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Troubles de l humeur chez la femme

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Academic year: 2022

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G. Bertschy D. De Ziegler

F. Bianchi-Demicheli

INTRODUCTION

Les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes à faire un épisode de dépression dans leur vie. C’est à partir de la puberté que ce différentiel selon le sexe apparaît : avant chez les filles et les garçons non pubères, il ne semble pas exister de différence de prévalence des troubles dépressifs.

Cela amène tout naturellement à suspecter le rôle de facteurs hormonaux, même si l’on peut avoir une perspective plus large et se rappeler que d’autres choses que des change- ments hormonaux se jouent à l’adolescence. De plus la question de ces facteurs hormonaux trouve d’autres échos avec l’observation de la prévalence élevée de la dépression dans le post-partum et l’existence d’un syndrome prémenstruel où l’humeur dépressive peut être un symptôme marquant. La perspective d’un lien entre dépression et modifications hormonales de la ménopause s’inscrit donc tout naturellement dans cette série d’intrigantes coïncidences qui semblent jalonner la vie des femmes.

Sans refaire un long historique du domaine, l’idée a été longtemps largement répandue que la ménopause était suivie par une augmentation de la prévalence des troubles dépressifs, avant qu’elle ne cède la place à l’évidence : après la ménopause les femmes ne sont pas plus déprimées qu’avant la ménopause.

Mais cette vision s’est affinée et des travaux récents suggèrent que ce n’est pas la période postménopausique qui constitue en soi une période à risque de dé- veloppement de troubles dépressifs mais plutôt la période périménopausique, plus particulièrement peut-être les deux ans situés autour des dernières règles.1,2 Dès lors la question de l’intérêt éventuel d’intervenir sur le plan hormonal plutôt qu’avec des antidépresseurs retrouve une certaine actualité.

DE QUELS TROUBLES DE L HUMEUR PARLE - T - ON ?

Un mot peut en cacher un autre. Les générations successives du système améri- cain de classification de la nosographie psychiatrique (le fameux DSM qui en est à sa quatrième édition3) a popularisé dans le monde des psychiatres l’utilisation du Mood disorders in perimenopausal

women : hormone replacement or antide- pressant therapy ?

Perimenopause (and not the entire postme- nopausal period) is a period at risk for de- pression. Menopause is a psychosocial and physiologic reality whose neurobiological aspects are often under-estimated. Various disturbances, such as hot flushes and, at least in part, depressive disorders, are related to this neurobiological dimension. When the depression is minor, hormone replacement therapy may be an adequate treatment.

Keeping in mind the complex interactions that may occur between endogenous and exogenous progestins at the neuronal level, we would recommend a physiologic replace- ment using transdermal estradiol and vaginal progesterone. When the depression is major, present data do not support the possibility of using hormone replacement therapy ins- tead of antidepressants.

Rev Med Suisse 2005 ; 1 : 2155-61

La périménopause (et non toute la postménopause) est une période à risque pour la dépression et une réalité psychoso- ciale et physiologique dont la dimension neurobiologique est souvent sous-estimée. C’est de cette dimension que relèvent divers troubles comme les bouffées de chaleur, et, en partie, les troubles de l’humeur dépressifs. Lorsque la dépression peut être qualifiée de mineure la substitution hormonale peut suffire comme traitement, en recommandant, en tenant compte des interactions complexes qui peuvent survenir entre pro- gestatifs endogènes et exogènes au niveau neuronal, une sub- stitution physiologique avec estradiol transdermique et pro- gestérone intravaginale. Lorsqu’il s’agit d’une dépression ma- jeure les données actuelles ne permettent pas de proposer de renoncer au traitement antidépresseur pour le traitement hor- monal.

Troubles de l’humeur chez la femme périménopausique : traitement hormonal ou antidépresseur ?

mise au point

Dr Gilles Bertschy

Service de psychiatrie adulte Département de psychiatrie Drs Dominique De Ziegler et Francesco Bianchi-Demicheli Unité d’endocrinologie gynécologique et de médecine de la reproduction Département de gynécologie obstétrique

Dr Francesco Bianchi-Demicheli Consultation de gynécologie psychosomatique et sexologie Département de psychiatrie HUG, 1211 Genève 14

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terme «troubles» là où auparavant auraient été utilisés les termes «maladie» ou «affection» ; dans tous les cas ce terme de «troubles» correspond pour les psychiatres à des entités cliniques justifiant des interventions thérapeu- tiques (quelle que soit la nature de ces dernières). Dans le public le terme «troubles» recouvre un spectre large qui peut inclure des états plus vagues dont le caractère patho- logique n’est pas très évident. Il arrive donc souvent que le terme «troubles de l’humeur» soit compris comme dési- gnant seulement des états cliniques mineurs. Dans le cadre de la périménopause cela correspond alors aux variations modérées de l’humeur dans le sens de l’irri- tabilité ou la tristesse qui peuvent se rencontrer, le plus sou- vent en association avec d’autres symptômes concernant le sommeil ou d’origine vasomotrice.4,5Dans la mise au point ci-dessous, après un rappel général concernant la méno- pause, nous allons traiter les deux aspects séparément, d’une part les perturbations mineures de l’humeur et d’autre part les états dépressifs majeurs de la périménopause, même si cette séparation n’est pas toujours évidente.

LA MÉNOPAUSE : ENTRE PSYCHOLOGIE ET NEUROBIOLOGIE

Les troubles mineurs qui accompagnent souvent le dé- but de la ménopause ont été décrits déjà dans l’Antiquité.

Cependant ce n’est qu’en 1824 que Charles Prosper Narcisse de Gardanne forge, pour la première fois, le terme méno- pause en décrivant la femme ménopausée comme étant morose, angoissée, taciturne, regrettant sans fin des jouis- sances perdues avec l’âge. Cette crise psychique prend origine dans une multiplicité de facteurs qui sont à la fois biologiques, culturels, sociaux, et anthropologiques.

D’un point de vue anthropologique, il existe une gran- de variété de représentations de la ménopause à travers les différentes cultures. Dans les sociétés occidentales, par exemple, la ménopause crée une situation conflictuelle avec le mythe de la beauté et de la jeunesse éternelles, de l’image du corps, de l’esthétique et de l’apparence.

Sur le plan social, les représentations de la ménopause sont le reflet de la condition féminine dans une société don- née et de la possibilité qui est laissée à la femme d’exis- ter socialement au-delà de toute fonction reproductive et maternelle. Le degré d’autonomie, la réalisation person- nelle, le statut de la personne en tant que femme varient donc selon la société dans laquelle la femme évolue. Ces dif- férentes représentations sociales de la femme jouent un rôle important dans l’acceptation et le vécu de la ménopause.

D’un point de vue culturel, la ménopause est souvent considérée comme la fin de la vie reproductive. Ainsi, en Europe et dans les pays industrialisés, la femme méno- pausée revêt généralement un rôle défavorable : elle porte le lourd fardeau de la fin de son rôle de femme et repré- sente la fin de quelque chose qui est fondamental, à savoir la capacité de donner la vie. La femme alors dévêtue de son rôle reproducteur et sexuel doit se réinventer pour conti- nuer à exister. Dans le même ordre d’idée, la ménopause peut être perçue comme une dissolution de l’identité fémi- nine, voire de l’identité de soi. La femme ménopausée peut alors être considérée comme quelqu’un qui est en train

de perdre son genre. Une femme ménopausée peut ainsi être perçue comme n’étant plus une véritable femme, mais une femme se transformant en une sorte d’homme.

On comprend alors bien que ce passage de l’état non ménopausée à ménopausée, peut générer une crise psycho- logique importante face à la perte, au deuil, aux angoisses de mort, d’abandon et de solitude. Cette crise semble se déclarer essentiellement dans la période périménopausi- que, comme période de transformation qui ouvre une nou- velle étape de la vie de femme. La périménopause repré- sente la rupture avec la période fertile, la première sonnette inexorable du temps qui passe. L’humiliation narcissique que subit alors la femme peut devenir difficile à surmonter, comme le fait à juste titre observer la psychanalyste Hélène Deutsch, qui ajoute que la psychothérapie est difficile et que la résignation sans compensation est souvent la seule solution. Si la ménopause représente une perte, c’est le temps du deuil.

D’un point de vue biologique, la ménopause joue éga- lement un rôle fondamental dans le vécu des premières modifications fonctionnelles et physiologiques de la femme.

Les plus emblématiques des symptômes induits par la ménopause sont les bouffées de chaleur. A côté des bouf- fées de chaleur qui sont immédiatement identifiées comme liées à la carence œstrogénique, il existe une multitude d’autres manifestations cliniques induites par le manque hormonal qui ne sont pas forcément reconnues. Parmi elles, notons la labilité de l’humeur, les troubles de l’attention, les tendances dépressives et les troubles du sommeil. Si le lien entre ces plaintes et le déficit œstrogénique n’est pas établi, ces patientes sont susceptibles de recevoir des trai- tements indirects de leurs symptômes (antidépresseurs pour la dépression, somnifères pour les troubles du som- meil, etc.). Bien évidemment, l’efficacité de ces approches indirectes sur ces troubles de la ménopause est beaucoup moins grande et les effets secondaires potentiellement plus importants. La connaissance de la sémiologie clinique des manifestations neuro-psychologiques du déficit hormo- nal est donc importante.

Le lien entre les bouffées de chaleur et le fonctionnement neuronal est parfois oublié. A la ménopause, les centres hypothalamiques qui règlent le maintien de la températu- re basale du corps ou thermostat se mettent à fonctionner de manière beaucoup moins parfaite.6Ainsi on note une glissade progressive de la température de référence. De 37° C à laquelle cette valeur est normalement fixée, on observe une élévation progressive de la température du corps sans que le thermostat ne réagisse rapidement pour induire des mécanismes de dissipation de température des- tinés à maintenir la température du corps constante. Une fois que la température du corps a subi une élévation excessive (en général 0,5° C), le thermostat se met enfin à réagir. Il en résulte une réaction massive pour dissiper la chaleur avec vasodilatation et sudation intense qui consti- tue la bouffée de chaleur. La température du corps est alors brutalement ramenée vers la référence de départ (37° C).6,7Si la sémiologie de la bouffée de chaleur a été clairement établie, la nature neuro-physiologique du trouble est souvent oubliée dans l’automatisme mental qui lie la bouffée de chaleur à l’état de déficit hormonal causé

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par la ménopause. Ceci est fâcheux dans la mesure où cet oubli conduit à ignorer les autres troubles neuro-psycholo- giques liés au déficit hormonal en privant ainsi ces femmes de bénéficier du traitement spécifique que constitue la substitution hormonale.

Il est important de souligner que du point de vue bio- logique, la ménopause n’est pas une endocrinopathie, mais un des symptômes du processus du vieillissement normal.

En 1841, en Europe, l’espérance de vie d’une femme était d’environ 40 ans alors qu’aujourd’hui elle s’approche de 80 ans. Cette augmentation de l’espérance de vie a non seu- lement déplacé l’âge de la ménopause mais a aussi énor- mément prolongé la phase post-reproductive. Les symp- tômes psychiques mineurs que peut présenter une femme d’âge moyen ne sont donc pas uniquement attribuables à une carence hormonale mais ils s’inscrivent dans un pro- cessus plus complexe, comme celui du vieillissement, dont la ménopause marque un signe évident.

LE TRAITEMENT HORMONAL PEUT SUFFIRE EN CAS DE TROUBLES MINEURS DE L HUMEUR

Les stéroïdes sexuels jouent donc un rôle important dans la neurobiologie de la femme. Ainsi, le remplacement hormonal peut s’avérer efficace dans les symptômes physi- ques et psychiques mineurs de la périménopause. De nom- breuses études ont d’ailleurs montré que la thérapie de substitution hormonale améliore l’état psychologique et le bien-être des femmes ménopausées.8-11Par exemple, des études cliniques ont démontré que les effets des œstro- gènes de remplacement ne sont pas uniquement limités à la résolution de l’instabilité vasomotrice et à des autres symptômes physiques, mais qu’ils agissent aussi sur les troubles de l’humeur, les modifications comportementales et les dysfonctions cognitives.4,5D’autres recherches, pla- nifiées afin de clarifier le mécanisme d’action des œstro- gènes au niveau central, ont également démontré que ces hormones sont capables de moduler l’activité des neuro- transmetteurs, comme les opioïdes et la dopamine, qui sont significativement réduits dans la période ménopausique.

Plus précisément, le traitement œstrogénique peut aug- menter l’activité dopaminergique.11

Ainsi les troubles mineurs de l’humeur qui apparaissent dans la période périménopausique sont souvent soulagés par le traitement de substitution hormonale. Par ailleurs, son efficacité change aussi selon l’appartenance raciale et culturelle.12,13

EN CAS DE TRAITEMENT HORMONAL POUR DES TROUBLES MINEURS DE L HUMEUR ,

OPTER POUR UNE SUBSTITUTION PHYSIO -

LOGIQUE

Comme nous l’avons vu, le déficit œstrogénique induit par la ménopause peut être la cause de toutes sortes de symptômes qu’il faut savoir reconnaître car leur traitement spécifique sera la substitution hormonale. Enfin, si l’utérus est toujours présent, la substitution œstrogénique doit s’accompagner d’un apport en progestérone ou progestatif afin de protéger contre le risque de cancer de l’endomètre

qui existe si les œstrogènes sont donnés seuls. Il faut savoir que les progestatifs sont à même d’induire des symptômes (iatrogènes) liés aux interactions qui peuvent exister entre ces molécules de synthèse et la progestérone qui est produite au niveau du système nerveux central et qui joue un rôle de tranquillisant endogène(EndoValium)à travers son action au niveau des récepteurs GABAA(tab- leau 1). Dans tous les cas où la substitution hormonale est recommandée pour des troubles neuro-psychologiques, nous recommandons une substitution hormonale physiolo- gique. Pour une substitution physiologique nous préconi- sons de l’estradiol par voie transdermique (timbres trans- dermiques ou gel) et de la progestérone par voie vagina- le car l’apport transdermique n’est pas possible pour cette dernière hormone. L’apport en progestérone vaginale peut se faire de deux manières, soit cyclique (10 jours/mois) soit encombiné-constantpour une option sans règles. Cette dernière approche est souvent préférée par les femmes un peu plus âgées (> 53ans).14

LE TRAITEMENT HORMONAL EST INSUFFI -

SANT EN CAS DE DÉPRESSION MAJEURE

La définition de la dépression majeure est une affaire de convention. Elle réclame la présence d’un nombre suf- fisant de symptômes (cinq au moins sur neuf dont au moins un doit être soit l’humeur dépressive ou la perte d’intérêt) pendant une période minimale.3Cette définition proposée par la classification américaine du DSM-IV3est très proche de celle de la classification de l’OMS.15

En fait s’il y a beaucoup d’études s’intéressant à l’effet des traitements hormonaux et notamment œstrogéniques sur les modifications de l’humeur de la période périméno- pausique16il y a en fait assez peu de travaux étudiant de tels effets dans la dépression majeure et il est difficile d’en tirer une conclusion claire. La plus ancienne étude en double aveugle17a concerné des patientes avec des dé- pressions relativement sévères, en utilisant des fortes doses d’œstrogènes (cinq à vingt fois les doses usuelles de substitution)16et a montré une supériorité de ces derniers mais avec une réponse d’ensemble assez modérée, une réponse franche n’étant présente que chez un quart des patientes. Une autre étude comportant uniquement des dépressions majeures traitées par estradiol transdermique n’a montré aucune différence avec le groupe placebo18à l’inverse de deux études récentes19,20 qui utilisaient du 17βestradiol transdermique (respectivement 50 et 100 µg/jour) et qui avaient cependant un inconvénient commun important : seule une partie (la moitié ou moins) de la population étudiée présentait une dépression majeure et des scores sur les échelles de dépression correspondant aux minimaux habituellement exigés pour les essais cli- niques d’antidépresseurs. Un récent essai en double aveugle concernant l’efficacité du traitement par œstro- gènes dans les dépressions postménopausiques21a donné des résultats négatifs. Ce résultat est à rapprocher d’un autre essai en ouvert qui suggère une efficacité plus impor- tante dans des dépressions modérées périménopausiques que dans des dépressions postménopausiques.22A notre connaissance il n’y a pas eu d’études comparant l’œstrogé-

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nothérapie à un traitement antidépresseur de référence.

Dans le domaine de la dépression majeure il semble difficile de tirer des conclusions définitives. Il est probable qu’il y ait une certaine efficacité clinique dans des dépres- sions modérées périménopausiques. Ces dépressions mo- dérées pourraient parfois remplir les critères d’une dépres- sion majeure (tout est une question de mots et donc de définitions) mais ce ne sont pas les dépressions sévères pour lesquelles l’indication d’un traitement pharmacolo- gique antidépresseur fait l’objet d’un consensus. En l’état actuel des données, et c’est la conclusion à laquelle arrivent aussi deux synthèses récentes,16,23il n’y a pas d’arguments permettant d’envisager l’utilisation des œstrogènes à la

place des antidépresseurs en première intention dans le traitement de la dépression périménopausique. Il est ailleurs intéressant de relever une étude ouverte récente suggérant que des patients non répondeurs à la substitu- tion œstrogénique répondent bien à un traitement anti- dépresseur, en l’occurrence de mirtazapine.24

DÉPRESSION MAJEURE ET POTENTIALISATION DU TRAITEMENT ANTIDÉPRESSEUR PAR LES ŒSTROGÈNES

A côté de la question précédente et de la réponse pro- visoire que nous lui donnons, il reste d’autres questions Tableau 1.Les effets bénéfiques des œstrogènes sont-ils occultés par ceux négatifs des progestatifs ?

• La deuxième hormone ovarienne, la progestérone, est produite dans le cycle menstruel après l’ovulation. En l’absence de gros- sesse, la production de progestérone dure douze à quatorze jours puis s’effondre avec l’involution du corps jaune. En cas de grossesse, la production de progestérone augmente jusqu’à des valeurs phénoménales en fin de grossesse. Le déficit en proges- térone qui s’ajoute au manque d’œstrogène survenant à la méno- pause ne cause pas de symptômes identifiés en soi. Par contre, un apport en œstrogène seul est proscrit lorsque l’utérus est tou- jours présent car il serait susceptible d’induire une hyperplasie ou même un cancer de l’endomètre

• Pour pallier les risques d’une substitution par œstrogènes seuls on ajoute donc aujourd’hui de la progestérone ou un progestatif de synthèse actif par voie orale. Or l’apport d’un progestatif peut être en lui-même une cause d’effets secondaires neuro-psycholo- giques qui sont alors iatrogènes. Nous devons donc savoir recon- naître en plus des symptômes de déficit œstrogénique ceux qui pourraient être induits par l’apport en progestatif. Il convient donc de revoir la physiopathologie des effets neuro-psychologiques de la progestérone et des progestatifs

• L’action de la progestérone s’exerce à la fois par l’intermédiaire de la liaison à son récepteur (PR), activation du génome et synthèse de protéines (action génomique) et par des effets membranaires directs de la progestérone elle-même ou de ses métabolites (action non génomique). Si l’action de la progestérone sur la pro- lifération des cellules endométriales est essentiellement géno- mique, celle exercée sur la contractilité utérine, indispensable au développement et au maintien de la grossesse, est pour une bonne part non génomique. Notamment, un des métabolites ma- jeurs de la progestérone, l’allopregnanolone, se lie sur des sites électifs (hormonaux) du système membranaire GABAA.25 Ce système découvert d’abord au niveau du système nerveux cen- tral (SNC) est en fait très ubiquitaire : il est retrouvé dans toutes sortes de tissus. Au niveau du muscle lisse le système GABAA joue un rôle primordial au sein du faisceau des mécanismes de relaxation et notamment ceux induits par la progestérone qui per- mettent la distension de l’utérus sous l’action du fœtus en crois- sance

• L’activation système GABAA et les interactions allostériques entre les différents modes d’activations stimulent le système dit de lapompe au chloremembranaire qui augmente la différence de potentiel régnant entre l’intérieur et l’extérieur des cellules au repos. L’augmentation de la différence de potentiel a pour consé- quence de diminuer l’excitabilité cellulaire en augmentant l’am- plitude du stimulus nécessaire pour dépolariser la cellule. Au niveau du muscle lisse, l’activation du système GABAAaboutit à une relaxation musculaire comme elle est rencontrée dans l’uté- rus au cours de la grossesse.Au niveau du SNC, l’activation du sys- tème GABAAcomme il est induit par les benzodiazépines a des effets tranquillisants bien connus de ces médicaments25

• L’intermédiaire d’action commun que constitue le système entre les effets des benzodiazépines et de la progestérone explique certains effets communs de ces deux produits. En effet, on connaît depuis longtemps les effets myorelaxants des benzodiazé- pines qui sont utilisées en rhumatologie. De même, les effets de somnolence induits par la progestérone comme notamment au cours de la grossesse sont aussi connus de longue date. Comme les benzodiazépines, l’élévation de la progestérone au cours de la grossesse induit une augmentation de la durée du sommeil asso- ciée à une diminution du temps passé en sommeil paradoxal (REM sleep). Comme l’usage prolongé des benzodiazépines, l’ex- position à la progestérone prolongée induit une augmentation du temps passé à dormir et néanmoins un état de somnolence. Les effetsValium likede la grossesse sont également connus avec les descriptions d’avoir l’impression de planer, ce qui est apprécié par certaines femmes et vécu comme une sensation d’étrangeté et de perte de contrôle par d’autres

• La physiopathologie des effets de la progestérone et de ses métabolites sur le système GABAAexplique également la sémio- logie du sevrage en progestérone rencontré au moment des règles ou du post-partum. Là aussi, les signes cliniques peuvent être pour partie expliqués par analogie à ce qui est rencontré en cas de sevrage après un abus de benzodiazépines. Les effets psy- cho-émotionnels normaux de la période prémenstruelle et les amplifications pathologiques connues dans les dysphories pré- menstruelles sont des actions assimilables à des effets de sevra- ge

• De plus nous savons aujourd’hui que la progestérone et ses métabolites sont également produits au niveau du SNC lui-même et des tissus de soutien (glie). Cette production de progestéro- ne, véritable neuro-hormone, existe chez les deux sexes et chez les femmes à toutes les phases du cycle menstruel et après la ménopause. Donc, outre les effets directs induits par un apport en progestérone ou progestatif, nous devons aussi envisager les effets indirects découlant d’interaction pouvant exister entre le progestatif et la production endogène de progestérone par le SNC

Les interactions entre progestatif de synthèse dont les effets génomiques sont identiques à ceux de la progestérone mais dont les propriétés non génomiques sont inconnues, sont complexes et très mal documentées.26 Dans la ménopause, nous devons par conséquent opter pour des solutions pragmatiques simples lors- qu’il est impératif de ne pas ajouter des symptômes neuro-psy- chologiques liés aux traitements à ceux déjà existants (déficit œstrogénique) que l’on cherche à traiter. Pour nous, la base de cette solution pragmatique simple est la substitution hormonale physiologique dans laquelle les hormones ovariennes natives, l’estradiol et la progestérone, sont administrées à des doses phy- siologiques de façon non orale27

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en suspens. Existe-t-il un sous-type de dépression qui bénéficierait plus particulièrement de l’œstrogénothéra- pie ? Est-il utile d’envisager l’œstrogénothérapie comme stratégie de potentialisation en cas de résistance d’une dépression périménopausique au traitement antidépres- seur (potentialisation, ou augmentation, désignant l’ajout de l’hormone au traitement antidépresseur qui est pour- suivi ; c’est par exemple ce que l’on pratique lors de l’ajout de lithium au traitement antidépresseur). Cette approche pourrait être pertinente au vu de certains effets des œstro- gènes sur le système nerveux central.23Mais dans ce do- maine la littérature est encore plus maigre : on ne dispose que de rapports de cas, d’études rétrospectives ou d’étu- des prospectives non randomisées.16Il nous faut donc at- tendre de nouvelles études avant de pouvoir répondre à cette question de façon tranchée : dans l’intervalle les œs- trogènes peuvent rejoindre la liste des stratégies de poten- tialisation non validées auxquelles le praticien expérimenté ne s’interdira pas de recourir après avoir considéré les ris- ques et les inconvénients.

CONCLUSION

En matière de troubles mineurs de l’humeur en général associés aux autres manifestations symptomatiques de la

1 Schmidt PJ, Haq N, Rubinow DR.A longitudinal eva- luation of the relationship between reproductive status and mood in perimenopausal women. Am J Psychiatry 2004;161:2238-44.

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25Belelli D, Lan NC, Gee KW. Anticonvulsant steroids and the GABA/benzodiazepine receptor-chloride iono- phore complex. Neurosci Biobehav Rev 1990;14:315-22.

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27 *De Ziegler D, Meldrum DR. From in vitro fertiliza- tion (IVF) to menopause : Physiologic hormone replace- ment adapted from donor egg IVF may be our best option for hormone therapy. Fertil Steril 2003;80:485-7.

* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

Implications pratiques

C’est la période périménopausique (les deux années autour des dernières règles) et non postménopausique qui est à risque pour la dépression et non toute la période postmé- nopausique

Pour la dépression majeure le traitement de référence reste les antidépresseurs

Pour les troubles mineurs, le traitement de choix s’avère être la substitution hormonale bien que la ménopause ne soit pas une endocrinopathie mais un processus classique du vieillis- sement normal chez la femme

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périménopause, il s’avère qu’ils peuvent être soulagés par le traitement de substitution hormonale. Néanmoins, s’ils persistent ou s’aggravent, une prise en charge psychophar- macologique et psychothérapeutique est utile.

Pour ce qui est des dépressions majeures, dans l’attente de nouvelles évidences, il est raisonnable de continuer d’utiliser les antidépresseurs en première intention.

Références

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