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Le savoir et la question

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Le savoir et la question

MAULINI, Olivier

MAULINI, Olivier. Le savoir et la question. Educateur, 2007, no. 10, p. 29-31

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:35557

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Le savoir et la question

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Olivier Maulini Université de Genève

Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation 2007

Qu’est-ce que le savoir ? C’est une réponse à une question. « 26 » ne veut rien dire si l’on ne sait pas de quel problème il est la solution. « Combien font deux fois 13 ? » « Que valent 107 moins 81 ? » « Dans ce bassin, en été, quelle est la température moyenne de l’eau ? » Chaque « 26 » a son sens et perd toute valeur en absence d’interrogation. Il est impossible d’opposer le savoir que possède le maître et celui que doit apprendre l’élève : la connaissance ne se transmet que si elle se construit, c’est-à-dire que si l’enseignement et le questionnement s’imbriquent et se soutiennent – tant bien que mal – mutuellement.

Ce n’est pas affaire d’idéologie. C’est tout simplement ce qui se passe en pratique, quand les maîtres et les élèves cherchent à se comprendre mutuellement, en avançant ou en répétant des affirmations (« Le vassal doit fidélité au seigneur. »), mais en échangeant aussi – plus ou moins souvent, de manière plus ou moins consentante – des questions qui orientent et parfois désorientent la leçon (« Et si le vassal ne se soumet pas ? », « C’est quoi la fidélité ? », « À quoi ça sert d’apprendre ça ? », etc.).

Dans nos classes, quelles questions sont posées ? Lesquelles sont valorisées ? Lorsqu’un élève interroge, comment sa demande est-elle traitée ? Et en amont, que fait l’enseignant pour être (ou non) sollicité ? C’est dans l’interaction que se valide ou s’invalide l’interrogation. Et c’est par elle que s’élabore peu à peu le propos. Le maître gère les deux niveaux : celui de l’usage des questions, lorsqu’il réagit sur le champ ; celui du réglage d’arrière-fond, lorsqu’il crée des situations qui préviennent ou entraînent plutôt leur production. Et quand les règles changent, c’est l’apprentissage tout entier qui peut changer de motivation.

En enquêtant dans les classes des premiers degrés, on voit comment les institutrices font entrer les enfants dans la culture scolaire et la culture tout court, comment certaines, en particulier, considèrent le questionnement comme une ressource pour enseigner. Questionner la classe pour voir ce que savent les élèves, les intriguer, susciter le débat, guider la réflexion.

Ne pas attendre les questions, mais les demander explicitement. Ne pas les garder aux marges de la leçon, mais s’en servir pour régler la progression. Saluer peut-être l’élève curieux et entreprenant, mais impliquer surtout toute la classe dans le travail d’investigation. L’adulte (se) questionne pour enseigner, les enfants pour apprendre : c’est comme cela que ce qu’ils construisent prend de la hauteur, du volume, de plus en plus de signification.

« Le rapport au savoir se joue très visiblement autour de l’intérêt ou de l’indifférence que suscitent certaines questions », dit Perrenoud. Chaque enfant arrive différent : il porte avec lui ses besoins, ses soucis, ses préoccupations. Comment tenir compte de cette diversité et mener quand même toute la classe vers des savoirs partagés ? Ce grand projet est d’abord un

1 Publié dans l’Educateur, 10/07, pp. 29-31. Extrait modifié d’un texte paru dans le Café pédagogique, 2006 : Sous le savoir, le questionnement. Raisons d'apprendre et de continuer d'enseigner. http://www.cafepedagogique.net/

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problème quotidien, une façon plus ou moins habile, plus ou moins consciente de rapporter les questions personnelles à l’intérêt commun, de confronter les (in)différences pour tisser des liens. Les ressources du maître sont d’abord des gestes, des manières d’agir, de réagir, de préparer et/ou d’exploiter le questionnement en situation : intriguer par des activités et un langage suffisamment décalés (« Demain, nous visiterons la mairie. – C’est quoi, la mairie ? ») ; quand l’élan n’est pas spontané, inciter à chercher (« Nous verrons la syndique : qu’allons-nous lui demander ? ») ; mettre les problèmes en discussion, vérifier ensemble qu’ils viennent à-propos (« On veut savoir qui c’est qui fait les lois... – Vous pensez que c’est une bonne question ? On va pouvoir y répondre ? Cela vaut la peine d’essayer ? ») ; organiser la recherche des réponses et leur confrontation (« C’est la police qui fait les lois ! – Mais non, c’est les votations ! – Ah oui ? Est-ce qu’il y a d’autres idées… ? »). Avancer de bonnes questions en solides réponses : c’est un peu ce que font les classes lorsqu’elles s’inquiètent ensemble, sous conduite de la maîtresse, de ce qu’il faudrait connaître, comprendre, ne plus ignorer. Comme le dit Wittgenstein (1958/1976, p. 85), « l’élève n’a pas encore appris à poser des questions ; il n’a pas appris le jeu que nous voulons lui enseigner. »

Les énigmes les plus grandes (« Les méchants, ils savent qu’ils sont méchants ? ») peuvent déboucher sur des enquêtes, la lecture de documents, des travaux de synthèse et de rédaction (« On fait le livre des ogres et des sorcières ! »). Les tâches quotidiennes (« Comptez jusqu’où vous pouvez, on va s’évaluer ! ») mènent de leur côté aux confins de la science, aux limites de la pensée (« Maîtresse, l’infini plus un, ça fait combien ? – On va se renseigner ! »). Cela suggère qu’il n’y a pas de fatalité. L’école ne peut pas tout, mais rien ne la force à renoncer. Pourquoi choisir entre savoirs instrumentaux (lire, écrire, télécharger…) et questions anthropologiques qui ont incité l’homme à faire mieux que s’adapter : connaître et problématiser ? Au croisement des compétences-clefs et de la culture avec un grand C, chaque enfant peut trouver à l’école de quoi s’instruire, étudier, vouloir se former. Le questionnement sous-tend l’enseignement : donc le savoir est recherché.

Références :

Maulini, O. (2005). Questionner pour enseigner et pour apprendre. Le rapport au savoir dans la classe. Paris : ESF.

Perrenoud, Ph. (1997). Pédagogie différenciée : des intentions à l’action. Paris : ESF.

Wittgenstein, L. (1958/1976). De la certitude. Paris : Gallimard.

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