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LES ENJEUX ÉCONOMIQUES DE L ÉLECTION AMÉRICAINE

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Academic year: 2022

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LES ENJEUX ÉCONOMIQUES DE L’ÉLECTION AMÉRICAINE

ANNICK STETA

ans le climat poisseux d’une Amérique fragilisée par la crise des subprimes, les engagements économiques des candidats à l’élection présidentielle seront la clé des choix qu’effectue- ront les électeurs lors du scrutin du 4 novembre prochain (1). La loi du genre est immuable : après avoir rassuré leurs camps respectifs pendant la campagne des primaires, John McCain comme Barack Obama infléchissent progressivement leurs posi- tions pour tenter de conquérir les électeurs indécis. D’où une

« course au centre » qui nuit à la lisibilité de leurs programmes économiques. Les réponses apportées par les candidats à trois questions essentielles – comment relancer l’économie des États- Unis, comment consolider le système de protection sociale, com- ment assurer l’approvisionnement énergétique du pays dans un respect croissant de l’environnement – laissent toutefois apparaître ce qui continue de les opposer.

L’Amérique de 2008 vit dans la hantise de la récession. En dépit du redressement des principaux indicateurs économiques depuis l’explosion de la bulle spéculative du crédit immobilier, la crainte d’une nouvelle dégradation de leur situation personnelle

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obsède les ménages. Deux millions et demi de familles endettées redoutent la saisie de leur logement. Le pouvoir d’achat du revenu moyen est inférieur à ce qu’il était lorsque George W. Bush est entré en fonctions : il a été dégradé par la hausse continue des primes d’assurance-maladie, par l’élévation du prix des importa- tions liée à la faiblesse du dollar, ainsi que par la progression du prix du baril de pétrole (2), des matières premières et des produits agricoles.

Confronté à l’angoisse des classes moyennes, qu’il se doit de conquérir s’il veut avoir une chance d’entrer à la Maison-Blanche, Barack Obama a présenté un programme de relance articulé autour de la réduction de la fiscalité pesant sur les classes labo- rieuses et de l’expansion des investissements publics. Le sénateur de l’Illinois entend réduire les impôts « de 95 % des foyers qui tra- vaillent » et augmenter ceux des ménages qui gagnent plus de 250 000 dollars par an. Une Administration Obama ferait passer le taux de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu de 35 % à 39,5 %, soit le niveau qu’il avait atteint à la fin de la présidence Clinton. Le taux d’imposition des revenus du capital passerait quant à lui de 15 à 28 %. Une chasse aux niches fiscales serait par ailleurs engagée. Les recettes ainsi engrangées permettraient d’in- vestir 50 milliards de dollars dans la réfection des infrastructures.

Face aux ambitions un peu floues affichées par Barack Obama, John McCain affirme que « [son] programme est celui du bon sens : réduire les impôts, éliminer le gâchis dans les dépenses gouvernementales, et remettre [l’économie américaine] sur les rails ». Le sénateur de l’Arizona entend résorber la dette publique, qui atteint 10 000 milliards de dollars, et laisser à la fin de son mandat un budget à l’équilibre (3). L’ancien opposant aux tax cuts de l’Administration Bush a tourné casaque : il s’est engagé à pérenniser les réductions d’impôts accordées aux ménages gagnant plus de 250 000 dollars par an et affirme vouloir diminuer de 2 700 dollars la pression fiscale pesant sur chaque foyer. Les entreprises bénéficieraient elles aussi de cette générosité fiscale : le taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés passerait de 35 % à 25 %. Mais les modalités de financement d’une telle manne res- tent obscures : le candidat McCain s’est contenté de promettre un allégement des dépenses de l’État fédéral (4).

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Serpent de mer des élections présidentielles américaines, la réforme du système de santé devient plus urgente à mesure que la situation économique se détériore. La proportion des salariés bénéficiant d’une assurance médicale financée par leur employeur est tombée de 65 % en 2001 à 59 % en 2007 : le renchérissement de ces assurances est tel que beaucoup d’entreprises ont été contraintes d’y renoncer. Si les deux candidats s’accordent sur le constat du coût exorbitant des soins médicaux comme sur la nécessité d’étendre la couverture sociale de leurs concitoyens, les modalités d’action qu’ils retiennent diffèrent radicalement. Le sys- tème de couverture maladie universelle que Barack Obama sou- haite implanter aux États-Unis resterait fondé sur le lien entre emploi et bénéfice d’une assurance médicale : les employeurs seraient obligés de cotiser pour leur personnel. 65 milliards de dollars seraient consacrés annuellement à la couverture médicale des 45,7 millions d’Américains qui en sont actuellement dépourvus.

Les pratiques des fournisseurs d’assurances médicales seraient enfin drastiquement encadrées. À l’opposé, John McCain souhaite dissocier le bénéfice d’une assurance médicale du fait d’avoir un emploi. L’amélioration de la couverture médicale qu’il appelle de ses vœux reposerait sur une intensification de la concurrence entre les compagnies d’assurance. La marche vers une assurance- maladie universelle serait engagée par l’attribution d’un crédit d’impôt destiné à financer la souscription d’une assurance médicale ; son montant serait de 2 500 dollars par an pour une personne seule et de 5 000 dollars pour une famille.

L’augmentation du prix du pétrole a fait de la question de l’approvisionnement énergétique des États-Unis l’un des thèmes principaux de la campagne pour l’élection présidentielle. Les répu- blicains ont raillé le candidat démocrate lorsque ce dernier a conseillé à ses compatriotes de vérifier la pression de leurs pneus pour diminuer leur consommation de carburant. Barack Obama a rétorqué que la reprise des forages sur le territoire des États-Unis préconisée par John McCain ne permettrait pas de récupérer une seule goutte de brut avant dix ans. Au-delà de ces passes d’armes, les positions des deux rivaux semblent aujourd’hui relativement proches. Le sénateur McCain voit dans la levée du moratoire sur les forages en mer le moyen de limiter les importations de pro-

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duits pétroliers aussi longtemps que les énergies de substitution n’auront pas atteint un stade de développement suffisant (5).

Après avoir constaté que la proposition de son adversaire recueillait l’assentiment des deux tiers des Américains, le sénateur Obama s’est dit favorable à l’exploitation des champs pétrolifères situés au large de la côte ouest de la Floride. Afin de faire rapide- ment baisser le prix du carburant, il propose de puiser 70 millions de barils dans les réserves pétrolières stratégiques américaines et de les mettre sur le marché. Financé par un prélèvement sur les profits des compagnies pétrolières, un « crédit énergie » de 1 000 dollars attribué aux foyers modestes permettrait d’alléger leur facture énergétique et de contribuer à la relance de la consommation. La politique énergétique défendue par Barack Obama s’appuie sur la recherche d’énergies de substitution : il propose au pays de se tourner vers le gaz naturel et le charbon

« propre », ainsi que de rechercher les voies d’une exploitation sûre de l’énergie nucléaire. Ce virage serait facilité par un pro- gramme d’investissement dans les énergies renouvelables qui représenterait 150 milliards de dollars sur dix ans. John McCain s’est prononcé plus nettement en faveur du recours au nucléaire, puisqu’il propose de construire 45 réacteurs d’ici à 2030 (6).

L’Amérique et le monde

L’engagement environnemental des candidats fait pendant à leurs projets en matière énergétique. Beaucoup plus « vert » que la majorité des républicains, John McCain n’a toutefois pas fixé à sa future Administration d’objectifs en matière de réduction des émis- sions de gaz à effet de serre et d’utilisation d’énergies renouvela- bles. Barack Obama s’est montré plus précis : il souhaite que les énergies renouvelables couvrent 25 % des besoins américains d’ici à 2025, que les émissions de CO2soient diminuées de 50 % d’ici à 2050, que les normes de consommation des véhicules soient dur- cies et que les réserves de biocarburants augmentent d’ici à 2030.

Quelles que soient les nuances séparant les programmes des deux candidats, l’élection de novembre 2008 ne devrait pas chan-

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ger le visage économique de l’Amérique. Selon une estimation du Tax Policy Center, la mise en œuvre des réductions d’impôt pro- posées par John McCain ramènerait la part du produit intérieur brut prélevée par l’État fédéral à 17,6 % en 2018, tandis que l’en- trée en vigueur des dispositions fiscales préconisées par Barack Obama la porterait à 18,3 % (7). Quant à l’augmentation du taux de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu promise par le candidat démocrate, elle reste plus modeste que celle réalisée par l’Administration Clinton : ce taux était alors passé de 31 à 39,6 %.

En matière économique, le vent nouveau que chacun des candi- dats assure vouloir faire souffler sur Washington ne sera guère plus violent qu’une brise.

Car ce qui les unit en l’espèce, c’est la faiblesse de l’intérêt qu’ils portent aux questions économiques. Ni les candidats ni leurs colistiers n’ont d’expérience significative en la matière. L’anxiété des Américains les contraint momentanément à faire assaut de promesses qui risquent fort de s’évanouir dès janvier prochain. Le plus vraisemblable est que les conditions de son accession à la Maison-Blanche forceront le candidat élu à une grande modestie.

Si l’atonie de la croissance économique américaine devait se pro- longer, les moyens de financement de l’ambitieux plan de relance défendu par Barack Obama ne seraient pas assurés. Quant à John McCain, il risque fort de devoir composer avec une majorité démocrate au Congrès, ce qui le conduira assurément à gouverner au centre.

L’observateur étranger ne peut qu’être surpris par le silence presque complet observé par les deux candidats sur le finance- ment des retraites. Le gisement de croissance que constituent l’éducation et la recherche est également privé du traitement sérieux qu’il mérite. Démocrates et républicains paraissent ignorer que les véritables enjeux de cette compétition internationale dont ils se gargarisent jusqu’à la nausée se trouvent sur les bancs des établissements d’enseignement. Tout à sa hâte de rassurer les

« cols bleus », qui jugent leurs emplois menacés par l’approfondis- sement de la mondialisation, Barack Obama néglige de leur expli- quer que l’accroissement de productivité lié à l’effort éducatif constitue leur plus sûre protection contre le chômage. Le candidat que le monde entier porte aux nues a multiplié durant la campa-

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gne des primaires les déclarations d’inspiration protectionniste afin de s’attirer les faveurs des nombreux Américains pour lesquels l’in- tensification des échanges internationaux résonne comme une menace (8). Il se pourrait que le monde entier trouve davantage d’intérêt à une présidence McCain : le sénateur de l’Arizona, qui a continûment pris position en faveur de la libéralisation des échan- ges internationaux et contre l’attribution de subventions agricoles, serait plus susceptible que son rival de contribuer à la reprise des négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce.

Les électeurs américains s’apprêtent à choisir sur la base de considérations purement nationales celui qui présidera aux desti- nées de la première économie mondiale. Lorsque l’effervescence de l’élection se sera évanouie, le nouveau président devra tenir compte tant du message adressé par ses électeurs que de la néces- sité pour les États-Unis de remplir pleinement leur responsabilité particulière. Une nouvelle fois, la voie sera étroite.

1. Selon un sondage du 20 août 2008 (Opinion Dynamics pour Fox News), l’écono- mie et l’emploi constituent le premier sujet déterminant le choix des électeurs pour la présidentielle. 43 % des sondés placent ces sujets en tête de leurs préoccupa- tions, contre 11 % pour la guerre en Irak, 9 % pour le terrorisme et la sécurité nationale, 9 % pour la protection sociale et 7 % pour le niveau des impôts.

2. Le prix du carburant à la pompe s’achemine vers 5 dollars par gallon (3,785 litres), ce qui représente une hausse de 80 % par rapport à 2007. Selon le département des Transports, les Américains ont parcouru 9,6 milliards de miles de moins en mai 2008 qu’en mai 2007 ; cette diminution est la plus importante depuis 1979.

3. Le déficit budgétaire atteindra 389 milliards de dollars en 2008 et 482 milliards en 2009.

4. La réduction des dépenses fédérales proviendrait de la diminution du train de vie de l’État, du gel des dépenses non militaires, d’un meilleur contrôle des aides socia- les et de la lutte contre le gaspillage.

5. Contrairement à sa colistière, Sarah Palin, John McCain est resté jusqu’à présent opposé aux forages dans la réserve naturelle de l’Alaska.

6. Aucune centrale nucléaire n’a été commandée aux États-Unis depuis l’accident qui, en 1979, se produisit dans la centrale de Three Mile Island.

7. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la part du PIB prélevée sous forme d’impôts par l’État fédéral a été de 18 % en moyenne.

8. 53 % des Américains pensent que leur pays gagne à l’échange international. Ils étaient 78 % en 2002.

Annick Steta est docteur en sciences économiques.

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