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Ayant élu domicile : chez Me R.-M. SUKENNIK, avocat, Rue de Florence, 13, 1000 BRUXELLES,

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(1)

n° 240 425 du 2 septembre 2020 dans l’affaire X / III

En cause : X

Ayant élu domicile : chez Me R.-M. SUKENNIK, avocat, Rue de Florence, 13,

1000 BRUXELLES, contre :

L’Etat belge, représenté par le secrétaire d’Etat à l'Asile et la Migration, chargé de la Simplification administrative et, désormais, par le Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, et de l'Asile et la Migration

LE PRESIDENT F.F. DE LA IIIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 21 avril 2017 par X, de nationalité congolaise, tendant à la suspension et l’annulation de « l’ordre de quitter le territoire (annexe 33bis) pris le 09.03.2017 et notifié le 24.03.17 ».

Vu le titre Ier bis, chapitre 2, section IV, sous-section 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.

Vu le dossier administratif.

Vu l’ordonnance n° 69.316 du 28 avril 2017 portant détermination du droit de rôle.

Vu les arrêts du Conseil n° 196.160 du 5 décembre 2017 et n° 202.022 du 30 mars 2018.

Vu l’arrêt du Conseil d’Etat n° 245.427 du 12 septembre 2019.

Vu l’ordonnance du 22 juillet 2020 convoquant les parties à comparaître le 26 août 2020.

Entendu, en son rapport, P. HARMEL, juge au contentieux des étrangers.

Entendu, en leurs observations, Me I. FONTIGNIE loco Me R.-M. SUKENNIK, avocat, qui comparaît pour le requérant, et Me A. PAUL loco Me E. DERRIKS, avocat, qui comparaît pour la partie défenderesse.

APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT : 1. Faits pertinents de la cause.

1.1. Le requérant a introduit une demande de visa long séjour pour poursuivre des études, laquelle a été rejetée en date du 25 octobre 2012.

Le recours en suspension d’extrême urgence introduit à l’encontre de cette décision a été rejeté par l’arrêt n° 91.201 du 8 novembre 2012.

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En raison de l’absence d’une demande de poursuite de la procédure transmise dans le délai imparti, le désistement d’instance a été constaté par l’arrêt n° 104.917 du 13 juin 2013.

1.2. Le requérant est arrivé en Belgique le 12 novembre 2012 pour y poursuivre des études et a été mis en possession d’une carte A, laquelle a été prorogée régulièrement jusqu’au 31 octobre 2016.

1.3. Le 9 mars 2017, la partie défenderesse a pris un ordre de quitter le territoire, sous la forme d’une annexe 33bis à l’encontre du requérant, lequel a introduit un recours en suspension et annulation devant le Conseil à l’encontre de cette décision.

Par la voie d’une demande de mesures provisoires, le requérant a sollicité que soit examiné en extrême urgence le recours en suspension précité, demande qui a été déclarée irrecevable par l’arrêt n° 196.160 du 5 décembre 2017.

Le recours en suspension et en annulation introduit à l’encontre de cette décision a été rejeté par l’arrêt n° 202.022 du 30 mars 2018, lequel a été cassé par l’arrêt du Conseil d’Etat n° 245.427 du 12 septembre 2019.

Cette décision constitue l’acte attaqué et est motivée comme suit :

« Article 61, §1, 1° : Le Ministre peut donner l'ordre de quitter le territoire à l'étranger autorisé à séjourner en Belgique pour y faire des études s'il prolonge ses études de manière excessive compte tenu des résultats.

Considérant que depuis son arrivée en Belgique, l'intéressé a entamé trois orientations d'études différentes, à savoir « sciences économiques et de gestion », « comptabilité » et « gestion des transports », sans avoir obtenu un seul diplôme de fin d'études au cours des deux orientations précédentes.

Considérant qu'il a également abandonné deux orientations : « commerce extérieur en 2014-2015 » et

«gestion des transports et logistique d'entreprise en 2016-2017 ».

Considérant l'avis rendu en date du 3 février 2017 par PromSoc Supérieur Mons-Borinage, duquel il ressort que l'intéressé s'est désinscrit le 26 janvier 2017. Au vu de « sa fréquentation irrégulière, l'arrêt de ses études pour l’année 2016-2017, le nombre d'écoles dans lesquelles il a été inscrit et la médiocrité de son parcours scolaire depuis son arrivée en Belgique, Monsieur [C.N.] paraît peu motivé quant à la poursuite d'études.

On pourrait donc supposer que l'intéressé prolonge de manière excessive celle-ci ».

Considérant l'avis rendu en date du 26 janvier 2017 par la Haute Ecole Provinciale de Hainaut - Condorcet, duquel il ressort qu'après avoir consulté le corps professoral, il semblerait que la présence aux cours de l'étudiant était régulière. Il avait demandé de se réinscrire pour l'année académique 2016- 2017 mais « vu sa non finançabilité, son inscription a été refusée ». II a introduit un recours, qui a été rejeté par la commission de recours.

Il a introduit alors un recours à l’ARES (Académie de Recherche et d'Enseignement Supérieur) qui a, invalidé le refus de la commission de recours en date du 17/01/2017, au motif que « l'établissement d'enseignement supérieur ne répond pas, dans la motivation formelle de sa décision, à un élément pertinent qui lui a été préalablement soumis par le plaignant, à savoir le décès du frère du plaignant lors des attentats de Bruxelles le 22 mars ». L'intéressé a alors pu se réinscrire le 25/01/2017.

Considérant que l'intéressé a entamé trois orientations d'études différentes sans avoir obtenu un seul diplôme de fin d'études au cours des deux orientations précédentes.

Considérant que le fait qu'il a pu se réinscrire pour l'année académique 2016-2017 n'énerve pas ce constat.

L'intéressé est prié d'obtempérer à l'ordre de quitter le territoire qui lui sera notifié.

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En exécution de l'article 103/3 de l'arrêté royal du 8 octobre 1981 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, modifié par l'arrêté royal du 11 décembre 1996, il est enjoint à l'intéressé de quitter, dans les trente jours, le territoire de la Belgique, ainsi que les territoires des Etats suivants: Allemagne, Autriche, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Islande, Italie, Liechtenstein, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Suède, Estonie, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Pologne, Slovénie, Slovaquie, Suisse, République Tchèque, et Malte, sauf s'il possède les documents requis pour s'y rendre ».

1.4. Par un courrier du 24 avril 2017, le requérant a introduit une demande d’autorisation de séjour de plus de trois mois sur la base de l’article 9bis de la loi précitée du 15 décembre 1980, laquelle a été déclarée irrecevable en date du 22 août 2017. Le recours introduit contre cette décision a été rejeté par l’arrêt n° 202.019 du 30 mars 2018.

2. Exposé de la seconde branche du moyen.

2.1. Le requérant prend un moyen unique de :

« • La violation des articles 58, 60, 61, 62 et 74/13 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers ;

• La violation de l'article 103.2. de l'arrêté royal du 8 octobre 1981 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers ;

• La violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après CEDH);

• La violation des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs ;

• La violation des principes de motivation matérielle des actes administratifs, de sécurité juridique, de proportionnalité, de bonne gestion administrative qui veut que toute décision repose sur des motifs légitimes et légalement admissibles et de la violation du principe selon lequel l'administration doit statuer en tenant compte de l'ensemble des éléments de la cause, du principe de collaboration procédurale, du principe de légitime confiance ;

• L'erreur manifeste d'appréciation ;

• L'insuffisance dans les causes et les motifs ;

• La violation du principe général de droit du respect des droits de la défense et du contradictoire, du principe général de droit audi alteram partem ».

2.2. Dans une seconde branche, il relève que la partie défenderesse a adopté un ordre de quitter le territoire dans lequel elle a indiqué les raisons pour lesquelles elle a refusé de proroger son séjour étudiant. A cet égard, il indique que la partie défenderesse s’est basée notamment sur l’avis rédigé le 3 février 2017 par Promsoc Supérieur Mons-borinage et sur un avis de la Haute Ecole provinciale de Hainaut-Condorcet du 26 janvier 2017.

Or, il soutient que la partie défenderesse a pris l’acte attaqué notamment sur la base d’avis rendus par des établissements scolaires recueillis d’initiative sans lui avoir permis d’en prendre connaissance et sans l’avoir invité à faire part de ses observations à cet égard. Partant, il souligne qu’en raison de son refus de proroger son séjour étudiant, la partie défenderesse a adopté un ordre de quitter le territoire sans l’avoir entendu au préalable.

Il s’adonne à des considérations d’ordre général relatives au principe de minutie et à l’obligation de motivation en se référant à l’arrêt du Conseil n° 190.517 du 16 février 2009 et à l’arrêt du Conseil d’Etat n° 185.724 du 19 août 2008 et relève que « afin de prendre une décision fondée sur des motifs de droit et de fait, exactes et complets, il appartenait à la partie adverse de porter à la connaissance du requérant le contenu de ces avis et de l’inviter à lui faire part de ses commentaires quant à ce et de manière général quant à l’application de l’article 61, § 1er, 1° de la loi du 15.12.1980 et à la délivrance d’un ordre de quitter le territoire ».

Il se réfère à l’arrêt du Conseil d’Etat n° 169.112 du 19 mars 2007 afin de souligner qu’« il en va également de l’application du principe de collaboration procédurale et l’application du principe général de droit « qui impose à l’administration qui s’apprête à prendre une mesure défavorable, d’offrir à l’administré l’occasion d’être entendu, dans des conditions telles qu’il soit en mesure de présenter utilement les arguments propres à sauvegarder ses intérêts ». A cet égard, il affirme qu’il s’agit du principe général de droit belge audi alteram partem, lequel s’impose à la partie défenderesse et que le

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Conseil d’Etat a rappelé, dans l’arrêt n° 230.256 du 19 février 2015, que « Le droit à être entendu, avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts, est consacré par le principe général du droit Audi alteram partem, invoqué par le requérant. Ce droit à être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant I’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts. La règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être mis en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci soit prise, a pour but que l'autorité compétente soit mise à même de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents. Le droit à être entendu doit permettre à l’administration compétente d’instruire le dossier de manière à prendre une décision en pleine connaissance de cause et de motiver cette dernière de manière appropriée, afin que, le cas échéant, l’intéressé puisse valablement exercer son droit de recours ». Dès lors, il considère que ce principe général de droit s’applique dans son cas étant donné que la décision entreprise constitue une mesure défavorable.

Par ailleurs, il mentionne que le principe audi alteram partem est aussi consacré par le droit de l’Union européenne « par le biais des droits de la défense consacré par un principe général du droit de l’Union Européenne ». A cet égard, il reproduit un extrait de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne C-277/11 du 22 novembre 2012 et affirme que « votre Conseil, dans un arrêt du 19 mars 2013, n°141 336 a repris la jurisprudence de la CJUE qui dans son arrêt C-166/13 rendu le 5 novembre 2014 a indiqué que « Le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir, notamment, arrêt M., EU:C:2012:744, point 87 et jurisprudence citée). (...]. Toutefois, selon une jurisprudence de la Cour également constante, les droits fondamentaux, tels que le respect des droits de la défense, n'apparaissent pas comme des prérogatives absolues, mais peuvent comporter des restrictions, à la condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la mesure en cause et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (arrêts Alassini e.a., C-317/08 à C 320/08, EU:C:2010:146, point 63; G. et R., EU:C:2013:533, point 33, ainsi que Texdata Software, C 418/11, EU:C:2013:588, point 84). [...]. Par conséquent, il découle de l’obligation de prendre, à l’égard des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, une décision de retour, prescrite par l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, aux termes d’une procédure équitable et transparente, que les Etats membres doivent, dans le cadre de l’autonomie procédurale dont ils disposent, d’une part, prévoir explicitement dans leur droit national l’obligation de quitter le territoire en cas de séjour irrégulier et, d’autre part, pourvoir à ce que l’intéressé soit valablement entendu dans le cadre de la procédure relative à sa demande de séjour ou, le cas échéant, sur l’irrégularité de son séjour. [...]. Le droit d’être entendu dans toute procédure, tel qu’il s’applique dans le cadre de la directive 2008/115 et, notamment, de l’article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une autorité nationale n’entende pas le ressortissant d’un pays tiers spécifiquement au sujet d’une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l’issue d’une procédure ayant pleinement respecté son droit d’être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour »

Se référant à l’arrêt du Conseil n° 165.466 du 11 avril 2016, il considère qu’en adoptant un ordre de quitter le territoire tel que l’annexe 33bis attaquée, la partie défenderesse applique le droit européen

« puisque « toute décision contenant un ordre de quitter le territoire au sens de la Loi est ipso facto une mise en œuvre du droit européen » ».

De même, il expose qu’en vertu de l’article 74/13 de la loi précitée du 15 décembre 1980, la partie défenderesse est tenue, lors de la prise d’une mesure d’éloignement, de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, la vie familiale et l’état de santé du ressortissant d’un pays tiers. A cet égard, il affirme qu’il s’agit également d’une application de la directive retour 2008/115/CE.

Dès lors, il rappelle que le droit à être entendu s’applique en l’espèce étant donné que la décision entreprise constitue un ordre de quitter le territoire qui met un terme à son séjour étudiant, à savoir une mesure défavorable. Il précise que même si l’acte attaqué a été adopté suite à une demande annuelle de renouvellement du titre de séjour étudiant sur la base de l’article 101 de l’arrêté royal du 8 octobre 1981 auprès de l’administration communale et que, dans ce cadre, il a fourni l’ensemble des documents devant être produits à l’appui de ce type de demande (à savoir des documents relatifs à une prise en

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charge, aux résultats scolaires et à une nouvelle inscription) puisqu’il doit établir qu’il remplit toujours les conditions de l’article 58 de la loi précitée du 15 décembre 1980, il n’en demeure pas moins que « une fois les avis reçus des établissements scolaires, la partie adverse aurait dû les porter à la connaissance de la partie requérante et l’inviter à faire ces remarques quant à ce ».

A cet égard, il reproduit un extrait de l’arrêt du Conseil n° 155.176 du 29 octobre 2015 et indique que,

« bien qu’il ne s’agit pas d’un arrêt relatif à une décision se fondant sur la même base légale que la décision querellée, les situations sont comparables étant donné qu’il s’agit de décisions prises toutes les deux suite à des demandes de renouvellement de séjour temporaire et dans le cadre desquelles l’Office des Etrangers se fonde sur des informations qu’il a lui-même recueillies ».

Partant, il fait valoir qu’il aurait pu donner les explications fournies dans le cadre de la première branche du moyen « tant à propos de sa presque réussite, qu’à propos de son parcours scolaire global et des différentes orientations, ou encore à propos du fait qu’il y avait lieu de donner plus de poids à un avis plutôt qu’à l’autre ».

De surcroit, il reproche à la partie défenderesse de ne pas avoir attiré son attention sur la nécessité de produire des documents relatifs à sa vie familiale en Belgique dans le cadre de l’adoption d’un potentiel ordre de quitter le territoire. Or, il expose qu’il ne pouvait nullement présager de l’application éventuelle de l’article 61, § 1er, 1°, de la loi précitée du 15 décembre 1980 dans le cadre de sa demande de renouvellement et qu’il a fourni de bonne foi l’ensemble des documents sollicités.

Il rappelle que la décision entreprise est un ordre de quitter le territoire, en telle sorte que l’article 74/13 de la loi précitée du 15 décembre 1980 s’applique. Or, il précise avoir une vie privée et familiale sur le territoire étant donné que sa jeune sœur et ses parents sont autorisés au séjour temporaire.

Il ajoute ne plus avoir de noyau familial au pays d’origine dans la mesure où ses parents et sa sœur sont en Belgique, que ses deux frères vivent aux Etats-Unis et que son grand frère avec lequel il avait un lien particulier est décédé dans les attentats de Maelbeek. A cet égard, il souligne être proche de sa belle-sœur avec qui il a vécu et dont le père l’a pris en charge dans le cadre de ses études, qu’il est le parrain de la fille aînée et l’oncle de la deuxième fille de son frère décédé, en telle sorte que « pour ces petites filles, la présence de leur oncle est très importante puisqu’elles le connaissent depuis leur naissance et qu’elles l’associent à leur père si soudainement disparu ; Que l’on pourrait presque dire qu’il s’agit d’une figure paternelle pour elles ; Que la belle-sœur du requérant en a témoigné dans une lettre particulièrement touchante ».

Il affirme que nonobstant le fait qu’il s’agisse pour la plupart de personnes majeures, il s’agit bien de liens familiaux, lesquels doivent être protégés par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales notamment en raison du décès tragique de son frère.

Ensuite, il mentionne que l’ensemble des membres de sa famille se sont constitués parties civiles entre les mains du juge d’instruction et que cet élément fait partie de sa vie privée dans la mesure où il a déjà été convoqué à plusieurs reprises pour être informé de l’évolution du dossier. Il considère donc avoir une vie privée et familiale sur le territoire dont il aurait pu se prévaloir avant la prise de l’acte attaqué s’il avait utilement et effectivement été entendu. En effet, il soutient que la partie défenderesse aurait ainsi pu mettre en balance les différents éléments de sa vie privée et familiale avant l’adoption de la décision entreprise. Or, si tel avait été le cas, la partie défenderesse n’aurait jamais adopté l’ordre de quitter le territoire.

Il relève qu’en tout état de cause, la partie défenderesse était informée du décès de son frère et partiellement de sa vie privée et familiale sur le territoire et, partant, aurait « dû faire preuve de prudence, soit en mettant en balance ce qu’elle savait déjà ou en interrogeant le requérant si elle se considérait insuffisamment informée ».

Dès lors, il fait grief à la partie défenderesse d’avoir méconnu le droit à être entendu, l’article 74/13 de la loi précitée du 15 décembre 1980 et l’article 8 de la Convention précitée, en telle sorte que l’acte attaqué doit être suspendu et annulé.

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3. Examen de la seconde branche du moyen.

3.1. En ce qui concerne le droit d’être entendu, en tant que principe général de l’Union européenne, la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après dénommée la « CJUE ») a jugé qu’« Un tel droit fait en revanche partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l’Union. Le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts », et a précisé que « L’obligation de respecter les droits de la défense des destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts pèse ainsi en principe sur les administrations des États membres lorsqu’elles prennent des mesures entrant dans le champ d’application du droit de l’Union » (CJUE, 5 novembre 2014, Mukarubega, C- 166/13, §44 à 46 et 50).

Le Conseil rappelle également que l’article 61 de la loi précitée du 15 décembre 1980 constitue la transposition en droit belge de l’article 16.1 de la directive 2004/114/CE du Conseil du 13 décembre 2004 relative aux conditions d’admission des ressortissants de pays tiers à des fins d’études, d’échange d’élèves, de formation non rémunérée ou de volontariat, lequel porte que « 1. Les États membres peuvent retirer ou refuser de renouveler un titre de séjour délivré sur la base de la présente directive […]

s’il apparaît que le titulaire ne remplissait pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée et de séjour fixées par l’article 6 et, selon la catégorie dont il relève, aux articles 7 à 11 ». L’article 7.1. b) prévoit que l’étudiant doit « apporter la preuve demandée par un État membre de ce qu’il disposera au cours de son séjour de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance, d’études et de retour. Les États membres rendent public le montant minimum de ressources mensuelles exigé aux fins de la présente disposition sans préjudice de l’examen individuel de chaque cas ; »

Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée est une mise en œuvre du droit européen. Le droit d’être entendu en tant que principe général de droit de l’Union européenne est donc applicable en l’espèce.

En outre, dans un arrêt, rendu le 11 décembre 2014, la CJUE a indiqué que « la règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être mis en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci soit prise a pour but que l’autorité compétente soit mise à même de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents. Afin d’assurer une protection effective de la personne concernée, elle a notamment pour objet que cette dernière puisse corriger une erreur ou faire valoir tels éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent dans le sens que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu […]. Il résulte de ce qui précède que le droit d’être entendu avant l’adoption d’une décision de retour doit permettre à l’administration nationale compétente d’instruire le dossier de manière à prendre une décision en pleine connaissance de cause et de motiver cette dernière de manière appropriée, afin que, le cas échéant, l’intéressé puisse valablement exercer son droit de recours. […] » (CJUE, C-249/13, 11 décembre 2014, Khaled Boudjlida, points 34, 36-37 et 59).

Le Conseil d’Etat a relevé, dans son arrêt n° 230.257 du 19 février 2015, que « Selon la Cour de justice de l’Union européenne, le droit à être entendu, avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts, fait partie des droits de la défense consacrés par un principe général du droit de l’Union européenne (CJUE, C-249/13, 11 décembre 2014, Khaled Boudjlida, point 34).

Ce droit à être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts. La règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être mis en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci soit prise, a pour but que l’autorité compétente soit mise à même de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents. Le droit à être entendu avant l’adoption d’une telle décision doit permettre à l’administration nationale compétente d’instruire le dossier de manière à prendre une décision en pleine connaissance de cause et de motiver cette dernière de manière appropriée, afin que, le cas échéant, l’intéressé puisse valablement exercer son droit de recours (CJUE, C-249/13, 11 décembre 2014, Khaled Boudjlida, points 36, 37 et 59) » (dans le même sens, C.E, 24 février 2015, n° 230.293).

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Partant, eu égard à la finalité de ce principe général de droit, l’autorité compétente doit, pour statuer en pleine connaissance de cause, procéder à une recherche minutieuse des faits, récolter des renseignements nécessaires à la prise de décision et prendre en considération tous les éléments du dossier (dans le même sens : C.E, 19 février 2015, n° 230.257).

De surcroit, quant à l’invocation du droit à être entendu tel qu’il découle de l’adage audi alteram partem, il impose à l'administration qui désire prendre une mesure grave contre un administré d'entendre ce dernier pour lui permettre de faire valoir ses observations quant à ladite mesure ; que ce principe rencontre un double objectif : d'une part, permettre à l'autorité de statuer en pleine et entière connaissance de cause et, d'autre part, permettre à l'administré de faire valoir ses moyens compte tenu de la gravité de la mesure que ladite autorité s'apprête à prendre à son égard (arrêts C.E., n° 197.693 du 10 novembre 2009 et C.E. n° 212.226 du 24 mars 2011).

3.2. En l’espèce, le requérant a sollicité un renouvellement de son autorisation de séjour et à produit, à cette occasion, les documents relatifs à la prise en charge financière, aux résultats scolaires et à la nouvelle inscription.

La partie défenderesse a adopté la décision entreprise après avoir recueilli d’initiative des informations auprès de deux établissements scolaires, à savoir PromSoc Supérieur Mons-Borinage et la Haute Ecole Provinciale de Hainaut – Condorcet. A cet égard, elle a motivé l’acte attaqué en indiquant que

« Considérant l'avis rendu en date du 3 février 2017 par PromSoc Supérieur Mons-Borinage, duquel il ressort que l'intéressé s'est désinscrit le 26 janvier 2017. Au vu de « sa fréquentation irrégulière, l'arrêt de ses études pour l’année 2016-2017, le nombre d'écoles dans lesquelles il a été inscrit et la médiocrité de son parcours scolaire depuis son arrivée en Belgique, Monsieur [C.N.] paraît peu motivé quant à la poursuite d'études.

On pourrait donc supposer que l'intéressé prolonge de manière excessive celle-ci ».

Considérant l'avis rendu en date du 26 janvier 2017 par la Haute Ecole Provinciale de Hainaut - Condorcet, duquel il ressort qu'après avoir consulté le corps professoral, il semblerait que la présence aux cours de l'étudiant était régulière. Il avait demandé de se réinscrire pour l'année académique 2016- 2017 mais « vu sa non finançabilité, son inscription a été refusée ». II a introduit un recours, qui a été rejeté par la commission de recours.

Il a introduit alors un recours à l’ARES (Académie de Recherche et d'Enseignement Supérieur) qui a, invalidé le refus de la commission de recours en date du 17/01/2017, au motif que « l'établissement d'enseignement supérieur ne répond pas, dans la motivation formelle de sa décision, à un élément pertinent qui lui a été préalablement soumis par le plaignant, à savoir le décès du frère du plaignant lors des attentats de Bruxelles le 22 mars ». L'intéressé a alors pu se réinscrire le 25/01/2017.

Considérant que l'intéressé a entamé trois orientations d'études différentes sans avoir obtenu un seul diplôme de fin d'études au cours des deux orientations précédentes.

Considérant que le fait qu'il a pu se réinscrire pour l'année académique 2016-2017 n'énerve pas ce constat.

L'intéressé est prié d'obtempérer à l'ordre de quitter le territoire qui lui sera notifié ».

Toutefois, il ne ressort nullement du dossier administratif que la partie défenderesse aurait invité le requérant à faire valoir, avant la prise de la décision entreprise, des éléments relatifs à sa situation personnelle. Or, force est de relever qu’elle a fondé sa décision sur des informations qu’elle a, d’initiative, recueillies auprès des établissements scolaires fréquentés par le requérant. Dès lors, il appartenait à la partie défenderesse qui envisageait d’adopter un ordre de quitter le territoire sur la base de l’article 61, § 1er, 1°, de la loi précitée du 15 décembre 1980 d’inviter le requérant à faire valoir ses observations, dans la mesure où il ne pouvait anticiper la prise de la décision entreprise basée sur cette disposition lors de la demande de renouvellement, à l’appui de laquelle il devait uniquement produire les éléments requis par l’article 101 de l’arrêté royal du 8 octobre 1981.

Il ressort par ailleurs de la requête introductive d’instance, que, si cette possibilité lui avait été donnée, le requérant aurait fait valoir, notamment, des explications « tant à propos de sa presque réussite, qu’à propos de son parcours scolaire global et des différentes orientations, ou encore à propos du fait qu’il y avait lieu de donner plus de poids à un avis plutôt qu’à l’autre ». Il ajoute que « l’Office des Etrangers n’a pas non plus attiré l’attention du requérant sur la nécessité de produire des documents quant à la vie familiale sur le territoire dans le cadre d’un potentiel ordre de quitter le territoire ; Que le requérant ne pouvait présager de l’application éventuelle de cet article 61, § 1er, alinéa 1er de la loi du 15.12.1980 dans le cadre de son renouvellement ».

(8)

Indépendamment de la circonstance que la partie défenderesse a pris en considération dans la note datant du 9 février 2017, l’article 74/13 de la loi précitée du 15 décembre 1980, il n’en demeure pas moins, qu’elle n’a nullement donné la possibilité au requérant de s’exprimer quant aux éléments recueillis d’initiative auprès des établissements scolaires qu’il a fréquentés depuis son arrivée sur le territoire.

Partant, sans se prononcer sur lesdits éléments, le Conseil ne peut que constater qu’en ne donnant pas au requérant la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue avant l’adoption de l’acte attaqué, qui constitue une décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts, la partie défenderesse a méconnu son droit d’être entendu, en tant que principe général de droit.

3.3. Il résulte de ce qui précède que cet aspect de la seconde branche du moyen est, à cet égard, fondé et suffit à l’annulation de l’acte attaqué. Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner les autres aspects de la seconde branche et la première branche du moyen qui, à les supposer fondées, ne pourraient entraîner une annulation de cet acte aux effets plus étendus.

4. Les débats succincts suffisant à constater que la requête en annulation doit être accueillie, il convient d’appliquer l’article 36 de l’arrêté royal du 21 décembre 2006 fixant la procédure devant le Conseil du Contentieux des Etrangers.

5. La décision attaquée étant annulée par le présent arrêt, il n’y a plus lieu de statuer sur la demande de suspension.

6. Au vu de ce qui précède, il convient de mettre les dépens du recours à la charge de la partie défenderesse.

PAR CES MOTIFS, LE CONSEIL DU CONTENTIEUX DES ETRANGERS DECIDE : Article 1er.

L’ordre de quitter le territoire, pris le 9 mars 2017, est annulé.

Article 2.

Les dépens, liquidés à la somme de cent quatre-vingt-six euros, sont mis à la charge de la partie défenderesse.

Ainsi prononcé à Bruxelles, en audience publique, le deux septembre deux mille vingt par :

M. P. HARMEL, Président f.f., juge au contentieux des étrangers,

Mme R. HANGANU, Greffier assumé.

Le greffier, Le président,

R. HANGANU. P. HARMEL.

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