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Utilisation de la canneberge dans les infections urinaires récidivantes Use of cranberry in chronic urinary tract infections

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Revue générale

Utilisation de la canneberge dans les infections urinaires récidivantes Use of cranberry in chronic urinary tract infections

F. Bruyère

Service durologie, CHRU Bretonneau, 2, boulevard Tonnelle, 37044 Tours, France Reçu le 7 décembre 2005 ; accepté le 22 mai 2006

Disponible sur internet le 18 juillet 2006

Résumé

Objectif.–Les infections urinaires récidivantes de la femme posent le problème de leur fréquence et de leur traitement. Jusqu’à présent les antibiotiques donnés empiriquement au long cours permettaient de diminuer l’incidence des crises au prix des effets indésirables et de risque de résistance liés au traitement. Des études ont montré l’intérêt de l’utilisation de la canneberge dans cette indication. Nous avons effectué l’analyse de la littérature pour éclaircir les indications de prescription de ce fruit.

Résultats. –Des études randomisées ont été réalisées, elles confirment que la canneberge contient un élément appelé proanthocyanidine capable d’inhiber l’adhésion du colibacille à l’urothélium par ses pili. Les séries cliniques montraient une diminution de l’incidence des cystites chez les femmes traitées préventivement par la canneberge. Il ne semblait pas y avoir d’efficacité pour diminuer les bactériuries chez les malades présentant une vessie neurologique avec autosondage. Nous n’avons pas retrouvé d’étude sur la prise postcoïtale de canneberge pour diminuer l’incidence des cystites récidivantes. Les produits et dosages utilisés dans ces études restaient hétérogènes et ne permettent pas de conclure sur la galénique idéale.

Conclusion.–La canneberge possède des éléments capables d’empêcher l’adhésion du colibacille à l’urothélium laissant prédire une efficacité dans les infections urinaires. Les études cliniques confirment l’intérêt de cette baie dans le traitement préventif de certaines cystites de la femme.

Les modalités de prescription restent à définir.

© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Objective.–Chronic cystitis in women is frequent and difficult to treat. Up to now, an empirical prescription of antibiotics could decrease the frequency of acute episodes but with adverse effects and increasing risks of resistance. Studies have shown that cranberries should be used for that indication. We made a systematic review of literature to demonstrate how to use the cranberry.

Results.–Randomized studies confirmed that the proanthocyanidin contained in cranberries can eliminateEscherichia coliadhesion to the urothelium. Clinical studies showed that the incidence of acute cystitis decreased when treated by cranberries. On the other hand, patients with a neurogenic bladder and intermittent catheterization do not seem to benefit from the fruit. We did not find any study on postcoital use of cran- berries. Various substances and doses were used in these studies and we could not conclude on best galenic presentation to prescribe.

Conclusion. –Cranberries can inhibit E. coliadhesion to the urothelium and could be useful to treat urinary infections. Clinical studies confirm the probable benefit of this fruit as a prophylactic treatment for female cystitis. Prescriptions modalities remain to be defined.

© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés :Canneberge ; Urologie ; Cystite Keywords:Cranberry; Urology; Cystitis

http://france.elsevier.com/direct/MEDMAL/

Adresse e-mail :franck.bruyere@wanadoo.fr(F. Bruyère).

0399-077X/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

doi:10.1016/j.medmal.2006.05.001

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1. Introduction

La cystite chez la femme est un problème de santé publique.

Un quart des femmes auront une infection urinaire au cours de leur vie. L’incidence chez les femmes âgées passe à 50 %. La récidive de telles infections malgré le traitement antibiotique ainsi que la morbidité de ces traitements a motivé l’apparition de traitements non médicamenteux comme l’ingestion de can- neberge.

Escherichia coli(E. coli) est l’agent pathogène le plus fré- quemment responsable des infections urinaires[1]. La majorité des études sur la canneberge portent sur cette bactérie.

Une recherche bibliographique a été effectuée sur les moteurs de recherche Medline, Google, Sciencedirect, et de la Cochrane database en utilisant les mots clés suivants : airelles, vaccinium macrocarpon, canneberge, cranberry, infection.

Seuls les articles ou sites en rapport avec le sujet en langues anglaises ou françaises publiées dans des revues accessibles ont été retenus.

Au total 44 articles ont été recensés et plus de 40 sites en rapport avec la canneberge. Tous les articles ont été analysés.

Trente articles ont retenu notre attention sur les résultats in vitro ou in vivo de la canneberge.

2. La canneberge

2.1. Historique

C’est aux États-Unis dans l’état du Massachusetts que débuta la culture de la canneberge vers 1815. Grâce aux marins qui habitaient Cape Cod, et qui se nourrissaient de ce fruit, la canneberge se fit connaître rapidement. La canneberge était connue des Amérindiens longtemps avant l’arrivée des pre- miers côlons. Ceux-ci l’utilisaient à divers usages : elle ajoutait de la saveur et des vitamines au pemmican (mélange de viande séchée et de graisse assurant la survie en hiver), servait de cata- plasme très efficace sur les blessures mais aussi pour prévenir et traiter les infections des voies urinaires, ainsi que pour soi- gner divers troubles du système digestif, du foie, des reins et du sang. À l’époque où l’on ignorait sa haute teneur en vita- mine C, la canneberge était très appréciée des marins de la Nouvelle-Angleterre durant leurs longues traversées en mer, car ceux qui en mangeaient n’étaient pas victimes du scorbut.

Dès le milieu du XIXesiècle, des médecins allemands contri- buèrent à répandre dans le monde moderne l’usage médicinal de la canneberge pour prévenir et traiter la cystite. Cet usage fut délaissé après la Seconde Guerre mondiale lorsque les anti- biotiques de synthèse devinrent chose commune. On a cepen- dant recommencé à s’intéresser aux vertus médicinales de ces baies dans les années 1960.

2.2. Descriptif de la canneberge

La canneberge (Vaccinium macrocarpon) fait partie de la famille des Éricacées. Elle pousse à l’état naturel sur les sols acides et pauvres des tourbières et des littoraux.

Plusieurs noms désignent ce petit fruit acidulé cousin du bleuet : pomme des prés, atoca ou atoka, airelle et pois de

fagne. En anglais, on la désigne sous le nom de « cranberry ».

Il existe plusieurs variétés de canneberges. La canneberge amé- ricaine (V. macrocarpon) ressemble beaucoup au Vacci- nium oxycoccus, et est souvent considérée comme faisant partie de la même espèce. Ce fruit est cultivé à grande échelle dans certaines parties du nord des États-Unis. D’autres espèces de fruits appartenant au genre Vaccinium sont appelées à tort can- neberge. Ainsi, Vaccinium vitis idaea (myrtille rouge, airelle vigne, airelle rouge) n’est pas cultivé, et se trouve principale- ment en Europe et en Scandinavie où il est transformé en confi- ture ou en jus (« lingonberry »). Seule laV. macrocarpona fait l’objet d’études en urologie. Ses petites fleurs, dont la couleur va du rose au rouge, apparaissent en juin (Photo 1). Les baies rouges, qui mûrissent en septembre, sont à peu près de la même grandeur que celles des groseilles et ont une saveur légè- rement acide. La grande majorité des canneberges est transfor- mée en jus, soit environ 80 % de la production. Cependant, la gamme de produits transformés disponibles s’élargit de jour en jour : biscuits, céréales, confitures, coulis, vodka, sirop d’érable à la canneberge, barres granola, marinades, boissons gazeuses, etc.

2.3. Les produits disponibles

La production commerciale de canneberge se fait presque entièrement aux États-Unis et au Canada. En 2000, les États- Unis ont produit 85 % de la production mondiale soit l’équi- valent de 253 891 500 kg de fruits sur une superficie de 14 800 hectares. Cette production se concentre dans le Massachusetts, le Wisconsin et le New Jersey; il s’en produit également en Oregon et dans l’état de Washington sur la côte ouest. La coo- pérative américaineOcean Spray est présente dans le marché des produits transformés de la canneberge depuis plusieurs années et y exerce son leadership sur les marchés américains et mondiaux. Une panoplie de produits dérivés de la canne- berge sont commercialisés depuis plusieurs années. La dernière nouveauté : le jus de canneberge blanc. Pour la même année, le Canada a produit 28 350 000 kg soit environ 12 % de la pro- duction mondiale. L’entrepriseCanneberges Atokatransforme une bonne partie de la production québécoise, elle commercia- lise entre autre du concentré de jus de canneberges, des canne- berges déshydratées et des compotes de canneberges.La Mai- son Bergevina développé une vaste gamme de produits à base de canneberges tels que sirop, vinaigrettes, tartinades et mari- nades de canneberges. L’entreprise Fruits d’Or se spécialise

Photo 1.

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dans la transformation de canneberges biologiques. Elle pro- duit entre autre des fruits déshydratés qu’elle commercialise jusqu’aux États-Unis.

En médecine les produits disponibles sont recensés dans le Tableau 1.

2.4. Mode d’action de l’airelle

On trouve dans le commerce une boisson communément appelée « cocktail » de canneberge qui renferme de 26 à 33 % de jus, le reste étant constitué d’eau et de sucre ou de fructose. Outre les capsules ou comprimés composés de jus déshydraté, ce sont des boissons de ce type qui ont été le plus souvent employées au cours des essais cliniques.

Quelle que soit la forme, il est conseillé généralement de prendre le produit de canneberge juste avant ou deux heures après les repas. Il est aussi important de boire beaucoup d’eau, particulièrement après la prise de capsules ou de com- primés composés de jus déshydraté.

Bien qu’aucune norme n’ait encore établi pour la standardi- sation des extraits solides de canneberge, l’usage actuel semble favoriser les produits possédant une teneur de 11 à 12 % en acide quinidinique.

Rappel d’uropathogénicité : une des propriétés d’E. coliest sa capacité d’adhérence aux tissus. La structure protéique prin- cipale impliquée dans ce phénomène est l’adhésine dont la forme lui a donné son nom : pili ou fimbriae. Les pili sont des petits filaments permettant la fixation du colibacille à la muqueuse urothéliale. Ces protéines peuvent être mannose résistant ou sensible. Les pili sensibles ou type 1 permettent la liaison entre la bactérie et la cellule. Ces pili seraient inhibés par le fructose (présent dans le raisin, l’orange, la goyave, la mangue et l’ananas). Le pili type P serait inhibé par une subs- tance propre à la canneberge. On appelle cet effet « bacterio- flush ». Le site de fixation des bactéries semble être un diga- lactoside (galactosylgloboside sialosyl = le site privilégié de fixation d’E. coli dans la pyélonéphrite). La canneberge exer- cerait des effets de contre-régulation génétique sur la synthèse de la sous-unité des pili[2]. Une autre hypothèse concerne les protéines de Tamm-Horsfall qui préviennent l’adhérence de certaines souches d’E. coli. La concentration de ces protéines serait modifiée par la canneberge[3].

Dès 1914 la canneberge a été étudiée dans le traitement des infections urinaires [4]. En 1923 Blatherwick considère que

l’effet antibactérien s’exerce par acidification urinaire par l’in- termédiaire de l’acide hippurique[5]. Il faut attendre 1933 pour que Fellers démontre l’absence de modification du pH urinaire après ingestion de canneberge[6]. Quant à l’absence d’effet de l’acide hippurique, c’est Bodel qui confirme que son action ne s’observe qu’à une certaine concentration et un pH à 5 [7].

L’action antiadhérence de la canneberge sur le colibacille a été montrée en 1984 par Sobota[8].

On a d’abord cru que l’effet antibactérien de la canneberge tenait au fait qu’elle acidifiait l’urine. Cet effet est minime.

Ensuite c’est l’activité antiseptique de l’acide hippurique qui a été incriminé. Cet acide induit in vitro une diminution de l’adhérence bactérienne. Les recherches actuelles s’orientent vers l’activité antifixation de la canneberge sur les pili d’E. coli. L’adhésine de type 1 permettant la fixation de la bactérie à la cellule est inhibée en présence de fructose contenu dans tout jus de fruit. En revanche, le pili type P impliqué dans les pyélonéphrites n’est inhibé qu’en présence de jus de canne- berge ou de myrtille[1]. Cet effet antiadhésif est dose dépen- dant.

Ainsi la canneberge empêcherait la fixation bactérienne à la paroi urothéliale, inhibant ainsi son développement. Le jus uti- lisé était du concentré de canneberge sans addition de sucre ou de conservateur obtenu de l’entreprise Ocean Spray. Les études in vitro utilisaient 200 microlitres du cocktail de canneberge.

L’airelle n’a aucune activité antibactérienne sur les souches sans pili. Le produit actif semble être les proanthocyanidini- ques (dérivés des tanins) (PACA) plus présents dans l’airelle américaine que canadienne ou européenne. L’adhérence in vitro est inhibée dès 6 picog/ml [9]. L’ingestion de paca marqué chez le rat a été suivie par une excrétion de 19 % dans les urines, de 45 % dans les selles et de 6 % exhalés.

Le pic d’absorption serait atteint en 45 minutes. L’astringence de ce composé participe aux défenses du fruit face aux agres- sions extérieures. Si le paca a été incriminé dans l’inhibition d’adhérence, il ne doit pas être le seul produit actif puisqu’il est absent dans l’urine des personnes ayant absorbé de l’airelle, alors que leur urine inhibe l’adhérence bactérienne in vitro.

3. Précautions demploi

La canneberge serait impliquée dans une augmentation du risque lithiasique.

Tableau 1

Les produits disponibles en médecine Available medical presentation

Nom de la molécule Laboratoire Présentation Doses disponibles Prix (/mois)

GynDelta C.C.D Gélules 1 gélule/jour 13,5

Urell Pharmatoka Jus 36 mg de paca/10 ml 10 ml/jour 27,4

Oxyrell Pharmatoka Poudre 18 mg de paca/sachet 12 sachets/jour 20,8

Cranberry vitamin C Arkopharma 45 gélules, 250 mg 12 gélules/jour 10

Cran support Natrol 90 Capsules 400 mg 2 gélules/jour 20

Cranberry TruNature 150 capsules de 300 mg 3 gélules/jour 20

Cranberry Conua 345 mg/gélule 46 gélules/jour 20,5

Cystiregul Physcience Sticks unidose 36 mg de paca

+ 130 mg de bruyère + 120 mg de vitamine C

1 stick/jour 16,9

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Il serait donc important de boire beaucoup d’eau lorsqu’on prend des capsules ou comprimés composés de jus de canne- berge déshydraté[10]. Ce fait est probablement lié à la grande quantité d’oxalate que comporte cette baie. La concentration urinaire d’oxalate après ingestion de canneberge ne semble pourtant pas être augmentée [11]. En revanche, l’excrétion d’acide urique serait augmentée[12].

Quant aux diabétiques, ils devraient privilégier les compri- més d’extrait de canneberge ou le jus pur, car les cocktails de canneberge renferment du sucre ou du fructose.

Il n’existe aucune contre-indication recommandée ni aucun effet indésirable recensé.

En ce qui concerne les interactions médicamenteuses, la canneberge pourrait accélérer l’élimination des médicaments métabolisés par les reins puisqu’elle augmente l’élimination urinaire. De plus, le jus de canneberge pourrait modifier l’effet antiacide des antagonistes des récepteurs H2, par modification du pH du liquide gastrique. Il pourrait également influencer l’absorption du kétoconazole (Nizoral®) et de la didanosine (Videx®). Ces faits sont non fondés sur des résultats d’étude.

4. Intérêt en médecine

4.1. Prévention de la cystite

Les auteurs d’une synthèse de cinq essais cliniques publiée en 2000 et mise à jour en 2004 estimaient qu’on ne pouvait conclure à l’efficacité de la canneberge pour la prévention de la cystite. En effet, ces études présentaient de nombreux biais rendant caduques leurs conclusions[13–16]. Celle de Walker présentait une population de 19 femmes dont seulement dix avaient terminé l’étude [17]. L’échantillon était faible et aucune raison de sortie d’essai n’était donnée. De plus, aucune des études citées n’utilisait la version commerciale de l’airelle.

Depuis, deux études cliniques randomisées ont été publiées.

La première, menée en Finlande, portait sur 150 jeunes femmes atteintes de cystites à répétition. Le premier groupe avait reçu 50 ml d’un concentré contenant 7,5 g de canneberge et 1,5 g d’airelle vigne d’Ida (Vaccinium vitis idaea) par jour pendant six mois, le deuxième 100 ml d’une solution à base de Lacto- bacillus GG cinq jours par semaine pendant un an et le troi- sième groupe était le groupe témoin. Les auteurs concluaient

que dans le premier groupe le taux de rechute était 20 % moins élevé que chez les femmes qui n’avaient reçu aucun traitement préventif [18]. Notons que l’étude n’était pas réali- sée en double insu laissant un biais évident. Trois groupes de 70 femmes étaient prévus initialement, le recrutement a dû être stoppé à 150 du fait de l’arrêt de production du jus de canne- berge par le fournisseur. La lecture de l’article n’apporte aucune précision mais nous pouvons nous questionner quant à la rigueur de l’étude.

L’autre essai, mené au Canada, était une étude menée en double insu, à groupes croisés, incluant 150 femmes sexuelle- ment actives [19]. Les effets du jus de canneberge (pris trois fois par jour), des comprimés renfermant un extrait des fruits séchés (même concentration totale que le jus) et d’un placebo ont été comparés pendant un an. Le jus et les comprimés étaient plus efficaces que le placebo pour prévenir les crises de cystite. Le taux de récidive des infections était de 32 % dans le groupe placebo contre 20 % dans le groupe airelle.

Les auteurs ajoutaient que le traitement par comprimé était deux fois moins cher et qu’il présentait un avantage pour ceux qui n’apprécient pas le goût du jus, ce qui avait causé un taux d’abandon élevé au cours des essais cliniques précé- dents. On peut s’apercevoir à trois mois de la considérable diminution de l’observance dans le groupe jus de canneberge sans qu’aucune explication ne soit donnée. De plus, on ne connaît pas la distribution des 15 femmes diabétiques dans les trois groupes, cela pourrait avoir une influence sur les résul- tats du traitement sur la prévention des infections urinaires.

Les résultats d’une étude cas–témoin menée auprès de 86 sujets atteints d’infection des voies urinaires et d’un groupe témoin de 288 personnes ont démontré qu’il existait un lien inverse entre la fréquence des cystites et la consommation régulière de jus de canneberge (OR = 0,48 ; 95 % CI = 0,19–1,02)[20]. Il s’agissait d’une étude qui initialement voulait montrer les effets des pratiques sexuelles sur l’inci- dence des infections urinaires. La question sur l’ingestion de canneberge n’était que secondaire.

Avorn et al. ont étudié l’intérêt de 300 ml de jus de canne- berge chez des personnes âgées pendant six mois [21]. Cent cinquante trois femmes âgées en moyenne de 78 ans, institu- tionnalisées avaient reçu soit 300 ml de jus de canneberge soit un placebo. Seulement 121 personnes ont pu atteindre le terme

Tableau 2

Résumé des études concernant prévention des cystites et canneberge (c) Summary of studies on the prevention of cystitis and cranberries (c)

Étude Nombre de patients Modalités de l'étude Résultats

Kontiokari 2001[18] Randomise 150 femmes 50 ml de c. par jour × six mois vs 100 ml de boisson Lactobacillus

5 j/semaine × 12 mois vs rien

16 % d'infections dans groupe c, 39 % pour Lactobacillus et 36 % pour le placebo Avorn 1994[21] 153 femmes âgées en centre d'hébergement 300 ml de cocktail de c/j × six mois vs

placebo

28 % de bactériurie dans les prélèvement du groupe placebo vs 15 % groupe c

Havekorn 1994[29] 38 personnes âgées (17 ont fini l'étude) 15 ml de jus par jour vs eau × un mois 7/17 ont eude la bactériurie Walker 1997[17] Randomise dix femmes de 1845 ans avec

infections urinaires récidivantes

Capsule 400 mg extrait de c vs placebo le nombre d'infection urinaire une dans groupe placebo, six dans groupe c Stothers 2002[19] Randomise 150 femmes avec infections

urinaires récidivantes 2172 ans

Jus de c. vs comprimé de c/un an Taux de récidive de 18 % avec comprimé, 20 % avec jus et 32 % avec placebo Dignam 1997[30] Analyse rétrospective de 538 personnes Six capsules vs 220 ml de c/jour de 27 à 20 cas d'infection urinaire par mois

grâce à la c

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de l’étude et le groupe canneberge présentait moins d’antécé- dents d’infections urinaires que le groupe placebo. Une bacté- riurie avec pyurie était apparue chez 28 % dans le groupe pla- cebo contre seulement 15 % du groupe airelle. Cela aboutissait à deux fois plus de consommation d’antibiotiques dans le groupe placebo. Les études sont résumées dans leTableau 2.

4.2. Traitement de la cystite

Les seuls essais ayant porté sur le traitement proprement dit de la cystite ont été menés dans les années 1960. Le nombre de sujets était restreint et les protocoles mal décrits [22,23]. De plus, il semble que, dans certains cas, les bactéries résistent à l’action de la canneberge[24].

Une étude randomisée en double insu a montré l’intérêt de l’ingestion de 300 ml de jus de canneberge sur la réduction de la bactériurie et de la pyurie [21]. Les critiques apportées à cette étude sont multiples. La population incluse dans cette étude provenait d’une institution et n’est donc pas extrapolable à une population habituellement touchée par les infections réci- divantes. Le groupe non traité avait un taux d’infection récidi- vante inférieur. Malgré ces critiques, l’étude a généré de l’en- thousiasme à l’utilisation du jus de canneberge.

4.3. Airelle et vessie neurologique

La prévention de l’infection urinaire par l’airelle a été tentée chez le traumatisé médullaire. Linsenmeyer a inclus 21 patients présentant une vessie neurologique liée à un traumatisme médullaire[25]. Deux groupes ont été randomisés : un groupe recevait un placebo et un groupe 400 mg de canneberge trois fois par jour pendant quatre semaines suivies d’une semaine sans traitement. Tous les patients avec des infections urinaires symptomatiques recevaient sept jours d’antibiotique puis sept jours sans traitement avant de recommencer la prise d’airelle.

L’auteur n’a pas trouvé de différence d’incidence d’infection urinaire entre les deux groupes. Waites et al. ont étudié des patients ayant des antécédents de traumatismes médullaires de plus d’un an avec une vessie neurologique, un cathétérisme vésical intermittent et une bactériurie significative [26].

Vingt-six malades avaient reçu 2 g de canneberge concentrée par jour et 22 un placebo. Il n’y avait pas de différence en ce qui concerne le type et le nombre de bactéries retrouvées, la leucocyturie, le pH urinaire et le nombre d’infection urinaire symptomatique sur les suivis mensuels réalisés pendant un semestre. Foda et al. ont réalisé une étude croisée en simple insu sur 40 enfants ayant des cathétérismes intermittents [27].

Les six premiers mois les enfants du groupe 1 recevaient soit 15 ml/kg par jour d’un cocktail à base de canneberge et ceux du groupe 2 de l’eau. Les six mois suivants, les groupes étaient inversés. Les résultats de 31 malades étaient disponibles.

Douze avaient arrêté la prise d’airelle du fait du coût, du goût ou d’une prise de poids liée à la prise d’airelle. Les tests sta- tistiques ne révélaient aucune différence entre les périodes avec ou sans airelle. Le nombre d’échantillons inclus dans cette étude était faible et ne permet pas de conclure. Schlager et al.

ont décrit une étude croisée réalisée en double insu vs placebo portant sur 15 enfants ayant une vessie neurologique avec cathétérisme intermittent [28]. Soixante-quinze pour cent des 151 prélèvements d’urine réalisés lors des périodes placebo étaient positifs contre 75 % des 160 prélevés lors des périodes canneberge. Les germes retrouvés étaient identiques. Les résul- tats de l’utilisation de la canneberge chez les patients présen- tant une vessie neurologique étaient défavorables dans toutes les études reportées. Les études sont résumées dans le Tableau 3.

5. Conclusion

L’ensemble des études a conduit l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) à reconnaître l’intérêt de la canneberge et à autoriser le commentaire suivant :

« contribue à diminuer la fixation de certaines bactéries sur les parois des voies urinaires ». Son efficacité n’est pas démon- trée chez l’enfant ou le traumatisé médullaire réalisant des cathétérismes vésicaux intermittents sur vessie neurologique.

Le dosage et la forme galénique restent à définir par des études comparant les différentes formes et dosages disponibles.

L’utilisation de la canneberge semble diminuer l’incidence des récidives de cystites chez les femmes présentant des infec- tions urinaires récidivantes mais les critères d’éligibilité sont à définir. La prescription en pratique courante devra être motivée par la réalisation de nouvelles études cliniques montrant son efficacité et l’absence de complication à long terme.

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Tableau 3

Résumé des études concernant cystite sur vessie neurologique et airelle Characteristics of studies involving cranberry in patients with neurogenic bladder Waites[26] 58 Vessie neurologique et colonisation

bactérienne

2 g de canneberge concentrée/j vs placebo × six mois

Pas de modification bactériurie, ni leucocyturie, ni nombre d'infection Linsenmeyer[25] 21 vessies neurologiques 400 mg de canneberge trois fois/j × mois

vs placebo

Pas de modification bactériurie, ni de la leucocyturie

Schlager 1999[28] 15 enfants avec vessie neurologique Étude croisée : 300 ml de canneberge concentrée × trois mois vs placebo

Pas de modification bactériurie, ni de la leucocyturie

Foda 1995[27] Randomisé 40 enfants avec vessie neurologique (21 ont fini l'étude)

Étude croisée : cocktail de 15 ml/kg par jour de canneberge × six mois vs eau

Pas de modification bactériurie, ni de la leucocyturie

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Références

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