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Cancers du fumeur à l’épreuve du dépistage

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Academic year: 2022

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Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

27 juillet 2011

actualité, info

L’OMS perd-elle son indépendance, sa pertinence, est-elle trop inefficiente ?

point de vue

Ne boudons pas notre plaisir.

C’est a priori une avancée ma- jeure en matière de cancérologie et de santé publique. Mais c’est aussi une avancée qui soulève une somme non négligeable de questions pratiques, politiques et éthiques. Les derniers éléments de l’affaire viennent d’être rap- portés dans le New England Jour- nal of Medicine.1 A l’initiative de l’Institut national américain du cancer, un groupe de chercheurs révèle les derniers résultats d’une étude nationale lancée aux Etats- Unis en 2002. Cette étude a été menée auprès de plus de 53 000 hommes et femmes volontaires qui, du fait de leur forte consom- mation de tabac (présente ou pas- sée), étaient exposés à un fort risque de cancer broncho-pulmo- naire. Ils ne présentaient au départ aucun des symptômes de cette af- fection. Principale et spectaculaire conclusion de ce travail : il est techniquement possible, grâce à des examens radiologiques spé- cialisés et répétés, de réduire de 20% la mortalité prématurée par cancer broncho-pulmonaire chez

les fumeurs et les anciens fumeurs.

La publication américaine coïncide avec l’annonce, faite en France le 11 juillet par l’Institut national de veille sanitaire, de la dernière esti- mation officielle en date de l’inci- dence et de la mortalité par can- cer pour 2011. Il apparaît ainsi que chez l’homme, le cancer du poumon arrivera en deuxième position (27 500 cas selon les esti- mations). Alors que son incidence baisse légèrement chez l’homme, elle est revanche en forte hausse chez la femme (12 000 nouveaux cas estimés), avec une hausse de 20% par rapport aux estimations de 2010, et une mortalité en constante augmentation (8100 dé- cès envisagés en 2011, soit plus 5%) ; une situation qualifiée de

«préoccupante» par les auteurs de ce travail. Le tabac est de loin le premier facteur de risque de cette pathologie. Le diagnostic est porté à un âge moyen de 65 ans.

L’âge moyen du décès est de 68 ans chez l’homme et de 69 ans chez la femme. C’est dire en trois chiffres de quoi il retourne.

L’avancée potentielle est de taille :

en dépit de leur fréquence et de leur gravité, les cancers broncho- pulmonaires dus à la consomma- tion chronique de tabac résistaient jusqu’à présent aux investigations radiologiques cherchant à établir des diagnostics très précoces ; or seuls ces diagnostics permettent d’espérer une meilleure prise en charge thérapeutique et une amé- lioration des chances de survie.

Faute de disposer d’outils plus performants que la radiographie

thoracique standard, cancérolo- gues et pneumologues se sont longtemps résignés. Jusqu’au mo- ment où – il y a plus de dix ans – les avancées techniques de la ra- diologie laissèrent espérer de substantiels progrès ; et ce grâce au «scanner spiralé à faible dose».

Cet appareil permet, à la diffé-

rence de la radiographie, d’obte- nir des images anatomiques broncho-pulmonaires d’une très grande précision et d’identifier des «nodules» de moins d’un cen- timètre de diamètre. Cette identi- fication permet ensuite de réaliser des prélèvements biopsiques per- mettant de faire, de manière très précoce, la différence entre les lé- sions bénignes et les malignes.

Avant la mise en route de l’étude américaine, on en restait au stade

des espoirs et des hypothèses. Tel n’est plus le cas. Les chercheurs ont, dans un premier temps, constitué par tirage au sort deux groupes parmi 53 454 grands fu- meurs âgés de 55 à 74 ans. Les membres du premier acceptaient un dépistage par le «scanner spi- ralé à faible dose» pratiqué trois

Cancers du fumeur à l’épreuve du dépistage

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Revue Médicale Suisse

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Ce texte a en partie été publié sur Slate.fr, site francophone d’informations en ligne Slate.fr

Bibliographie

1 The National lung screening trial re­

search team. Redu ced lung­cancer mor­

tality with low­dose computed tomogra­

phic screening, June 29, 2011 (10.1056/

NEJMoa1102873).

2 http://blog.ehesp.fr/

Dr Jean Martin La Ruelle 6 1026 Echandens jean.martin@urbanet.ch fois par an. Ceux du second ne

faisaient l’objet que de radiogra- phies thoraciques. Comme le rap- pelle aujourd’hui sur son blog,2 le Pr Antoine Flahault, directeur de l’Ecole française des hautes études en santé publique, cette étude avait été interrompue en novembre 2010 du fait même de l’efficacité statistiquement signifi- cative observée dans le premier groupe : une réduction de 20% de la mortalité prématurée par can- cer et une réduction de la morta- lité toutes causes confondues de 6,7%. Pour ne pas faire perdre de chance aux fumeurs et anciens fu- meurs inclus dans l’essai, les res- ponsables de l’Institut national américain du cancer ont d’ailleurs décidé (à la suite de cet arrêt pré- maturé) de faire bénéficier l’en- semble des participants de scan- ners répétés de dépistage.

«Nos résultats confirment qu’un dépistage par scanner peut per- mettre d’obtenir une réduction du nombre de décès prématurés cau- sés par ce cancer qui tue plus de 150 000 Américains par an, sou- ligne le Dr Denise Aberle (Uni- versité de Californie), spécialiste de radiologie et responsable de l’étude. Cette recherche va égale- ment nous fournir une feuille de route pour élaborer une politique de santé publique sur le dépistage du cancer du poumon dans les années à venir. » Reste à savoir,

précisément, quelle politique de santé publique.

Au vu des résultats obtenus aux Etats-Unis, les priorités sanitaires concernent désormais la définition des populations à risque qui pour- ront bénéficier au mieux d’un tel dépistage ainsi que le rapport coût/efficacité des futurs pro- grammes. Il faudra encore mettre au point les meilleures stratégies de traitement chirurgical une fois

qu’aura été confirmée la présence de petits nodules cancéreux qui demeuraient jusqu’ici invisibles.

Mais il faudra aussi d’ores et déjà compter avec un obstacle de taille : dans près de 90% des cas le résul- tat fourni par le scanner est faus- sement positif. Pour améliorer le rapport coût/efficacité du dépis- tage, les spécialistes estiment qu’il leur faudra parvenir à sélection- ner de manière fine les consom- mateurs chroniques de tabac qui sont les plus exposés au risque de cancers broncho-pulmonaires dé- butants.

«Une fois un consensus exploré et réuni, il y a fort à penser que l’heure sera venue de proposer un examen de dépistage qui per- mettra de sauver des vies à d’an- ciens grands fumeurs, désireux

de s’arrêter, ou s’étant arrêtés mais conservant un fort niveau de risque d’un cancer redoutable qu’il vaudra mieux détecter pré- cocement, plutôt que risquer de n’avoir qu’à le soigner tardive- ment» estime le Pr Flahault. Pos- tulons qu’un tel consensus puisse être bientôt trouvé à l’échelon in- ternational. Postulons aussi qu’en France les pouvoirs publics et l’assurance maladie ne s’oppose- ront pas, pour des raisons finan- cières, au lancement de cam- pagnes de dépistage précoce des cancers du fumeur. Surgiront alors immanquablement des questions inédites et déran- geantes ; à commencer par la ma- nière dont les fumeurs adhéreront ou non à la proposition de dépis- tage qui leur sera alors faite. Au- ront-ils peur de savoir «où ils en sont» et continueront-ils à fumer ? La perspective d’un dépistage les conduira-t-elle au contraire sur la voie du sevrage ?

Apparaîtra aussi rapidement une différence notable entre le dépis- tage de ce cancer et celui du sein (chez la femme de plus de 50 ans), du côlon (chez l’homme et la femme de plus 50 ans) ou du col de l’utérus (chez la femme de plus de 21 ans). Toutes ces cam- pagnes de dépistage font l’objet de recommandations formulées à un niveau international et élabo- rées sur la base de la démonstra-

tion scientifique de leur efficacité (réduction de mortalité prématu- rée). Il pourra certes en aller de même avec le dépistage du cancer du fumeur avec une nuance de taille : ce dernier peut, à la diffé- rence des trois autres, être étroite- ment corrélé à un comportement (la consommation chronique de tabac) qui n’est a priori en rien une fatalité. On peut dès lors rai- sonnablement supposer que des voix s’élèveront pour soutenir que ce dépistage n’a pas à être pris en charge par la collectivité et que cette dernière devrait en toute rigueur investir beaucoup plus largement qu’elle le fait dans la prévention et l’aide massive au sevrage tabagique. Question : pour- quoi les fabricants de cigarettes ne participeraient-ils pas à la prise en charge de ce dépistage ?

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

Les fumeurs auront-ils peur de savoir «où ils en sont»

et continueront-ils à fumer ?

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