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Embolie pulmonaire grave : remplissage ? diurétiques ? ni l'un ni l'autre ?

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Academic year: 2022

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24 | La Lettre du Cardiologue • N° 495 - mai 2016

EP grave

CONTROVERSE

SYNTHÈSE

Embolie pulmonaire grave : remplissage ? diurétiques ? ni l’un ni l’autre ?

Severe pulmonary embolism: fl uids? diuretics? neither of them?

A. Mercat*

L

a défaillance circulatoire de l’embolie pulmonaire (EP) grave est la conséquence de l’incapacité du ventricule droit à maintenir son volume d’éjection systolique face à une augmentation brutale de sa postcharge essentiellement liée à l’obstacle mécanique que constituent les emboles dans les gros troncs artériels pulmonaires, responsables d’une augmentation des résistances et de l’élastance vasculaire pulmonaire.

L’approche thérapeutique la plus logique en cette circonstance consiste à réduire rapi- dement la postcharge du ventricule droit au moyen du traitement thrombolytique. Bien que le seul essai randomisé contrôlé ayant évalué l’intérêt de la thrombolyse dans l’EP compliquée d’état de choc n’ait inclus que 8 patients (1) , son indication dans cette situa- tion n’est plus discutée (2) . Par ailleurs, les résultats de l’étude PEITHO, qui a inclus des patients à risque dit “intermédiaire élevé”, mais sans état de choc, démontrent bien le bénéfi ce hémodynamique de la throm- bolyse (3) .

À côté de ce traitement étiologique et comme dans toutes les formes d’insuffi sance circula- toire aiguë, la prise en charge de ces patients

relève de mesures symptomatiques. Comme en témoignent les messages divergents des 2 articles consacrés à ce sujet publiés dans ce numéro, le traitement symptomatique optimal des conséquences hémodynamiques de l’EP grave reste cependant assez mal documenté.

Ainsi, la recommandation du recours à l’ex- pansion volémique, bien que très classique, ne repose que sur une seule étude humaine (4), qui, de plus, est en contradiction avec plusieurs études réalisées sur des modèles animaux (5, 6) . Dans cette étude, que nous avions menée, avec J.L. Diehl et G. Meyer, sur un petit collectif de patients souffrant d’EP massive compli- quée d’état de choc, l’expansion volémique modérée (500 ml) induisait une augmentation signifi cative du débit cardiaque (4) . Cependant, bien qu’en grand “bas débit”, aucun des patients inclus ne présentait d’hypotension profonde, probablement du fait du protocole de l’étude, qui prévoyait l’exclusion des patients ayant reçu préalablement une expansion volémique, d’une part, et de l’extrême diffi culté d’inclure des patients ayant une hypotension profonde – donc en situation clinique très instable – dans une étude nécessitant la réalisation de mesures hémodynamiques (cathéter artériel pulmo- naire) avant tout traitement, d’autre part. Ce

* Département de réanimation médicale et médecine hyperbare, CHU et université d’Angers.

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point est d’autant plus important que l’on sait depuis très longtemps que la pression artérielle est un déterminant majeur de la capacité du ventricule droit à répondre à une augmenta- tion de postcharge du fait de son rôle majeur dans la préservation d’une perfusion coronaire droite suffi sante pour répondre à l’augmenta- tion de la demande en oxygène du ventricule droit (7) . De plus, ce point explique très proba- blement les résultats observés dans les études animales, qui montrent un effet délétère de l’expansion volémique. Il faut rappeler ici que, dans ces études, l’embolie est provoquée par des injections répétées sur quelques minutes de thrombus autologues dans la veine cave inférieure, situation bien différente du tableau clinique habituel d’embolie massive, qui est la conséquence, en règle générale, d’une succes- sion d’embolies survenues sur plusieurs jours.

Par ailleurs, dans ces études, l’hypotension étant le critère utilisé pour qualifi er l’embolie de “massive”, tous les animaux étaient profon- dément hypotendus (5, 6) . Enfi n, les volumes perfusés en quelques minutes étaient souvent très importants.

Dans notre étude, l’ampleur de l’effet de l’ex- pansion volémique sur le débit cardiaque variait beaucoup d’un patient à l’autre et était inversement corrélée à la taille du ventricule droit avant expansion volémique.

Il faut ici remarquer que certains de ces patients avaient une dilatation ventricu- laire droite somme toute assez modérée (4) . Au total , les recommandations actuelles, qui proposent une expansion volémique modérée (500 ml), paraissent raisonnables.

Il serait probablement utile d’y ajouter que cette expansion volémique doit être évitée en présence d’une dilatation majeure du

ventricule droit attestée, par exemple, par un rapport du diamètre télédiastolique ventri- culaire droit sur le diamètre télédiastolique ventriculaire gauche, mesuré en échocardio- graphie, supérieur à 1 (8) . Enfi n, il existe une place pour des études relativement simples à mener, utilisant une approche non inva- sive (échocardiographie) et visant à évaluer les effets hémodynamiques de l’expansion volémique, mais également des médicaments vaso actifs au cours du choc de l’embolie grave. Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que la recommandation d’utilisation de la noradrénaline en cas d’hypotension repose sur des études animales bien conduites et concordantes, mais que l’on ne dispose d’au- cune donnée chez l’homme.

La proposition de Ternacle et al. d’administrer des diurétiques peut apparaître, en première lecture, absolument contradictoire avec les données précédentes. Il est cependant essen- tiel de comprendre qu’elle s’adresse à une situation tout à fait différente. En effet, les données suggérant un effet bénéfi que d’un traitement par furosémide concernent des patients souffrant d’EP dite “submassive”, c’est-à-dire avec cœur pulmonaire aigu mais sans choc ni hypotension (9) . Cette situa- tion, qui constituait d’ailleurs la population cible de l’étude PEITHO citée précédemment, est, de fait, beaucoup plus fréquente. Ainsi, la série rétrospective du service de cardio- logie de l’hôpital Henri-Mondor (Créteil) comprend 70 patients avec EP “submas- sive” et seulement 7 avec EP “massive” (9) . L’hypothèse qui sous-tend l’administration de diurétiques au cours de l’EP submassive est que la déplétion induite pourrait réduire la dilatation ventriculaire droite, et ainsi,

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d’une part, diminuer la tension pariétale du ventricule droit – et donc sa demande en oxygène – et, d’autre part, réduire le phéno- mène d’interdépendance diastolique. De plus, la diminution de la pression veineuse induite par les diurétiques pourrait contri- buer à améliorer la perfusion des organes.

Les données rapportées par Ternacle et al.

suggèrent la pertinence de cette approche, qui est d’ailleurs conforme aux recommandations concernant le traitement symptomatique des patients atteints d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) primitive (10) , situation par défi nition chronique mais, de fait, assez similaire à l’EP submassive sur le plan hémo- dynamique. Il s’agit cependant de données

rétrospectives, et on connaît bien les limites de ce type d’analyse. Par ailleurs, cette étude compare des patients ayant reçu du furosé- mide à des patients ayant reçu une expansion volémique, mais pas à des patients n’ayant reçu aucun de ces traitements. Consciente de ces limites, l’équipe de cardiologie de l’hôpital Henri-Mondor a initié un essai randomisé qui, à n’en pas douter, permettra d’argumenter solidement l’attitude à adopter (11) . Dans l’attente des résultats, il apparaît prudent et conforme aux connaissances de n’administrer, chez les patients atteints d’EP compliquée de cœur pulmonaire aiguë mais sans choc ni hypotension, ni expansion volémique ni

diurétique.

1. Jerjes-Sanchez C, Ramírez-Rivera A, de Lourdes García M et al. Streptokinase and heparin versus heparin alone in massive pulmonary embolism: A randomized controlled trial. J Thromb Thrombolysis 1995;2(3):227-9.

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3. Meyer G, Vicaut E, Danays T et al. Fibrinolysis for patients with intermediate-risk pulmonary embolism.

N Engl J Med 2014;370:1402-11.

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Crit Care Med 1999;27:540-4.

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Références bibliographiques

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

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Références

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