Les deux disciples s’enfuient de Jérusalem. Ils s’éloignent de la "nudité" de Dieu. Ils sont scandalisés par l’échec du Messie en qui ils avaient espéré et qui maintenant apparaît irrémédiablement vaincu, humilié, même après le troisième jour (vv. 17-21). C’est le mystère difficile de ceux qui quittent l’Église ; des personnes qui, après s’être laissées illusionner par d’autres propositions, retiennent que désormais l’Église – leur Jérusalem – ne peut plus offrir quelque chose de significatif et d’important. Et alors ils s’en vont par les chemins, seuls avec leur désillusion. Peut-être l’Église est-elle apparue trop faible, peut-être trop éloignée de leurs besoins, peut-être trop pauvre pour répondre à leurs inquiétudes, peut-être trop froide dans leurs contacts, peut-être trop autoréférentielle, peut-être prisonnière de ses langages rigides, peut-être le monde semble avoir fait de l’Église comme une survivance du passé, insuffisante pour les questions nouvelles ; peut-être l’Église avait-elle des réponses pour l’enfance de l’homme mais non pour son âge adulte. Le fait est qu’aujourd’hui, il y en a beaucoup qui sont comme les deux disciples d’Emmaüs ; non seulement ceux qui cherchent des réponses dans les nouveaux groupes religieux, mais aussi ceux qui semblent désormais sans Dieu, que ce soit en théorie ou en pratique. […]

Face à ce panorama, il faut une Église en mesure de tenir compagnie, d’aller au-delà de la simple écoute ; une Église qui accompagne le chemin en se mettant en chemin avec les personnes, une Église capable de déchiffrer la nuit contenue dans la fuite de tant de frères et sœurs de Jérusalem ; une Église qui se rend compte que les raisons pour lesquelles des personnes se sont éloignées contiennent déjà en elles-mêmes aussi les raisons d’un possible retour, mais il est nécessaire de savoir lire le tout avec courage. Jésus réchauffe le cœur des disciples d’Emmaüs.

Je voudrais que nous nous demandions tous aujourd’hui : sommes-nous encore une Église capable de réchauffer le cœur ? Une Église capable de reconduire à Jérusalem ? De réaccompagner à la maison ? Dans Jérusalem habitent nos sources : Écriture, Catéchèses, Sacrements, Communauté, amitié du Seigneur, Marie et les Apôtres… Sommes-nous encore en mesure de raconter ces sources de façon à réveiller l’enchantement pour leur beauté ? […] Il faut une Église qui redonne de la chaleur, et enflamme de nouveau les cœurs.

Il faut une Église encore capable de redonner droit de cité à tant de ses fils qui marchent comme s’ils étaient en exode. »

Références

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