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La christianisation des campagnes (IV<sup>e</sup>-VIII<sup>e</sup> s.)

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Academic year: 2021

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HAL Id: halshs-00269116

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00269116

Submitted on 29 Jan 2020

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La christianisation des campagnes (IVe-VIIIe s.)

Yann Codou, Marie-Geneviève Colin, Monique Le Nézet-Célestin

To cite this version:

Yann Codou, Marie-Geneviève Colin, Monique Le Nézet-Célestin. La christianisation des campagnes

(IVe-VIIIe s.). Gallia - Archéologie de la France antique, CNRS Éditions, 2007, Dossier : Antiquité

tardive, haut Moyen Âge et premiers temps chrétiens en Gaule méridionale (seconde partie) : monde

rural, échanges et consommation, 64, pp.57-83. �10.3406/galia.2007.3306�. �halshs-00269116�

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L a christianisation des campagnes

( iv e - viii e s .)

Yann C odou et Marie-Geneviève C oLin

avec une contribution de Monique L e n ézet -c éLestin

Mots-clés. Antiquité tardive, haut Moyen Âge, christianisation, baptistère, église, oratoire, paroisse, funéraire, milieu rural.

Résumé. Divers travaux récents permettent de dresser un panorama de la christianisation des campagnes ou, tout au moins, de sa traduction monumentale entre le ve s. et le viiie s. Dans le courant des ve-vie s., on peut parler d’une « naissance des campagnes chrétiennes », même si la mise en place d’un paysage rural chrétien connaît, selon les régions, des développements différents et des spécificités chronologiques. L’apparition de ces lieux de culte est due à l’action d’acteurs multiples tels que les clercs, en particuliers les évêques, mais aussi les potentes, détenteurs de domaines ruraux.

Ce paysage monumental, dès cette période de structuration, apparaît comme divers. Les résultats des recherches récentes permettent d’envisager l’existence de véritables groupes presbytéraux, c’est-à-dire d’ensembles d’édifices aux fonctions spécifiques et complémentaires.

Parmi ces édifices s’imposent les églises baptismales, dont l’origine est, dans la majorité des cas, liée à l’intervention directe de l’Église.

D’autres monuments témoignent du lien étroit qui s’établit entre l’église et le monde des morts, sous la forme de basiliques funéraires rurales.

Ce semis de lieux de culte s’adapte au réseau de l’habitat rural. Les agglomérations secondaires qui se développent alors réservent une place de choix à l’église, tandis que dans les villae on voit s’élever des oratoria. Cette organisation topographique progressive porte déjà en elle les prémices des formes d’occupation et d’encadrement des populations qui connaîtront leur plein épanouissement au cœur de la période médiévale.

Keywords. Late Antiquity, Early Medieval Age, christianization, baptistry, church, oratory, parish, funerary, rural environment.

Abstract. Recent investigations allow to give a view of Christianization in the countryside or at least of its expression in terms

of building between the 5th and 8th century. We can speak of the birth of Christian countryside during the 5th-6th century, even if the setting of a Christian rural landscape shows various developments and chronological specificities inside the different areas. The appearance of these cult places is due to the action of numerous actors such as clerks, bishops in particular, and also potentes, owners of rural estates.

From this stage of “structuring”, the building landscape shows some diversity. The results of recent research allow to suggest the existence of presbyteral groups, that is series of buildings with specific and complementary functions. Among these, baptismal churches are predominant and their origin, for the majority of them, lies to the direct intervention of the Church. Others attest of the strong link established between the church and the world of the dead, within the shape of rural funerary basilicas.

This patchwork of cult sites fits to the rural settlement scheme. The small growing towns give a selected place to the church and oratoria are being raised in villae. In this progressive topographical organization are included the beginnings of types of occupation and of control of populations, which will have their fulfilment during the course of the Middle Ages.

Translation: Isabelle Fauduet Schlüsselwörter. Spätantike, Frühmittelalter, Christianisierung, Baptisterium, Kirche, Oratorium, Gemeinde, Grabbauten, ländliches Milieu.

Zusammenfassung. Verschiedene kürzlich veröffentlichte Arbeiten verschaffen einen Überblick über die Christianisierung der ländlichen Gebiete, zumindest jedoch darüber, wie die Bauwerke aus der Zeit zwischen dem 5. und dem 8. Jh. diese widerspiegeln.

Im 5. und 6. Jh. kann man von der „Geburt des ländlichen Christentums“ sprechen, selbst wenn die Christianisierung eines Landstriches regional unterschiedlich verlief und auch in chronologischer Hinsicht nicht einheitlich war. Das Auftauchen

der Kultstätten ist auf das Wirken verschiedener Akteure zurückzuführen, wie zum Beispiel der Geistlichen, insbesondere der Bischöfe, aber auch der Machthaber, die Güter auf dem Land besaßen.

Die Bauwerke zeichnen sich von Anfang an durch ihre Vielfältigkeit aus. Die Ergebnisse der neueren Forschungen lassen die Existenz regelrechter Pfarrkomplexe vermuten, d.h. Gruppen von Gebäuden, mit spezifischen und komplementären Funktionen. Vorrangig unter diesen Bauwerken sind die Taufkirchen, deren Ursprung überwiegend auf das direkte Eingreifen der Kirche zurückzuführen ist. Andere Bauwerke, zum Beispiel die ländlichen Grabkirchen, zeugen von der engen Beziehung, die sich zwischen der Kirche und der Welt der Toten herausbildet.

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Diese Verbreitung von Kultstätten deckt sich mit dem Netz der ländlichen Siedlungen. Die Kirche nimmt in den Marktflecken, die sich zu dieser Zeit herausbilden, einen wichtigen Platz ein, während in den villae eher oratoria errichtet werden. Diese progressive topographische Organisation trägt bereits die Keime der Siedlungsformen und der kirchlichen Betreuung der Bevölkerung in sich, die sich im Mittelalter voll entfalten werden.

Übersetzung: Isa Odenhardt-dOnvez

Les vingt dernières années ont été particulièrement fructueuses pour l’archéologie chrétienne grâce, d’une part, à la multiplication des découvertes de terrain et grâce, d’autre part, à la mise en œuvre d’ambitieux projets éditoriaux, dont l’aboutissement a permis à la communauté scientifique de bénéficier de nombreux bilans monographiques ainsi que de précieux travaux de synthèse 8. Faire en quelques pages le point des connaissances concernant la christianisation des campagnes en Gaule méridionale n’en constitue pas moins une gageure, du fait non seulement du caractère toujours aléatoire et très incomplet des trouvailles, mais aussi de la diversité des modalités et des formes que revêt selon les régions cette mutation progressive de la société rurale.

Pour la période retenue ici 9, les sources écrites dont nous disposons sont de nature juridique, littéraire ou encore hagiographique. Relativement abondantes au cours de l’Antiquité tardive, elles se raréfient considérablement aux viie et viiie s. Les canons des conciles, souvent accompagnés de listes d’évêques souscripteurs, constituent une source d’informations essentielle pour les ive s., ve s. et surtout vie s. 10 Les relations épistolaires qu’entretiennent 8. Nous pensons en premier lieu à l’Atlas des monuments paléochrétiens de la France, qui regroupe un ouvrage de synthèse, Naissance des arts chrétiens, paru en 1991 sous la direction de N. duval, et trois volumes d’introductions régionales et de notices monographiques respective- ment consacrés au Sud-Est et à la Corse (duval, Guyon dir., 1995), au Sud-ouest et au Centre (Maurin dir., 1996), au Nord et à l’Est (Gauthier dir., 1998). En outre, les fascicules consacrés à la Topographie chrétienne des cités de la Gaule publiés depuis 1986 sous la direction de N. Gauthier et de J.-C. Picard, plus spécifiquement dédiés à l’étude du milieu urbain, constituent d’indispensables outils de référence.

d’autre part, les historiens médiévistes ont développé une réflexion sur l’église comme monument et comme espace sacralisé, en suivant la perception du monument et son évolution durant tout le Moyen Âge : voir en dernier lieu les synthèses de M. Lauwers et d. iogna-Prat (Lauwers, 2005a ; iogna-Prat, 2006).

9. Contrairement à certaines contributions de ce dossier, nous n’avons pas pris en compte le iiie s. dans les pages qui suivent, aucune donnée relative à la christianisation des campagnes n’étant antérieure au ive s.

10. deux types de conciles sont conservés : d’une part les conciles provinciaux qui réunissent, sous la présidence du métropolitain, les évêques suffragants de la province ou leurs représentants et, d’autre part, les conciles interprovinciaux ou « nationaux ». Par exemple pour l’espace provençal, nous possédons une série de conciles qui s’ouvre

les membres de l’aristocratie apportent également des témoignages, ponctuels mais précieux, sur un monde rural pour lequel les données épigraphiques restent rares.

Les récits historiques, les œuvres poétiques et les Vies de saints, lorsque ces dernières sont bien datées 11, complètent utilement ce corpus de textes en dépit d’une partialité dont il convient de tenir compte.

La conservation d’éléments de mobilier liturgique – autel, chancel, vasque – ou d’éléments d’architecture en remploi constitue un indice important pour attester l’existence proche d’une église en l’absence de vestiges architecturaux proprement dits 12 (fig. 18). d’autres objets, au premier titre desquels les sarcophages à décor de scènes bibliques ou de chrismes (fig. 19), portent précocement témoignage de la présence de fidèles dans les campagnes, mais le caractère souvent isolé et/ou remployé de ces trouvailles, dont la provenance exacte est loin d’être toujours avérée, relativise la portée de ces informations. il est sans doute plus délicat de prendre en considération la diffusion de la céramique décorée de symboles chrétiens pour juger réellement de la christianisation. Si cette vaisselle témoigne incontestablement du fait que le discours chrétien tend progressivement à s’imposer, il n’est pas certain que ce langage iconographique ait eu un réel impact auprès des populations. En revanche certains symboles, en particulier la croix, au-delà de la catéchèse, semblent riches de sens : telle cette croix, gravée au vie s. à l’intérieur d’un sarcophage de Ménerbes, qui assume à n’en pas douter des fonctions de protection du mort dans la tombe 13 (fig. 20).

avec celui d’Arles de 314 ; ces conciles provinciaux, bien que leurs actes ne soient pas tous conservés, sont nombreux et cela jusqu’au milieu du vie s. Ensuite, ils disparaissent pour laisser place aux conciles

« nationaux ».

11. Voir à ce sujet la mise au point de P.-A. Février (1985) et le récent ouvrage de B. Beaujard (2000).

12. Voir notamment Barruol, Codou, « Le mobilier liturgique », in Guyon, Heijmans dir., 2001, p. 166-175.

13. Cette fonction de munimen de la croix se retrouve dans l’inscrip- tion de l’enfant Theudosius, découverte à la Gayole (commune de La Celle), où il est affirmé que l’enfant est « muni du rempart de la croix » (Guyon, Heijmans dir., 2001, p. 224).

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59 premierstempschrétiensen gauLeméridionaLe

Enfin, les découvertes archéologiques attribuables aux premiers édifices chrétiens ruraux constituent le matériau privilégié de cette étude. Si de larges zones d’ombre subsistent, les récents développements de l’archéologie préventive, associés au regain d’intérêt que suscitent l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge ainsi que les enquêtes consacrées aux permanences et mutations dans les modalités de l’occupation des terroirs, ont largement enrichi et renouvelé nos connaissances au cours des dernières décennies 14.

L’ensemble de la documentation disponible offre donc un caractère composite et lacunaire, aussi nous tâcherons de ne pas nous départir d’une grande prudence dans l’interprétation. de ce point de vue, la mise en relation des données archéologiques et des sources écrites, si elle est intéressante, n’est pas sans risque. Les distorsions de nature et d’objet entre ces différents types de sources historiques sont telles que des comparaisons trop rapides et trop systématiques peuvent conduire à masquer la variété des situations.

14. Sans oublier les acquis des années antérieures, nous nous efforce- rons dans les pages qui suivent de réserver une place importante aux découvertes les plus récentes, afin que le présent dossier soit l’occasion de rendre compte de l’actualité archéologique.

LES ACtEuRS Et LES PREMièRES

ExPRESSioNS dE LA CHRiStiANiSAtioN dES CAMPAGNES

L’Action épiScopALe et LA MiSe   en pLAce d’un cLeRgé RuRAL

Au ive s., la christianisation des campagnes est amorcée.

dès 314, le concile d’Arles permet d’envisager l’existence de clercs présents dans le monde rural et donc de lieux de culte 15. Si l’on ne peut exclure que des églises soient alors déjà implantées dans l’espace rural – bien qu’il n’en existe pas encore à ce jour de preuve archéologique 16 –, les temps majeurs de la vie du chrétien, en particulier le baptême, se déroulent alors dans la cité épiscopale en présence de l’évêque. Quelques inscriptions funéraires constituent pour leur part un témoignage précoce de la pénétration du christianisme et pas seulement auprès des élites, comme par exemple les inscriptions recueillies lors de la fouille de Saint-Estève à Ménerbes (Guyon, 1992) (fig. 21).

Selon les sources écrites, le ve s. et plus encore le vie s.

sont ceux d’un important mouvement de christianisation des campagnes. des parochiae 17 sont constituées, dans lesquelles les ministres du culte – prêtres ou diacres – peuvent désormais baptiser et prêcher 18. dans cette entreprise d’évangélisation, l’action épiscopale semble déterminante, à en croire les sources qui ont toutefois pu amplifier ce rôle : l’évêque est le personnage incontournable, il propage le message divin, c’est un pédagogue. Au début du vie s., à travers le personnage de Césaire d’Arles (502-542), on saisit l’existence de visites pastorales. Césaire semble circuler dans des espaces acquis au christianisme et, si on laisse de côté les 15. Le canon 2 évoque des clercs ordonnés hors de la cité en des lieux :

« De his quoque qui quibuscumque locis ordinati fuerint ministri, in ipsis locis perseverent » (Conciles gaulois du ive siècle, 44-45).

16. À l’exception peut-être de l’église à plan basilical de la Gravette à L’isle-Jourdain, voir infra, note 38, p. 66-67.

17. terme régulièrement utilisé dans les actes des conciles de l’An- tiquité tardive, que nous conservons ici sous sa forme latine dans la mesure où ces premières « paroisses » ne doivent pas être confondues avec la circonscription territoriale ecclésiastique qui s’est définitive- ment mise en place au cours du Moyen Âge. La parochia est un terme fortement polysémique, de même que le terme diocesis qui peut être utilisé concurremment. Voir notamment sur ces questions de termi- nologie les travaux de J. Avril (1988 et 1992) et plus récemment de M. Lauwers (2005b, p. 14-15).

18. Voir Concile d’orange, 441, canon 2 (Concilia Galliae, i, 78). dans le canon 3 du concile de Vaison de 442, il est précisé que les prêtres doivent se munir du chrême auprès de leur évêque (Concilia Galliae, i, 97).

Fig. 18 – Auriol (Bouches-du-Rhône), table d’autel décorée (cliché : Y. Codou, Université de Nice).

1

2

Fig. 19 – Sarcophages : 1, Lucq-de-Béarn (Pyrénées-Atlantiques), sarcophage à frise continue du ive s. ; 2, Le Mas-d’Agenais (Lot-et-Garonne), sarcophage à chrisme de la première moitié du vie s. (clichés : M.-G. Colin).

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60 marc heijmanset jean guyon

récits de miracles concernant des personnes qu’il délivre du démon, on ne le voit pas dans une situation de missionnaire, même si, dans ses sermons, il évoque la persistance du paganisme, voire une reprise des cultes païens.

chRiStiAniSMe et Monde pAïen

dans les premiers temps de la mission, le culte païen côtoie le culte chrétien ; certaines fouilles montrent notamment que la désaffectation des sanctuaires païens ne se réalise qu’à partir de la fin du ive s. (Guyon, Heijmans dir., 2001, p. 26-30 et p. 39-43). dans le courant du vie s.

encore, le paganisme se maintient, et pas simplement à travers des pratiques que l’on tente de christianiser ou que l’on réprime durement 19. Le sermon 53 de Césaire d’Arles 19. Le canon 3 du concile provincial réuni à Eauze en 551 punit sévère- ment les pratiques païennes et superstitieuses qui touchent aussi bien les personnes de haut rang que celles de basse condition : « De incanta-

appelle la population à détruire les temples : « Ammonitio ut fana destruantur ». Césaire précise : « le pire est qu’il existe des malheureux et des misérables qui non seulement ne veulent pas détruire les temples païens, mais même qui ne craignent ni ne rougissent de reconstruire ceux qui ont été détruits » (Césaire d’Arles, Sermons au peuple, 445). Malgré cela, il est à remarquer que dans nombre de cas on peut percevoir une désaffectation sans violence 20.

Si la hiérarchie ecclésiastique prône parfois la destruction des lieux de culte païens, elle plaide également pour la purification et la réutilisation de ces édifices 21. Pourtant, les cas de christianisation de temples païens attestés par l’archéologie sont finalement assez rares en Gaule 22. dans le Midi, on retiendra l’exemple du site Saint-Jean à Roujan qui illustre cependant fort bien ce phénomène : au cœur d’une agglomération dont la superficie est estimée à 7 ha, un ensemble de trois sanctuaires, dotés chacun d’un pronaos et d’une cella, est construit dans la première moitié du ier s.

de notre ère 23. dès le ve s., ou au cours du premier tiers du vie s., le temple septentrional est réutilisé comme mausolée, voire transformé en memoria. toujours dans le courant du premier tiers du vie s., ce bâtiment bénéficie d’une première extension occidentale alors même qu’est construit, une dizaine de mètres plus au sud et aux dépens du temple méridional totalement dérasé, un baptistère (fig. 22). La création d’un chœur liturgique n’est archéologiquement assurée qu’un peu plus tard – entre la seconde moitié du vie s. et la fin du viiie s. – avec l’adjonction, à l’est,

toribus vel eis, qui instinctu diaboli cornua praecantare dicuntur, si superiores forte personae sunt, a liminibus excommunicatione pellantur ecclesiae, humilio- res vero personae vel serui correpti a iudice fustigentur, ut si se timore Dei corrigi forte dissimulant, velut scriptum est, verberibus corrigantur » (Les Canons des conciles mérovingiens, 332).

20. C’est un constat qui a été fait notamment dans l’espace provençal (Guyon, Heijmans dir., 2001, p. 38-43). un sermon de Césaire d’Arles, intitulé « Sermon indispensable dans les paroisses » (Sermo in parochiis necessarius), lutte contre la permanence de certaines pratiques païennes, exercées par des chrétiens. Celles-ci semblent davantage relever d’une sorte de « folklore », de pratiques superstitieuses, que d’une véritable permanence des cultes païens (Césaire d’Arles, Sermons au peuple, i, xiii, 427-429).

21. Ainsi, deux Vitae de saint orens, qui fut évêque d’Auch au début du ve s., rédigées dès le courant du vie s. pour la plus ancienne et légèrement postérieure pour la seconde, rapportent la purification, à l’initiative du pontife, d’un fanum dédié à Nerveia et sa réutilisation en tant qu’église (De Sancto Orientio, dans Acta Sanctorum, i, p. 62).

22. Ce thème a fait l’objet d’un premier bilan toujours d’actualité dressé par N. duval (duval dir., 1991, p. 189-191) puis, plus récemment, d’une intéressante synthèse toutefois exclusivement consacrée au milieu urbain (Caillet, 1996).

23. Voir l’article de synthèse proposé dans le dossier « Sanctuaires et lieux de culte » du vol. 40 de la RAN (Colin et al., à paraître).

Fig. 20 – Saint-Estève à Ménerbes (Vaucluse), croix gravée à l’intérieur du sarcophage (cliché : Y. Codou, Université de Nice).

Fig. 21 – Saint-Estève à Ménerbes (Vaucluse), inscription chrétienne du ive s. figurant un chrisme accosté de l’alpha et de l’oméga (cliché : Y. Codou, Université de Nice).

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de l’édifice funéraire septentrional, d’une courte abside semi-circulaire précédée d’une travée droite ; ce bâtiment, qui forme désormais une véritable église, est à nouveau agrandi sur son flanc ouest, l’ensemble atteignant ainsi une superficie utile supérieure à 80 m² (fig. 23). L’observation des procédés de construction mis en œuvre montre que ces diverses extensions ont été réalisées en prenant appui sur un temple antique qui était encore au moins partiellement en élévation, contrairement à ses deux voisins méridionaux qui avaient été détruits préalablement à la construction d’une salle baptismale.

Le succès de la nouvelle religion peut également être perçu au travers du réemploi, sans doute très symbolique, d’autels dédiés à des divinités païennes, christianisés et utilisés comme supports d’autels eucharistiques, dont on connaît plusieurs exemples qui nous sont malheureusement tous parvenus hors de leur contexte archéologique 24 (Michaud, 1978, p. 10-12) (fig. 24, no 1). Même chose pour les auges cinéraires sculptées en marbre des Pyrénées, assez fréquemment réemployées comme pieds d’autels après avoir

24. Cette réutilisation témoigne de la victoire du christianisme sur les dieux païens et aussi d’actes de purification.

été préalablement munies d’un loculus à reliques 25 (dourthe, 1995, p. 12-17 ; Laurens, 1999, p. 439-445) (fig. 24, no 2).

À LA RecheRche deS pReMièReS égLiSeS  pubLiqueS RuRALeS

Hors les chefs-lieux de cités, l’initiative de fonder une église revient prioritairement à l’évêque. Ces créations épiscopales peuvent avoir lieu sur des terres rurales détenues par l’Église 26. Le concile d’orange de 441 évoque ainsi le fait que des évêques construisaient des églises sur des terres extérieures à leur diocèse, dont ils étaient les propriétaires 27. dans les Bouches-du-Rhône, les paroisses de Citharista (La Ciotat ou Ceyreste) et de Saint-Jean-de-Garguier/Gargarius à Gémenos sont pourvues de desservants par l’évêque de Marseille en 417, ce qui provoqua un conflit avec l’évêque d’Arles 28 (Saxer, 1999, p. 13-14).

Si l’action épiscopale paraît tout à fait déterminante dans la création d’un semis d’églises rurales initial, en premier lieu en ce qui concerne les édifices implantés dans les agglomérations secondaires et ceux dotés d’un baptistère, elle n’exclut pas d’autres initiatives, notamment celles de riches notables qui ont à cœur de fonder sur leurs terres des lieux de culte, dont l’ampleur reste souvent modeste mais peut parfois concurrencer les réalisations du clergé. Ce dernier n’aura d’ailleurs de cesse de défendre ses prérogatives dans ce domaine.

LeségLisesbaptismaLes

Si les textes mettent partiellement en lumière l’action des évêques dans la création d’un premier semis d’églises destinées à la desserte des populations rurales, ces édifices restent difficiles à identifier. Néanmoins, la fonction

25. Le phénomène peut être qualifié de relativement fréquent dans les Pyrénées centrales puisque l’inventaire de A. Laurens a permis de recenser treize couvercles et cinq cuves d’auges pourvus de cavités à reliques. En revanche, l’absence de découvertes in situ interdit toute précision chronologique concernant ce remploi de matériel antique qui a pu se prolonger durant tout le Moyen Âge.

26. Ainsi, Césaire se rend dans une paroisse fondée sur un domaine de l’Église d’Arles : « Devoluto hinc tempore venit ad agrum ecclesiae nostrae, ubi et dioceses sunt, quod Succentriones vocatur » (Vita S. Caesarii, col. 1033- 1034).

27. « Si quis episcoporum in alienae civitatis territorio ecclesiam aedificare disponit » (Concilia Galliae, i, 80-81). Cela est de nouveau évoqué dans le concile d’Arles, 442-506, canon 36 (Concilia Galliae, i, 121).

28. Certaines enclaves observables dans la géographie diocésaine de la période médiévale peuvent avoir pour origine ces fondations de l’Antiquité tardive (Codou, à paraître).

0 5 m

N

époque romaine haut Moyen Âge Fig. 22 – Saint-Jean à Roujan (Hérault), plan d’ensemble de l’époque

romaine et du haut Moyen Âge (DAO : L. Vidal, INRAP).

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Hypothèse de mise en phase Phase 1

Ier s.

Phase 3 VIe/VIIe-VIIIe s.

Fait 50 [896-1147]

A

Fait 46

Fait 36

T.3

Phase 2 Ve-VIIe s.

Fait 10 Fait 13

Fait 18 Fait 33

Fait 28 Fait 30

Fait 12 [678-795]

Fait 15 Fait 9

Fait 11 Fait 43 [779-983]

Fait 49 [564-659]

Fait 47 Fait 38

Fait 48 T.1.S1

Mr.6

Mr.14

Mr.3

Mr.11

Mr.10

Mr.8

Mr.25

Mr.27

Mr.28

Mr.9

Mr.7 Mr.7

Mr.1

Mr.52

Mr.13

Mr.2

Mr.18

Mr.53

0 5 m

N

Fait 37 [416-538]Fait 37 [416-538]

Fait 42 [563-659]Fait 42 [563-659]

0 10 m

Fig. 23 – Saint-Jean à Roujan (Hérault), plan de l’édifice septentrional et de ses extensions successives (DAO : L. Schneider, CNRS et L. Vidal, INRAP).

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baptismale s’impose comme essentielle et relève à l’origine des attributions quasi exclusives de l’évêque 29.

un premier critère susceptible de désigner une fondation épiscopale peut donc être lié à la présence, associé à l’église, d’un baptistère. Les baptistères ruraux attestés pour la Gaule méridionale sont actuellement de l’ordre d’une petite quinzaine, plusieurs identifications ou nouvelles découvertes étant venues ces dernières années – telles celles de Roujan, Brioude ou encore Roanne – enrichir le corpus existant 30. L’espace méditerranéen nous offre l’image d’ensembles monumentaux aux plans stéréotypés. trois cas provençaux sont désormais bien connus : Saint-Maximin-la- Sainte-Baume, Saint-Hermentaire à draguignan et Notre- dame-du-Brusc à Châteauneuf-Grasse (Codou, 1995 ; Février, Fixot, 1995 ; Guyon, 1998). il faut désormais

« élargir » cette série aux cas héraultais des baptistères de Pampelune à Argelliers (Schneider, 2003a et 2004) et de Saint-Jean à Roujan (Colin et al., à paraître). Quelle que soit la complexité du plan d’ensemble des différents édifices 29. Quasi exclusivement en effet, puisque cette règle théorique souffre d’au moins une exception avec le célèbre cas de Primuliacum, du nom du domaine où un notable – Sulpice Sévère en l’occurrence – construit sur son domaine, à l’orée du ve s., une église et un baptistère (Paulin de Nole, Epistulae, 30, 31 et 32, dans CSEL, 29, p. 262-285).

30. Le baptistère de Roanne, mis au jour en 2005 par M. Le Nézet- Célestin (iNRAP), fait l’objet d’une notice infra, p. 81-83.

– certains d’entre eux intègrent un portique, des annexes ou des chevets multipartites –, leurs caractères communs viennent de l’association d’une église à nef unique et d’une extension occidentale qui constitue le baptistère 31 (fig. 25).

Ce sont là des monuments d’assez grandes dimensions (fig. 26), dont les salles baptismales offrent une superficie utile comprise entre 35 m² et 45 m², à l’exception de celle de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume dont l’ampleur – plus de 80 m² – et la composition architecturale sont comparables à certains baptistères cathédraux 32 (fig. 27).

31. on peut souligner qu’à Pampelune, Saint-Hermentaire et Notre- dame-du-Brusc le baptistère appartient au programme originel, alors qu’à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume le baptistère est greffé postérieu- rement à l’avant de la façade occidentale de l’église, sans doute vers le vie s. Le cas de Roujan est associé à cette « famille » d’édifices à titre d’hypothèse, dans la mesure où seule la moitié occidentale du baptis- tère a été mise au jour, le reste de l’édifice ayant été détruit par une construction postérieure.

32. Saint-Maximin-la-Sainte-Baume : composé dans un premier temps d’une église longue d’environ 20 m pour une largeur de 8,75 m, l’ensemble monumental, enrichi du baptistère, atteint une longueur d’au moins 30 m. Saint-Hermentaire : longueur de 27,60 m pour une largeur de 8,90 m. Pampelune : longueur totale hors œuvre de 26,75 m pour une largeur de la nef et du baptistère inscrit dans son prolongement de 6,40 m. Notre-dame-du-Brusc : vaisseau long de 24,50 m et large de 8 m. il convient de souligner la spécificité de Saint- Hermentaire où l’abside est aménagée afin de permettre le culte des reliques ou d’un corps saint.

1 2

Fig. 24 – 1, Saint-Marcel-de-Careiret (Gard), autel-cippe païen christianisé ; 2, Bordères-Louron (Hautes-Pyrénées), cuve d’auge cinéraire percée d’une cavité à reliques (clichés : no 1, V. Lassalle ; no 2, A. Laurens).

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Fig. 25 – Plans comparés de baptistères provençaux et languedociens (DAO : L. Schneider, CNRS).

1. Saint-Hermentaire à Draguignan (Var)

3. Notre-Dame-du-Brusc à Châteauneuf-de-Grasse (Alpes-Maritimes) 2. Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var)

4. Roc de Pampelune à Argelliers (Hérault)

5. Saint-Jean à Roujan (Hérault)

0 10 m

(10)

65 premierstempschrétiensen gauLeméridionaLe

Le cas de l’église accompagnée de son baptistère mis en évidence à Loupian est également remarquable. L’église à nef unique terminée par une abside à chevet plat est assez vaste, environ 27 m sur 9,50 m ; le baptistère ainsi que des annexes sont accolés au mur gouttereau nord. À ces constructions se reliait un ensemble thermal (Pellecuer, 2001 ; Pellecuer, Schneider, 2005, p. 101-103).

on soulignera que les cuves de ces baptistères, lorsque les fouilles ont permis de le vérifier, ont subi des trans- formations – en particulier dans leurs dimensions qui ont été progressivement réduites, comme par exemple à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, Saint-Hermentaire et Roanne. Ce phénomène n’est pas sans rappeler ce qui a pu être observé pour les cuves des baptistères épiscopaux, rapprochant une fois encore l’évolution des monuments ruraux de celle mise en évidence dans les chefs-lieux. Ces modifications s’expliquent vraisemblablement par la généra- lisation du baptême d’enfants (Guyon, 2000b, p. 43-45).

on peut par ailleurs s’interroger sur la nature de l’occupation antérieure de ces différents sites. Pour ce qui est de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, il s’agit selon toute vraisemblance d’un domaine rural comme en témoigne le mausolée datable de la fin du ive s., significatif d’un contexte funéraire privé, le monument primitif ayant été élevé par une famille importante dans son domaine rural 33 (Guyon, 1998, p. 500) (fig. 28). de même, à Loupian, les monuments chrétiens semblent dépendre d’une villa, profondément transformée au ve s. avec l’aménagement d’une vaste salle de réception 34. Ces aménagements 33. d’autres hypothèses sur le contexte de la fondation ont pu être proposées. Pour certains auteurs, ce site correspond en réalité à une agglomération possédant peut-être un rempart (Brun, 1999, p. 177 et p. 197 ; Codou, 2003a, p. 38). L’interprétation d’un domaine privé reste la plus fondée, néanmoins on ne doit pas exclure une possible mutation du statut de l’habitat entre le ive s., époque de construction du mausolée, et le vie s., qui voit l’aménagement du baptistère. dans l’intervalle, le domaine rural des origines a pu être transformé en petite agglomération, la présence d’un lieu de culte ayant peut-être constitué un facteur déterminant de cette évolution. Cette possibilité du changement de statut d’un oratoire par l’adjonction d’un baptistère est sans doute sous-entendue dans une lettre de Grégoire le Grand datée de 592 : « La noble dame themotea m’a fait savoir par la requête ci-jointe qu’elle a fondé pour sa dévotion, dans la cité de Rimini, en un lieu lui appartenant, un oratoire qu’elle désire être consacré en l’honneur de la sainte Croix. donc, frère très cher, si l’édifice dont il vient d’être question se trouve relever du droit de ta cité, et s’il appert qu’aucun corps n’y est enseveli, tu consacreras solennellement cet oratoire […]. tu le feras de telle sorte qu’en ce lieu ne soit pas par la suite construit un baptistère, ni que tu y constitues un prêtre propre » (Grégoire le Grand, Registre des lettres, dans P. Minard éd., SC, t. i, lettre ii, 11, 329, Paris, 1991).

34. Même chose à Séviac sur la commune de Montréal dans le Gers (Lapart, Paillet, 1996).

Fig. 26 – Saint-Hermentaire à Draguignan (Var), vue du chevet de l’église (cliché : Y. Codou, Université de Nice).

Fig. 27 – Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var), restitution du baptistère de l’église (dessin : J.-M. Joulain, CNRS).

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66 marc heijmanset jean guyon

ambitieux montrent le caractère ostentatoire de cette architecture qui transparaît aussi dans le lieu de culte. dans le cas de Notre-dame-du-Brusc, c’est sur un cimetière qu’est implanté le monument 35. À Saint-Hermentaire, le bâtiment est fondé sur les murs d’une villa, mais il n’est pas exclu que celle-ci ait été abandonnée depuis un certain temps lorsque l’on construisit l’édifice cultuel.

L’image qui ressort de ces quelques ensembles monumentaux, par leurs structures et leur ampleur, amène à voir en eux de véritables « groupes presbytéraux », formés sur le modèle des groupes cathédraux urbains (Guyon, 2005, p. 198). dans certains cas, comme on va le voir, ces édifices sont implantés au cœur ou en périphérie d’une agglomération secondaire d’origine antique, comme à Roujan ou L’isle-Jourdain, ou au sein d’une agglomération nouvelle comme dans le cas du Roc de Pampelune à Argelliers.

LeségLisesLiéesàdesaggLomérations

Le « réseau » des petites agglomérations qui jalonnent le monde rural entre deux chefs-lieux semble, en effet, avoir fait précocement l’objet de l’implantation d’édifices chrétiens.

Au titre de ces habitats groupés il convient de distinguer, d’une part, les agglomérations héritées de l’organisation des cités antiques, les vici ou autres bourgades routières, et, d’autre part, les habitats de hauteur – les castra ou oppida – nouvellement créés au cours de l’Antiquité tardive.

35. À peu de distance est localisé un habitat, qu’on proposait jusqu’alors d’identifier comme étant une villa, mais une relecture récente des données archéologiques envisage la présence d’une petite agglomé- ration.

L’existence d’une parochia dans un vicus est ainsi attestée dès le tout début du ve s. à travers la Vie de Maxime de Riez (Saxer, 1999, p. 16) ; de même, une lettre que Paulin de Nole adresse en 401 à l’évêque delphin de Bordeaux témoigne de la consécration « d’une nouvelle fille de l’Église » dans le bourg associé au port fluvial de Langon. En outre, des plebes – centres paroissiaux qui ont donné naissance aux pieve en italie – sont attestées dans les actes du concile de Riez de 439 (Concilia Galliae, i, 68-69). Les prêtres présents dans les vici sont appelés vicani presbyteri dans les actes du concile de tours ii en 567 36.

d’assez nombreux exemples de lieux de culte établis dès l’Antiquité tardive au cœur ou en marge d’agglomérations dites secondaires sont connus en Gaule méridionale et l’on n’en retiendra ici que quelques-uns. Le complexe ecclésial de Civaux, agglomération antique du diocèse de Poitiers, mis au jour dans les années 1960, a fait dernièrement l’objet d’un réexamen critique (Boissavit-Camus, Bourgeois, in delaplace dir., 2005, p. 159-161). L’aménagement entre le ive s. et le vie s. – dans une aire sacrée gallo-romaine – d’une église, d’un baptistère et d’un cimetière, est confirmé.

Plusieurs lieux de culte sont également recensés dans les vici de la région Rhône-Alpes. Citons, en Haute-Savoie, le hameau de Viuz aux Faverges, pourvu dès le vie s. d’une église dédiée à Jean-Baptiste, et les vestiges – découverts à Annemasse – d’un angle de murs et de sépultures en coffres de dalles des vie et viie s., attribuables à la basilica consacrée par Avit en 516 (Reynaud, 2005, p. 63). Enfin, il convient d’évoquer au titre des découvertes les plus récentes la fouille du site de la Gravette à L’isle-Jourdain, qui a permis de mettre en évidence les vestiges d’un groupe ecclésial de première importance, jusqu’alors insoupçonné, à l’emplacement de la mutatio Bucconis 37, relais routier cité en 333 dans l’Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem. un édifice basilical de plan barlong à trois nefs, à vocation cultuelle et funéraire, a été reconnu ; sa date de construction initiale reste incertaine mais est sans doute proche des années 400 puisque son chevet fait l’objet d’un remaniement dès les premières décennies du ve s. 38. immédiatement au sud, un 36. Voir canons 5 et 20 (Les Canons des conciles mérovingiens, dans SC, 354, p. 346 sqq.).

37. À 35 km à l’ouest de toulouse, à proximité de la voie d’Aquitaine.

38. La datation 14C de la sépulture 651, implantée contre le chevet du deuxième état, est comprise entre 350 et 440 avec recoupement de la courbe d’étalonnage en 410 (renseignements très aimablement com- muniqués par J.-P. Cazes, directeur de la publication à paraître, que nous remercions). Le remaniement du sanctuaire dans la première moitié du ve s. peut donc être considéré comme acquis. Pour autant, il n’est pas avéré que la construction originelle remonte à la seconde Fig. 28 – Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var),

vue intérieure du mausolée (cliché : Centre archéologique du Var).

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67 premierstempschrétiensen gauLeméridionaLe

second bâtiment doté d’une abside occidentale abrite au ve s. une salle baptismale à cuve circulaire ouverte sur un déambulatoire. L’ajout postérieur, à l’est, d’une deuxième abside permet de poser l’hypothèse d’une église double (fig. 29) (Cazes, 1996a et b ; Cazes et al., à paraître).

d’autres habitats groupés relèvent en revanche d’un programme global de création d’une agglomération perchée, généralement comprise à l’intérieur d’un rempart, dont le lieu de culte fait partie intégrante dès l’origine. dans l’état actuel des connaissances, l’aire de diffusion de ces castra semble s’étendre à l’ensemble du Midi méditerranéen et englober l’Albigeois, le Quercy, le Rouergue, la drôme et l’Ardèche (Schneider, 2004 ; Reynaud, 2005, p. 63). En revanche, les terres plus occidentales, et notamment la Novempopulanie, ne semblent guère concernées par ce phénomène de perchement de l’habitat à la fin de l’Antiquité et dans le très haut Moyen Âge. Sur le roc de Pampelune à Argelliers, l’église occupe un emplacement topographique privilégié, au sommet et à l’extrémité occidentale de l’éperon rocheux. Le plan de ce lieu de culte associe une nef rectangulaire, prolongée à l’ouest par un baptistère, à un profond chevet plat, flanqué de deux annexes latérales asymétriques. L’ensemble est complété au nord par un petit monument funéraire et au sud par un probable portique (fig. 30). La construction de ce monument est à placer dans le dernier tiers du ve s. ou au début du vie s.

(Schneider, 2003a ; Pellecuer, Schneider, 2005, p. 105-107).

En Provence, divers cas sont attestés. Les plus évocateurs sont issus de fouilles anciennes 39 : ainsi l’oppidum de Saint- Blaise à Saint-Mitre-les-Remparts, identifié au site d’Ugium, fouillé dans les années 1930 par H. Rolland 40 (Février, 1995b), ou encore le site de Constantine à Lançon-de- Provence (Gérin-Ricard, 1924 ; Février, 1995a). dans ces deux cas, la construction des édifices cultuels est datée

moitié du ive s., comme les auteurs sont tentés de le penser. Quoi qu’il en soit, la précocité de cet édifice majeur est incontestable et s’inscrit bien dans la mise en place d’un premier semis d’églises en dehors du chef-lieu de la cité.

39. trois sites perchés de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge sont en cours de fouilles : Sainte-Candie à Roquebrune-sur-Argens dans le massif des Maures, où un lieu de culte est en cours de dégagement (F. Bertoncello et Y. Codou), le site des Mures à Salernes (E. Sauze, Centre archéologique du Var) et celui de la Granède à Millau (C. Saint-Pierre) ; mais les résultats sont encore trop partiels pour que l’on puisse en tirer des conclusions.

40. depuis, ce site a été réétudié par G. démians d’Archimbaud qui a fait porter ses efforts sur la datation de l’occupation mais n’a pas repris au sens strict le dossier des lieux de culte (démians d’Archimbaud dir., 1994).

des ve s. ou vie s. 41 on regrettera cependant que les fouilles anciennes ne se soient pas attardées sur la durée d’occupation 42. une de ces fondations d’habitat, sans doute fortifiée, est illustrée par l’inscription exceptionnelle dite « la Pierre écrite » à Saint-Geniez 43. Le texte célèbre la fondation en ce lieu, au début du ve s., d’un habitat au statut difficile à définir par dardanus, préfet du prétoire des Gaules et correspondant d’Augustin, qui est dénommé la Cité de dieu/Theopolis (fig. 31) (Marrou, 1954 ; Guyon, Heijmans dir., 2001, p. 224 ; Codou, 2005b, p. 87).

LeS égLiSeS FunéRAiReS

Au début de la christianisation, la relation entre l’église et la tombe ne va pas de soi. dans les édifices découverts au sein de villages ou d’agglomérations perchées, les tombes liées à l’église sont rares, voire inexistantes. Respectant en cela la tradition antique et à l’instar du monde urbain, les morts sont séparés des vivants ; leurs sépultures s’égrènent le long des voies conduisant à l’habitat comme en témoigne notamment la nécropole rupestre de Saint-Blaise 44 (démians d’Archimbaud dir., 1994 ; Février, 1995b). C’est très précisément, et il n’y a guère de quoi s’en étonner, la transposition dans le monde rural de ce que l’on observe dans le monde urbain. de même, dans le cas des églises baptismales, les tombes sont en nombre réduit – on pourrait parler de tombes « privilégiées » – ou prennent place dans 41. datation fondée sur les éléments mobiliers, plaque de chancel, colonnette support d’autel. dans ces cas provençaux, on n’a pas identifié de baptistère. toutefois, les investigations des abords de l’église Saint-Vincent à Saint-Blaise n’ont pas été complètes ; plus encore dans le cas de Constantine, le dégagement partiel de murs dans le prolongement occidental de l’église permet d’émettre l’hypothèse de l’existence d’un baptistère.

42. Pour ce qui est de l’occupation antérieure, dans plusieurs cas il est intéressant de remarquer qu’il s’agit de la réoccupation d’oppida, mais il n’y a pas de continuité saisissable et, dans d’autres cas, la fondation est réalisée ex nihilo.

43. « Claudius Postumus dardanus, homme illustre et revêtu de la dignité de patrice, ancien consulaire de la province de Viennoise, ancien maître du bureau des requêtes, ancien questeur, ancien préfet du prétoire des Gaules, et Nevia Galla, clarissime et illustre femme, la mère de ses enfants, ont fourni un chemin viable au lieu-dit dont le nom est Theopolis en faisant tailler des deux côtés les flancs de la montagne et ils lui ont procuré des murailles et des portes. ils ont voulu rendre commun pour la sûreté de tous ce travail accompli sur leurs propres terres, avec l’aide également de Claudius Lepidus, compagnon et frère de l’homme susnommé, ancien consulaire de la province de Germanie Première, ancien maître du bureau des archives, ancien comte des affaires privées. [Ce texte a été gravé] afin que leur zèle à l’égard du salut de tous et le témoignage de la reconnaissance publique puissent être manifestés » (traduction J. Guyon).

44. il en est de même dans le cas de Constantine à Lançon-de- Provence, où les tombes ont été localisées hors des remparts.

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68 marc heijmanset jean guyon

Fig. 29 – La Gravette à L’Isle-Jourdain (Gers), plan d’ensemble restitué du complexe paléochrétien (DAO : J.-P. Cazes et S. Eusèbe, INRAP).

entrée ?

extension nord atrium ?

extension tardive dépendances domestiques ?

nef église

autel abside 2e état

pièce annexe

portique ?

déambulatoire

déambulatoire

abside orientale

puits ? zone non fouillée

salle baptismale annexe

occidentale abside

occidentale limite de la fouille

limite de la fouille bâtiment

disparu

N

0 10 m

mur en élévation mur disparu, tracé restitué probable mur restitué, tracé hypothétique mur en fondation

fossé médiéval

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69 premierstempschrétiensen gauLeméridionaLe

sanctuaire

189 m 188

m

187 m

186

m 185

m

184 m

183 m

711,550

156,200

711,600

711,575

156,175

711,625

enceinte restituée

0 10 m

N

clapas remarquable

Fig. 30 – Roc de Pampelune à Argelliers (Hérault), le quartier sommital du castrum et, à l’ouest, l’église et son baptistère (relevé : O. Ginouvez, INRAP et L. Schneider, CNRS).

Fig. 31 – Saint-Geniez (Alpes-de-Haute-Provence), la « Pierre écrite » (cliché de la fin du xixe s. ; coll. : Y. Codou, Université de Nice).

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70 marc heijmanset jean guyon

des espaces bien circonscrits, comme pour le baptistère de Saint-Hermentaire à draguignan 45.

Bien que le lien étroit entre la tombe et l’église ne soit pas formellement imposé avant une date assez tardive 46, il est indéniable que des relations fortes s’établissent dans certains cas dès le courant du ve s. et au vie s. entre le monde des morts et les lieux de culte.

À l’appui de cette remarque, des fouilles ont mis en lumière des ensembles monumentaux où la fonction funéraire paraît être à l’origine de la fondation. Ainsi, à Saint-Estève de Ménerbes, un vaste ensemble monumental a été mis au jour 47 (fig. 32). La fouille reste partielle (Cartron et al., 1995), mais elle a révélé un groupe de bâtiments à fonction funéraire établis autour d’une cour ornée en son centre d’un bassin tréflé. L’édifice majeur, présentant une galerie en façade et une annexe au sud, se développe dans la partie orientale. Au nord, un autre bâtiment funéraire ainsi qu’une construction de petites dimensions, dotée d’une abside semi-circulaire, ont été mis en évidence. Le mobilier de parure découvert dans les tombes permet de placer la réalisation de ces édifices au vie s. Ce complexe était assurément associé à un lieu de culte, comme en témoigne la découverte d’un fragment de table d’autel (fig. 33). on peut identifier dans l’abside conservée au nord un vestige de l’église originelle. Néanmoins, le bâtiment oriental, accompagné d’une galerie, peut aussi correspondre à l’extrémité occidentale d’une vaste basilique funéraire 48. un autre cas provençal d’église d’une certaine ampleur, où la fonction funéraire s’avère importante, est fourni par la fouille du site de Saint-Estève-le-Pont à Berre-l’Étang, daté du vie s.-début du viie s. (Genot, thomann, 2005).

dans les deux cas, la fonction funéraire apparaît comme essentielle. Nulle trace d’un habitat en liaison directe n’a été mise en évidence 49 mais l’existence de ces monuments 45. Par rapport à l’ampleur des monuments concernés, elles sont en effet peu nombreuses : dans une annexe sur le flanc nord de l’édifice à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, limitées à quelques sépultures au chevet à Loupian et parfois situées dans des espaces spécifiques, comme à l’intérieur du baptistère de Saint-Hermentaire.

46. Si l’exemple du canton de Genève tend à établir un lien quasi sys- tématique entre lieu d’inhumations et lieu de culte dès les vie-viie s.

(voir J. terrier, infra, p. 85-91), la naissance du cimetière chrétien proprement dit n’est généralement pas placée avant l’époque carolin- gienne (treffort, 1996a et b), voire le plein Moyen Âge (Lauwers, 2005a).

47. Ces bâtiments ont sans doute été implantés sur ou à proximité d’un cimetière antérieur, comme en témoignent les épitaphes réemployées dans les chaînes d’angle du bâtiment principal.

48. on soulignera l’absence de sépulture dans la cour.

49. dans le cas de Saint-Estève-le-Pont à Berre-l’Étang, l’église s’élève au contact d’un bâtiment agricole antique, mais les liens entre ces

ne saurait se justifier en dehors de la présence, à proximité, d’une population importante, d’une communauté 50. Ces deux exemples ne sont pas sans évoquer ce que l’on observe aux abords des villes avec les basiliques funéraires suburbaines, dont les ensembles monumentaux sont, à une moindre échelle, directement transposés dans l’espace rural.

on est tenté de franchir le pas et de proposer de voir là des édifices appartenant à des ensembles plus vastes et composant des « groupes paroissiaux ». C’est en particulier ce que l’on pourrait proposer, sous forme d’hypothèse, pour le site de Saint-Estève-le-Pont dont l’église est située à distance réduite d’une seconde église, Notre-dame-de-Caderot, qui – par son toponyme – garde le souvenir d’une paroisse attestée dans la Vie de l’évêque Césaire d’Arles (Codou, 2005b, p. 88). dans ce cas, l’église pourrait témoigner de la présence d’un espace funéraire communautaire, ce qui n’exclut pas que les potentes continuaient, quant à eux, à être inhumés dans leurs domaines 51.

Le même phénomène d’adaptation du modèle urbain au milieu rural est également observable dans la partie occidentale de la province de Narbonnaise Première.

En témoignent les deux basiliques funéraires mises au jour à L’isle-Jourdain, dans la cité de toulouse 52, et à Montferrand 53, dans celle de Narbonne. L’une et l’autre sont en relation étroite avec les petites agglomérations routières dans la périphérie desquelles elles s’implantent dès la fin du ive s. ou au début du ve s. À Montferrand, les recherches récentes ont désormais bien établi que l’édifice de plan barlong mis au jour par J. Audy dans les années 1950, ouvrant à l’est sur une abside de plan outrepassé, est associé à une seconde église à chevet carré construite constructions n’ont pas pu être clairement établis (Genot, thomann, 2005, p. 143-144).

50. dans le cas de Ménerbes, nous n’excluons pas qu’un habitat en relation avec le site soit localisé à l’emplacement du village actuel, témoin d’un site perché et sans doute fortifié dès l’Antiquité tardive.

il reste que les études anthropologiques en cours devraient donner un éclairage nouveau sur la « communauté » inhumée en ce lieu.

51. Sur ces « lieux publics » destinés à la sépulture, on peut se reporter aux remarques de M. Lauwers qui envisage ces situations pour une période plus tardive (Lauwers, 2005a, p. 44-45). de manière générale, force est de constater que les liens entre la tombe et le lieu de culte ne s’imposent pas ; néanmoins les constats archéologiques restent divers ainsi qu’en témoignent les contributions au présent dossier de M. Bonifay, C. Raynaud, p. 93-161 et J. terrier, p. 85-91.

52. Cas déjà évoqué supra, p. 66-67, fig. 29 et note 38.

53. La basilique de Montferrand est établie sur la bordure nord de la mansio Elusione (Saint-Pierre à Alzonne) citée dans l’Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem de 333.

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71 premierstempschrétiensen gauLeméridionaLe

301 287

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315 359

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9

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26 43

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151 174

159 167 45

112 66 216

196

197 349

255

23 200

0 3 m

N

Fig. 32 – Saint-Estève à Ménerbes (Vaucluse), plan de l’ensemble monumental (DAO : I. Cartron et C. Michel d’Annoville, Université d’Aix-en-Provence).

Fig. 33 – Saint-Estève à Ménerbes (Vaucluse), fragment de table d’autel (cliché : Y. Codou, Université de Nice).

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72 marc heijmanset jean guyon

Fig. 34 – Montferrand (Aude), plan de l’ensemble cultuel et hypothèses de restitution (dessin de C. Bonnet dans Erlande-Brandenburg, 1999 et d’après Passelac, Chalon, 2002).

2. Mise en évidence d'une seconde basilique,

hypothèse de restitution limitée aux deux principaux bâtiments.

3. Hypothèse de restitution de l'ensemble des bâtiments.

0 10 m

N

zone à déblayer en 1959 1. État en 1958.

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73 premierstempschrétiensen gauLeméridionaLe

sur son flanc sud (fig. 34). des murs situés à l’ouest de cet édifice méridional, aujourd’hui disparus, pourraient avoir témoigné de la présence d’une nef occidentale à trois vaisseaux qui venait se greffer sur un vaisseau transversal terminé par un sanctuaire rectangulaire (Erlande-Brandenburg, 1999 ; Passelac, Chalon, 2002).

dans ces deux cas, les basiliques funéraires ne constituent en réalité qu’une part d’ensembles ecclésiaux complexes regroupant deux églises et, dans le cas de L’isle-Jourdain, un baptistère.

LeS égLiSeS pRivéeS et L’Action deS LAïcS

LamuLtipLicationdesoratoiresprivés

Le semis des églises rurales reste encore très lâche au début du vie s. Pour nombre de fidèles, le culte se déroule dans des édifices privés, les oratoires 54, et la fréquentation de la parochia reste pour eux chose exceptionnelle, limitée dans l’année aux fêtes liturgiques majeures. Cette possibilité de disposer d’un oratoire sur son domaine et d’y faire célébrer la messe pour la commodité de la familia est confirmée par le canon 21 du concile d’Agde de 506 55. Les oratoires semblent, pour la plupart, pourvus de clercs et donc desservis régulièrement 56. Les exemples de Séviac à Montréal ou de Géou à Labastide-d’Armagnac témoignent de cette catégorie d’édifices de dimensions modestes 57, qui s’intègrent parfaitement au bâti préexistant et dont la principale raison d’être est de permettre la célébration 54. En Gaule, L. Pietri a recensé dans les sources écrites de l’Antiquité tardive une trentaine d’exemples de chapelles domaniales élevées in agro proprio (Pietri, in delaplace dir., 2005, p. 236).

55. « Si quis etiam extra parrocias, in quibus legitimus est ordinariusque conventus, oratorium in agro habere voluerit, reliquis festivatibus ut ibi missas teneant propter fatigationem familiae iusta ordinatione permittimus ; Pascha vero, Natale Domini, Pentescotem et Natale sancti Ioannis Baptistae, vel si qui maximi dies in festivitatibus habetur, nonnisi in civitatibus aut in parrociis teneant. » (Concile d’Agde, canon 21, dans Concilia Galliae, i, 202-203).

56. Le concile de Clermont, en 535 (canon 15), évoque les prêtres qui sont attachés à ces oratoires : « Si quis presbyter atque diaconus, qui neque in civitate neque in parrochiis canonicus esse dinoscitur, sed in villule habitans, in oratoriis officio sancto deserviens celebrat divina mysteria » (Les Canons des conciles mérovingiens, 218).

57. dans son deuxième état, réalisé dans le courant du vie s., l’édifice cultuel de Séviac est constitué d’une petite nef carrée de 4,75 m de côté, prolongée par une abside semi-circulaire profonde de 3,35 m pour une ouverture de 3,75 m. À Géou, une église de plan presque identique mesure hors tout 8,25 m de long pour une largeur de 5,09 m (et 4,03 m de large pour l’abside). La superficie utile de ces deux édifices n’atteint pas 30 m² et ils ne peuvent donc être destinés à de nombreux fidèles.

de l’eucharistie à l’intention du maître du domaine et de ses proches (fig. 35). dans les deux cas, ces chapelles domaniales ne sont pas – lors de leur création – associées à une nécropole (Colin, 2004, p. 155-156 et p. 247-248). un processus identique voit l’installation, dans la villa de Saint- Romain-de-Jalionas, de sépultures des ve et vie s. dans une ancienne salle chauffée agrandie d’une abside outrepassée et pourvue d’une tombe privilégiée (Reynaud, 2005, p. 63-64).

Progressivement, ces églises rurales forment un tissu de plus en plus dense afin de mieux adapter la densité des lieux de culte à la répartition de l’habitat ; conséquence logique de cette multiplication des oratoires, leurs propriétaires tendent à agir en toute indépendance. Les évêques se doivent alors de légiférer pour tenter de garder la situation en mains. Révélateur est à ce sujet le concile tenu à orléans en 511, où il est précisé que les « basiliques [basilicae]

qui ont été construites en divers lieux et se construisent chaque jour » doivent demeurer sous l’autorité de l’évêque diocésain 58. Le concile d’orléans de 541 fait d’autre part clairement référence aux parochiae établies sur les terres des grands et précise que ceux-ci doivent assurer des revenus à ces églises pour leur entretien et les munir de clercs 59. Pour assumer son rôle d’encadrement, l’Église doit donc s’adapter et répondre à la demande des laïcs, que l’on perçoit avant tout, au vie s., à travers l’élite des possesseurs des grands domaines 60.

il reste que l’on s’interroge sur la proportion de la population rurale convertie dès cette époque. Les variations régionales sont sans doute importantes, avec une réussite de la missio beaucoup plus affirmée dès le vie s. dans l’espace provençal que par exemple dans le Sud-ouest 61. 58. Concile d’orléans, 511, canon 17 (Les Canons des conciles méro- vingiens, dans SC, 354, p. 83). Au viie s., dans le concile de Châlon (647-653), il est dit que certains propriétaires d’oratoires refusent le contrôle de l’évêque (Les Canons des conciles mérovingiens, dans SC, 354, p. 557).

59. Concile d’orléans, 541, canon 26 (Les Canons des conciles mérovin- giens, dans SC, 354, p. 280-281).

60. Face au besoin accru de recrutement de clercs, le concile d’Arles de 524 pose la question de l’accession de laïcs à l’épiscopat et à la prêtrise.

il réduit la période de conversio à un an et justifie cela par l’augmen- tation des églises : « Tamen quia crescente ecclesiarum numero necesse est nobis plures clericos ordinare » (Les Canons des conciles mérovingiens, dans SC, 354, p. 138-141). deux ans après est jugé au concile de Carpentras le cas d’Agricius, évêque d’Antibes, qui a ordonné un prêtre sans avoir attendu l’achèvement de l’année probatoire (Les Canons des conciles mérovingiens, dans SC, 354, p. 148-151). C’est aussi pour répondre à ce besoin que le concile de Vaison, présidé par Césaire en 529, aborde le problème de la création d’écoles presbytérales (Les Canons des conciles mérovingiens, dans SC, 354, p. 188-191).

61. L’inégale avancée des recherches systématiques selon les provinces rend délicate l’analyse comparée des situations régionales.

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