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La nouvelle réglementation des licenciements collectifs et des transferts d'entreprises

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. La nouvelle réglementation des licenciements collectifs et des transferts d'entreprises. In: Aubert, Gabriel.. et al. Journée 1994 de droit du travail et de la sécurité sociale. Zürich : Schulthess, 1995. p. 87-130

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12622

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LA NOUVELLE RÉGLEMENTATION DES LICENCIEMENTS COLLECTIFS ET DES TRANSFERTS D'ENTREPRISES

Gabriel AUBERT

professeur à la Faculté de droit Genève

1. INTRODUCTION

1. Eurolex et Swisslex. - Dans le cadre du processus de ratifica- tion du traité de Porto, créant l'Espace Économique Européen, le par- lement suisse a adopté une série de modifications législatives tendant à intégrer, dans notre ordre juridique, l'acquis communautaire tel que défini dans le traité (exercice 'Eurolex')l Cet acquis comprend, no- tamment, deux directives: la premièr~, du 17 février 1975, concerne le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licen- ciements collectifs2; la seconde, du 14 février 19n, concerne le rap- prochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établis- sements ou de parties d'établissements3

L'échec du 6 décembre 1992 entraîna la caducité des révisions adoptées par les chambres à l'occasion d'Eurolex. Toutefois, le gou- vernement et le parlement persévérèrent dans leur volonté de rappro- cher la législation interne de l'acquis communautaire. Cette entreprise, reprenant sur de nombreux points l'exercice Eurolex, fut baptisée

"Swisslex', dans ce jargon latino-anglo-saxon qui donne aux Con- fédérés le sentiment de posséder une langue commune.

Ainsi, c'est dans le cadre de Swisslex que, le 17 décembre 1993, le législateur suisse a institué un nouveau régime des licenciements col- lectifs et des transferts d'entreprises, en modifiant le titre dixième du

1 Messsage du Conseil fédéral du 27 mai 1992 sur l'adaptation du droit fédéral au droit de l'EEE, FF 1992 V p. 1.

2 Cf. lOCE no L 48 du 22.2.1975 p. 29 (directive 75/129/CEE).

3 Cf. lOCE no L 61 du 5.3.1977 p. 26 (directive TI/187/CEE).

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88 Gabriel AUBERT

code des obligations4 La réforme est entrée en vigueur le 1er mai 19945

Certes, aujourd'hui, en rapprochant son droit des règles commu- nautaires, la Suisse n'obéit à aucun engagement international.

Toutefois, son autonomie relève très largement de l'apparence, car il saute aux yeux que, n'eussent été les exigences de notre politique eu- ropéenne, le parlement aurait difficilement envisagé, dans les présentes circonstances, une amélioration de la protection des salariés en cas de licenciements collectifs ou de transferts d'entreprises.

2. Limites de Swisslex. - A vrai dire, la réception du droit com- munautaire par le droit suisse reste, à deux égards au moins, relative- ment limitée.

D'abord, du point de vue de la méthode, le législateur a voulu s'en tenir au strict minimum, c'est-à-dire à la reprise presque textuelle des directives pertinentes, sans régler les détails propres à faciliter l'appli- cation des principes. Ce faisant, il a quelque peu méconnu la fonction même des directives dans le système du droit européen, qui veut que les États membres se voient fixer le but à atteindre, tout en conservant une certaine marge de manoeuvre quant aux moyens et quant aux sanctions6 Ainsi, comme on le verra, le législateur suisse a omis de préciser certaines notions 7, qu'il apptrtiendra nécessairement à la ju- risprudence de clarifier. La porte se trouve ainsi ouverte à des litiges qu'une réglementation plus précise eût permis d'éviter. En outre, dans certains cas, la loi s'est abstenue d~ prévoir les sanctions8 dont le droit européen laisse la définition aux Etats membres.

En second lieu, du point de vue du fond, il faut rappeler qu'Euro- lex n'a pris en considération, sous la dénomination d'acquis commu- nautaire, que les actes de la Communauté publiés jusqu'au 31 juillet 19919 Or, depuis cette'date, le droit européen a continué d'évoluer.

En particulier, la Communauté a modifié, le 24 juin 1992, la directive

4 Message du Conseil fédéral du 23 février 1993, FF 1993 1 p. 829 et 925.

5 RO 1994 807.

6 Cf. RIDEAU, J., Droit institutionnel de l'Union et des Conununautés européennes, Paris 1994, p. 103 ss.

7 Par exemple, la durée minimum de la période de consultation des représentants des travaillelml à l'occasion de licenciements collectifs, cf. art 335fCO.

8 Par exemple contre l'employeur qni viole son obligation de consulter les représentants des travailleurs avant la réalisation du transfert de l'entreprise, cf. art. 333a CO.

9 Message du Conseil fédéral du 18 mai 1992 relatif à l'approbation de l'Accord surl'EEE, FF 1992 IV p. 110.

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Licenciements collectifs et transferts d'entreprises 89 sur les licenciements collectifslO De ce texte, la réforme suisse de

1993 ne tient nul compte, si bien que le rapprochement des législa- tions suisse et communautaire demeure partieJlI

U. LES LICENCIEMENTS COLLECTIFS A. Buis et sources de la réglementation

En soi, la réglementation des licenciements collectifs n'est pas une chose nouvelle dans notre pays12 Cependant, la matière a connu, ces dernières années, une évolution considérable. Les textes actuellement en vigueur visent divers buts, qui sont brièvement rappelés ci-dessous.

3. Statistique économique et sociale. - D'abord, pour mieux connaître la conjoncture et pour conduire sa politique économique et sociaIe, l'État doit se tenir informé de l'évolution de l'emploi. Il im- porte, dès lors, que soient portés à sa connaissance les licenciements projetés ou exécutés, lesquels constituent un indicateur important de la santé économique du pays. C'est ainsi que la loi sur la statistique fédé- raIe, du 9 octobre 1992, et son ordonnance d'application, du 30 juin

1993, servent de base aux relevés concernant les licenciements et les fermetures d'entreprisesl3 Les nouvelles dispositions sur les statis- tiques semblent remplacer l'ordonnance du Conseil fédéral du 9 juillet

10 Cf. JOCE no L 245 du 26.8.1992 p. 3 (directive 92/56/CEE).

Il Sur les rapports entre le droit suisse du travail et le droit européen, cf.

STÙCKll, J.-F., Schweizerisches Arbeitsrecht und europaische Integration, RDS 1993 Il 80-98; AUBERT. G., Le droit suisse du travail face à l'intégratioo européenne. RDS 1993 II 183-214.

12 Sur ces sujets, cf. KuNGENBERG, St., Die Betriebsschliessung, Zurich 1986; BACDN, c., Le licenciement pour motifs économiques, Lausanne 1984; BRUNNER,

c.,

La protection contre les licenciements pour cause économique en Suisse, in BRUNNER, et al., Ktindigungsschutz im Arbeitsrecht/La protection des travailleurs contre les licenciements, Lausanne 1979, p. 41.

13 Cf. l'art. 3 de la loi sur la statistique fédérale, du 9 octobre 1992, RO 1993 2080; voir en particulier l'annexe de l'ordonnance concernant J1exécution des relevés statistiques fédéraux, du 30 juin 1993, RO 1993 2213 Oicenciemenls et fermetures d'entreprises: enquête exhaustive pour les entreprises dont dix employés au moius sont concernés).

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90 Gabriel AUBERT 1975 sur l'annonce des résiliations de contrats de travail fondées sur des motifs économiques14

4. Placement. - En deuxième lieu, l'État, depuis des décennies, veille au placement des salariés à la recherche d'un travaiL A cette fin, les services compétents doivent savoir dans quels secteurs géogra- phiques et professionnels s'annonceront les chômeurs. C'est ainsi qu'usant de la faculté que leur laissait la loi fédérale du 22 juin 1951 sur le service de l'emploi15, la plupart des cantons ont adopté, dans les années cinquante, puis dans les années soixante-dix, des dispositions obligeant l'employeur à communiquer à l'autorité compétente les li- cenciements collectifs envisagés. Ces règles cantonales ont été supplantées par la loi fédérale sur le service de l'emploi, du 6 octobre 1989, et son ordonnance d'application, du 16 janvier 1991, qui obli- gent l'employeur à déclarer à l'autorité compétente, dans certaines limites, les licenciements et les fermetures d'entreprisesl6.

S. Défense collective des intérêts. - Troisièmement, en cas de li- cenciement collectif, les travailleurs éprouvent des sentiments de dé- pendance et d'insécurité particulièrement aigus. Il est donc important qu'ils soient en mesure de défendre collectivement leurs intérêts. C'est ainsi que les partenaires sociaux, dès les années cinquante, mais sur- tout dans les années soixante et soixante-dix, ont prévu, par conven- tion collective, des mécanismes de nég&iation en cas de licenciements collectifs. Cette négociation entre, d'un côté, l'employeur et, de l'autre, le syndicat ou l'organe de représentation du personnel, a pour objet J'établissement d'un plan social, c'est-à-dire l'atténuation des effets des licenciements sur les salariés touchés, voire même la limitation du nombre des postes supprimés. Selon l'opinion dominante, J'em- ployeur o'avait pas l'obligation de négocier un tel planl7 En 1984, le Conseil fédéral, refusa catégoriquement d'instituer dans la loi des

14 Cf. l'arl. 2 de l'ordonnance sur l'extension de la statistique du marché du travail. du 9 juillet 1975 (RS 431.823). A notre connaissance, celte ordonnance n'a pas élé formellement abrogée (cf. l'art. 14 de l'ordonnance concernanl l'exécution des relevés slatisliques fédéraux). Les aulorilés compétentes fondent leur activité sur la Douvelle réglementation fédélale relative aux relevés statistiques.

15 Art. 16, al. 3 de la loi fédérale du 22 juin 1951 sur le service de l'emploi, RD 1951 1223; Message du Conseil fédéral du 10 juillet 1950 concernant le projet de loi sur le service de l'emploi, FF 1950 11 p. 374.

16 Cf. les arl. 24 et 29 de la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services, du 6 octobre 1989 (LSE, RS 823.11) et l'arl. 53 de l'ordonnance sur le seIVice de remploi et la location de services. du 16 janvier 1991 (OSE, RS 823.111).

17 Cf. KuNOENBERO, p.l40 ss.

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Licenciements collectifs et transferts d'entreprises 91 mécanismes de consultation en cas de licenciements collectifs; avec succès, il proposa au parlement (qui fut suivi par le peuple et les can- tons), de rejeter une initiative populaire qui prévoyait notamment que

"le législateur règle la protection des travailleurs en cas de licencie- ments collectifs pour raisons économiques':18 Toutefois, sous la pression découlant de l'accord sur l'Espace Economique Européen, le parlement a révisé en 1993 le code des obligations, pour soumettre les employeurs, en cas de licenciements collectifs, à une procédure de consultation des représentants des travailleurs, d'une part, et de notifi- cation à l'autorité administrative, d'autre part19 Dans le cadre de cette révision, l'intervention de l'autorité administrative peut aider au bon déroulement de la négociation collective. Il reste néanmoins que, dans ce domaine, les conventions collectives de travail jouent un rôle essen- tiel.

6_ Maintien de la paix sociale. - Enfin, les licenciements collec- tifs sont susceptibles de provoquer des conflits troublant la paix so- ciale, à laquelle les autorités politiques sont attachées. La recherche de solutions amiables revêt en conséquence un caractère d'intérêt public.

Jusqu'à la révision de 1993, la matière ressortissait exclusivement à la compétence des cantons: en cas de litige, il incombait surtout aux of- fices cantonaux de conciliation d'intervenir de cas en cas, soit sponta- nément, soit à la demande d'une des parties. Depuis la révision de 1993, le droit fédéral détermine lui-même le rôle des offices du tra- vail. lesquels sont dorénavant associés, de façon obligatoire, à la recherche de solutions aux problèmes posés par les licenciements collectifs (art. 335g CO). La compétence des offices de conciliation, en cas de conflit aigu, demeure réservée.

7. Du droit cantonal au droit fédéral. - Aussi bien la loi fédérale sur le service de l'emploi que le code des obligations révisé ne laissent

18 Message du Conseil fédéral du 9 mai 1984 sur l'initiative populaire "pour la protection des travailleurs contre les licenciements dans le droit du contrat de travail" et la révision des dispositions sur la résiliation du contrat de travail dans le code des obligations, FF 198411 p. 578 et 611-612.

19 Signalons, au surplus, que lors de la révision du droit du licenciement, le 18 mars 1988. le législateur a prévu qu'en cas de licenciement économique les parties au contrat de travail peuvent déroger au principe de la parité des délais de congé; des délais de congé plus courts peuvent être convenus en faveur des travailleurs (cf. l'art. 335a al. 2 CO). Sur le sens de cette disposition, dont la portée pratique demeure limitée, cf. AUBERT, G., Droit collectif du travail et protection contre le licenciement. in Les nouvelles dispositions du Code des obligations en matière de résiliation du contrat de travail, La révision de la Loi sur le travail, Institut de recherches sur le droit de la responsabilité civile et des assurances (IRAL), Faculté de droit de l'Université de Lausanne, Lausanne 1990, p. 78-79.

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92 Gabriel AUBERT guère de compétences aux cantons pour réglementer les licenciements collectifs. Tout au plus l'ordonnance d'application de la loi fédérale sur le service de l'emploi leur permet-elle d'abaisser à six (Plutôt que de maintenir à dix) le nombre des licenciements déterminant l'obliga- tion d'annoncer ces derniers à l'autorité compétente; encore faut-il que le canton obtienne, à cette fin, l'approbation du Département fédéral de l'économie publique (art. 53 al. 2 OSE)20 C'est dire que les régle- mentations cantonales ne sont plus applicables. Il en va ainsi, notam- ment, des dispositions de la loi genevoise sur le service de l'emploi et la location de services, du 18 septembre 1992, en tant qu'elles imposent aux entreprises des exigences allant au-delà de celles décou- lant du droit fédéraFl.

B. Définition des licenciements collectifs

Les licenciements collectifs se définissent en fonction de plusieurs critères, dont la portée varie selon le texte considéré: premièrement, la fin des rapports de travail; deuxièmement. l'initiative de l'employeur;

troisièmement, les motifs de la résiliation; enfin, le nombre minimum

des licenciements. i

8. Résiliation et licenciement. - Il faut distinguer, d'une part, la déclaration par laquelle l'employenr manifeste sa volonté de mettre fin aux rapports de travail (résiliation, Kiindigung) et, d'autre part, la fin effective des rapports de travail (licenciement au sens strict, Entlassung).

Le législateur suisse a retenu, comme moment décisif, selon le nouvel art. 335d CO, la tésiliation elle-même; ce faisant, il s'est écarté de la directive communautaire, qui retient comme critère la fin des rapports de travail (art. 1er § 1 lit. a de la directive de 19792). D'une manière générale, la solution suisse se révèle plus favorable aux sala- riés, puisqu'elle a pour conséquence que les procédures prévues par la loi se trouvent mises en route à un stade avancé. Toutefois, il n'est pas sûr que l'application de ce critère produise toujours un résultat conforme au droit européen. On verra en, effet que, selon la directive de 1975, les licenciements doivent être décomptés dans une période 20 Au demeurant, les cantons restent compétents JXlur désigner les autorités

d'exécution.

21 Cf. les art. 23 et 24 de la loi genevoise sur le service de l'emploi et la location de services, du 18 septembre 1992, RS J/4/1.

22 La version allemande utilise le mot Entlassung.

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de référence de 30 jours; or, il peut se produire que des résiliations ne soient pas toutes prononcées durant une telle période de trente jours, mais que, par le jeu de délais de congé différents, elles déploient leurs effets durant cette période: dans un cas pareil, le nombre minimum des licenciements durant la période de référence serait atteint, alors même que celui des résiliations ne s'élèverait pas au seuil prévu du- rant une période de trente jours.

Quant à la loi fédérale sur le service de l'emploi, elle vise les rési- liations, de façon que l'autorité compétente puisse aider au placement dès que possible (art. 1 et 29 al 1 LSE). Toutefois, en pratique et compte tenu de l'ordonnance sur l'exécution des relevés statistiques, l'employeur doit annoncer séparément les résiliations ct les licencie- ments, car les unes et les autres ont des impacts distincts, dans le temps, sur le marché du travail23 .

9. Le ~as particulier des contrats de durée déterminée. - Le li- cenciement au sens strict peut intervenir non seulement à la suite d'une résiliation, mais aussi du fait que le contrat de durée déterminée a ex- piré24 La nouvelle réglementation suisse ne couvre pas la seconde hypothèse; on voit mal, en effet, quel pourrait être l'objet de la négo- ciation lorsque des contrats de durée déterminée parviennent à leur terme normal. Cependant, si de tels contrats prennent fin avant l'expi- ration de la durée convenue, l'on a bel et bien affaire à une résiliation, de sorte que les nouvelles normes s'y appliquent (art. 335e al. 1 CO).

Cette solution est celle retenue par le droit communautaire (art. 1 § 2 lit. a de la directive de 1975).

La loi sur le service de l'emploi et la réglementation des statis- tiques ne prennent pas en compte l'expiration des contrats de durée déterminée (art. 25 LSE; annexe citée à la note 23); le législateur a probablement jugé négligeable l'hypothèse dans laquelle plusieurs contrats de durée déterminée prendraient fm simultanément.

10. L'initiative de l'employeur. - En outre, la résiliation n'en- traîne un licenciement que si elle survient à l'initiative de l'employeur et non pas du salarié (dans cette seconde hypothèse, l'on a affaire à une démission).

11. a) les démissions provoquées. - Cependant, pOur que le but de la réglementation soit préservé, il faut, selon les circonstances,

23 Annexe de l'ordonnance concernant l'exécution des relevés statistiques fédéTau." du 30 juin 1993, RD 1993 2213.

24 Lorsque le contrat de durée déterminée prend fin de façon anticipée ensuite d'une résiliation prononcée par l'employeur, la résiliation (Kündigung) coïncide avec le licenciement (Entlassung), si la résiliation produit ses effets immédiatement.

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94 Gabriel AUBERT assimiler à des licenciements les démissions provoquées par l'em- ployeur. Tel est le cas, en particulier, lorsque l'employeur crée un en- vironnement de travail hostile, à tel point que le salarié n'a pas d'autre issue, pour y échapper, que de donner lui-même son congé.

12. b) les conventions de départ. - De plus, en pratique, il arrive que le contrat de travail prenne fin non pas à la suite de sa résiliation par l'employeur, mais dans le cadre d'une convention entre ce dernier et le travailleur, laquelle prévoit souvent une indemnité au bénéfice du salarié.

Le droit suisse et la directive de 1975 n'englobent pas un tel ac- cord dans la définition des licenciements collectifs, de sorte que l'employeur se trouve dispensé de mettre en oeuvre les procédures particulières en la matière.

La directive révisée de 1992 va plus loin. Pour mieux protéger les salariés, elle assimile à un licenciement la simple cessation du contrat de travail intervenue à l'initiative de l'employeur, quand bien même cette cessation résulte non pas d'une résiliation, mais d'un accord25 .

Cependant, une telle assimilation ne se produit que si l'accord en cause touche au moins cinq personnes (art. 1 § 1 lit. a de la directive révi- sée).

13. Les motifs non inhérents à Il} personne des salariés. - Le li- cenciement peut résulter d'une cause inhérente ou non à la personne du travailleur. Les licenciements collectifs s'insèrent en général dans la seconde catégorie, car ils sont prononcés pour des motifs écono- miques, propres à l'entreprise.

Ainsi, au sens de l'art. 335d CO, les nouvelles dispositions ne s'appliquent pas aux licenciements collectifs décidés pour des raisons disciplinaires (par exemple en cas de grève illicite). De tels licencie- ments ne justifient pas la négociation d'un plan social; ils relèvent de la procédure de conciliation en cas de conflit collectif. Dans l'hypo- thèse où plusieurs licenciements sont prononcés en raison de l'inaptitude des salariés à remplir leur tâche, on devra rechercher si cette inaptitude découle de facteurs inhérents à leur seule personne (par exemple la maladie ou le vieillissement) ou si elle ne résulte pas, également, de la modification du poste de travail. Dans le second cas, il faut admettre que la cause du congé réside dans la modification du poste de travail, qui doit être considérée comme un facteur non inhé- rent à la personne des salariés.

La loi sur le service de l'emploi exige l'annonce des licenciements quel que soit leur motif (art. 29 LSE et art. 53 OSE): il incombe en 25 Cf. LYON-CAEN, G. et LYON-CAEN, A., Droit social international et

européeo, Paris 1993, p. 305.

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Licenciements collectifs et transferts d'entreprises 95 effet à l'autorité compétente de placer les travailleurs qui ont perdu leur emploi même si le chômage est dû à une cause inhérente à leur personne.

14. Le nombre des travaiUeurs affectés: a) seuils. - Par défini- tion, les licenciements collectifs frappent plusieurs travailleurs. Ils ne sont toutefois soumis à des règles spéciales que s'ils atteignent un cer- tain nombre. La directive européenne laisse aux États membres le choix entre deux méthodes de fixation du seuil mini mum26. Selon la méthode absolue (d'inspiration française), sont considérés commc collectifs tous les licenciements visant 20 travailleurs, quel que soit le nombre des salariés habituellement occupés dans les établissements concernés; selon la méthode relative (d'inspiration allemande), le nombre décisif varie entre 10 et 3D, en fonction du nombre total des salariés occupés dans les établissements concernés (art. 1 § 1 lit. a de la directive de 1975).

Lors de la révision du code des obligations, le Conseil fédéral, re- prenant le nombre fixé par la directive européenne, proposa l'adop- tion de la méthode absolue27 Cependant, notre parlement, tout en copiant les nombres retenus par le droit européen, préféra la méthode relative, qui laisse davantage de flexibilité aux grandes entreprises28.

Selon la méthode relative prescrite par l'art. 335d al. 1 CO, il faut prendre en compte, au dénominateur, le nombre des travailleurs

"habituellement" occupés dans l'établissement. Après quelle durée peut-on considérer que l'emploi est devenu habituel, en d'autres termes qu'il n'est pas simplement passager ? C'est, typiquement, un point laissé par la directive européenne à l'appréciation des législations nationales et que le parlement suisse aurait dO prendre soin de préci- ser. A notre avis, pour des motifs pratiques, il faut se fonder sur un critère objectif en tenant compte non pas des intentions de l'em- ployeur quant à la durée probable de chaque emploi. mais de la durée effective des emplois considérés. De ce point de vue, un emploi ayant duré au moins six mois peut être considéré comme devenu habituel.

Dans le cadre de la loi fédérale sur le service de l'emploi (art. 53 al. 1 OSE), comme dans celui de la réglementation sur les statistiques, le législateur a retenu la méthode absolue: le seuil légal est de dix tra- vailleurs licenciés; toutefois, les cantons peuvent abaisser ce seuil à six au minimum. S'en tiennent au seuil de dix travailleurs, notamment, les 26 Cf. BLANPAIN, R. et JA VIWER., J.-c., Droit du travail communautaire,

1991, p. 168.

27 Message du Conseil fédéral du 27 mai 1992 sur l'adaptation du droit fédéral au droit de l'EEE, FF 1992 V p. 402 et 403, 411.

28 Cf. BoeN 1992, p. 1580-1582.

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96 Gabriel AUBERT cantons suivants: Berne29, Neuchâtel3o, Vaud3l et Zurich32. Ont abaissé ce seuil à six, notamment, les cantons suivants: Fribourg33 , Genève34, Jura35, Saint-Oall36, Tessin37 et Valais38. Il semble que, dans les statis- tiques fédérales, les licenciements collectifs sont pris en considération selon le seuil reconnu par chaque canton; en conséquence, dans ceux où le seuil est abaissé à six, les licenciements collectifs seront statisti- quement plus nombreux que dans ceux où le seuil reste de dix.

15. b) cadre chronologique. -Selon la directive européenne, le seuil minimum des licenciements se calcule, dans le cadre de la mé- thode absolue, au sein d'une période de référence de 90 jours; dans le cadre de la méthode relative, cette période est de 30 jours (art. 1 § 1 lit. a de la directive de 1975).

Le code des obligations, faisant siens les critères européens affé- rents à la méthode relative, prend en compte une période de référence de 30 jours (art. 335d CO).

29 Cf. l'art. 6 de la Gesetz über die Arbeitsvermittlung, die Arbeitslosen- versicherung und die Arbeitslosenunterstützung, du 30 aoOt 1989, RS 836.31.

30 L'art. 5 de la loi surie service de l'emploi, du 20 février 1989, RS 813.10, ne prévoit pas de dérogation expresse aJl nombre prévu par la législation fédéralc.

31 O. l'art. 17 de la loi sur l'emploi et l'aide aux chômeurs, du I7 mai 1993, RS 8.1.

32 Cf. l'art. 20 de l'Einführungsgesetz zum Bundesgesetz über die ArbeitsvCrmittiung, du 1er février 1953, RS 837.1. TI faut sans doute considérer comme dépassé, sur ce point, le paragraphe 1 de la Verordoung über die Meldepflicht der Arbeitgeber bei bevorstehcnden Entlassungen grosseren Ausmasses, du 6 août 1975, RS 837.5, qui fixait un seuil de 15 salariés licenciés.

33 Cf. l'art. Il de la loi sur l'emploi et l'aide aux chômeurs, du 7 octobre 1992, RS 866. 11

34 O. l'art. 23 de la loi sur le service de l'emploi et la location de sero'ices, du 18 septembre 1992, RS J/4I1.

35 Cf. l'art. 4 de la loi sur le service de l'emploi, du 9 novembre 1978; RS 823.11 ("plus de cinq"!).

36 Cf. l'art. 5 de la Verordnung zum Gesetz über Arbeitslosenversicherung und Arbeitsvermittlung, du 14 décembre 1993, RS 361.11 ("mehr als scehs"!).

37 Cf. l'art. 1 al. 2 du Decreto legislativo concemente l'annuncio dei licenziarnentiedei posli di lavoro vacanti 0 nuovi, du 12 mars 1979, RS 366a ("5 0 piu"!).

38 Cf. l'art. 9 du décret sur le service de l'emploi et la location de services, l'assurance-chômage etles mesures complémentaircs cantonales, do 26 juin

1992, RS vol V. no 1759.

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Licenciements collectifs et transferts d'entreprises 97 La loi fédérale sur le service de l'emploi ne comporte aucune in- dication à cet égard; l'ordonnance d'application prévoit, néanmoins, que l'employeur doit préciser à quel moment les licenciements collec- tifs prennent effet, c'est-à-dire soit dans le mois de référence, soit ulté- rieurement (art. 53, al. 3, lit. d OSE). De son côté, la réglementation des statistiq ues requiert les mêmes données39 La période de référence est donc, en regard de ces deux textes, le mois civil.

16, c) cadre géographique, - Selon le code des obligations, le nombre des salariés habituellement occupés se détennine à l'échelle de l'établissement (Betrieb, art. 335d CO). En conséquence, lorsqu'une entreprise comporte plusieurs établissements, le calcul doit se faire sé- parément pour chacun d'eux. Toutefois, à notre avis, le but de la ré- glementation impose de prendre en considération, globalement, des lieux d'exploitation a priori distincts lorsque ces derniers se trouvent fort proches les uns des autres, si bien que les conséquences écono- miques et sociales des licenciements sont les mêmes que celles de congés donnés dans un seul lieu d'exploitation. En d'autres tennes, aux fins des procédures en cause, il faut retenir une notion relative- ment large de l'établissement, en regroupant les lieux d'exploitation

VOISInS.

17. Les trois classes de licenciements. - Sur la base du critère arithmétique, l'on peut répartir les licenciements en trois catégories:

1) les petits licenciements, soit ceux de moins de 6 salariés, qui ne sont soumis à aucune procédure particulière;

2) les licenciements moyens, soit ceux de 6 à 9 salariés, qui sont soumis à la procédure d'annonce selon la loi fédérale sur le service de l'emploi dans les cantons qui ont adopté le seuil de 6 travailleurs conformément à ladite loi; ils sont, aux mêmes conditions, soumis à la procédure d'annonce prévue par la réglementation sur la statistique;

3) les grands licenciements, soit ceux de 10 salariés au moins, qui sont soumis:

a) à la procédure d'annonce selon la loi fédérale sur le service de l'emploi;

b) à la procédure d'annonce selon la réglementation sur la sta- tistique;

c) aux procédures d'annonce et de consultation prévues par le code des obligations, si l'établissement occupe habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs; lorsque l'établisse- ment occupe habituellement de 100 à 299 travailleurs, le 39 Cf. l'ordonnance concernant l'exécution des relevés statistiques fédéraux, du

30 juio 1993. RO 19932213.

(13)

,

Il

98 Gabriel AUBERT

nombre mInImum des salariés dont le licenciement est projeté se trouve porté à 10 % des effectifs de l'établissement;

lorsque l'établissement occupe au moins 300 travailleurs, le nombre déterminant est de 30 travailleurs.

18. Exceptions. - La loi excepte de son champ d'application les licenciements intervenus en cas de cessation d'activité de l'entreprise sur l'ordre du juge (art 335e al. 2 CO). A notre avis, cette exception vise la déclaration de faillite, mais non pas le sursis concordataire, car, en cas de sursis, l'activité de l'entreprise continue, jusqu'à l'homologation ou au refus du concordat. En effet, on peut imaginer que, en cas de concordat ordinaire ou par abandon d'actifs, les représentants des salariés et l'autorité compétente puissent aider à la recherche de solutions de nature à limiter les licenciements collectifs ou à en atténuer les conséquences.

Selon la directive révisée en 1992, les procédures de licencie- ments collectifs s'appliquent, en principe, même aux résiliations consécutives à la cessation des activités de l'entreprise décidées par la justice (art. 1 § 1 lit. b de la directive révisée de 1992). Toutefois, les Etats membres peuvent, par décision unilatérale, se soustraire complè- tement à cette règle ou en restreindre la portée à la procédure de consultation des représentants des travailleurs (art. 2 § 3 et 4 de la di- rective révisée de 1992). Vu cette postlbilité de dérogation, la nouvelle réglementation suisse est compatible avec l'état le plus récent du droit communautaire.

On peut, du reste, se demander quelle serait, dans notre pays, la conséquence pratique du principe selon lequel les procédures spé- ciales de licenciements collectifs s'appliquent même en cas de faillite, dès lors que l'administration de la masse ne saurait assumer de nou- velles dettes en vue, par 'exemple, d'indemniser les salariés congédiés.

C. La procédure de consultation des représentants des travailleurs 19. L'organe consulté, - Selon le nouvel art. 335f al. 1 CO, l'employeur doit consulter les représentants élus des travailleurs ou, en l'absence d'organe de représentation, les salariés eux-mêmes.

Le législateur a suivi ici le modèle de l'industrie des machines, qui privilégie, notamment en cas de licenciements collectifs, la négociation interne à l'entreprise (entre l'employeur et la commission d'entreprise), par opposition à la négociation externe, mettant en présence, directe- ment, l'employeur et les organisations syndicales de la branche.

(14)

Licenciements collectifs et transferts d'entreprises 99

Dans d'autres secteurs de l'économie, les conventions collectives instituent des procédures de consultation externes: c'est le syndicat lui- même qui doit être consulté (et non pas, au premier cbef, la commis- sion d'entreprise). La nouvelle réglementation n'empêcbe nullement la mise en oeuvre de ce mécanisme. Toutefois, la consultation de l'or- gane de représentation ou, en l'absence d'un tel organe, des salariés eux-mêmes, demeure obligatoire. La révision du code des obligations tend donc à renforcer le rôle des organes internes de représentation, par rapport à celui de la négociation collective classique avec une or- ganisation syndicale.

En Suisse, la création et le fonctionnement des organes de repré- sentation se trouvent réglés par la loi sur l'information et la consulta- tion des travailleurs dans les entreprises, adoptée le même jour que la réforme du droit des licenciements collectifs (en particulier pour don- ner effet à cette demière)40. D'après ce texte, l'employeur, à la de- mande d'un cinquième de ses travailleurs (ou de cent d'entre eux si l'entreprise compte plus de 500 salariés), est tenu d'organiser un vote sur le principe de l'élection d'un organe de représentation; une telle élection est obligatoire si la majorité des votants se prononce positi- vement (art. 5 Lpart). Toutefois, la procédure de vote quant au prin- cipe de l'élection d'un organe de représentation des travailleurs n'est imposée que dans les entreprises occupant au moins cinquante travail- leurs, soit 2 % de toutes les entreprises et 42 % des travailleurs41.

Selon le droit communautaire, les représentants des travailleurs sont désignés conformément à la législation ou à la pratique des États membres (art. 1 § 1 lit. b de la directive de 1975). Toutefois, la Cour de justice des Communautés a jugé récemment que la directive sup- pose une barmonisation partielle des régimes de représentation des travailleurs dans les États membres; ces derniers "doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour que les travailleurs ( ... ) puissent intervenir ~ar J'intermédiaire de représentants en cas de licenciements collectifs" 2. On peut douter que satisfasse à celte obligation une légis- lation nationale qui ne prévoit la création d'organes de représentation, à titre obligatoire, que dans 2 % des entreprises et en faveur de moins de la moitié de tous les travailleurs du pays condition, au surplus, que. la majorité des intéressés la demande).

40 Cf. la loi fédérale sur l'infonnation et la consultation des travailleurs dans les entreprises (LPart), du 17 décembre 1993, RO 19941937.

41 Cf. l'art. 3 LPart; Message du Conseil fédéral II du 15 juin 1992 sur l'adaptation du droit fédéral au droit de l'EEE, FF 1992 V p. 629.

42 Cf. Rec. 1994, p. 2490, point 23 (Royawne-Uni. nous soulignons).

(15)

100 Gabriel AUBERT Notons que, lors de la révision de la directive européenne, la Commission avait proposé une modifi,cation favorisant les petites en- treprises. Selon cette proposition, les Etats membres pouvaient ne pas prévoir l'institution d'un organe de représentation des travailleurs dans les établissements occupant moins de 50 travailleurs. Dans ce cas, l'employeur était seulement tenu de fournir aux travailleurs concernés les informations requises; cependant, aucune phase de consultation à proprement parler n'était obligatoire43 Cette proposition libérale s'est heurtée à l'opposition du Parlement européen, de sorte qu'elle n'a pas eu de suite44.

20. L'objet de la consultation. - La consultation a pour but d'éviter les résiliations ou d'en limiter le nombre, ainsi que d'en atté- nuer les conséquences (art. 335f al. 2 CO). L'organe de représentation ou les travailleurs eux-mêmes sont donc consultés non seulement sur le principe des licenciements collectifs, mais aussi sur leur nombre et sur leurs conséquences.

Ici, la réglementation légale va plus loin que certaines conven- tions collectives, par exemple celle de l'industrie des machines, qui ne prévoit une procédure de négociation avec les représentants des tra- vailleurs que sur les conséquences des licenciements décidés par l'employeur et non pas sur leur principe ou sur leur nombréS

La directive révisée en 1992 préci{e que l'atténuation des consé- quences, objet de la consultation, résulte en particulier du recours à des mesures sociales d'accompagnement, soit notamment l'aide au re- classement ou à la reconversion des travailleurs licenciés. En outre, les États membres peuvent (mais ne sont pas tenus de) prévoir que les re- présentants des travailleurs ont la faculté de faire appel à des experts, qui les assisteront dans la négociation (art. 2 § 2 de la directive révisée de 1992).

21. L'objectif de la consultation. - Selon l'art. 335f al. 2 CO, la procédure doit permettre aux représentants des salariés de formuler des propositions. Il s'agit donc d'une procédure de consultation, qui confère simplement aux salariés le droit d'être entendus.

A cet égard, le libellé de la loi suisse est plus restrictif que la di- rective européenne, selon laquelle la procédure doit tendre à la conclusion d'un accord (art. 2 § 1 de la directive de 1975 et art. 2 § 1 de la directive révisée de 1992). En d'autres termes, l'employeur ne peut se contenter de donner aux représentants des salariés l'occasion 43 Proposition de la Commission du 18 septembre 1991, JOCE no C 310 du

30.11.91, p. 8.

44 Cf. JOCE no C 94, du 13.4.92, p. 154.

45 Cf. l'art. 38 de la convention de l'industrie des machines, 1993-1998.

(16)

Licenciements collectifs et transferts d'entreprises 101

de s'exprimer sur son projet: il doit négocier un accord sur le principe et les conséquences des licenciements envisagés46. Certes, il peut pro- céder aux licenciements même si les parties ne parviennent pas à un accord; il doit néanmoins avoir satisfait à son obligation de négocier avec les représentants du personnel. Au Royaume-Uni, le législateur s'était abstenu de prévoir une telle obligation de négocier; la Cour de justice des Communautés a considéré qu'il s'agissait d'une lacune contraire au droit communautaire47 Le droit suisse se heurterait cer- tainement à la même critique.

En pratique, la limite entre la consultation et la négociation paraît difficile à tracer; cela est d'autant plus vrai lorsque, comme le prévoit l'art. 335g CO, l'office du travail intervient pour aider les parties à trouver des solutions, après avoir lui-même pris connaissance des po- sitions de chacune d'elles. On verrait mal en effet que, dans ces circonstances, un processus de négociation ne vienne pas s'instaurer entre les intéressés.

Quoi qu'il en soit, ni le droit suisse ni le droit communautaire ne reconnaissent aux représentants des salariés un droit de codécision; les licenciements envisagés (et les mesures d'accompagnement) ne sont donc nullement soumis au consentement des représentants des sala- riés.

22. La chronologie de la consultation. - Selon l'art. 335f al. 1 CO, la consultation doit commencer lorsque l'employeur envisage de procéder au licenciement collectif, c'est-à-dire avant la résiliation des contrats de travail. D'autre part, la consultation doit être terminée avant la notification des licenciements à l'autorité compétente, puisque, selon l'art. 335g al. 2 CO, cette notification renferme les résultats de la consultation.

La loi n'indique pas quel délai minimum doit s'écouler entre la saisine de l'organe de représentation et la clôture de la procédure de consultation. Le parlement a pensé que l'employeur impartirait aux représentants du personnel un délai pour se prononcer; il n'a pas voulu fixer une période mini mum48. En tous les cas, il faut que l'or- gane de représentation ait eu le temps d'étudier les informations fournies, de préparer des propositions et de les communiquer à l'em- ployeur.

Lors de la révision de la directive européenne, le Parlement avait proposé que la procédure de consultation dure au moins deux

46 Cf. BLANPAlN et JA VIWER, p. 169.

47 Cf. Rec. 1994, p. 2493, point 36; voir la discussion au Conseil national, BOCN 1993, p. 1718.

48 Cf. BOCN 1993, p. 1719.

(17)

102 Gabriel AUBERT semaines49 Il n'a pas été su)vi, de sorte que la directive laisse cette question à la discrétion des Etats membres.

23. Les informations communiquées par l'employeur. - Selon l'art. 335f al. 3 CO, l'employeur communique à ses interlocuteurs, par écrit, les motifs du licenciement collectif; le nombre des travailleurs dont il envisage de résilier le contrat; le nombre des travailleurs habi- tuellement employés dans l'établissement; enfin, la période durant laquelle il envisage de donner les congés. Il doit aussi communiquer tous les autres renseignements utiles, sans que la loi précise desquels il peut s'agir. L'utilité des renseignements (par conséquent leur caractère obligatoire) se mesurera en fonction du but visé. A notre avis, il faut y inclure, par exemple, les données sur les possibilités de reclassement dans l'entreprise ou dans le groupe dont fait partie l'entreprise, sur les moyens de réorganiser la répartition du travail ou encore sur les res- sources à disposition pour verser aux intéressés des indemnités de dé- part.

Pour faciliter la négociation, la directive modifiée de 1992 com- porte davantage de détails. Elle prévoit que l'employeur doit commu- niquer par écrit aux représentants des salariés les critères envisagés pour le choix des travailleurs à licencier (dans la mesure où la législa- tion nationale en attribue la compétence à l'employeur), ainsi que la méthode de calcul envisagée pour toJte indemnité éventuelle de li- cenciement autre que celle découlant de la législation nationale50 .

24. Le cas des entreprises multinationales. - Il s'est parfois pro- duit, en Suisse comme dans la Communauté européenne, qu'un em- ployeur tente de se soustraire à l'obligation de fournir les informations nécessaires aux représentants des travailleurs, en invoquant le motif que ces informations n'étaient pas en sa possession, mais en celle d'une autre entreprise qui le contrôlait (société-mère).

Ainsi, dans une affaire Firestone, la société-mère, sise à Akron (dans l'Ohio, aux États-Unis), avait décidé la fermeture de la filiale de Pratteln (Bâle-Campagne) sans égard aux dispositions de la conven- tion collective passée par cette dernière avec le syndicat suisse FfCP, qui prévoyait une consultation entre ce dernier et l'entreprise en cas de réduction du personnel. Accusée d'avoir violé la convention collective, Firestone (Suisse) plaida, devant le Tribunal arbitral, l'absence de faute, dès lors que c'était le comportement de la société-mère qui avait rendu impossible le respect, par elle, de la procédure de consultation.

Les arbitres n'ont pas suivi cette argumentation: il fallait imputer à

49 Cf. JOCE no C 94, du 13.4.92, p. 155.

50 Cf. l'art. 2 § 3 lit. b v) et vi) de la directive révisée en 1992. Toutefois, ces

indications n'ont pas à être communiquées par écrit à l'autorité compétente.

(18)

Licenciements collectifs et transferts d'entreprises 103 Firestone (Suisse) la faute commise par Firestone (V.S.A.), en ra.son des liens de dépendance de la filiale envers la société-mèresI

Pour satisfaire à la même préoccupation, la directive communau- taire révisée en 1992 prévoit que les obligations d'information de l'employeur s'appliquent indépendamment du fait que la décision concernant les licenciements collectifs émane de l'employeur ou d'une entreprise qui contrôle ce dernier, qu'elle soit sise dans la Communauté ou bors d'elle. De plus, s'agissant des infractions allé- guées aux obligations d'information, de consultation et de notification prévues par la directive, le juge ne peut prendre en considération au- cune justification de l'employeur fondée sur le fait que l'entreprise qui a arrêté la décision conduisant aux licenciements collectifs ne lui pas fourni les informations nécessaires (art. 2 § 4 de la directive révisée en 1992).

La nouvelle réglementation communautaire n'impose aucune obligation à l'entreprise qui exerce le contrôle; elle ne suscite donc ancun problème d'extraterritorialité lorsque cette entreprise se trouve à l'étranger. De plus, les travailleurs ne peuvent pas demander l'ouver- ture d'une procédure de consultation entre eux-mêmes et la société- mère, système qui avait été envisagé dans un projet antérieurs2

Comme le montre l'affaire Firestone, le droit suisse satisfait aux nouvelles exigences de la directive révisée en 1992.

25. Le plan social. - En général, le fruit de la consultation sera consigné dans un document écrit, que la pratique appelle depuis longtemps le plan social, en Suisse comme en Allemagne et en France (Sozialplan). C'est l'accord dont la négociation (mais non pas la conclusion) est exigée par le droit communautaire.

L'analyse des effets juridiques du plan social dépasse les bornes de la présente étude53. A titre d'exemple illustrant la pratique suisse, le lecteur trouvera en annexe un plan social détaillé.

D. L'intervention de l'ofJ'N:e cantonal du travail

26. L'autorité compétente. - Traditionnellement, les offices du travail se préoccupent du placement des salariés. Quant à la prévention

51 Urteile Firestone, Recht und Politik im Kanton Basel-Landschaft, Liestal 1984, p. 50, 82.

52 Cf. proposition de la Commission du 18 septembre 1991, JOCE no C 310 du30.11.91,p.8-9.

53 Cf. KuNGENBERG, 218 ss.

(19)

104 Gabriel AUBERT et au traitement des conflits collectifs, ils ressortissent à la compétence des offices (cantonaux ou fédéral) de conciliation.

Aussi bien la législation sur le service de l'emploi (art. 29 al. 1 LSE) que le code des obligations (art. 335g CO) confient aux offices cantonaux du travail la mise en oeuvre de leurs dispositions. Dans la mesure où ces offices se voient impartir une tâche nouvelle, visant à la solution des problèmes posés par les licenciements collectifs (afin, notamment, d'aplanir les différends), leur rôle traditionnel se trouve étendu. Néanmoins, en cas de conflit aigu, les compétences des offices de conciliation demeurent inchangées.

27. La date de la notification. - La date de la notification des li- cenciements collectifs varie en fonction de la loi prise en considéra- tion.

a) Selon la loi sur le service de l'emploi, l'employeur doit annoncer les licenciements dès que possible, mais au plus tard au moment où les congés sont donnés (art. 29, al. 1 LSE). En regard de ce texte, l'employeur peut donc effectuer la notification à l'autorité au moment où il communique la résiliation aux travailleurs concernés.

L'art. 23, al. 2 de la loi genevoise sur le service de l'emploi exige, pour sa part, que l'employeur fasse connaître ses intentions à l'autorité compétente au minimum trois jours ouvrablc;s avant de les communi- quer à quiconque et dans tous les cas vingt jours avant la notification de la première résiliation d'un contrat de travail. Cette réglementation, pour souhaitable qu'eHe puisse paraître, va plus loin que le droit fédé- raI. Elle n'est donc pas applicable.

b) Selon le code des obligations, l'employeur doit notifier à l'of- fice cantonal du travail tout projet de licenciement collectif; c'est dire que, à ce stade, les résiliations J;I'ont pas encore été notifiées aux inté- ressés. En outre, dès lors qu'eHe doit contenir les résultats de la procédure de consultation, la notification ne peut avoir lieu qu'après que cette consultation s'est achevée. Ces deux points sont clairement réglés par la loi (art. 335g al. 1 et 2 CO).

En revanche, l'on comprend difficilement à quel moment, une fois la notification effectuée, l'employeur peut communiquer aux sa- lariés la résiliation des contrats de travail. La loi comporte, à cet égard, des indications très sommaires. D'une part, il incombe à l'office canto- nal du travail de tenter de trouver des solutions aux problèmes posés par le licenciement collectif projeté (art. 335g al. 3 CO); cela signifie que, durant les démarches de l'office, les licenciements devraient rester à l'état de projet. D'autre part, la loi fixe un délai minimum de 30 jours entre la notification du projet de licenciement collectif et la fin des rapports de travail (art. 335g al. 4 CO). On voit mal comment l'office peut s'occuper utilement de licenciements qui sont censés

(20)

Licenciements collectifs et transferts d'entreprises 105 rester à l'état de projet et qui, néanmoins, peuvent déployer leurs effets 30 jours après la notification qui lui est adressée. Il aurait été souhai- table que le législateur organise plus clairement les étapes de la procédure.

c) En application des règles concernant les relevés statistiques, les employeurs doivent annoncer les licenciements collectifs décidés du- rant le mois sous revue (cf. art. 53 al. 3 lit. d OSE)S4; peu importe que la résiliation ait ou non déjà été notifiée. En outre, l'employeur doit indiquer, selon la pratique, dans quel mois les résiliations décidées prendront effet.

28. Le contenu de la notification. - Le contenu de la notification varie également selon la loi prise en considération.

a) La loi fédérale sur le service de J'emploi exige que l'em- ployeur communique à l'autorité les indications suivantes: le nombre, le sexe et la nationalité (suisse ou étrangère) des travailleurs touchés;

le motif des licenciements; la branche à laquelle appartient l'entre- prise; le moment à partir duquel le congé prend effet (mois de référence ou date ultérieure; art. 53, al. 3 OSE).

Pour sa part, l'art. 24 de la loi genevoise sur le service de l'emploi va plus loin. En effet, il requiert de l'employeur, en particulier, la communication: des délais proposés par l'entreprise pour informer les travailleurs affectés par les mesures, la commission d'entreprise et les organisations d'employeurs et de travailleurs; des dispositions envisa- gées par l'entreprise en faveur du personnel licencié; enfin, de la liste nominative des travailleurs licenciés, avec des renseignements d'état civil complets (nom, prénom, sexe, âge, état civil, domicile, la fonction exercée, le nombre d'années de service ainsi que le dernier salaire an- nuel réalisé dans l'entreprise).

Dans la mesure où elles dépassent celles du droit fédéral, les exi- gences du droit cantonal vont trop loin; elles se heurtent à ce dernier.

b) Selon le code des obligations, l'employeur doit fournir à l'au- torité compétente tous les renseignements utiles concernant les licen- ciements collectifs, en particulier une copie de la communication faite aux représentants des travailleurs (comportant les renseignements susvisés) et les résultats de la procédure de consultation des représen- tants des travailleurs (art. 335f al. 4 et 335g CO).

La question se pose, derechef, de savoir si les informations re- quises de l'employeur par le droit genevois se révèlent conformes au droit fédéral, dans la mesure où les licenciements sont soumis aux dis- positions spéciales du code des obligations. Selon ce dernier, 54 Annexe de "ordonnance concernant l'exécution des relevés statistiques

fédéraux, du 30 juin 1993, RO 1993 2213.

(21)

106 Gabriel AUBERT l'employeur est tenu de fournir à l'autorité compétente toutes les in- formations utiles. Il faut donc examiner si les renseignements exigés par le droit cantonal sont utiles à l'autorité, compte tenu du rôle qui est le sien. Une réponse générale est impossible, car beaucoup dépendra des circonstances des licenciements. En raison de leur caractère rigi- dement détaillé, les exigences posées par la loi genevoise risquent d'être, dans certains cas, disproportionnées. Il faut donc douter que l'employeur puisse valablement être tenu, dans tous les cas, d'y satis- faire déjà au moment de l'annonce. En outre, le droit fédéral (qui est exhaustif) tend à favoriser la consultation de l'organe de représenta- tion des travailleurs et non pas la négociation collective entre l'entre- prise (ou son organisation professionnelle) et une organisation de travailleurs. L'autorité n'est donc pas habilitée à obliger l'employeur à l'informer sur ses rapports avec le syndicat de la branche.

c) Les indications statistiques à fournir par l'employeur sont les mêmes que celles prévues par la législation sur le service de l'emploi.

29. Le rôle de l'autorité compétente. - Le rôle de l'autorité com- pétente dépend de la réglementation en cause.

a) Dans le cadre de la législation sur le service de l'emploi, l'au- torité aide au placement des salariés licenciés. Sa fonction ne va pas au-delà de cet objectif. En conséquence, le droit cantonal ne saurait lui confier d'autres tâches. De ce point de 'vue, c'est à tort que l'art. 23 al. 1 de la loi genevoise sur le service de l'emploi place sur le même pied les licenciements moyens, justiciables seulement de la loi fédérale sur le service de l'emploi, et les grands licenciements, régis également par le code des obligations.

b) Dans le cadre du code des obligations, l'office tente de trouver des solutions aux problèmes posés par le projet de licenciement col- lectif. Comme ces problèmes sont ceux ordinairement traités dans le cadre du plan social, l'office intervient, en réalité, dans l'élaboration de ce dernier. Il dispose, à cet effet, des informations fournies par l'em- ployeur et des observations formulées par l'organe de représentation des travailleurs. Pour favoriser la recherche de solutions quant à la limitation du nombre des licenciements (par exemple la réduction de l'horaire de travail avec une compensation partielle, par l'assurance- chômage, de la perte de salaire), quant au reclassement des salariés (dans l'entreprise, dans le groupe ou à l'extérieur de celui-ci) ou en- core quant à l'atténuation des effets des licenciements (par le verse- ment d'indemnités), l'office du travail doit nécessairement engager des discussions avec les parties en cause. S'il ne joue pas ce rôle, des conflits risquent de survenir, que la nouvelle procédure a précisément pour but de prévenir.

c) Dans le cadre de ses activités statistiques, l'autorité se borne à prendre note des renseignements communiqués par l'employeur.

(22)

Licenciements collectifs et transferts d'entreprises 107

E.Sandions

JO. Régimes. - Le régime des sanctions varie selon qu'a été violée la procédure de consultation ou celle d'annonce à l'autorité adminis- trative.

31. Violation de la procédure de ronsultation. - A u cours des débats parlementaires, certains députés ont douté de l'utilité de prévoir des sanctions applicables à l'employeur en cas de violation des nou- velles règles sur les licenciements collectifsS5. Le parlement ne les a pas pleinement écoutés, mais a institué une sanction moins lourde que celle initialement proposée par le Conseil fédéral. Ainsi, lorsque les contrats sont résiliés sans que l'employeur ait respecté la procédure de consultation prévue par le code des obligations, les congés sont abu- sifs; l'employeur s'expose à devoir payer une indemnité, qui ne saurait excéder deux mois de salaire par travailleur (art. 336 al. 2 lit. c et 336a aI. 3 CO). Cest donc dans le cadre des procédures intentées par les salariés, après les licenciements, que les tribunaux (le plus souvent les tribunaux du travail) seront appelés à juger si l'employeur a bien compris et appliqué les nouvelles règles.

Il convient à cet égard de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés:

"lorsqu'une directive ne prévoit pas de sanction spécifique en cas de violation de ses dispositions ou renvoie, sur ce point, aux dis- positions législatives, réglementaires et administratives nationales, l'article 5 du traité impose aux États membres de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire. A cet effet, tout en conservant un pouvoir dis- crétionnaire quant au choix des sanctions, ils doivent veiller à ce que les violations de la réglementation communautaire soient sanctionnées dans des conditions de fond et de procédure ana- logues à celles applicables aux violations du droit national d'une nature et d'une importance similaires et qui, en tout état de cause, confèrent à la sanction un caractère effectif, proportionné et dis- suasif"56.

Le problème des sanctions a également préoccupé la Communauté à l'occasion de la révision de la directive de 1975. Le texte de 1992 prévoit en effet que les États membres veillent à ce que 55 Cf. BOCN 1993 1721-1723.

56 Cf. Rec. 1994, p. 2494, point 40 (Royaume-Uni); voir aussi Roc. 1989, p. 2%5, points 23 et 24: 1991, p. 1-4371, point II.

(23)

108 Gabriel AUBERT les représentants des travailleurs et les travailleurs eux-mêmes dispo- sent de procédures administrati ves ou juridictionnelles aux fins de faire respecter les obligations prévues par la directive ( art. 2 § 4 ch.

6). Cette formulation bénigne évince une proposition plus radicale de la Commission. selon qui les licenciements prononcés ensuite d'une procédure irrégulière devaient être frappés de nullitéSl .

32. Violation de la procédure d'annonce à l'autorité compé- tente. - En cas de violation intentionnelle de l'obligation d'annoncer les licenciements collectifs imposée par la loi sur le service de l'emploi.

l'employeur est passible d'une amende de fr. 40.000 au maximum (art. 39 al. 2 lit. b LSE).

En revanche. la violation de l'obligation de notifier les licencie- ments collectifs à l'autorité compétente. selon le code des obligations.

ne fait l'objet d'aucune sanction particulière. Peut-être le législateur est-il parti de l'idée que la mise en oeuvre des dispositions sur le ser- vice de l'emploi suffisaient. Cette manière de voir paraît néanmoins discutable. dès lors que les obligations de l'employeur. dans les deux domaines. ne sont pas identiques. s'agissant. en particulier. du contenu des informations à fournir. Force est donc de constater qu'en raison de cette lacune notre législation se révèle incompatible avec la direc- tive européenne.

Enfin. la violation de l'obligation de communiquer les informa- tions requises aux services chargés de la statistique est punie de l'amende (art. 22 LSE).

III. LES TRANSFERTS D'ENTREPRISES

33. Buts et sources de' la réglementation. - Les transferts d'entre- prises se sont multipliés, durant les dernières décennies. tant sur le plan suisse que dans la Communauté européenne. Ainsi, tantôt des entre- prises fusionnent pour constituer des entités économiquement plus solides; tantôt des entreprises renoncent à certains secteurs d'exploita- tion (s'agissant notamment de services), afin de les confier en sous- traitance à une autre entreprise, pour limiter les frais58 .

En cas de transfert, les salariés se trouvent dans une situation presque aussi précaire que celle résultant de licenciements collectifs.

57 Cf. la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 751!29/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs. du 13 novembre 1991, COM (91) 292, final, p. 8; LYON-CA&I et LYON-CA&I, p. 305.

58 Cf. par exemple JAR 1990,388.

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Licenciements collectifs et transferts d'entreprises 109 Ils craignent d'être "vendus· à un repreneur qui, pour réorganiser l'entreprise, risque de les congédier ou de modifier les· conditions de travail. Dans certains cas, l'opération de transfert a pour seul but de soustraire un groupe de salariés à l'empire d'une convention collective existante.

En Suisse, jusqu'à la révision législative de 1993, l'article 333 du code des obligations avait surtout pour objet de faciliter les transferts d'entreprises, du point de vue de l'employeur. Ainsi, le cédant, en vue du transfert, avait le droit de licencier librement tout ou partie des sa- lariés de l'entreprise. En l'absence de résiliation de la part du cédant, le salarié ne pouvait pas refuser purement et simplement le changement d'employeur; au contraire, il était tenu de travailler au service de l'ac- quéreur au moins jusqu'à l'échéance du délai de congé légal; à l'expi- ration de cc délai, il lui était cependant loisible de quitter l'acquéreur même si le contrat avait été conclu pour une durée plus longue que le délai minimum légal. Enfin, de son côté, l'acquéreur n'était tenu de respecter le contrat de travail entre le salarié et le cédant que jusqu'à son échéance normale; cela fait, il pouvait librement résilier le contrat, pour quelque motif que ce soit59. Au surplus, lorsque le cédant était lié par une convention collective de travail, cette dernière ne liait nul- lementl'acquéreur, qui pouvait se dégager de son champ d'application dès l'échéance normale des contrats de travail; demeuraient naturelle- ment réservés les cas dans lesquels le cédant se trouvait déjà lié par la même convention collective de travail ou déclarait y adhérer.

La directive communautaire de 1977 s'inspire d'une philosophie différente: en VUe d'atténuer les conséquences sociales négatives des transferts d'entreprise, elle se propose en particulier trois objectifs:

premièrement, éviter que l'employeur ne tire prétexte d'un transfert d'entreprise pour faire "table rase" en licenciant brusquement tout ou partie des salariés; deuxièmement, empêcher que le transfert d'entre- prise ait pour but ou pour effet de soustraire les travailleurs à la pro- tection d'une convention collective de travail; troisièmement, faciliter la défense collective des intérêts des travailleurs en aménageant des procédures de consultation60

Abandonnant la philosophie sous-jacente à l'ancien article 333 CO, le législateur suisse a modifié ce dernier, en 1993, pour faire siens les objectifs posés par le droit communautaire.

34. La définition du transfert d'entreprise. - Le code des obliga- tions ne définit pas les transferts d'entreprise ou de partie d'entreprise (art. 333 al. 1 CO). Comme le nouveau texte a pour but de mettre en 59 ATF 1l41J 352, avec références.

60 Cf. BUNPAlN et JAVIWER, p. 171.

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