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En médico-économie aussi, il faut repenser le cancer !

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La Lettre du Cancérologue • Vol. XXVI - n° 6-7 - juin-juillet 2017 | 261

TRIBUNE

En médico-économie aussi, il faut repenser le cancer !

In medico-economics also, cancer should be reconsidered!

C’est désormais une évidence : les réflexions médico-économiques ne peuvent plus être négligées par les oncologues et tous ceux qui, à un titre ou un autre, sont concernés par l’oncologie. Logiquement, les programmes du congrès annuel de l’Association américaine d’oncologie clinique reflètent cette évolution, qu’il s’agisse d’organiser un séminaire spécifique immédiatement avant le congrès ou de retenir de nombreuses communications orales et des dizaines de posters traitant de ces questions.

Il est important de comprendre les raisons de cette émergence de l’économie parmi les sujets d’intérêt de la communauté oncologique.

Certaines sont évidentes : chacun sait que les moyens disponibles aujourd’hui sont plus efficaces et plus fiables que ceux d’hier, tant en matière de diagnostic, de détection et de caractérisation que de traitement – qu’il soit médical, chirurgical ou par agents physiques. Ce surcroît, dans certains cas majeurs, d’efficacité et de sécurité ne va pas sans une augmentation des coûts.

Les payeurs, qu’ils soient publics ou privés selon les pays et les systèmes, s’interrogent sur leur capacité à continuer de permettre un accès équitable à ces nouveaux moyens de plus en plus onéreux, alors que leurs ressources sont contraintes par une croissance économique moindre.

Il n’est pas nécessaire d’insister ici sur l’incompréhension des prescripteurs et l’inquiétude des patients devant des mesures de restriction dont la justification pseudo-médicale

ne masque pas la véritable motivation, purement financière. Dans le contexte américain, la question est posée de manière particulièrement tendue, et les uns comme les autres s’efforcent de trouver des palliatifs, plus ou moins satisfaisants. L’iniquité croissante dans l’accès aux nouvelles technologies et aux nouveaux traitements est également dénoncée en Europe. Nous savons que, hélas, notre pays et donc nos patients n’y échappent pas.

D’autres raisons sont moins immédiatement perçues par les spécialistes. Ainsi, l’enjeu de la recherche et du développement en matière d’attractivité des différents pays susceptibles d’y concourir est double, sur le plan intellectuel comme sur le plan industriel et financier.

Dans ce contexte, que retenir du point de vue médico-économique en tant que Français à l’issue de ce congrès, par ailleurs riche en résultats fort prometteurs s’agissant de nouveaux agents ou de nouvelles combinaisons thérapeutiques ?

L’idée qui s’impose d’emblée est que nos modes de cotation et de prise en charge n’ont pas évolué autant que l’auraient nécessité les mutations – radicales –

des pratiques.

Ainsi, le diagnostic moléculaire et l’analyse génomique sont aujourd’hui et seront de plus en plus au cœur des stratégies de prise en charge en oncologie. La capacité désormais offerte aux oncologues de mettre en œuvre, pour leurs patients, une médecine de précision, véritablement adaptée, voire spécifique à chacun, devrait faire l’objet d’une réflexion en profondeur, dans laquelle on inclura d’autres innovations, telles que la biopsie liquide. Il faut repenser la prise en charge et créer ou enrichir nos nomenclatures sans délai après qu’une innovation a été reconnue comme largement bénéficiaire pour les patients. Comme cela se fait dans nombre de pays, l’efficience, c’est-à-dire le rapport

Jean-Jacques Zambrowski

Économiste de la santé, université Paris-Descartes.

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TRIBUNE

coût / bénéfice, devrait être systématiquement mesurée et prise en compte dans les choix de la tutelle, à la condition de retenir une perspective large, incluant l’ensemble des variables économiques impactées, coûts augmentés et dépenses évitées par exemple, et sur un terme approprié au plan temporel. Ne considérer que le prix d’un produit ou d’un acte médical et son résultat immédiat n’a en fait que très peu de sens.

Au reste, on a tendance à ne considérer la santé que comme une charge,

et la médecine que comme une somme de coûts. C’est oublier que la santé est un bien, le capital essentiel de chacun de nous. C’est oublier aussi que la médecine, et tout ce qui y concourt, c’est une économie, c’est-à-dire des emplois, de la recherche et du développement, de la production, etc. Il est frappant – et particulièrement

navrant – de voir que la France n’occupe pas la place qui devrait légitimement lui revenir dans les plans de développement clinique désormais internationaux.

La raison avancée est la grande complexité du système administratif mis en place dans notre pays, notamment pour les décisifs essais de phase I. Le tirage au sort des comités de protection des personnes (CPP), instauré dans l’idée de mieux répartir les essais, conduit à ce que les dossiers soient présentés devant des instances qui, manquant d’expérience, font preuve d’une prudence confinant trop souvent à la pusillanimité. Il arrive que la volonté d’égalité ne soit source ni d’équité ni d’efficacité. La compétitivité de la France et de nos équipes hospitalières s’en trouve dommageablement affectée, et cela ne manque pas d’avoir des conséquences, ne serait-ce qu’à leur niveau et à celui de leurs établissements.

Une autre raison de réviser les modes d’évaluation et de prise en charge est liée à l’émergence, nettement perceptible lors de ce congrès américain, de nouvelles approches consistant à recourir à un même agent thérapeutique pour de multiples indications, sur le fondement d’une même mutation. Les arguments qui légitiment ce recours proviennent dans nombre de cas d’études de phase II. Les Agences, aux États-Unis mais aussi ailleurs et notamment en Europe, donnent volontiers un avis favorable à ces dossiers, se traduisant notamment par un accord sur un développement accéléré. Il conviendrait de donner à notre système d’évaluation les moyens de ne pas être, comme c’est souvent le cas, le responsable d’un allongement des délais de mise à disposition effective, là encore au détriment des patients.

Dans le même ordre d’idées, la question a été soulevée lors de ce congrès

de la “rentabilité” de certains traitements. Et d’aucuns de s’interroger par exemple sur le nombre de patients à traiter pour éviter la récidive chez l’un d’entre eux. La question peut, certes, se comprendre, mais, éthiquement, elle n’a guère de sens : si on dispose d’un moyen susceptible d’éviter la récidive d’un cancer, tout devrait pouvoir être fait pour que tous les malades ayant eu un tel cancer puissent bénéficier de ce moyen de ne pas récidiver.

Naturellement, on objectera que les ressources des payeurs ne sont pas illimitées, et qu’il leur faut veiller à l’efficience de leurs financements. Mais on n’oubliera pas non plus que, grâce à ces prises en charge, les malades ainsi traités pourront véritablement guérir de leur cancer. Cela vaut bien cela, et justifie là encore que l’on repense le système.

C’est bien, cette année encore, de la valeur de l’innovation qu’il est question. Quel est le bénéfice apporté par une innovation, à court, moyen et long terme, à un patient et à la cohorte des patients atteints de la même maladie ? Comment mesurer objectivement cette valeur ajoutée ? Comment faire droit au droit des patients d’en bénéficier,

à celui de l’industriel de valoriser son investissement et son risque, à celui du payeur de contenir les dépenses dans l’enveloppe qui lui est allouée, et au régulateur de garantir à la fois l’équité d’accès et la pérennité du système ?

Ceux qui auront assisté à ce congrès comme ceux qui en liront les comptes-rendus ne peuvent pas en douter : sur le plan médico-économique comme sur bien d’autres, il faut repenser le cancer.

J.J. Zambrowski déclare avoir des liens d’intérêts avec Pierre Fabre, Roche, Novartis et Pfizer.

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