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Édouard Lartet et Henri Christy en Périgord

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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En 2021, nous commémorons le 150

e

anniversaire de la mort d’Édouard Lartet (1801-1871). Le bâton percé aux chevaux de La Madeleine est un des premiers objets d’art paléolithiques découverts par ce pion- nier de la préhistoire. C’est aussi une œuvre particu- lièrement intéressante d’un point de vue technique, stylistique et thématique.

Émile Cartailhac, 1889 – La France préhistorique, d’après les sépultures

et les monuments ; Paris, Éditions Félix Alcan ; p. 82, fig. 42

Bâton percé figurant, sur chaque face, des chevaux.

Abri de La Madeleine à Tursac (Dordogne).

Fouilles Édouard Lartet et Henry Christy (1863-1875).

Magdalénien, entre 20 500 et 13 000 ans avant le présent.

Bois de renne, gravure. Dim. : 32,1 x 6,2 x 3,4 cm.

Musée d’Archéologie nationale, n° inv. MAN 8 162.

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Édouard Lartet

et Henri Christy en Périgord

S

i Jacques Boucher de Perthes avait découvert, au milieu du XIXe siècle, les premiers outils du Paléolithique ancien dans les carrières de la Somme, Édouard Lartet découvrit, lui, quelques années plus tard, les premiers outils du Paléolithique récent dans les grottes des Pyrénées, parmi lesquelles Aurignac (Haute-Garonne). Dès les années 1860, avec le soutien de son ami et mécène anglais, Henry Christy, il apporta la preuve de l’existence de l’art préhistorique, en mettant au jour, dans les cavernes du Périgord, dont les abris de La Madeleine et de Laugerie-Basse, les premiers objets d’art paléolithiques reconnus comme tels.

Portrait d’Édouard Lartet Bibliothèque et Documentation

du Muséum de Toulouse

Édouard Lartet et Henry Christy, 1865-1875 – Reliquiæ Aquitanicæ, being contributions to the archaeology and Palaeontology of Perigord and the adjoining provinces of Southern France ; Londres, Éditions Williams and Norgate (H. Baillière), page de titre

Édouard Lartet et Henry Christy, publièrent les résultats de leurs recherches, entre 1865 et 1875, dans une série de fascicules intitulée «  Reliquiæ Aquitanicæ, being contributions to the archaeology and Palaeontology of Perigord and the adjoining provinces of Southern France » et superbement illustrée. Les collections issues de leurs fouilles rejoignirent très vite les grands musées archéologiques de l’époque : le Muséum national d’His- toire naturelle à Paris, le Musée des Antiquités natio- nales* à Saint-Germain-en-Laye et le British Museum à Londres.

* aujourd’hui Musée d’Archéologie nationale

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Le bâton percé aux chevaux fait partie des premiers objets d’art découverts dans l’abri de La Madeleine à Tursac, en Dordogne, et donné par ses inventeurs au Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain- en-Laye. Il est entré dans les collections du musée en mars 1868, moins d’un an après son inauguration en mai 1867, et a été inscrit à l’inventaire sous le n°8 162, un des premiers numéros au regard des 92 000 que comptent les registres aujourd’hui.

Les bâtons percés,

des outils souvent décorés

L

es bâtons percés sont connus durant tout le Paléolithique récent, du début de l’Aurignacien (vers 44  000 ans avant le présent) jusqu’à la fin du Magdalénien (vers 13  000 ans avant le présent). Les préhistoriens ont émis de nombreuses hypothèses sur leur fonction. D’abord interprétés comme des «  bâtons de commandement  », c’est-à-dire comme des insignes, les bâtons percés sont aujourd’hui considérés comme des outils, en raison de leurs nombreuses traces d’utili- sation. Ils servaient peut-être à redresser les pointes de sagaies, comme les redresseurs de flèches chez les Inuits, à fabriquer des cordes ou des vanneries, ou encore à tendre les couvertures en peau des habitations.

Les bâtons percés sont généralement façonnés dans du bois de renne et sont couramment décorés  ; ils se prêtent très facilement à des figurations gravées ou sculptées, en relief ou en ronde-bosse.

Édouard Lartet et Henry Christy, 1865-1875 – Reliquiæ Aquitanicæ, being contributions to the archaeology and Palaeontology of Perigord and the adjoining pro- vinces of Southern France ; Londres, Éditions Williams

and Norgate (H. Baillière), pl. XXX-XXI, n°2

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Deux frises de chevaux sur les deux faces

L

e bâton percé aux chevaux de La Madeleine a été, lui aussi, réalisé dans un bois de renne ; il en conserve à une extrémité la base naturelle, tandis que l’autre extrémité a été fracturée. Il présente deux décors en champlevé, gravés profondément, de manière à former un léger relief. Ces décors ont été qualifiés d’hémicylin- driques par Henri Delporte, ancien conservateur puis directeur du musée et spécialiste de l’art préhistorique.

Ces décors sont, en effet, localisés sur les deux moitiés de la surface d’un support cylindrique, moitiés qu’il est impropre mais commode d’appeler « faces ». Nous avons donc, sur ce bâton percé, deux frises de chevaux gravées chacune sur une face.

Nous pouvons distinguer, sur la première face, de la droite vers la gauche, le museau d’un cheval, tourné vers la gauche, puis deux autres chevaux, également de profil gauche, et un quatrième, tourné vers la droite, tête bêche, les membres orientés vers le haut. Le premier cheval, dont il ne subsiste que le museau, a été endom- magé par la fracture de l’extrémité du bâton percé. Les troisième et quatrième chevaux, auxquels il manque la tête, ne semblent pas avoir été mutilés par la perfora- tion du bâton. Il s’agit plus probablement d’une adap- tation du décor à la forme du support. Sur la seconde face, les quatre chevaux sont tournés dans le même sens, vers la gauche. Les deux premiers sont complets, mais le troisième ne possède pas de tête, en raison, encore une fois, de la perforation du bâton, et le dernier ne possède pas de tête non plus, à cause de la base du bois de renne. Cependant, ces chevaux sont tellement semblables qu’il sont presque superposables.

Bâton percé aux chevaux de La Madeleine (MAN 8 162) Deuxième face avec quatre chevaux.

© RMN Grand Palais (MAN) / Loïc Hamon Bâton percé aux chevaux de La Madeleine (MAN 8 162)

Première face avec trois chevaux et le museau d’un quatrième. © RMN-Grand Palais (MAN) / Loïc Hamon

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Des chevaux à « grosse tête » ou « lourde mâchoire »

Les chevaux, qui sont les animaux les plus fréquents dans l’art paléolithique, sont le plus souvent figurés de manière réaliste. Or, ceux du bâton percé de La Madeleine, à bien y regarder, sont disproportionnés. La longueur de leur tête, qui est supérieure à 25 % de leur longueur totale, est beau- coup trop importante. On parle alors de chevaux à grosse tête ou «  macrocéphales  ». Et la taille de leur mâchoire est également très exagérée. On parle aussi de chevaux à lourde mâchoire ou « barygnathes ».

Ces animaux très particuliers possèdent de nombreuses caractéristiques communes. Les corps sont très sommaires, avec des lignes de dos et de ventre schématiques, géomé- trisées. Les pattes sont également très simplifiées. Les têtes présentent les mêmes détails  : l’œil, la salière, le naseau, la bouche, la ganache et la crinière et certains de ces détails sont en tout point identiques. La ganache, c’est-à-dire la partie latérale et postérieure de la mâchoire inférieure, est très anguleuse – ce qui donne à la tête sa forme triangu- laire. La salière, un enfoncement au-dessus des yeux que l’on trouve chez les vieux équidés, est très marquée.

Les chevaux à grosse tête ou à lourde mâchoire forment un véri- table thème dans l’art du Magdalénien récent du Périgord, il y a près de 15 000 ans  : on en décompte presque 120 sur plus de 40 objets gravés. Le site de La Madeleine en a livré le plus grand nombre, avec une quarantaine de figurations sur une vingtaine de pièces, ce bâton percé offrant, avec huit chevaux, le plus grand ensemble connu.

La grande homogénéité de ces figurations, du point de vue des formes et des styles, mais aussi des supports et des techniques, relève d’une véritable codification. Il est difficile de comprendre comment un thème, à la fois original et contraignant, a pu s’im- poser dans une région durant une période relativement courte.

S’agissait-il d’un groupe culturel, ou, au contraire, de seulement quelques individus voire d’un seul, à l’origine d’une production en série  ? Ce sont là des questions passionnantes... qui n’ont pas encore trouvé de réponses.

Bâton percé aux chevaux de La Madeleine (MAN 8 162). Détail d’un des chevaux à

lourde mâchoire. © RMN Grand Palais (MAN) / Loïc Hamon

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Bibliographie

Henri Delporte, 1969 – Chefs-d’œuvre de l’art paléolithique  ; Catalogue de l’exposition organisée du 25 juin au 1er décembre 1969 par le Musée des Antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye  ; Paris, Éditions de la Réunion des Musées nationaux ; p. 30, n°3

Henri Delporte, 1990 – L’image des animaux dans l’art préhistorique ; Paris, Éditions Picard ; p. 121-124 Elena Man-Estier et Patrick Paillet, 2014 – « Regards croisés sur l’art magdalénien de deux grands sites. » In : Grands sites d’art magdalénien. La Madeleine et Laugerie-Basse il y a 15 000 ans ; Catalogue de l’ex- position organisée du 21 juin au 10 novembre 2014 par le Musée national de Préhistoire aux Eyzies-de- Tayac ; Paris, Éditions de la Réunion des Musées nationaux ; p. 62-67

Elena Man-Estier, 2014 – « Thèmes partagés : chevaux macrocéphales » In : Grands sites d’art magdalé- nien. La Madeleine et Laugerie-Basse il y a 15 000 ans ; Catalogue de l’exposition organisée du 21 juin au 10 novembre 2014 par le Musée national de Préhistoire aux Eyzies-de-Tayac  ; Paris, Éditions de la Réunion des Musées nationaux ; p. 116-117

Texte : Catherine Schwab, conservateur en chef, responsable des collections paléolithiques et mésolithiques.

Conception graphique : Aurélie Vervueren, service de la Communication, du mécénat et de la création graphique.

en partenariat avec

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