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Matières premières et politiques énergétiques en Asie du Sud-est : entre sécurité humaine, sécurité énergétique, et sécurité militaire

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71 boulevard Raspail 75006 Paris - France Tel : +33 1 75 43 63 20 Fax : +33 9 74 77 01 45 www.centreasia.org

David Jonathan Gonzalez-Villascan et Sophie Boisseau du Rocher Pour Asia Centre à Sciences Po

Mai 2010

Matières premières et politiques

énergétiques en Asie du Sud-est : entre sécurité

humaine, sécurité énergétique, et

sécurité militaire

étude Asi A Centre Conferen C e series

Introduction générale

Ces 30 dernières années la communauté internationale s’est fortement mobilisée pour renforcer la capacité des États à subvenir aux besoins de populations de plus en plus importantes (projets de recherche, conférences internationales, traités bi-et multi-latéraux, ou encore création d’organismes spécialisés). La conservation des ressources naturelles et son impact sur la qualité de vie de l’Homme est un des sujets au centre des débats.

Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’augmentation des prix des ressources naturelles (eau, gaz, pétrole, charbon) et de leurs produits dérivés, couplée à la dépendance énergétique des économies en voie de développement, transforme les questions de sécurité énergétique en défis de sécurité humaine (UNDP, 2007). Le PNUD identifie trois conséquences principales sur la capacité des Etats à effectivement remplir leurs engagements en termes d’amélioration des Objectifs du Millénaire pour le Développement1 (Millennium Development Goals, MDGs) :

la difficulté de plus en plus répandue parmi les (i)

populations les plus défavorisées d’accéder aux ressources énergétiques ;

l’absence de répartition équitable des richesses (ii)

produites par l’exploitation massive des ressources naturelles d’un territoire ;

la difficulté pour les gouvernements de concilier (iii)

leurs modèles de croissance économique et d’industrialisation avec des politiques environnementales contraignantes mais durables.

Dans bien des pays d’Asie du Sud-est, ces trois aspects vont forcément de paire : le rythme de croissance démographique et la cadence du développement économique ont créé autant de besoins spécifiques que de défis urgents.

Trois facteurs principaux semblent donc prédominer dans la façon dont un pays saura tirer tout le potentiel économique d’une ressource naturelle donnée : la nature de la ressource elle-même, la capacité matérielle et financière à l’exploiter, et sa valeur marchande sur le marché mondial (brute ou modifiée). Certains produits comme le pétrole et le gaz naturel sont faciles à écouler mais vulnérables aux fluctuations ou aux pénuries soudaines (sans parler des complications liées aux changements de contexte géopolitique). Des produits de base comme le riz, en revanche, sont soumis aux variations climatiques, aux changements de politiques agricoles, ou à d’implacables

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1. Panorama des matières premières en Asie du Sud-est : le triple défi de l’autosuffisance, de l’accès  équitable et de la croissance « verte »

Une région riche en ressources naturelles…

Des onze pays composant l’Asie du Sud-est, seule la cité-État de Singapour ne compte aucune ressource naturelle. Sa taille (690 km²) a logiquement poussé le pays à très tôt tirer les avantages de sa localisation (lieu de passage obligatoire des marchandises) et à miser sur les services bancaires et financiers. Les autres pays de la région disposent en revanche de richesses naturelles aussi abondantes que diversifiées ayant largement contribué à définir leurs modèles de développement économique et leurs stratégies d’industrialisation.

Ces différentes approches découlent directement de la variété des utilisations du sol et des mises en valeur du territoire ; la part de l’agriculture dans le PIB de la Malaisie, par exemple, n’était que de 10 % en 2007, contre plus de 40 % au Laos et au Myanmar pour la même année.

Pareillement, en 2007, près de la moitié du PIB du Brunei provenait de la production du pétrole et du gaz, tandis qu’au Viet Nâm, cette part n’était que de 5,3 % pour la même année (OECD / Korea Policy Centre, 2009 et ADB, 2009).

La diversité de la faune et de la flore en Asie est elle aussi étroitement liée à la variété des sols et des climats.

Plus précisément en Asie du Sud-est2, la forêt tropicale humide prédomine dans les régions à très basse latitude, entraînant de fortes précipitations pendant une grande partie de l’année. On y trouve principalement une forêt luxuriante composée de nombreuses espèces d’arbres (le teck, le jaquier, l’eucalyptus, le chêne, diverses espèces de bambous et de palmiers). Au Nord de l’équateur s’étend une forêt tropicale plus ouverte, souvent appelée « forêt de mousson ».

Pratiquement, l’ensemble de la région possède d’importantes ressources minières, notamment aux Philippines, au Cambodge, au VietNâm, et au Myanmar.

Ces ressources en minerai de fer et en lignite (roche fossilifère combustible) viennent s’ajouter aux pierres précieuses trouvées en Thaïlande, au Myanmar, et au Cambodge, ainsi qu’aux métaux précieux trouvés aux Philippines et en Indonésie (mines d’or et d’argent). Les autres métaux présents dans la région sont l’étain, le tungstène, le cuivre, et le manganèse, tandis que le gypse est présent en Thaïlande et au Myanmar et le phosphate au Viet Nâm et au Cambodge.

2 La définition exacte d’une zone géographique et la sélection des pays à inclure ou exclure de cette zone varient bien entendu selon les critères géographiques, topographiques, climatiques, linguistiques, culturels, religieux, politiques, économiques, diplo- matiques, et idéologiques que l’on choisit de retenir. Par souci de cohérence et de simplicité il a été délibérément choisi de suivre la classification standard utilisée par les Nations Unies dans sa Composition des régions macrogéographiques, des sous-régions géographiques, et des groupements économiques: Brunei Darussa- lam, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande, le Timor-Leste, et le Viet Nâm (http://unstats.un.org/unsd/methods/m49/m49regnf.htm).

Eau

La relation entre l’eau, la pauvreté, et l’environnement est complexe en Asie du Sud-est. Alors que l’eau a été un facteur crucial dans le développement de la région, sa gestion a toujours posé problème. Diverses techniques de régulation de l’eau sont pratiquées de très longue date dans les vallons et les bas-pays de montagne. Mais dans les grandes plaines et les deltas, les agriculteurs ont dû se contenter de l’inondation naturelle par les crues, soit en plantant du riz flottant, soit en mettant en culture les terres exondées et les bords des zones de crue (Spencer J. E., 1974). Environ 40 % des terres cultivables de la région sont irriguées, ce qui permet d’y produire près de 70 % de la nourriture (ADB, June 2003).

Vers la fin du XIXème siècle, des ingénieurs occidentaux ont introduit des systèmes permettant de maîtriser l’eau dans les grandes plaines et les deltas. Ces innovations ont certes assuré le contrôle de l’eau des basses-terres, mais l’ampleur et le coût des conséquences écologiques commencent à peine à se révéler. Entre 1950 et 1995, la disponibilité des ressources en eau par habitant a chuté de près de 55% en Asie du Sud-est (contre près de 70%

en Asie Centrale et du Sud et 60% en Asie du Nord). En 2025, la disponibilité en eau par habitant dans la région se situera entre 35 et 15% de moins que le niveau en 1950 (ADB, June 2003).

L’équilibre écologique de l’Asie du Sud-est est largement dépendant de l’eau, elle-même essentielle à la survie des habitants des zones majoritairement agricoles. Mais l’eau est également un enjeu central pour les populations urbaines de la région : le traitement des eaux usées, l’accès à l’eau potable, et l’approvisionnement de populations en plein essor constituent quelques uns des défis lancés par les limites de la quantité d’eau douce sur le continent. Le fait que ces zones irriguées continuent à utiliser l’eau de façon inefficace rend encore plus difficile la gestion de la demande exponentielle. Les institutions régionales et les mécanismes nationaux ne sont que très lentement mis en place pour évaluer et gérer la demande, pour réglementer l’attribution de l’eau entre les divers utilisateurs, ou encore pour optimiser son utilisation.

L’industrialisation mêlée au développement de mégalopoles et de zones péri-urbaines sans cesse étendues est également responsable de la hausse de la consommation d’eau, entraînant des quantités de déchets toujours plus élevées. La demande en eau à usage industriel connaît une forte croissance, tandis que l’eau à usage domestique est encore insuffisante malgré de gros investissements dans les systèmes d’approvisionnement depuis les années 1980. L’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, et le Viet Nâm sont typiques des pays dont les besoins de consommation d’eau augmentent à mesure qu’ils grimpent l’échelle de l’industrialisation. Pendant ce temps, la demande d’eau continue d’augmenter dans l’agriculture, et ce malgré les changements dans la répartition des cultures et l’introduction de nouvelles variétés de semences moins exigeantes en eau.

La pollution massive de l’eau augmente l’incidence des maladies aussi bien dans les zones rurales qu’en milieu urbain. L’eau potable et assainie n’est pas toujours disponible, ce qui a un impact direct sur la mortalité des

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citadins pauvres, contraints de consacrer une importante part de leurs revenus disponibles aux fournisseurs privés.

S’approvisionner en eau à boire et à cuisiner reste une tâche ardue dans la plupart des zones rurales, où de nombreux villageois - principalement des femmes et des enfants - sont contraints de marcher plusieurs kilomètres pour trouver de l’eau. L’emploi et la scolarisation pâtissent donc de cette situation, particulièrement en milieu rural et pauvre, où le cycle de la pauvreté entraîne d’inextricables problèmes économiques et sociaux.

La sur-exploitation des eaux souterraines est aussi devenue une préoccupation majeure. Une fois polluées, les eaux souterraines sont extrêmement difficiles à purifier à cause de leur inaccessibilité, des énormes volumes à traiter, et de la lenteur des débits. La pollution des eaux souterraines est causée par l’agriculture, l’urbanisation et l’activité industrielle. A Jakarta, Bangkok, et Manille, ce sont surtout les déversements sauvages d’effluents liquides et des déchets solides qui ont conduit à des épidémies de choléra, de typhoïde, et d’autres maladies d’origine hydrique.

Dès la fin des années 1970, des normes ont été établies et divers efforts internationaux ont été organisés afin de répondre aux problèmatiques de l’eau. Mais cela n’a pas suffi à rendre la question prioritaire dans une région où la croissance « à tout prix » constitue encore une priorité.

Le principe de « sécurisation » de l’eau ne désigne donc pas seulement le besoin de faire face à la diminution physique des réserves en eau. Une définition plus large comprend également les questions d’accès à une ressource fondamentale. L’accès à l’eau soulève la question de la responsabilité des États et du rôle des marchés dans l’allocation de l’eau (construction d’infrastructures adéquates, fixation des prix, réglementation, etc.).

Gaz

Selon l’Agence Internationale pour l’Energie (IEA), la dépendance des pays d’Asie sur les importations en pétrole ne cesse d’augmenter, ce qui met en péril la stabilité de son approvisionnement en sources d’énergie. L’exploitation et l’utilisation du gaz naturel constituent une alternative permettant à la fois d’améliorer la sécurité énergétique des pays d’Asie du Sud-est tout en diminuant leur dépendance aux fluctuations des prix du pétrole (OECD / IEA, 1996).

Développer et renforcer cette alternative est également perçu comme une façon de protéger l’environnement car il réduit les besoins en pétrole et en charbon. C’est donc sans surprise que l’on constate dans la région une multiplication des accords et des projets de réseaux de gazoducs reliant les pays de l’ASEAN.

L’Indonésie, la Malaisie, et le Brunei Darussalam détiennent d’importantes parts de gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui a rendu possible d’en exporter au Japon, à la Corée, et à Taiwan au cours des 30 dernières années tout en étant en mesure de satisfaire la demande nationale (OECD / IEA, 1999). Le commerce international par gazoduc n’est pas très développé (la région ne compte que quelques pipelines internationaux, y compris ceux sur le point d’être construits), mais certains pays comme les Philippines, le Viet Nâm, et le Myanmar font

la promotion de la production et de l’utilisation du gaz.

Aux Philippines, par exemple, 504 km de pipelines transportent du gaz du gisement offshore Malampaya à l’île de Luzon. En 2002 le gaz alimentait des centrales électriques d’une capacité totale de 2 700 mégwatts (mw), couvrant près de 30% des besoins en électricité du pays pour une vingtaine d’années. Au Viet Nâm, plusieurs champs de gaz onshore et offshore continuent d’être exploités, notamment le Tien Hai C (près d’Hanoi) et les champs de gaz à Bach Ho. Le projet Nâm Con Son, qui a lui seul constitute plus d’un tiers des réserves totales de gaz du pays, est essentiel au développement du secteur du gaz au VietNâm. En avril 1999, des protocoles d’entente (Memorandum of Understanding) ont été signés entre l’Etat vietNâmien et des partenaires publics et privés afin de déterminer le prix du gaz, les modes de transport, et le rôle des organismes gouvernementaux.

Au Myanmar, le projet Yadana visant l’exportation de gaz offshore vers la Thaïlande par oléoduc s’est achevé en 1998, même si l’approvisionnement en gaz a été retardé de nombreuses fois pour cause d’abscence de turbines adaptées en Thaïlande. Ce retard était dû en partie à la crise économique qui a affecté la région à cette période, ce qui a eu pour effet de ralentir la hausse de la demande d’électricité prévue par la Petroleum Authority of Thailand (PTT). Les projets Yadana et Yetagun (achevé en 2000) fournissent à eux deux environ 35 % de l’approvisionnement en gaz de la Thaïlande.

L’Indonésie, quant à elle, a produit 67 942 kilo tonnes équivalent pétrole (ktep) de gaz naturel en 2006. La production de gaz naturel a diminué de 1,0 5% par rapport à 2005, et de 2,51 % par rapport à 2004 (APEC / Asia Pacific Energy Research Centre, March 2009). Près de 54,6 % de la production de gaz naturel en Indonésie a été convertie en GNL en vue d’être exportée vers le Japon (62,9 % des exportations), la Corée du Sud (22,7 %), et Taiwan (14,4 %). De plus, en 2006 l’Indonésie a exporté 3716 ktep - ou 5,47 % de sa production totale de gaz naturel - vers Singapour et la Malaisie. Globalement, 60 % de la production de gaz naturel de l’Indonésie est dédiée à l’exportation, la partie restante étant mise à disposition des besoins nationaux.

Les grandes réserves indonésiennes de gaz naturel se trouvent à proximité d’Arun dans la province d’Aceh, autour de Badak dans le Kalimantan de l’Est, dans les champs de gaz en Papouasie, et offshore dans les ïles Natuna, et au Nord et à l’Est de Java. Le projet GNL le plus récent se situe à Tangguh, en Papouasie, et son exploitation commerciale a été lancée en 2009.

Le commerce du gaz naturel liquéfié (GNL) devrait augmenter dans les prochaines années, ce qui aura comme effet de pousser les économies asiatiques à développer les installations et les infrastructures nécessaires à son exploitation (vraquiers, terminaux de GNL, etc.). Les perspectives du marché du gaz sont également favorables parce que le gaz naturel comprimé pourrait être amené, à terme, à remplacer l’essence des véhicules à moteur ou être utilisé pour le chauffage. Bien entendu, d’importants financements seront nécessaires pour développer les réseaux d’extraction, de transformation, de stockage, et de transport du GNL.

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Pétrole

Selon l’IEA, les niveaux de consommation de pétrole tendent à être correlées aux variations de croissance du PIB d’une économie. C’est pourquoi cette même agence projette une augmentation de la demande mondiale de pétrole de 85 millions de barils par jour (mb/j) en 2007 à 106 mb/j en 2030, soit une augmentation annuelle moyenne de 1% (ADB, June 2009). Par ailleurs, la demande de pétrole va croître plus rapidement dans les pays non-membres de l’OCDE avec une augmentation annuelle moyenne de 2,2

%. A elle seule, la consommation de pétrole de la Chine devrait augmenter de 3,5% par an entre 2007 et 2030.

Globalement, c’est le secteur des transports qui représente plus de la moitié de la consommation primaire de pétrole, principalement en raison d’une demande accrue pour les carburants des transports routiers.

Ainsi, le but commun de se défaire progressivement de l’emprise pétrolière des pays du Moyen Orient a mené à ce que des projets de prospection de gisements de pétrole se soient multipliés dans la région, le plus souvent à travers des accords bilatéraux ou grâce à des partenariats privé- public (PPP). Cette démarche porte ses fruits notamment grâce à l’assistance technique et institutionnelle en matière de gestion des ressources pétrolières, de développement des champs pétroliers, de raffinage, de transport, de distribution, et d’élaboration de la politique tarifaire (APEC / Asia Pacific Energy Research Centre, March 2009).

Le soutien actif des entités régionales et multilatérales est également nécessaire pour le soutien du commerce régional.

Bien entendu, certaines économies sont mieux placées que d’autres pour impulser de telles initiatives. Le Brunei Darussalam, par exemple, est le quatrième plus grand producteur de pétrole en Asie du Sud-est, et représente le dixième plus gros producteur de gaz naturel liquéfié dans le monde. En 2006, l’offre totale d’énergie primaire du Brunei Darussalam atteignait les 4 243 kilo tonnes équivalent pétrole (ktep). La production de gaz et de pétrole a été de 24 179 ktep pour la même année, soit une augmentation de 11,8 % par rapport aux niveaux de production de 2005, dont 83 % ont été exportés vers l’Australie, le Japon, la Corée, la Thaïlande, l’Indonésie, et l’Inde3. Le gaz naturel représente 82 % de l’approvisionnement énergétique total du pays, tandis que le pétrole représente 18 %.

Le total des réserves de pétrole brut du Brunei est de 191 millions de mètres cubes (mcm), tandis qu’il dispose de 340 milliards de mètres cubes de réserves en gaz naturel. Les perspectives sur le long-terme sont donc jugées excellentes, même si le pays reste encore vulnérable à la volatilité des cours mondiaux ; c’est justement pour pallier ces fluctuations que le 9ème National Development Plan (NDP 2007-20124) et que le plan de développement « Brunei’s Vision 2035 » (Wawasan Brunei 2035 5) prévoient de diversifier l’économie en mettant l’accent sur d’autres atouts majeurs du pays (industrie pétrochimique, raffinerie et stockage de pétrole, la métalurigie, les énergies renouvelables, le tourisme vert, l’aquaculture, la gestion des déchets, la finance 3 Ce n’est qu’en 2002 que du GNL du Myanmar a été exporté vers l’Europe et les Etats-Unis.

4 http://www.bedb.com.bn/why_ndp.htm 5 http://www.bedb.com.bn/why_nationalvision.htm

Islamique, et les technologies de communication).

L’Indonésie a produit 42 956 ktep de pétrole brut en 2006, dont 15 428 ktep ont été exportés. Ces exportations ont baissé de 4,96 % par rapport à 2005 et de 22,21 % par rapport à 2004. Pour satisfaire les besoins en pétrole du pays, l’Indonésie a du importer en 2006 15 768 ktep de pétrole brut et 17 462 ktep de produits pétroliers. La grande partie du pétrole indonésien est produite le long des deux plus grands gisements de pétrole de l’archipel, les champs pétrolifères de Minas et de Duri dans la province de Riau, sur la côte Est de Sumatra (APEC / Asia Pacific Energy Research Centre, March 2009). Les autres régions productrices de pétrole sont: le Sud de Sumatra, on et offshore du Kalimantan de l’Est, au large des côtes Nord-Est de Java, Jambi sur la côte Est de Sumatra, et la mer de Natuna. Malgré ces richesses, la production pétrolière de l’Indonésie a diminué de façon significative ces dix dernières années.

La découverte de pétrole au Cambodge (au large de Sihanoukville) en 2005 par le géant américain Chevron est depuis plusieurs années présentée comme un possible nouvel eldorado énergétique permettant de couvrir, ne serait-ce que partiellement, les besoins énergétiques de certains pays d’Asie du Sud-est. Dès 2005, Chevron se montrait très réservé à propos de ses opérations dans la zone, affirmant simplement que des tests d’exploration avaient révélé la présence « dispersée » de pétrole et de gaz, et non une concentration dans un champ principal.

Cette discrétion, que nombreux ont interprété comme une stratégie commerciale de minimisation visant à ne pas trop attirer l’attention des concurrents sur le potentiel des sites cambodgiens, s’est mutée en véritable fierté nationale pour certains dirigeants du pays qui voyaient dans cette annonce une possible source de - grands - revenus. En 2008 le Cambodge déclarait publiquement espérer être en mesure de produire du pétrole autour de 2011. Le directeur général de la Cambodian National Petroleum Authority (CNPA), Te Duong Dara, se montrait alors très sûr de la capacité du pays à produire du pétrole à partir de 2011, sans pour autant préciser combien d’entreprises étaient actuellement engagées dans des opérations d’exploration au large des côtes méridionales du Cambodge.

Charbon

Selon la BAD, le charbon représentera près de 29 % des sources d’énergie mondiale en 2030, dont 80 % seront destinés à assouvir les besoins en électricité (ADB, June 2009). La demande en charbon ne cesse d’augmenter (notamment en Chine et en Inde, deux pays dotés de réserves abondantes). Contrairement au pétrole et au gaz, le charbon est largement disponible, son acheminement est relativement simple, et les stocks ne sont pas affectés par les variations climatiques. Mais si le charbon semble répondre parfaitement à de nombreuses exigences de sécurité énergétique, il reste un des combustibles les plus polluants en termes de taux d’émission de CO2.

Les questions environnementales

concernent principalement la qualité du charbon lui- même, les émissions de gaz à effet de serre, et les modes de combustion du charbon. L’extraction du

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charbon est, quant à elle, associée à de nombreux impacts négatifs tels que la pollution par la poussière, la déforestation, et la dégradation des terres. S’ajoutent à cela les répercussions sociales sur les populations locales, notamment en termes d’expulsions arbitraires et abusives, d’élimination inappropriée ou incomplète des déchets produits, ou encore d’exploitation de la main d’œuvre.

La réduction des gaz à effet de serre est une clause fondatrice du mécanisme de développement propre (Clean Development Mechanism) du Protocole de Kyôto6. Conformément au protocole, les économies développées s’engagent collectivement à réduire leurs émissions globales de gaz à effet de serre d’au moins 5 % par rapport aux niveaux de 1990 entre 2008 et 2012. Certaines économies émergentes refusent que ces mécanismes constituent un frein à leur développement économique.

Pour des pays comme l’Indonésie, dont les ressources actuelles sont de 50,66 milliards de tonnes de charbon et dont les réserves s’élèvent à 7,08 milliards de tonnes, les effets pourraient être très néfastes. Hausse des coûts d’extraction, diminution des prix du charbon, et ralentissement de l’industrie entière du charbon seraient quelques uns des effets sur le moyen- et long-terme.

L’Indonésie a en effet produit environ 92,5 millions de tonnes de charbon en 2001 et plus de 100 millions de tonnes l’année d’après. Environ 70 % du charbon produit par le pays est exporté, et l’électricité, l’industrie, et les ménages sont les trois plus gros utilisateurs de charbon dans le marché intérieur. A elle seule, l’industrie représente environ 70 % de la consommation totale de charbon.

Selon l’ASEAN Centre for Energy, l’Indonésie continuera, dans les années à venir, à tirer profit de ses richesses en charbon, même si celui-ci est principalement du charbon dit « de bas rang »7 (low-rank coal). Environ 70 % du charbon indonésien est considéré comme de « bas rang », ce qui le rend peu vendable. Ce charbon comporte en effet un faible pouvoir calorifique, des taux élevés d’humidité, et une faible teneur en soufre, des caractéristiques qui le rendent difficilement inflammable. Notons toutefois que le marché du charbon de « bas rang » se développe progressivement, au fur et à mesure que se généralisent les technologies permettant soit de transformer le charbon en réduisant son humidité, soit de s’en servir tel quel en utilisant des techniques spécifiques.

Il s’agira pour les décideurs indonésiens de stimuler l’exportation du charbon tout en augmentant son utilisation nationale, surtout que le charbon est progressivement devenu un substitut rentable au pétrole, comme l’illustrent les hauts niveaux d’utilisation du charbon dans les centrales électriques, les usines de ciment, ou l’industrie pétrochimique (ASEAN Centre for Energy, 2004). Le secteur pétrolier reste néanmoins le principal secteur énergétique soutenant le développement économique de l’Indonésie, et le pays ne cesse d’augmenter la taille et la cadence des activités d’exploitation des champs pétroliers.

Et ce en dépit du fait que ses ressources en pétrole sont assez limitées. Afin de sécuriser son secteur énergétique, l’Indonésie devra modifier sa stratégie globale d’utilisation d’énergie et recentrer ses efforts vers l’optimisation du secteur du charbon.

6 http://unfccc.int/kyoto_protocol/mechanisms/items/1673.php.

7 http://www.uky.edu/KGS/coal/coalkinds.htm.

Or, pour que le pays puisse continuer à développer ce secteur énergétique, il devra financer et développer des projets de recherche et de développement (R&D) sur le secteur encore naissant des technologies de charbon propre (Clean Coal Technology). Ces technologies ont bien évidemment un coût (recherche, projets pilotes, modernisation des installations, cadre institutionnel et normatif, etc.) qui pourrait ralentir leur mise en place.

Toujours est-il que la politique énergétique de l’Indonésie - du charbon comme des autres ressources naturelles - doit rester cohérente et ne peut, à ce jour, éviter le mouvement de diversification de ses sources d’énergie.

Selon la BAD, c’est justement parce que le secteur du charbon est en pleine expansion en Asie du Sud-est qu’il faut saisir l’opportunité et faire en sorte que cela se fasse avec un système rigoureux de normes, des engagements de bonnes pratiques, des moyens institutionnels de surveillance, et des technologies propres.

…trop inégalement réparties (situations géographiques, particularités topographiques, climatiques)…

Pauvreté et exclusion (pas d’accès à l’eau, à l’électricité, aux richesses créées par les industries étrangères exploitant les ressources)

La privation d’énergie est une caractéristique inhérente de la pauvreté et un obstacle redoutable à sa résolution.

Selon les Nations Unies, la région Asie-Pacifique abrite plus de la moitié de la population mondiale et près des deux tiers de ses pauvres. Alors que la proportion de personnes survivant avec moins d’un dollar par jour est tombée de 31 % à 20 % entre 1990 et 2001, le nombre absolu de la population pauvre est resté élevé (679 millions de personnes). La majorité de ces personnes vivent dans des zones rurales qui n’ont pas - ou peu - accès à l’électricité et ne peuvent intégrer à leur budget quotidien les dépenses en combustibles.

Pendant ce temps, l’urbanisation fulgurante de la région se poursuit et transfère la pauvreté des communautés rurales vers les agglomérations urbaines. Bien que les pauvres en milieu urbain puissent a priori avoir un meilleur accès aux réseaux électriques, beaucoup continuent de ne pas avoir un accès continu aux autres sources d’énergie permettant de se chauffer, de s’alimenter, de se déplacer, de s’éduquer, ou encore de travailler. Le rapport (du PNUD, 2007) sur l’impact de la hausse des prix du pétrole sur la sécurité énergétique des pauvres en Chine, Indonésie et Laos est particulièrement intéressant. Il en ressort que des millions d’individus se voient exclus de l’accès aux sources d’énergie permettant de remplir les besoins de base non pas par manque de ressources naturelles mais par la façon inégale dont les ressources elles-mêmes et les richesses que leur exploitation induit sont distribuées (UNDP, 2007). Les coupures de courant aux Philippines en sont une illustration quotidienne.

L’échantillon étudié confirme avoir ressenti d’importantes hausses dans le prix des produits pétroliers. Jusqu’en 2003, ces populations étaient protégées par des mesures gouvernementales de compensation. Plus après. Entre

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2002 et 2005, par exemple, les carburants de cuisine ont augmenté de 171 %, les frais de transport de 120 %, l’électricité de 67 %. Dans l’ensemble, cette hausse des prix pousse les ménages à réduire leur consommation en produits pétroliers et à couper d’autres domaines de dépenses dans leurs budgets quotidiens (alimentation, soins médicaux, etc.). Les ménages ruraux ne peuvent s’éclairer de façon régulière, et la hausse des coûts de transport les isolent des services essentiels dont ils ne disposent pas dans leurs villages. Au fur et à mesure des augmentations, la plupart des gouvernements de la région ont dû choisir entre prudence fiscale et équité sociale.

Le rapport entre pauvreté et utilisation/distribution des ressources naturelles est donc fondamental pour comprendre les échecs et les réussites de développement dans la région, d’autant plus qu’il est doublement paradoxal. Premier paradoxe, les populations les plus pauvres de la région sont prises dans un cercle vicieux où l’état même de pauvreté les prive de l’énergie dont ils ont besoin pour se sortir de la pauvreté. Deuxième paradoxe, les populations privées d’énergies de base vivent très souvent dans des pays riches en ressources énergétiques et dépensiers en termes de construction d’infrastructures énergétiques (centrales, rafineries, puits d’extraction, gazéoducs, etc.). Si le coût des ressources énergétiques continue d’augmenter (comme c’est le cas depuis plusieurs années), non seulement le cercle vicieux se perpétuera, mais il détériorera les conditions de vie des gens ayant résussi à sortir de l’extrême pauvreté (petits commerçants, enseignants, employés, paysans, etc.).

Après la crise asiatique de 1997, le gouvernement indonésien a accordé d’importantes subventions pour le marché intérieur des combustibles au détail (qui représentait en 2000, 5,5 % du PIB). En 2002, cependant, l’Etat a introduit un système d’ajustement automatique des prix, ce qui permet à Pertamina, principale entreprise pétrolière d’Etat, de réinitialiser tous les mois les prix des produits pétroliers domestiques (sauf le kérosène). Pour protéger les plus pauvres de ces hausses, le gouvernement utilise une partie des économies résultant de la réduction des subventions pour mettre en place des pogrammes d’éradication de la pauvreté, de développement rural, d’éducation, et de santé. L’Indonésie vise à étendre l’accès à l’électricité à 90% de la population d’ici 2020 à travers des programmes d’initiative locale et des nouveaux modes de financement.

Au Laos, les prix au détail des produits pétroliers reflètent généralement l’évolution des prix à l’importation. Mais un certain contrôle des prix existe grâce au système fiscal, aux droits de douane, et à l’ajustement des prix pour chaque province selon les coûts spécifiques des transports publics. Les prix de l’essence et du diesel au détail y ont pratiquement doublé entre 2003 et 2006, ce qui a poussé l’Etat à maintenir les prix du diesel environ 15 % inférieurs aux prix de l’essence, à réglementer les prix de l’électricité, et à réduire les coûts de transports. Globalement, les grandes différences entre les augmentations officielles des prix de carburant et les prix effectivement payés par les populations les plus pauvres en Indonésie, aux Philippines, au Cambodge ou au Laos indiquent l’existence d’un marché noir de l’énergie. Plus particulèrement dans les zones rurales isolées où les intermédiaires ressentent moins la supervision des autorités et où l’approvisionnement n’est jamais fiable.

La plupart des spécialistes et des organismes internationaux s’accordent à dire que l’’accès à des services énergétiques modernes et fiables va de paire avec les efforts de développement humain, lui-même un élément essentiel de la croissance économique. Or, l’accès à l’énergie n’a pas été identifié comme un des Objectifs de Développement du Millénaire des Nations Unies, alors que l’on s’aperçoit qu’une grande part de ces objectifs ne peut être satisfaite sans garantie de la part du secteur énergétique. La hausse des prix des carburants et des produits pétroliers tels que les engrais peut aggraver les mécanismes d’inflation, renforcer des contextes de récession, ou faire augmenter le chômage (ADB, June 2009). Les réductions drastiques ou les suppressions complètes de subventions sur le carburant se traduisent par des prix de plus en plus élevés pour les « input » agricoles, les transports vers les lieux de travail et les marchés, des revenus revus à la baisse, et l’élimination de l’épargne.

…et difficilement renouvelables (de plus en plus de demande, épuisement des gisements/forêts, transferts de nouvelles technologies vertes, etc.).

Une consommation effrénée aux conséquences multiples et durables (déforestation, pollution)

Selon l’IEA, la demande totale mondiale d’énergie sera de 17,0 milliards de tonnes équivalent pétrole (tep) en 2030, tendance d’autant plus préoccupante si l’on considère qu’en cette même année 87 % de la consommation d’énergie mondiale viendra des pays en dehors de la zone OCDE.

Pour l’instant, la consommation d’énergie par habitant en Asie du Sud-est est faible par rapport à d’autres parties du monde. Mais au fur et à mesure que la région dispose des moyens techniques et financiers d’étendre l’approvisionnement énergétique à ses 560 millions d’habitants, le défi énergétique deviendra inéluctable. Au cours des 30 dernières années, en effet, la consommation d’énergie en Asie du Sud-est a considérablement augmenté, une tendance qui devrait se poursuivre au fur et à mesure de la croissance démographique, économique, et industrielle des pays de la région.

Selon la BAD (June 2009), la demande énergétique asiatique devrait doubler entre 2006 et 2030, un rythme que l’approvisionnement énergétique de la région, essentiellement basé sur les combustibles fossiles, ne sera pas en mesure de suivre. Une grande partie de l’augmentation de la consommation d’énergie par le secteur des transports par exemple vient de la région Asie- Pacifique, dont le modèle de développement économique dépend du transport des marchandises.

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Habitants de la région : les premières victimes des conséquences des changements climatiques

Les émissions de gaz à effet de serre augmentent proportionnellement à l’intensification de la demande énergétique asiatique. Comme pour le reste de la planète, l’augmentation de la température atmosphérique et d’autres dérèglements climatiques affectent l’Asie du Sud- est, mais les conséquences les plus graves sont sans aucun doute ressenties par les pays les plus pauvres de la région.

C’est justement cette vulnérabilité inégalement répartie qui transforme les questions de sécurité énergétique (jusqu’ici considérées comme une extension des stratégies de croissance économique), en défis de sécurité climatique, eux-mêmes liés à la sécurité humaine.

Le Protocole de Kyoto, effectivement appliqué en février 2005, a clairement défini le cadre de mécanismes coopératifs permettant de remplir les engagements pris presque dix ans plus tôt. En juillet 2005 le sommet G8+5 (Gleneagles Summit8) a impulsé le mouvement en poussant les institutions financières internationales à développer un plan de financement permettant de concilier énergies propres et croissance économique. Plus récemment, en janvier 2006, l’Australie, l’Inde, le Japon, la Chine, la Corée du Sud, et les Etats-Unis ont formé le Partenariat Asie- Pacifique sur le Développement Propre et le Climat (Asia- Pacific Partnership on Clean Development and Climate9) visant à utiliser les partenariats publi-privé (PPP) pour développer des technologies énergétiques plus propres et plus puissantes.

Bien entendu, l’incommensurable quantité de mesures nationales, de programmes bilatéraux, de comités régionaux, et de traités multilatéraux montre que les gouvernements d’Asie du Sud-est comme ailleurs prenent la menace climatique très au sérieux. Selon la BAD (2008), les niveaux de concentration atmosphérique en CO2 sont en constante augmentation.

Plus concrètement et plus spécifiquement en Asie du Sud-est, les dérèglements climatiques seront multiples et profonds. Depuis les hauts plateaux de l’Himalaya jusqu’aux riches forêts tropicales, de nombreux écosystèmes sont vulnérables et certains seront affectés de manière irréversible. Quelques uns de ces effets sont : l’intensification des tempêtes tropicales, le prolongement des vagues de températures extrêmes, les sécheresses, l’élévation du niveau de la mer et la montée des eaux, les inondations et les incendies de fôret plus fréquentes, la baisse des rendements des cultures, la dégénération de la biodiversité, la dégradation des habitats, les catastrophes naturelles, sans parler des réactions en chaîne que tous ces phénomènes peuvent entraîner lorsque combinés les uns avec les autres. La seule possibilité que ces manifestations puissent se multiplier et le simple fait qu’elles soient le produit des activités humaines devraient renforcer la détermination des gouvernements à revoir les systèmes d’exploitation des ressources naturelles et à repenser les modèles de croissance économique (ADB, June 2009).

8 http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/NEWS/0,,co ntentMDK:20567463~pagePK:64257043~piPK:437376~theSiteP K:4607,00.html.

9 http://www.asiapacificpartnership.org.

Diversification des sources d’énergie et utilisation d’énergies propres : une nécessité environnementale et un enjeu socio- économique

Alors que les sources d’énergie renouvelables comme le vent, l’eau, et la lumière du soleil sont abondantes, des contraintes techniques et économiques entravent encore leur utilisation dans les pays en voie de développement.

Les énergies renouvelables nécessitent un investissement dans des infrastructures adéquates et ne sont pas toujours adaptées aux zones qui ne disposent pas des équipements de stockage d’énergie nécessaires. L’énergie solaire, qui par définition dépend des conditions météorologiques et s’interrompt la nuit, a un potentiel de production électrique limité et les cellules solaires photovoltaïques de stockage sont encore chères à construire, à installer, et à entretenir.

Les turbinnes éoliennes, quant à elles, sont limitées par une fourchette spécifique de puissance et de vitesse du vent.

Il existe de en plus de technologies permettant un développement écologiquement viable en passant par des énergies plus propres et renouvelables. Or aujourd’hui le problème n’est plus tant quelle technologie utiliser, mais plutôt comment la financer afin de la rendre accessible et abordable au plus grand nombre (Asian Development Bank / Foundation for Development Cooperation, April 2008). De nombreux projets aussi variés qu’innovants sont bel et bien mis en place un peu partout en Asie, mais les connaissances acquises sont soit trop précises (un village, une zone particulière), soit peu ou pas consolidées (les réussites en restent au stade d’étude de cas ou de projet pilote).

En Indonésie, par exemple, l’ASEAN Centre for Energy dénombrait en 2004 très peu d’études se penchant sur le potentiel économique et énergétique du méthane produit à partir du charbon, Coal Bed Methane (CBM, ou grisou) alors qu’il constitue une alternative extrêmement viable tant en termes d’approvisionnement (plus de 337 trillion cubic feet dans les bassins de charbon à Java et à Sulawesi) qu’en termes de distribution et de polyvalence énergétique. Les zones riches en charbon sont déjà surexploitées, et d’autres, comme les zones au Sud de Sumatra et au Sud-Ouest de Kalimantan, ne disposent pas des infrastructures nécessaires à l’extraction du CBM. Des entités gouvernementales de l’énergie ont certes menés des études et des projets pilotes (Lemigas, Balitbang ESDM, Directorate General of Oil and Gas, Directorate General of Geology and Mineral Resources, Agency for the Assessment and Application of Technology), mais les limites en termes de budget et de technologie ne permettent pas d’envisager une extraction à grande échelle.

En Thaïlande, c’est surtout la voie de l’inter-connection avec les ressources étrangères qui est privilégiée (APEC / Asia Pacific Energy Research Centre, March 2009).

Depuis 2005, les investissements prennent la forme de réseaux d’acheminement du pétrole brut et du gaz naturel à partir de sources voisines. La signature en janvier 2010 du Natural Gas Sale Agreement (GSA10), par exemple, fournira la Thaïlande directement à partir du champ de gaz M9 au Myanmar.

10 http://www.sourcejuice.com/1293147/2010/01/07/Myanmar- Thailand-signed-multi-billion-dollar-natural-gas-sale.

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Au Viet Nâm, les réponses aux questions de sécurité énergétique et de développement d’énergies alternatives se focalisent plutôt sur la capacité de trouver et d’exploiter des sources de pétrole et de gaz naturel à l’intérieur des frontières du pays. En avril 2006, le National Energy Efficiency Programme est approuvé pour la période 2006-2015. Les objectifs globaux du programme sont de renforcer les capacités d’efficience énergétique de l’Etat, de développer un véritable plan national d’économies d’énergies, et de généraliser le besoin de protéger l’environnement. A terme, l’utilisation d’énergies propres et renouvelables devrait devenir systématique dans les secteurs de l’indutrie, du BTP, et des transports, ce qui devrait permettre au pays d’économiser de 3 à 5% de la consommation totale d’énergie entre 2006 et 2010 et de 5 à 8 % entre 2011 et 2015.

Les biocarburants suscitent un intérêt croissant en Asie du Sud-est. Ils peuvent en effet servir à stimuler le développement rural, créer des emplois et réduire la facture énergétique. Mais la faible demande ne suffit pas encore à inciter les agriculteurs à en produire plutôt que des aliments, un mouvement qui pourrait créer de graves pénuries alimentaires s’il venait à être suivi massivement et soudainement. En outre, la production de biocarburants à partir de matières premières consomme énormément d’énergie (pour l’agriculture, les transports, la conversion au produit final, la production d’engrais, de pesticides, et d’herbicides), ce qui rend le solde énergétique net quelque peu déficitaire.

Les énergies renouvelables offrent un grand potentiel pour les populations rurales et pauvres d’Asie, en particulier à celles qui ne sont pas reliées aux réseaux électriques. Elles permettraient à ces populations d’améliorer leurs conditions de vie tout en générant de nouvelles sources de revenus (nouveaux emplois, nouveaux secteurs économiques, petites et moyennes entreprises, reconversion de parcelles agricoles, manufacture de technologies du secteur renouvelable, etc.). Mais pour l’instant leur introduction ne peut être que progressive et ciblée, ne serait-ce que parce que les coûts initiaux sont encore très élevés, nécessitent des méthodes de financement novatrices, et requièrent un soutien volontariste de la part des gouvernements.

2. Enjeux sécuritaires et territoriaux des politiques énergétiques d’Asie du Sud-est : des conflits locaux  à  l’entente  (coopération,  compromis  ?)  régionale  forcée (no choice but to work together)

Les climatologues soulignent qu’il est possible d’établir une distinction préliminaire entre les catastrophes à « impact soudain » telles que les tsuNâmis, les tremblements de terre, et les catastrophes à « impact durable » telles que les famines, les sécheresses, ou le processus de changement climatique actuel. Tous les désastres ont des conséquences à la fois politiques et économiques. Qu’il s’agisse des politiques de distribution et d’exploitation des ressources naturelles, des droits des minorités, du mode de répartition des richesses, du degré de proximité des élites dirigeantes avec la population, des rouages financiers et commerciaux, des procédés électoraux, tous ces éléments jouent un rôle direct ou indirect sur la façon dont une population sera plus ou moins vulnérable (la sécurité des biens et des personnes, la protection contre toute menace extérieure, la continuité dans l’approvisionnement alimentaire, l’accès garanti au logement et au revenu, le flux continu de l’information, et le soutien nécessaire pour subsister ou survivre de façon non-interrompue). En ce sens, les désastres, qu’ils soient « naturels » ou partiellement causés par l’homme, créent des « situations de stress collectif » (collective stress situations) et constituent des menaces à la sécurité humaine (Barton, 1969).

Le changement climatique entraînera des événements météorologiques extrêmes et augmentera le nombre de « réfugiés climatiques » à tel point que la capacité de gouvernance de nombreux pays risque d’être dépassée.

Ainsi l’un des enjeux du changement climatique est l’aggravation d’anciennes tensions ou le déclenchement de nouveaux conflits.

Quatre points climatiques sont identifiées comme sources potentielles de conflit : (i) la dégradation des eaux douces, (ii) le déclin de la production alimentaire, (iii) l’augmentation des tempêtes et des inondations (iv) et les migrations causées par les catastrophes et pressions environnementales. Les États et les sociétés les plus vulnérables à ces évènements sont ceux en transition politique, aux économies fragiles ou instables, et à fortes densités démographiques. Les pays qui se trouvent déjà en conflit violent ou ceux qui ont connu des conflits violents dans le passé récent seront également vulnérables à de nouveaux conflits directement liés aux défis climatiques.

En Asie du Sud-est, où nous avons vu l’importance des matières premières et de leur utilisation, les risques et les enjeux sécuritaires pourraient être amenés à se multiplier. Les rancoeurs régionales mêlées à des revendications identitaires et/ou économiques pourraient basculer au mieux en alliances stratégiques et compromis diplomatiques précaires, au pire en insurrections et luttes armées ou en conflits territoriaux. Et la région n’est pas protégée de ce type de tensions. Nous examinerons ici trois exemples où l’accès aux matières premières ou l’utilisation des ressources naturelles ont mené à des conflits diplomatiques et sécuritaires aux niveaux régional et international. Il s’agit de trois études de cas illustrant trois niveaux différents de la façon dont la sécurité énergétique peut faire basculer le secteur énergétique dans le champ de la défense nationale.

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D’abord l’exemple de l’exploitation du pétrole dans la province d’Aceh qui a mené l’Etat indonésien à privilégier la voie armée afin de consolider les revenus et les investissements émanant de la zone.

Dans un tout autre registre, le cas des tensions bilatérales entre Singapour et la Malaisie qui émanent principalement de la question de l’approvisionnement et de la gestion de l’eau. Ces tensions (surtout politiques, économiques, et diplomatiques), ne sont évidemment pas exclusives à ces deux pays, mais elles illustrent parfaitement la façon dont le contrôle d’une source aussi vitale que l’eau peut mener à des tensions frontalières suivies d’âpres négociations ; l’existence même du risque s’alimente de la possibilité que la Malaisie puisse décider de priver Singapour de son approvisionnement en eau.

Enfin, le cas du conflit territorial et multilatéral autour des îles Spratley et Paracel, vaste territoire à énorme potentiel énergétique en mer de Chine. Ce conflit historique implique 6 Etats différents et illustre parfaitement la façon dont les questions d’accès aux ressources naturelles (estimées ou avérées) poussent les Etats à invoquer tour à tour la présence historique, la souveraineté territoriale, le droit maritime, et les prérogatives économiques. Le fait que les revendications se chevauchent et s’enchevêtrent depuis très longtemps, couplé au fait que les pays concernés préfèrent négocier l’un avec l’autre plutôt que de façon concertée, ne laisse pas présager d’une résolution dans un avenir proche.

Matières premières et territorialité : conflits locaux, hydro-diplomatie, et sécurité maritime

Le pétrole à Aceh : des revendications économiques au conflit civil

Avant de se pencher sur la façon dont la région d’Aceh a basculé d’une revendication purement économique à un conflit armé confus et sanglant, il convient de brièvement présenter le contexte de la région. Bien souvent l’intérêt qu’on porte à cette zone au Nord de l’ïle indonésienne de Sumatra semble commencer par l’idée que l’on se fait de sa singulière grandeur passée et de la spécificité que l’on prête à l’identité du peuple Acehnais. Or l’histoire d’Aceh est faite de bouleversements émanant de conflits liés aux luttes de suprématie entre grandes puissances portuaires, des divergences et des convergences d’intérêts entre les nombreux acteurs du commerce maritime, des résistances face aux envahisseurs étrangers, des revirements des rapports et des équilibres de force, et des phases successives dans la construction d’un Etat post-colonial et « moderne ». C’est cette dimension de mémoire collective menant à des images de soi et à des attitudes bien précises, produisant une identité construite puis revendiquée, qui permettra de mieux comprendre les enjeux derrière les revendications économiques liées à l’exploitation du pétrole dans la zone (Gonzalez-Villascan, 2007).

Aceh, communément décrit comme le berceau du premier Sultanat de l’archipel indonésien (le Sultanat de Pasai), s’imposa dès la fin du XIIIème siècle (1282) sur une zone jusque là à prédominance Hindouiste et Animiste.

L’expansion de l’Islam en Asie du Sud-est est sans aucun doute intimement liée aux activités commerciales entre marchands étrangers et sultanats dirigés par des gouvernants habiles en affaires princières, militaires, et commerciales (contrôler Aceh, c’est contrôler un lieu de passage obligatoire entre la Chine, l’Inde, et l’Europe). Les nombreuses luttes pour la maîtrise du commerce fluvial entre les Cités-Etats du Nord de Sumatra permettront à Aceh d’établir sa suprématie sur la région à partir de 1520, et son expansion sera alors fulgurante : en moins de vingt ans, Aceh dominera les côtes Nord, Est, et Ouest de Sumatra, monopolisant le négoce du camphre, de l’or de Barus, et du poivre de TikuIl.

Au début du XIXème siècle, se dessine ce qui sera une longue dispute entre compagnies commerciales anglaises et hollandaises pour déterminer qui détiendra l’autorité sur les ports stratégiques du Nord de Sumatra. En 1871, est signé un accord entre les deux parties où les Hollandais gardent leur prise sur Aceh, tandis que les Anglais prennent Malacca. Comme toute entreprise coloniale de l’époque, la tactique est de s’emparer des principales villes portuaires et de s’assurer la confiance et les faveurs de la noblesse indigène en redistribuant les terres, les capitaux, et les privilèges.Toutefois, les étrangers (commerçants chinois, coolies indiens, et patrons hollandais) monopolisent progressivement les différentes étapes de l’exportation d’épices et d’autres produits locaux. C’est un système de distribution commerciale qui reste très enrichissant, mais de moins en moins pour les nobles locaux.

La fin de la présence hollandaise à Batavia ne marquera pas directement la fin des politiques hollandaises. En 1942, arrivent les Japonais qui conserveront cette façon de diriger en cooptant les seigneurs provinciaux. Aceh soutiendra la guerre d’indépendance dans l’optique que la région disposera en échange d’un haut degré d’autonomie lorsque sera mise en place une structure fédérale peu contraignante et plus flexible. Or, en 1949, lors de l’indépendance, Aceh est unilatéralement rattachée à la province administrative de Nord Sumatra, décision marquée l’arrivée massive de nouveaux cadres et administrateurs Javanais.

Même si en 1949 l’Indonésie prend initialement la voie du modèle fédéraliste, dès 1950 le pays est restructuré en 10 provinces avec Aceh absorbé dans la province de Sumatra du Nord (Sumatera Utara). Cette décision arbitraire mènera le gouverneur d’Aceh, Teungku Daud Beureueh, à rejoindre en septembre 1953 la rébellion Darul Islam (Terre d’Islam) et à déclarer l’indépendance de l’Etat Fédéré d’Aceh (Negara Bahagian Aceh). Cette rébellion durera près de dix ans à Aceh, mais le mouvement s’essoufflera au début des années 1960 car en 1959 l’Etat indonésien accorde à Aceh le statut administratif « spécial », lui offrant autonomie en matières religieuses, éducatives, et culturelles.

Ce bref aperçu de l’histoire politique et économique de la région fait apparaître combien la résistance d’Aceh face aux puissances externes a toujours découlé, d’une façon ou d’une autre, des questions de contrôle et de distribution des ressources naturelles. En somme, le contrôle des voix de commerce et d’échange aurait toujours été à l’origine des luttes acehnaises.

C’est ainsi qu’en 1971, lorsque s’implantent de nouvelles industries pétrolières et gazifières au Nord de Sumatra et qu’il devient de plus en plus clair qu’aucun Acehnais

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ne profitera des richesses produites par ces activités, que né le Gerakan Aceh Merdeka (GAM, ou Mouvement pour un Aceh Libre). Et si la lutte s’est intensifiée et étendue grâce au rassemblement de la population autour du GAM, c’est surtout à cause de la façon dont l’exploitation massive des ressources naturelles d’Aceh a été menée (gestion strictement centralisée et intervention d’agents exclusivement étrangers). Entre 1975 et les années 1980, Aceh passe du statut de région à l’apport économique limité à celle ayant le plus de potentiel pour le développement du pays. Le « Boom LNG » vient de la découverte et de l’exploitation de Gaz Naturel Liquide (Liquid Natural Gas) ainsi que de pétrole dans la proximité des villes de Lhokseumawe et Lhoksukon. Aceh devient l’une des principales sources de revenu pour l’Etat central, et l’un des plus grands centres d’exportation du pays. Or, les bénéfices du Boom n’ont profité qu’à une poignée d’acteurs (l’Etat central ou les entreprises étrangères installées à Aceh) et les capitaux des entreprises présentes à Aceh ne font que transiter par la province. Selon la loi sur l’équilibre financier entre le centre et les régions (UU n° 25 1999, Perimbangan Keuangan Pusat dan Daerah11), 70 % des dividendes provenant de l’exploitation de gaz sont perçus par le gouvernement et 30 % sont reversés à la région productrice : l’extrême pauvreté des habitants d’Aceh montre que ce n’est pas le cas.

L’impressionnant développement économique que connaît l’ensemble de l’Indonésie dans les années 1980 est accueilli avec ambivalence à Aceh, où ne cesse de croître le sentiment d’injustice et d’inéquité. Non seulement les Acehnais sont complètement exclus des richesses provenant de leur propre territoire, mais en plus le chômage dans la zone n’a pas diminué malgré le potentiel de création d’emplois ; tout le travail a été attribué soit à des Indonésiens venus d’autres régions (notamment Java), soit à des étrangers. De plus, les petits fermiers ont été expropriés sans compensation, et très vite se fait sentir un manque d’infrastructures pour accueillir les Acehnais déplacés et la main d’oeuvre étrangère récemment arrivée.

Ce sentiment constant de domination et de prédation économique entretient chez les Acehnais l’idée de reprendre la lutte pour l’indépendance : tous ces éléments légitiment et crédibilisent le GAM dans ses revendications.

Il faut ajouter comme facteur de ralliement derrière le GAM la revendication et la défense de la vision proprement acehnaise de l’Islam et les exactions barbares de l’armée indonésienne contre la population civile d’Aceh.

A Aceh, l’armée indonésienne est très visible. Officiellement, l’armée indonésienne était chargée de minimiser toute menace à la stabilité de la région afin de ne pas faire fuir les investissements étrangers. Mais il s’agissait surtout de protéger coûte que coûte les installations de production et d’exploitation pétrolière et leur personnel. D’où la mise en place de milliers de troupes à Aceh alors qu’à l’époque le GAM n’est constitué que d’une poignée de rebelles. Il en ressort que dans leur tentative de sécuriser et de stabiliser la zone pour assurer la croissance économique, l’armée indonésienne, par ses pratiques, est arrivée à y réaliser exactement l’inverse. Les assassinats, les enlèvements, les tortures, les viols, les déplacements forcés de population, les marchés noirs, et les disparitions deviennent des pratiques courantes pendant les opérations militaires 11 http://www.bappenas.go.id/get-file-server/node/2848.

de grande envergure : l’Opération Filet Rouge (Operasi Jaringan Merah), par exemple, transforme Aceh en une Zone d’Opération Militaire (Daerah Operasi Militer, ou DOM) et laisse des traces indélébiles au sein de la société acehnaise.

1995 est le moment où l’on passe d’une méthode de réconciliation basée sur un rapprochement plus ou moins négocié à une approche purement militaire ; au nom de la sécurité nationale, on accorde à l’armée indonésienne la possibilité d’utiliser tout moyen pour se débarrasser du GAM. Très vite, l’armée ne reculera devant rien et se mettra à brûler les maisons, à procéder à des descentes nocturnes, à fouiller et piller les villages, à des arrestations arbitraires, et aux exécutions sommaires et publiques.

L’étude du cas d’Aceh illustre bien la façon dont un système de politiques énergétiques, économiques, et industrielles peut facilement dévier vers un enjeu sécuritaire et militaire. Bien entendu, une relation causale directe et à sens unique ne peut être établie entre la création d’un mouvement séparatiste armé et l’ambition des politiques économiques d’une région. Mais un contexte de richesse et d’abondance mal ou pas du tout réparties peut accentuer les rancoeurs et les sentiments d’injustice, au point d’accélérer l’adhésion de ceux qui se sentent exclus de toute forme d’expression institutionnelle à une forme de revendication commune. Dans le cas précis d’Aceh, c’est le nouveau statut de la zone comme potentiel financier et économique qui en a fait un lieu de confrontation économique et politique, puis, au fur et à mesure que la violence a escaladé, militaire..

Il a fallu attendre une médiation étrangère pleine de rebondissements12 et le tsuNâmi du 26 décembre 2004 (attention médiatique, déploiement d’ONGs étrangères, et arrivée de quantités massives de dons) pour qu’un processus de paix puisse mettre fin au conflit. La reconstruction de la région ne pouvait avoir lieu sans la démilitarisation de la zone, et cette concession a progressivement mené à l’autonomie politique des Acehnais. L’International Crisis Group (March 2009) souligne que même si le GAM a rendu les armes pour se dédier à gérer la vie politique et civile de la province, tout n’est pas parfait dans la zone (élections peu transparentes, tensions religieuses, méfiance envers les administrations et les institutions)13.

L’eau entre Singapour et la Malaisie : le fragile équilibre de l’hydro-diplomatie

Les problèmes d’accès à l’eau peuvent aussi déclencher des conflits entre pays. De nombreux conflits ont déjà montré qu’il était possible d’assoiffer un pays voisin en le privant de son approvisionnement en eau. Le risque de conflit étant plus fort si la nation la plus vulnérable au niveau hydrique (pays en aval) est également la plus puissante au niveau militaire et est régulièrement paniquée à l’idée que son approvisionnement en eau puisse un jour être menacé: c’est le cas de Singapour.

Nous l’avons vu plus haut, Singapour est une petite Cité- Etat de 690 km² complétement dépourvue de ressources naturelles. Puissance économique et industrielle de la 12 http://www.c-r.org/our-work/accord/aceh/ahtisaari.php.

13 http://www.crisisgroup.org/home/index.cfm?id=6014&l=2.

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région, le pays consommait en 2006 environ 1,36 milliards de litres d’eau par jour. Or, une grande partie de cette eau est importée de Malaisie (Etat de Johor). La question de l’approvisionnement en eau de Singapour a constitué, pendant longtemps, un sujet de discorde récurrent dans les relations politiques et diplomatiques entre la Malaisie et Singapour. A chaque fois que les relations bilatérales se sont tendues, la menace de couper l’approvisionnement en eau planait ; lorsque par exemple Singapour est accusé de ne pas être sensible aux équilibres ethniques et religieux de Malaisie, lorsque la Malaisie poite du doigt l’imparable concurrence économique de Singapour, ou encore lorsque font surface les discordes d’utilisation de l’espace aérien.

Ce contexte fait que Singapour a toujours fait de cette dépendance (réelle ou perçue) l’une des priorités de ses programmes de défense militaire. Les forces armées de la Cité-Etat sont prêtes à intervenir de l’autre côté du Causeway en cas d’une interruption soudaine de l’approvisionnement en eau, même si l’on s’aperçoit aujourd’hui que la menace réelle est largement exagérée.

En effet, le gouvernement malaisien n’a jamais été en mesure de totalement couper l’approvisionnement en eau à Singapour, et la Malaisie a depuis toujours eu la ferme intention d’observer les accords de 1961 et de 1962 (Lee Poh Onn, 2003).

Deux accords signés en 1961 (Tebrau and Scudai Water Agreement) et 1962 (Johor River Water Agreement), lorsque Singapour était encore une colonie autonome britannique, définissent le mode et le prix de transfert permanent d’eau de Johor à Singapour jusqu’en 2011 et 2061. L’accord de 1961 permet à Singapour de recevoir 86 millions de gallons d’eau par jour (mgd) des réservoirs Pontien et Gunung Pulai et des rivières Tebrau et Skudai, tandis que l’accord de 1962 permet jusqu’à 250 mgd d’eau de la rivière Johore. Au total, ces accords permettent à Singapour d’extraire 250,4 mgd, soit 1,55 millions de m³ par jour à travers trois grands pipelines traversant le

« causeway » de 2 km qui relie les deux pays.

En août 1965, lors de l’indépendance de Singapour, la Loi de séparation (Separation Act) stipule à propos de l’eau que le nouveau gouvernement de Singapour ne pourra remettre en cause les termes et les conditions des accords sur l’eau, selon lesquels Singapour reverse à la Malaisie (le gouvernement de l’Etat de Johor) 3 cents (0,03 Ringgits) pour chaque 1 000 gallons tirés des sources.

En retour, le gouvernement de Johor paie à Singapour 50 cents (0,50 Ringgits) par 1000 litres d’eau traitée. Chacun des deux accords contient également une disposition qui permet un ré-examen des prix de l’eau dans les 25 ans à venir, en fonction de l’évolution des pouvoirs d’achat, des dévaluations de la monnaie, des variations des coûts de main d’œuvre, de l’énergie, et des matériaux utilisés. Ainsi, toute augmentation pour une des parties se répercute par une augmentation similaire pour l’autre partie. En juin 1988, un mémorandum d’entente sur l’eau et de gaz a été signé entre les Premiers ministres Lee Kuan Yew et Mahathir Mohamad afin que Singapour puisse construire d’autres réservoirs et qu’il puisse en extraire plus que ce qui avait été préalablement fixé sur les 100 prochaines années.

L’approvisionnement durable et continu en eau a donc été un principe fondateur du jeune Etat. Depuis, l’eau est plutôt utilisée comme facteur déterminant dans toute

instance de négociation bilatérale, souvent en faveur de la Malaisie. En septembre 2001, par exemple, les deux Premiers ministres ont tenté de régler plusieurs points de discorde avec une série d’accords transversaux. Si les points sur l’utilisation de l’espace aérien de la Malaisie par Singapour, la localisation des structures de douanes et de quarantaine le long de la frontière, ou la construction d’un pont pour remplacer le Causeway ont été vite resolus, la question d’une renégociation des prix de l’eau a été beaucoup moins consensuelle. La Malaisie a proposé une augmentation à 0.60 cents de Ringgit par 1 000 gallons, tandis que Singapour était prêt à aller jusqu’à 0.45 cents de Ringgit par 1 000 gallons au vu des concessions qui avaient déjà été faites sur les autres points de l’accord.

La discorde provient essentiellement de la façon de déterminer l’augmentation du prix de l’eau, et non pas sur le fait que le prix puisse ou ne puisse pas augmenter. Ce qui a commencé comme un exercice en négociation de prix s’est progressivement muté en affrontement diplomatique.

En 2001 la Malaisie a declaré vouloir augmenter les prix de l’eau pour 2002, et que cette augmentation pourrait être rétroactive (jusqu’en 1986). Singapour, entre temps, cherche surtout à ce que son approvisionnement soit assuré jusqu’en 2061, voire au-delà, le temps que sa technologie NEWater et ses reserves lui permettent d’être complètement autonome.

Depuis les tous premiers essais de traitement et de réutilisation de l’eau en 1974, jusqu’à l’ouverture de centrales de traitement en 2002, Singapour devient moins dépendant de la Malaisie et arrive à

« démilitariser » cette question. Après plusieurs années d’impasses, Singapour a mis au point un nouveau plan pour accroître sa sécurité et son autosuffisance en eau.

De lourds investissements ont permis l’application des technologies de pointe en termes d’urbanisme et de traitement afin d’arriver à une gestion toujours plus efficace de l’eau, notamment en matière de dessalement et de réutilisation des eaux usées et dans la gestion des bassins versants.

Singapour a très rapidement été en mesure de négocier avec la Malaisie en lui montrant que sa gestion des eaux usées et des eaux de pluie, couplée à un encadrement institutionnel rigoureux, créent des alternatives viables à l’eau malaisienne (Torjada, June 2006). La désalinisation de l’eau joue un rôle essentiel dans le processus de sécurisation des sources d’eau. À la fin de 2005, l’usine de dessalement Tuas a été ouverte pour un coût de 119 millions de dollars. Conçue et construite par la société locale Hyflux, l’usine utilise le procédé d’osmose inverse pour extraire l’eau douce de l’eau saumâtre ou salée. Le coût de l’eau dessalée au cours de sa première année d’exploitation est de 0.78 dollar singapourien par mètre cube.

L’offre est également accrue grâce à la collecte, le traitement, et la réutilisation des eaux usées. Avec un territoire couvert à 100% par le réseau d’égouts, toutes les eaux usées du pays sont collectées et traitées. Singapour est probablement l’un des rares pays où l’eau est réutilisée après un traitement ultra-sophistiqué utilisant des membranes de filtrage et des rayons ultraviolets de désinfection. La « NEWater » ainsi produite est ensuite principalement fournie aux clients industriels et commerciaux qui l’utilisent dans leurs usines.

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