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Des Ombudsmans pour enfants en Suisse
HANSON, Karl
Abstract
La Suisse ne dispose pas d'une institution indépendante chargée de surveiller la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant (CDE). Afin de prendre au sérieux la surveillance indépendante des politiques locales, cantonales et fédérales concernant l'enfance et la jeunesse et ainsi respecter la CDE, il est nécessaire de créer des institutions indépendantes pour les droits de l'enfant, au niveau tant fédéral que cantonal.
HANSON, Karl. Des Ombudsmans pour enfants en Suisse. Plaidoyer, 2016, vol. 34, no. 4, p.
26-27
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:91142
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Des Ombudsmans pour enfants en Suisse
Karl HANSON, Professeur ordinaire, Vice-directeur du Centre interfacultaire en droits de l’enfant, Université de Genève
La Suisse ne dispose pas d’une institution indépendante chargée de surveiller la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE). Afin de prendre aux sérieux la surveillance indépendante des politiques locales, cantonales et fédérales concernant l’enfance et la jeunesse et ainsi respecter la CDE, il est nécessaire de créer des institutions indépendantes pour les droits de l’enfant, tant au niveau fédéral que cantonal.
Suivant les recommandations internationales, les activités principales d’une institution indépendante de défense et de promotion des droits de l’enfant sont d’investiguer des plaintes qui concernent la violation des droits de l’enfant dans des cas particuliers, de rédiger et diffuser des rapports et recommandations sur les droits de l’enfant et de
promouvoir les droits de l’enfant. L’attribution de ces activités à une ou plusieurs structures indépendantes, qui disposent d’une base légale et des ressources financières suffisantes, permettrait de faire avancer durablement la situation des droits de l’enfant en Suisse.
34 pays membres du Conseil de l’Europe, qui ont établi 41 institutions indépendantes (appelées ombudsmans, médiateurs, délégués ou commissaires aux droits de l’enfant), se sont regroupées au sein d’un réseau européen des médiateurs pour enfants, appelé ENOC (www.enoc.eu). Actuellement, aucune entité fédérale ou cantonale suisse ne remplit les critères pour devenir membre de ce réseau européen. Les critères d’adhésion sont pourtant conformes aux recommandations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU (2002). Les institutions membres doivent notamment être établies par une loi qui est approuvée par le Parlement et qui garantit leur indépendance. Elles doivent avoir pour fonction de protéger et promouvoir les droits de l’enfant et disposer de la compétence d’organiser leur propre programme en lien avec leur mandat. En plus, les institutions doivent compter au moins une personne identifiable dont la mission est exclusivement consacrée à la protection et à la promotion des droits des enfants. La législation doit contenir des dispositions concernant la désignation des personnes exerçant le mandat d’ombudsman, ainsi que la durée du mandat.
Il n’existe pas, au niveau fédéral, une structure indépendante chargée de surveiller l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant à travers le traitement de plaintes individuelles, de plaidoyer ou de promotion de ces droits. Cette lacune pourrait cependant être comblée par le biais d’une Institution nationale indépendante pour les droits humains qui prend suffisamment en compte les spécificités liées à la surveillance des droits de l’enfant. Suite à l’évaluation positive des activités du Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH), un réseau de centres universitaires créé en 2011 en tant que projet pilote avec pour tâche d’encourager la mise en œuvre des obligations internationales de la Suisse en matière de droits humains, le mandat du CSDH a été prolongé jusqu’à
l’éventuelle création d’une telle institution permanente (www.csdh.ch). Dans le cadre des réflexions actuellement en cours, et surtout la recherche d’un soutien politique assez large pour éventuellement créer en Suisse une Institution nationale indépendante des droits
humains, il est important de prendre en compte les spécificités liées à la surveillance des droits de l’enfant. Une option serait de créer, au niveau fédéral, une structure de défense des droits de l’enfant qui serait intégrée comme sous-structure d’une Institution nationale indépendante pour les droits humains. Dans pareil cas, des garanties devraient être données pour que cette structure ait la capacité de surveiller, promouvoir et protéger les droits de l’enfant avec efficacité et dans l’indépendance, non seulement vis-à-vis de l’Etat mais aussi vis-à-vis de l’institution généraliste elle-même, par exemple en prévoyant une base légale, un financement et une gouvernance propre à la sous-structure responsable pour les droits de l’enfant.
En Suisse, les compétences matérielles en matière de politique de l’enfance et de la jeunesse sont réparties entre la Confédération et les cantons, avec toutefois une majorité
d’attributions cantonales. Il est donc logique que les cantons aient également un rôle important à jouer dans la surveillance de ces politiques. Les cantons disposent d’une grande diversité d’acteurs qui collaborent à la mise en œuvre des droits de l’enfant. La plupart des cantons se sont ainsi dotés de structures pour coordonner la politique cantonale de
l’enfance et la jeunesse. La défense des droits de l’enfant est actuellement mise en œuvre par des services cantonaux ou par des organes de conseil, qui ne disposent en règle générale pas d’une base légale, ni de ressources suffisantes pour garantir leur indépendance. Peu de cantons ont créé des mécanismes ou structures indépendants. Seuls cinq cantons (BL, BS, VD, ZG, ZU) ont mis en place un-e médiateur-trice indépendant cantonal, qui permet aux mineur-e-s de porter des cas individuels à l’attention d’une instance indépendante. Ces Ombudsmans cantonaux sont relativement peu accessibles aux enfants et semblent pour l’instant avoir donné peu de visibilité à la protection des droits de l’enfant.
Les institutions de défense des droits de l’enfant se trouvent à l’intersection entre les entités de surveillance internationales (par exemple les organes de traités de l’ONU), nationales (par exemple les Institutions nationales de défense des droits humains) et régionales (par
exemple les médiateurs cantonaux). Afin de prendre en compte le contexte particulier du fédéralisme en Suisse, une Institution indépendante au niveau fédéral pourrait coexister avec des institutions autonomes au niveau cantonal. Un tel arrangement aurait l’avantage de permettre la surveillance de l’application des droits de l’enfant tant au niveau fédéral que cantonal, en mettant en place des formes de collaboration et de réseautage entre les
différentes institutions.
Références
Comité des droits de l’enfant, Observation Générale No 2 (2002), Le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant, CRC/GC/2002/2 (15 novembre 2002)
Comité des droits de l’enfant (2015), Observations finales concernant les deuxième à quatrième rapports périodiques de la Suisse, soumis en un seul document (2015), CRC/C/CHE/CO/2-4 (26 février 2015)
Karl HANSON (2014) Vers une surveillance indépendante des droits de l’enfant en Suisse. Newsletter du Centre suisse de compétence pour les droits humains. N° 20 du 16 décembre 2014