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Loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant : nouveau cap ou simple ajustement ?

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pratiques professionnelles ». La loi est- elle à la hauteur de telles ambitions, de telles intentions vertueuses ?

On peut d’emblée considérer qu’un cer- tain nombre de réponses attendues par les professionnels concernés figurent dans le nouveau texte. Mais il faut pré- ciser que treize décrets d’application de- vront être rédigés pour la mise en œuvre de certains articles.

La loi se décline en trois grands cha- pitres : améliorer la gouvernance de la protection de l’enfance, sécuriser le par- cours de l’enfant en protection de l’en- fance et adapter le statut de l’enfant placé sur le long terme.

Aux yeux de nombreux professionnels, le texte porte des avancées significatives

L’article 1er de la loi inscrit claire- ment l’enfant, et non plus ses parents, au cœur de la réforme, le désignant clairement comme sujet. Les décisions administratives et judiciaires prises pour sa protection requièrent des visites impératives sur ses lieux de vie en sa présence, et dans tous les cas l’enfant est associé aux décisions qui le concer- nent selon son degré de maturité. Nous verrons à l’usage si ce renversement de paradigme relève de la bonne conscien- ce ou d’une mise en œuvre opération- nelle. La création d’un Conseil national de la protection de l’enfance doit offrir plus de cohérence à un dispositif par nature décentralisé, mais trop souvent

« département dépendant ».

Chaque département devra désigner un médecin référent « protection de l’enfance » chargé d’organiser les coor- dinations entre services départemen- taux, CRIP (Cellule de recueil des infor- mations préoccupantes), médecins libé- raux et hospitaliers, médecins de santé scolaire… (article 7). Nous aurions es- péré que chaque CRIP intègre un pé- diatre, mais le législateur se serait heur- té à la très grande diversité du nombre de signalements d’un département à l’autre et aux difficultés de recrutement médical. Parallèlement, la loi renforce Médecine

& enfance

Après dix-huit mois de navette parlementaire, la nouvelle loi relative à la protection de l’en- fant (loi n° 2016-297) vient enfin d’être promulguée. Ses quarante-neuf articles étaient attendus, la loi du 5 mars 2007 ayant montré ses insuffisances et ses li- mites. De nombreux professionnels, de nombreuses associations, réunis au sein d’un groupe d’appui, ont suivi l’applica- tion de cette loi et ont œuvré en vue de son amélioration. La mort tragique de Marina à l’âge de huit ans en 2009 a une fois de plus mis au devant de la scène médiatique une situation de maltraitan- ce intolérable. Comment un enfant a-t-il pu échapper à la vigilance du dispositif de protection et n’a-t-il pas pu faire l’ob- jet des mesures qui auraient pourtant lé- gitimement dû assurer sa sécurité ? A la suite de ce drame, le rapport de mission confié par le Défenseur des droits à Alain Grevot et publié en juin 2014 a émis des préconisations, notamment

« des modifications de certains textes dans le but de contribuer à une meilleu- re fiabilité du dispositif de protection de l’enfance ». La publication en 2013 du livre de Céline Raphaël « La démesure » ainsi que la démarche de la Haute Auto- rité de santé, qui a publié en juin 2014 une fiche mémo destinée aux profes- sionnels de santé : « Maltraitance chez l’enfant : repérage et conduite à tenir », ont contribué au réveil des médecins en matière de protection de l’enfance.

Le dépôt de la proposition de loi sénato- riale a été accompagné d’une large concertation menée à l’automne 2014, dont les conclusions ont été rendues le 15 juin 2015 lors des assises nationales de la protection de l’enfance. La secré- taire d’Etat chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie a alors présenté une « Feuille de route pour la protection de l’enfance 2015- 2017 », en écho à la proposition de loi, avec deux enjeux majeurs : « faire sortir la protection de l’enfance de l’angle mort des politiques publiques, pour por- ter un projet politique partagé en faveur des enfants les plus vulnérables […] en confortant et soutenant l’évolution des

E D IT O R IA L

Loi du 14 mars 2016 relative

à la protection de l’enfant : nouveau cap ou simple ajustement ?

P. Foucaud,Centre hospitalier de Versailles, président du Groupe de pédiatrie générale (GPG), B. Samson,secrétaire du GPG, administrateur de l’Association française d’information et de recherche sur l’enfance maltraitée (AFIREM)

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l’attention portée à la santé somatique et psychologique des enfants confiés, impérieuse nécessité aux yeux des ac- teurs de terrain.

La prise en compte de la fratrie lors du repérage d’une situation de danger ou de risque. L’article 9 précise qu’à partir d’une information préoccupante touchant à la situation d’un mineur, la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée. Par ailleurs, lorsque l’enfant est confié à l’Aide sociale à l’enfance (ASE), il faut veiller à ce que les liens d’attachement noués par l’enfant avec ses frères et sœurs soient maintenus, dans l’intérêt de l’enfant (article 12).

La loi réintroduit le terme de maltrai- tance, qui avait disparu de la loi de 2007 (article 11). Le président du Conseil dé- partemental est maintenant tenu de transmettre sans délai un signalement

« au procureur de la République aux fins de saisine du juge des enfants lorsqu’un mineur est en danger et […] que ce dan- ger est grave et immédiat, notamment dans les situations de maltraitance ».

Dans ce cas, la maltraitance l’emporte sur la coopération éventuelle des pa- rents, et il n’est pas nécessaire d’attendre l’inefficacité des mesures administra- tives pour saisir l’autorité judiciaire.

Pour les enfants confiés est clairement inscrit le souhait de veiller à la stabilité du parcours inscrit dans le projet pour l’enfant (PPE), dont la place est renfor- cée et le contenu mieux défini (ar- ticle 21). Force est de constater que le parcours des enfants confiés est trop sou- vent marqué par une succession de rup- tures affectives qui s’ajoutent aux sépa- rations familiales initiales. Répondre aux

besoins des enfants, leur assurer une sta- bilité de vie tout en considérant les liens qu’ils ont constitués, et se préoccuper de leur devenir à l’adolescence et lorsqu’ils atteignent la majorité doit s’inscrire dans ce PPE qui pourrait tenir lieu de garde- fou, le mot n’est pas trop fort, à une for- me de maltraitance institutionnelle. Ce PPE est construit en cohérence avec les objectifs fixés dans les décisions adminis- tratives ou judiciaires le concernant.

Les nouveaux articles du Code pénal issus de l’article 44 réintroduisent la qualification d’inceste, en lieu et place des délits d’agression sexuelle et de viols aggravés, ce qui constitue une cla- rification et une avancée.

Plusieurs points cependant suscitent interrogation, voire désapprobation

Dans les situations familiales extrêmes où il a été gravement porté atteinte à l’in- térêt de l’enfant (ou des enfants), le re- trait de l’autorité parentale par l’ASE est abordé sous un angle technique, là où l’on aurait espéré une volonté politique plus déterminée, à l’instar de ce qui est en place au Royaume-Uni ou au Québec, où le nombre d’enfants nationaux confiés à l’adoption est beaucoup plus important.

La déclaration judiciaire de délaissement parental inscrite dans l’article 40 est in- contestablement un progrès. Espérons cependant que les tenants d’une politique du lien familial « coûte que coûte » n’en feront pas une lecture trop interprétative.

On ne peut cependant que se féliciter que

« la simple rétractation du consentement à l’adoption, la demande de nouvelles ou l’intention exprimée mais non suivie d’ef-

fet de reprendre l’enfant ne constituent pas un acte suffisant pour rejeter de plein droit une demande en déclaration de dé- laissement parental ».

Malgré les nombreuses mises en gar- de médicales et éthiques, nationales et internationales, l’article 43 légitime, en l’absence de documents d’identité et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisem- blable, le recours à l’âge osseux afin de déterminer l’âge civil des mineurs isolés étrangers. Mais les pressions exercées en limitent la portée : l’examen ne pour- ra être réalisé qu’avec l’accord de l’inté- ressé, le résultat devra préciser la marge d’erreur, le doute devra profiter à l’inté- ressé. Espérons que les positions expri- mées par un collectif de médecins d’en- fants (dont la Société française de pé- diatrie, le Syndicat national des méde- cins de PMI, l’Association française de pédiatrie ambulatoire…), le Comité des droits de l’enfant de l’ONU et le Défen- seur des droits contribueront à en limi- ter les indications.

Pour conclure, cette nouvelle loi semble indiscutablement un progrès, une évo- lution attendue. Elle risque cependant de souffrir de ses conditions d’applica- tion. Les financements des collectivités territoriales se réduisent drastique- ment, et surtout la place de l’enfant de- vra être revisitée, au prix d’un accompa- gnement et d’une pédagogie volonta- ristes. Mais il faut aussi que tous les pro- fessionnels au contact des enfants et de leurs familles, notamment le corps mé- dical, osent penser à la maltraitance chez l’enfant, et se forment, encore et encore, à son repérage précoce. 첸

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec la rédaction de cet article.

Médecine

& enfance

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