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Collaboration entre médecin et médecin-dentiste : l’exemple des bisphosphonates

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198 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 26 janvier 2011 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 26 janvier 2011 0 Les bisphosphonates sont utilisés de­

puis plus de 35 ans pour le traitement de maladies associées à une haute résorption osseuse, en particulier l’os­

téoporose (induite par les stéroïdes, post­

ménopausique), la maladie de Paget, l’hy­

percalcémie et les ostéolyses en relation avec des tumeurs malignes (plasmocytome, métastases osseuses, etc.).1,2 Ils agissent en inhibant les ostéoclastes.3

En 2003, on a constaté pour la première fois une relation entre un traitement par bis­

phosphonates et des ostéonécroses.4 Dans la littérature, les abréviations BON, BONJ ou BRONJ (Bisphosphonate-related osteo- necrosis of the jaws) sont utilisées pour parler d’une ostéonécrose de la mâchoire.

La période moyenne entre le début d’une thérapie aux bisphosphonates et le début d’apparition d’une BONJ est de un à trois ans.5 Ce laps de temps peut varier selon le type de bisphosphonate.6 Le type de bis­

phosphonate peut aussi favoriser la surve­

nue d’une ostéonécrose. Par exemple, l’aci­

de zolédronique, très puissant, provoque plus facilement une ostéonécrose que l’alen­

dronate.7 En moyenne, on constate trois nouveaux cas de BONJ en Allemagne par semaine.

L’apparence clinique typique de l’«os bis­

phosphonate» exposé est celle d’un os dé­

nudé, jaunâtre ou brunâtre, dur, avec une surface rugueuse, qui ne cause aucune dou­

leur, ni saignement au sondage. Cet os BONJ peut être asymptomatique ou au contraire très douloureux, en fonction de l’étendue de la lésion.8

En 2006, les premiers cas d’ostéoné­

croses avasculaires associées aux bisphos­

phonates en dehors de la région orale ont été décrits. Ceci nourrit l’hypothèse que cet effet secondaire n’apparaît pas seulement en région orale, mais pourrait représenter une complication osseuse systémique.9,10

Puisque les bisphosphonates ont une demi­vie dans l’os de dix ans,11 le principe actif se concentre dans les tissus pendant toute la période d’application. Ainsi son ac­

tion est cumulative.12 Pendant longtemps on a considéré que l’administration orale in­

duisait moins facilement le développement d’une BONJ que l’administration intravei­

neuse.13 Des études plus récentes remet­

tent cela en question, car dans la plupart des cas on administre des bisphosphona­

tes moins puissants par voie orale que par voie intraveineuse. Cette différence liée à la voie d’administration n’aurait donc proba­

blement pas été observée si on avait admi­

nistré des bisphosphonates plus puissants par voie orale.14

Un traumatisme local, intraoral, qui per­

met une invasion bactérienne de l’os, peut être à l’origine d’une BONJ. La littérature rapporte les exemples suivants : extractions dentaires, interventions chirurgicales ora­

les, plaies causées par des prothèses mal adaptées et même des traitements de ra­

cine.15 Des BONJ d’apparition spontanée ont aussi été décrites.16,17

Selon les études, l’incidence d’une BONJ est de 2 à 9%.18­20 Pour l’année 2030, l’OMS prévoit que plus de 20% de la popu­

lation mondiale dépasse l’âge de 65 ans.

Un des groupes de médicaments les plus souvent prescrits dans cette tranche d’âge est justement représenté par les bisphos­

phonates. En effet, 190 millions d’ordonnan­

ces pour des bisphosphonates sont déli­

vrées chaque année au niveau mondial.21 Cela pose plusieurs problèmes au prati­

cien. Quel est le risque de développer une ostéonécrose vis­à­vis du bienfait théra­

peutique des bisphosphonates ? Par ana lo­

gie à l’élimination des foyers infectieux oraux avant la mise en place d’une valve cardia que artificielle, existe­t­il des recommandations concernant le traitement des patients avant l’administration d’un bisphosphonate ? Dans quelle mesure devrait­on informer le patient de l’éventualité de cet effet secondaire ? Que faire lorsqu’un BONJ est diagnostiqué ?

Une enquête auprès des médecins et médecins­dentistes suisses, mené par l’au­

teure en 2010, fait le point à propos de leur information à ce sujet ainsi que de leurs réactions face à un traitement de bisphos­

phonates. En particulier les questions sui­

vantes ont été posées : Quel est le degré d’information des médecins concernant les bisphosphonates, et en particulier au sujet de leurs effets secondaires ? Quelles infor­

mations sont transmises aux patients ? Com­

ment le médecin­dentiste peut­il savoir que son patient est traité (et depuis combien de temps) par des bisphosphonates ? Qui doit transmettre ces informations ? Comment les problèmes en relation avec le traitement de bisphosphonates sont­ils résolus ? Les mé­

decins prescripteurs sont­ils au courant du risque de développer une ostéonécrose ? Quels sont les obstacles à la circulation de l’information entre l’état de la science ac­

tuelle, le médecin, le patient et le médecin­

dentiste ? Comment pourrait­on au mieux organiser ce traitement interdisciplinaire ?

recommandationspour la procédureavant un trai

-

tementde bisphosphonates Le médecin traitant devrait informer le patient du risque de développer une ostéo­

nécrose pendant le traitement aux bisphos­

phonates et même après. Le médecin in­

formera le médecin­dentiste par écrit du traitement de bisphosphonates prévu, de sa durée, du mode d’application (intraveineux ou oral) et du type de bisphosphonate. Il aide ra ainsi le médecin­dentiste à estimer le risque de développement d’une ostéo­

nécrose sur la base de facteurs comme la durée du traitement, le type de bisphos­

phonate, la voie d’application, les comédi­

cations, etc.

Le médecin­dentiste effectuera un con­

trôle et établira un plan de traitement à long terme en mettant un accent particulier sur les éventuelles interventions chirurgicales, les extractions, les implantations, etc. Un rap­

port sera rédigé à l’attention du médecin traitant. Le patient sera informé par le mé­

decin­dentiste des modes de traitement qui restent encore ouverts dans le futur et de ce qu’il vaudrait mieux éviter. En accord avec le patient, on déterminera les traitements à entreprendre avant le début du traitement de bisphosphonates.

Collaboration entre médecin et médecin-dentiste :

l’exemple des bisphospho- nates

Quadrimed 2011

V. Hurni

Dr Viviane Hurni

MSC chirurgie orale/implantologie Médecin-dentiste SSO/SFMD Rue Saint-Pierre 12, 1701 Fribourg v@dr-hurni.ch

Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 198-9

22_23_35417.indd 1 20.01.11 07:13

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0 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 26 janvier 2011 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 26 janvier 2011 199

Bibliographie

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17 Ruggiero SL, Mehrotra B, Rosenberg TJ, Engroff SL.

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21 Knight RJ, Reddy C, Rtshiliadze MA, et al. Bisphos- phonate-related osteonecrosis of the jaw : Tip of the ice- berg. J Craniofac Surg 2010;21:25-32. Review.

Lors des contrôles, le médecin deman­

dera si le patient va faire des contrôles ré­

guliers auprès de son médecin­dentiste et lui rappellera qu’une bonne hygiène orale peut contribuer à minimiser les risques.

recommandations pour

les médecins

-

dentistes L’anamnèse médicale doit être vérifiée régulièrement, notamment en cherchant à savoir si le patient a de l’ostéoporose, une maladie de Paget ou s’il a souffert d’un can­

cer, même des années auparavant. Ceci permet de suspecter ou de détecter une administration de bisphosphonates qui a peut­être eu lieu plusieurs années en ar­

rière. De plus, il ne faut pas s’attendre à ce que le patient sache que son médicament appartient au groupe des bisphosphonates étant donné que les noms commerciaux, comme Zometa ou Fosamax par exemple, ne le laissent pas facilement deviner.

Lors du traitement de patients qui pren­

nent ou ont pris des bisphosphonates, il faut les informer avant toute intervention

chirurgicale d’une part des risques de l’in­

tervention et, d’autre part, des mesures à respecter pour prévenir une ostéonécrose.

Les interventions chirurgicales, lors qu’elles sont indiquées, doivent être effectuées soi­

gneusement et la guérison attentivement surveillée.

La fréquence des rappels doit être défi­

nie individuellement pour chaque patient et celui­ci doit connaître l’importance de se conformer aux instructions reçues.

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