• Aucun résultat trouvé

De bien étranges malaises

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "De bien étranges malaises"

Copied!
4
0
0

Texte intégral

(1)

Médecine

& enfance

C A S C L IN IQ U E S

janvier-février 2016 page 13

◗ Infection postnatale à cytomégalovirus : lait maternel et prématurité

◗ De bien étranges malaises

A.A. Lopes, interne en pédiatrie, L. Karaoui, service de réanimation néonatale, Centre hospitalier de Meaux

P our les enfants nés avant 32 se- maines d’aménorrhée (SA) et/ou d’un poids inférieur à 1 500 g, les recommandations interna- tionales s’étaient accordées sur la contre-indication de leur nutrition par lait maternel cru en cas de séropositivi- té maternelle pour le cytomégalovirus (CMV). Ce consensus reposait sur la sé- vérité des infections congénitales à CMV et des infections postnatales dues à une transfusion de sang CMV positif.

En France, les recommandations, émises en 2005, maintiennent cette contre-indication. Mais les recomman- dations américaines de 2012, au regard des bénéfices du lait maternel cru et du faible risque rapporté d’infection post- natale à CMV, recommandent désor- mais la nutrition par lait maternel cru de tous les nouveau-nés.

Nous rapportons le cas d’un enfant né prématuré et décédé d’un sepsis tardif à CMV transmis par le lait maternel.

OBSERVATION

Cet enfant est issu d’une grossesse mo- nochoriale biamniotique compliquée d’un syndrome transfuseur-transfusé. Il est né par césarienne à 27 SA et 4 j avec un poids de naissance de 550 g.

Son évolution est marquée par la néces- sité de trois transfusions (jumeau trans- fuseur) à J0, J10 et J29. Une nutrition entérale par lait maternel a été débutée à

J12 (29 SA et 4 j, 690 g).

Le lait maternel n’était ni pasteurisé ni congelé, mais conservé à 4 °C et ad- ministré sous 24 h.

A 39 jours de vie, l’état clinique de l’en- fant s’est dégradé, avec apparition de bronchospasmes, de bradycardies et d’intolérance alimentaire, puis, dès J52, de signes persistants de sepsis avec in- stabilité hémodynamique. L’enfant dé- cédera à J54.

Ses bilans biologiques montraient une inflammation minime (CRP : 12- 15 mg/dl) avec une thrombopénie (100 à 30 000/mm

3

) et une cytolyse hépa- tique (ASAT : 170 UI/l, ALAT : 65 UI/l).

Aucune origine bactérienne n’a été mise en évidence. Un traitement par céfo- taxime, gentamycine et vancomycine a été conduit de J39 à J49, sans améliora- tion. Des recherches virologiques ont été effectuées à J49. Elles ont montré la présence d’une virurie à CMV avec une PCR positive dans le sang (300 000 co- pies/ml) alors que les PCR CMV faites à J3 sur le sang (sur le test de Guthrie) et à J4 sur les urines étaient négatives. La sérologie CMV de J49 révélait la présen- ce d’IgG et d’IgM (60 UI/l). La PCR réa- lisée à J53 sur le lait maternel était posi- tive. Les sérologies maternelles faites au début, en fin de grossesse et à J53 mon- traient la présence d’IgG et l’absence d’IgM. Les transfusions respectaient un protocole mono-donneur avec du sang

GRAND

PRIX DE GAS TRO

NU

TRITIO

EN N DIA IE TR 20

-51

1 er

lauréat

Infection postnatale à cytomégalovirus : lait maternel et prématurité

04 ja16 m&e cas cliniques 15/02/16 15:19 Page13

(2)

séronégatif pour le CMV, contrôlé néga- tif par PCR CMV.

Le frère jumeau a aussi eu une infection postnatale à CMV, asymptomatique (l’infection a été recherchée et détectée après le décès de son frère). Il a aussi reçu une nutrition entérale par lait ma- ternel cru à partir de J12 et n’a pas reçu de transfusion.

L’autopsie et l’examen histologique ont révélé une déplétion lymphocytaire dif- fuse ainsi que des inclusions cytoplas- miques typiques du CMV dans les pneu- mocytes, les macrophages pulmonaires (figure 1) , les tubules rénaux et le foie.

Une inflammation avec de larges plages de nécrose et des dystrophies cytonu- cléaires épithéliales (évocatrices de lé- sions causées par le CMV) (figure 2) étaient présentes dans l’ensemble du tu- be digestif. Une inflammation cérébrale globale et des foyers de neurophagie lo- calisés dans le tronc cérébral et les

noyaux gris centraux suggéraient une encéphalite à CMV. La culture de diffé- rents prélèvements d’organes n’a mis en évidence aucune présence bactérienne.

DISCUSSION ET CONCLUSION

De plus en plus de cas d’infection post- natale à CMV ont été rapportés chez les prématurés de très petit poids de nais- sance (< 1 500 g). Ils sont associés à des symptômes « sepsis-like » et à une at- teinte multiviscérale. Un seul cas de dé- cès a été rapporté [1] , ce qui explique l’absence de données autopsiques dans la littérature.

Les lésions ici trouvées à l’autopsie sont, pour la plupart, semblables à celles trouvées dans les infections congéni- tales. La grande différence réside dans la présence de lésions au niveau du sys- tème digestif, lésions qui ne sont pas décrites dans les infections congénitales [2] mais qui le sont dans les infections de l’adulte et qui soulignent la contamina- tion via le système digestif.

Dans les infections congénitales, la dé- plétion lymphocytaire diffuse sans im- portante inflammation a été associée à une immaturité immunologique due à la prématurité, soulignant que les lé- sions sont certainement causées par un

effet cytopathique direct du CMV sur les cellules plutôt que par une réaction im- munitaire.

Une contre-indication du lait maternel cru chez tous les prématurés de moins de 32 SA et de moins de 1 500 g ne semble pas être adéquate au vu des bé- néfices du lait maternel et de l’absence de séquelles des infections postna- tales, d’autant qu’il n’existe pas de technique capable de détruire entière- ment le virus tout en conservant les propriétés du lait. Cependant, la levée de cette contre-indication aux Etats- Unis a mis en lumière des infections sévères et de rares cas de mortalité chez les moins de 1 500 g [3] . Chez les prématurés de moins de 32 SA et de moins de 1 500 g, la décision de nutri- tion par lait maternel semble devoir reposer sur un faisceau d’arguments cliniques plutôt que sur des questions de terme ou de poids. 첸

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec la rédaction de cet article.

Références

[1] HAMELE M., FLANAGAN R., LOOMIS C.A. et al. : « Severe morbidity and mortality with breast milk associated cytomegalo- virus infection », Pediatr. Infect. Dis. J.,2010 ; 29 :84-6.

[2] KO H.M., KIM K.S., PARK J.W. et al. : « Congenital cytomega- lovirus infection : three autopsy case reports », J. Korean Med.

Sci.,2000 ; 15 :337-42.

[3] LANZIERI T.M., DOLLARD S.C., JOSEPHSON C.D. et al. :

« Breast milk-acquired cytomegalovirus infection and disease in VLBW and premature infants », Pediatrics,2013 ; 131 :e1937-45.

Médecine

& enfance

janvier-février 2016 page 14 Figure 1

Pneumocytes avec des inclusions cytoplasmiques

Figure 2

Glandes gastriques avec dystrophies cytonucléaires épithéliales

De bien étranges malaises

D’après la présentation de O. Charara, service de pédiatrie, hôpital de Versailles, dans le cadre des staffs du service

Rédaction : M. Joras

O ndine, treize ans, présente de- puis l’âge de neuf ans des ma- laises survenant le plus souvent en milieu scolaire. Dans la majorité des cas, ces malaises associent une hyper- ventilation, une sensation de fourmille- ments au niveau des extrémités et des paresthésies de l’hémicorps gauche.

Certains de ces épisodes s’accompa- gnent de mouvements involontaires de l’hémiface gauche et de troubles transi-

toires de l’élocution. Ondine se plaint

en outre d’un fond de céphalées quasi

permanent, qui ne retentit ni sur son

sommeil ni sur ses performances sco-

laires. Ces céphalées ont une localisa-

tion variable, mais sont le plus souvent

à gauche ; elles sont majorées par la fa-

tigue et la concentration (contrôles sco-

laires). Sur le plan comportemental,

Ondine est décrite par ses parents com-

me timide et maladroite. Devant ces

04 ja16 m&e cas cliniques 15/02/16 15:19 Page14

(3)

symptômes qui évoluent depuis plu- sieurs années, un certain nombre d’exa- mens complémentaires ont été réalisés.

L’électroencéphalogramme (EEG) est normal, ainsi que le scanner cérébral.

Un holter rythmique a mis en évidence un profil vagal important. Ondine a été vue par un psychologue, qui a relevé un manque d’assurance chez une jeune fille ayant par ailleurs « beaucoup de ressources ». L’hypothèse de malaises d’origine vagale est retenue, ainsi que celle d’une migraine accompagnée. De- vant la fréquence des céphalées, Ondine est mise sous amitriptyline, avec des ré- sultats médiocres. Récemment, Ondine est apparue triste, renfermée sur elle- même, solitaire. Ses parents ont obser- vé un infléchissement de ses activités al- lant jusqu’à l’abandon du piano, son ac- tivité favorite ! Les malaises sont plus fréquents, elle est donc amenée en consultation.

C’est une jeune fille maigre sans signe de déshydratation ni de dénutrition.

L’examen neurologique ne trouve ni signe déficitaire, ni syndrome pyrami- dal. L’oculomotricité est normale. L’exa- men cutané est sans particularité. La respiration est spontanée, efficace, et le cœur est régulier sans souffle anormal.

Devant les malaises de plus en plus fré- quents d’Ondine et l’altération de son état général, une angio-IRM cérébrale

est prescrite (figures 1 et 2 ). L’examen met en évidence un aspect de Moya-Moya avec sténose des deux terminaisons ca- rotidiennes, disparition des deux ar- tères cérébrales moyennes et réseau de collatérales perforantes de suppléance.

Il existe un infarctus jonctionnel posté- rieur d’allure séquellaire. Le bilan étio- logique est négatif, avec une échogra- phie cardiaque, une échographie des ar- tères rénales et un bilan d’hémostase normaux. Une prise en charge neuro- chirurgicale a débuté avec une interven- tion de revascularisation bilatérale.

DISCUSSION

« Nuage de fumée » ou Moya-Moya en japonais est l’aspect angiographique qui a donné son nom à la maladie. On parle de maladie de Moya-Moya tant qu’elle est isolée et de syndrome de Moya- Moya en cas d’association à des affec- tions locales ou générales, qu’elles soient acquises ou constitutionnelles.

Il s’agit d’une artériopathie cérébrale chronique rare en pédiatrie (7 % des AVC de l’enfant), caractérisée par une sténo-occlusion progressive des artères carotides internes intracrâniennes et de la partie proximale des artères du poly- gone de Willis avec développement d’un réseau de suppléance fait de néo- vaisseaux fragiles. La prévalence de cet-

te maladie est d’environ 0,3/100 000 en France, presque vingt fois moins qu’au Japon. Des formes familiales, excep- tionnelles en Europe mais relativement fréquentes en Asie et particulièrement au Japon (7 à 12 % des cas), suggèrent une susceptibilité polygénique.

Sur le plan clinique, une sémiologie évoquant des accidents ischémiques cé- rébraux transitoires est le mode de ré- vélation le plus courant. Il s’agit d’épi- sodes stéréotypés et répétés de pares- thésies et/ou d’hémiparésie s’accompa- gnant de manifestations orofaciales et des troubles phasiques. L’hyperventila- tion peut déclencher des accidents hé- morragiques, ce qui rend le diagnostic parfois difficile et oriente à tort vers une origine fonctionnelle (malaise vagal, spasmophilie, etc.). D’autres symp- tômes peuvent être au premier plan : des céphalées brutales ou récurrentes, voire évoluant sur un fond prolongé, qui témoignent d’infarctus ou d’hémor- ragies cérébrales ; des troubles cognitifs ou des troubles de la coordination d’ap- parition brutale, qui signent un accident vasculaire cérébral, ou d’évolution pro- gressive, qui indiquent alors une atro- phie cérébrale ; plus rarement, des mouvements anormaux à type de cho- rée ou des crises comitiales.

Le diagnostic de la maladie de Moya- Moya est posé avec certitude sur les critères de l’angio-IRM ou à l’artério- graphie :

sténose ou occlusion de la portion ter- minale de l’artère carotide interne, de la portion initiale (A1) de l’artère cérébra- le antérieure ou de la portion initiale (M1) de l’artère cérébrale moyenne ;

présence d’un réseau artériel anor- mal ;

bilatéralité des deux premiers critères.

Le caractère idiopathique est défini par l’absence de maladie sous-jacente, à sa- voir : syndrome drépanocytaire majeur, neurofibromatose type 1, trisomie 21, artérites infectieuses ou toxiques, mala- dies inflammatoires, tumeurs de la base de crâne.

La prise en charge de la maladie de Moya-Moya est complexe et multidisci- plinaire. Elle doit prendre en compte Médecine

& enfance

janvier-février 2016 page 15 Angio-IRM cérébrale

A gauche, séquence 3 DT1 après injection de gadolinium MIP : sténose de la partie haute des carotides internes avec circulation collatérale.

A droite, séquence TOF : image en « velouté de fumée ».

04 ja16 m&e cas cliniques 15/02/16 15:19 Page15

(4)

plusieurs paramètres, dont le stade de la maladie, l’âge et le mécanisme des lé- sions (ischémique ou hémorragique).

Outre le traitement médical symptoma- tique (antiépileptiques et antalgiques), le traitement chirurgical reste l’option majeure en cas d’artériopathie primitive active. Plusieurs techniques sont propo- sées pour revasculariser les territoires mal irrigués :

la multicraniotomie : réalisation de plusieurs trous de trépan permettant

aux vaisseaux du cuir chevelu de se dé- velopper à la surface et de traverser vers l’intérieur pour rétablir une circulation efficace dans les zones en souffrance ;

l’anastomose temporo-sylvienne : communication entre l’artère temporale située à l’extérieur du cerveau et l’artère cérébrale moyenne pour améliorer les contraintes circulatoires.

Le pronostic dépend du risque de récidi- ve d’AVC. L’approche neurochirurgicale permet de réduire significativement ce

risque : absence de récidive à cinq ans dans 96 % des cas opérés. 첸

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Pour en savoir plus

CERVCO, centre de référence des maladies rares vasculaires du cerveau et de l’œil, APHP Lariboisière-Fernand Widal, www.cerv co.fr/fr/maladie/syndrome-moya-moya.

GUEY S., TOURNIER-LASSERVE E., HERVÉ D., KOSSOROTOFF M. : « Moyamoya disease and syndromes : from genetics to clini- cal management », Appl. Clin. Genet.,2015 ; 8 :49-68.

SCOTT R.M., SMITH E.R. : « Moyamoya disease and moyamoya syndrome », N. Engl. J. Med.,2009 ; 360 :1226-37.

TAKEUCHI K., SHIMIZU K. : « Hypogenesis of bilateral internal carotid artery », Shinkei,1957 ; 9 :37-43.

Médecine

& enfance

janvier-février 2016 page 16

A B O N N E Z - V O U S A M E D E C I N E & E N F A N C E

NOM

Prénom

Adresse

Code postal, ville

Adresse courriel

Votre spécialité

Je m’abonne (indiquez votre choix en cochant une case)

Particulier ou collectivité Institution Etudiant

Pour un an (10 numéros)

85 €

105 €

53 €

Pour deux ans (20 numéros)

145 €

178 €

90 €

Les articles sont accessibles dès leur parution sur le site de la revue : http://pediatrie.edimark.fr

Je joins un chèque à l’ordre de Edition et communication médicales

Règlement par mandat administratif

Bulletin à photocopier ou à télécharger sur le site et à envoyer à

Médecine & enfance, 42 avenue Bugeaud, 75116 Paris. Un reçu vous sera adressé.

Abonnement réservé aux professionnels de santé

04 ja16 m&e cas cliniques 15/02/16 15:19 Page16

Références

Documents relatifs

Votre lait peut se conserver au réfrigérateur (4 °C) pendant 48h MAXIMUM (pas dans la porte !) Si votre production le permet, vous pouvez congeler votre lait (-18°C). Pour cela,

Ainsi, l’objectif de cette étude a été de valider une méthode de chromatographie liquide simple, adap- tée à un usage en routine, afin de doser les principales benzo-

Le goût du lait maternel évolue : la nourriture que vous mangez pendant la grossesse et l’allaitement change le goût du liquide amniotique et du lait, et peut « programmer »

Communiquer aux parents des informations scientifiques sur le lait maternel implique les familles et les aide à donner le meilleur départ possible à leur nourrisson prématuré

Dans les services de néonatalogie prenant en charge des nourrissons immunodéprimés, les temps de stockage du lait à température ambiante ont tendance à être plus courts que pour

Par voie de conséquence, les indications de stockage sont révisées : le lait enrichi doit être réfrigéré sans attendre, ne doit pas être congelé et doit être consommé dans

Dans notre contexte, seul le lait de vache est considéré comme tel ; la parenté étroite établie par les femmes entre les laits maternel et animal réside dans le fait qu’ils

Après l’accident de Tchernobyl, nous avons entrepris un programme de contrôle de la radioactivité artificielle dans le lait maternel, dans la ville de Rome. Nous avons