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PAYS NEUFS ET RELATIONS PUBLIQUES

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Academic year: 2022

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PAYS NEUFS

ET RELATIONS PUBLIQUES

Selon une expression déjà courante, « 1960 a été l'année de l'Afrique ». Dix-sept états nouveaux ont acquis la personnalité internationale. D'autres y parviendront à bref délai. Les uns accè- dent à l'indépendance avec une maturité d'esprit rassurante. Les autres débutent dans le maniement de la puissance publique avec une passion qui froisse le classicisme de nos concepts.

De son côté, l'Asie reste le continent de mystère dont les balan- cements peuvent entraîner de formidables remous. « L'esprit de Bandoeng » a donné au prosélytisme afro-asiatique la force des idéologies combatives et solidaires.

Le destin de tous ces pays en évolution engage celui du monde entier et plus directement celui des civilisations qui intervinrent dans cette évolution.

La France est une des premières impliquées dans les turbulences de l'humanité. Elle le sait, mais les contradictions qui la tour- mentent dérangent son équilibre. Elle a l'impression d'être, selon le djagnostic de Paul Cambon, « vouée au mal de mer ».

Et pourtant, il lui reste des chances. L'identité du langage, la similitude des raisonnements, l'accoutumance aux méthodes main- tiennent des familiarités fertiles. L'ascendant de ses techniques et de sa culture porte au-delà même des frontières qui encadrèrent son influence politique. ¡

C'est à partir de là que .se pose le problème de nos Relations Publiques.

Si je me suis rallié à ce vocable, c'est qu'il détermine, comme au sein d'une entreprise, une double action : vers l'intérieur, à l'égard de ceux qui constituent l'entreprise et qui doivent en exal- ter l'esprit, — vers l'extérieur, à destination de ceux que son dynamisme doit attirer.

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Un expert professe que les Relations Publiques doivent conte- nir « la philosophie, la sociologie, l'économie politique, les langages, la psychologie, le journalisme, l'information et bien d'autres disciplines de manière à être un système de compréhension humaine ». Il y aurait du fatras dans cette énumération si des méthodes éprouvées n'y mettaient de l'harmonie.

Le sujet en tout cas est vaste car toutes les activités y ont leur compte.

Je me souviens de la satisfaction avec laquelle un de nos Ambas- sadeurs à Karachi montrait, de l'aéroport à la capitale du Pakis- tan, un alignement de canalisations marquées au nom d'une firme française. Il avait raison : une technique industrielle vaut un pro- cédé de propagande. Elle en est un.

« Bien faire et le faire savoir ». C'est encore une devise des spé- cialistes .de Relations Publiques. Ainsi, l'Information apparaît- elle comme un des instruments essentiels de l'action : l'Informa- tion qui fait tomber sous le sens des opinions les sciences invoquées par l'expert cité en préambule, l'Information qui permet d'embrayer les esprits sur les réalités et dont on peut bien dire que l'utilisation n'est pas encore au point.

A l'idée d'informer, l'esprit esquisse immédiatement un appa- reil d'émission destiné à renseigner les autres.

Or, la détection est aussi importante que l'émission. Avant d'informer, il faut s'informer.

Devant la complexité des situations et la célérité des circons- tances, on est plus d'une fois épouvanté des imprévus sur lesquels risquent d'achopper les déductions. Les entreprises aux multiples et puissantes ramifications arrivent à se documenter prestement sur les aléas de la conjoncture, mais hors de leur périmètre, beau- coup de décisions se prennent à l'estime.

Or, quand la marque nationale est en cause, l'erreur du plus petit a ses répercussions sur la réputation du plus grand. Chaque Français qui commerce, installe, conseille ou enseigne au-delà des mers est, nolens volens, un agent des Relations Publiques de sa métropole. Il ne suffit donc pas que quelques « Grands » soient en mesure de conduire leur barque. Il faut que chacun soit à la hau- teur des événements. Cette vérité condamne les défauts de connexion

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que l'on constate le long des circuits publics et privés. Elle impose la nécessité — et c'est la première de toutes — d'un réseau plus dense d'investigation et d'avertissement à la disposition du plus grand nombre.

Il faut mesurer les faits, il faut aussi apprécier les êtres.

Ne commettons-nous pas des erreurs démesurées vis-à-vis des milieux qui nous sont les plus proches ? M. Georges Rotvand, spécialiste des enquêtes de « motivation », cite comment une publi- cité bancaire faillit manquer son objectif à cause des préjugés dont on croyait la clientèle imbibée. Le même témoin révèle que la curio- sité de l'adolescence n'est nullement subjuguée par le fantastique des expériences nucléaires ou l'immensité des explorations cos- miques... Si notre optique est faillible à courte distance, qu'en est-il des certitudes sur lesquelles nous fabriquons nos appréciations à l'égard des populations dont la spontanéité subit une extraordi- naire transmutation.

M. Gabriel Marcel a publié la confession d'un étudiant indien un moment séduit par la propagande communiste. « Les ambassades occidentales, écrit cet étudiant, avaient beau nous convaincre de leur supériorité, elles ne nous rapprochaient pas de VOuest pour autant ». Par contre, une lettre de l'attaché culturel soviétique, vantant le potentiel de la culture indienne, échauffa une sympathie que les promesses de confort n'avaient pas éveillée.

Ainsi donc, l'intérêt n'est pas un mobile universel. Le prestige matériel n'hypnotise donc pas immanquablement le chaland.

A cet égard, les observateurs du cheminement chinois en Afrique font remarquer que Pékin joue son jeu en insistant sur sa parenté avec les pays en cours de développement. Dans les Foires où la Chine rouge installe un stand, elle expose en bonne place des paco- tilles qui donnent aux visiteurs la conviction de pouvoir en fabri- quer d'identiques, alors que les merveilles de la mécanique occi- dentale évoquent une cité industrielle inaccessible. Il n'est pas si simple qu'on le croit de séduire par la grandeur.

Comme tout adolescent qui accède à sa majorité, un peuple émancipé cherche les raisons de croire en lui-même. Cette juvénile audace revêt parfois des formes divertissantes, comme la série de cartes postales vendues à Accra, sous la caution explicite de M. le Ministre de l'Information du Ghana, et qui fait remonter en Afrique Noire la source des Lettres et des Sciences grecques. Mais elle s'exprime aussi en des propos plus denses dont il n'est pas

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possible de récuser l'authenticité. Telle cette phrase de M. Léopold Sedar Senghor au Colloque culturel de Rome : « Une représentation par trop idéale de VEurope né peut qu'irriter et froisser les représen~

tants des civilisations exotiques. » '

La religion elle-même est passée au crible. Selon M. Alioune Diop, « les catholiques africains et asiatiques ont déploré de vivre un catholicisme occidentalisé ». Et n'ai-je pas entendu un prêtre afri- cain commenter le Te Deum du premier anniversaire de sa Répu- blique en louant Dieu que soit inscrit au calendrier une cérémonie qui ne serait pas une commémoration d'inspiration étrangère : il rangeait entre autres, dans cette catégorie, la fête de sainte Jeanne d'Arc.

Cette psychologie à facettes ne s'aborde pas sans sagacité.

Même les bonnes manières doivent avoir leurs nuances... Nous avons mis trop de temps à apprécier l'affectivité profonde de nos parte- naires. Les amitiés proclamées étaient nombreuses, généralement sincères, mais elles étaient souvent trop condescendantes. Et puis, d'un coup, les petits soins se sont multipliés à l'égard de ceux que nous n'avions pas entourés d'assez d'égards.

Notre perspicacité a été mise en défaut dans ce surcroît de pré- venances comme elle l'avait été dans l'insuffisance des attentions, car la vraie dignité préfère la sincérité aux complaisances. J'en veux pour preuve la leçon qui me fut donnée par un de mes collègues de l'Assemblée de l'Union Française. Comme, au terme d'une contro- verse, je m'excusais de la fermeté de mes répliques, il eut cette réponse significative : « Je te connais bien, tu m'as traité comme un Blanc ».

Les peuples avec lesquels nous voulons converser ne sont pas, du haut en bas de l'échelle et dans toutes lés couches, identiques.

Ne commettons pas l'erreur de les apercevoir dans le miroir étroit de leurs capitales, comme nous persistons à voir la France à travers les ardeurs versatiles de Paris en négligeant la prudence massive des ruraux. Ne les mettons pas obstinément au masculin alors que la Femme apprend à jouer un rôle capital. Ne les voyons pas stéréo- typés sous les traits des hommes mûrs car les jeunes générations pénètrent avec entrain dans la carrière.

On ne peut plus aller à l'aveuglette à la rencontre de l'Afrique ou de l'Asie. Le prosélytisme le plus sacré prend lui-même ses pré- cautions : l'apostolat catholique ne se contente plus de la ferveur des prédicateurs, il a créé la Missiologie.

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A cet exemple, donnons à nos démarches plus de sûreté que n'en offrent quelques échanges d'impression. Même ceux qui pré- tendent invoquer une longue expérience « sur le tas » commettent des bévues stupéfiantes. Les continents neufs marchent à une vitesse qui ne se calcule plus à l'œil nu. C'est à la lumière d'une observation littéralement scientifique que doivent se définir nos manières d'être vis-à-vis de nos interlocuteurs.

Après s'être informé, il faut maintenant informer.

Retenons comme axiome que le fait le plus patent ne se suffit pas à lui-même. André Siegfried enseignait que «.certains événements authentiquement historiques sont restés longtemps comme s'ils n'exis- taient pas, simplement parce que la publicité n'en avait pas été faite.

Leif Erikson a découvert l'Amérique au XIe siècle, mais personne en Europe ne l'a su ». A l'inverse, Amerigo Vespucci a donné son nom d'obscur explorateur au Nouveau Monde parce qu'il a su écrire un livre sur sa traversée de l'Atlantique.

« Ça doit se savoir », suppose-t-on souvent en face d'un événe- ment, de ses causes et de ses suites. Eh ! bien, non, l'Information doit partir d'une hypothèse opposée : « Ça ne doit pas se savoir », ou du moins : « Ça peut se savoir mal ».

Si la défaillance de l'Information n'est pas épargnée aux pays qui possèdent les instruments les plus modernes de diffusion, les périls d'une actualité incomplète ou déformée sont encore plus graves dans les zones où la Presse n'est encore qu'embryonnaire, où la puissance de la Radio est réduite par la multiplicité des dia- lectes et où la nouvelle, fausse ou vraie, court sur les ondes mysté- rieuses du « tam-tam » ou du « téléphone arabe ».

Il serait superflu d'entrer dans le détail des techniques à mettre en œuvre et qui se traduisent en écrits, en images ou en paroles.

Le personnage central de ces actes divers est le Journaliste. On en distingue des types variés, austères ou mirobolants, prompts ou circonspects, convaincus ou volages...

Dans un temps où la plume ne se permettait que des fantaisies modérées, le grave Ferdinand Brunetière faisait dégringoler une avalanche d'épithètes sur « leur déplorable, redoutable, détestable facilité de parler de tout sans rien avoir appris ». On ne peut que sourire de ce jugement furibond et téméraire. Le journaliste « qui

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n'a rien appris « exerce souvent son instinct de la découverte avec un discernement digne d'une meilleure appréciation. Stanley qui ouvrit les voies de l'Afrique Centrale, Paul Bourde qui ressuscita la culture de l'olivier en Tunisie, étaient de notre corporation.

Même en dehors de ces exploits insolites, le journalisme est un métier ardu. Combien s'en croient capables sous prétexte qu'ils possèdent « un joli brin de plume » et qui y épuisent leur talent...

ou la trésorerie de leurs bailleurs de fonds. Métier difficile dont le public est le juge implacable. Métier où la fulgurante rapidité de la transmission et la voracité de la clientèle pour le sensationnel font surgir de perpétuels dangers. Métier dont on exigé le maximum...

et auquel on apporte quoi ?

Car enfin, comment aborde-t-on le journaliste ? On paraît souvent lui faire la leçon comme s'il était dénué d'esprit critique.

On le renseigne avec précaution comme si sa curiosité était coupable.

Si les choses vont leur train, on le tient à l'écart. Si un péril menace, on l'appelle au secours, souvent en lui reprochant de ne pas saisir d'un seul coup d'œil et sur-le-champ, les perspectives d'un horizon qu'on avait jusqu'ici camouflé. Encore le presse-t-on de publier ce qu'on veut faire savoir, sans songer qu'il serait plus décent de l'interroger sur ce qu'il veut faire savoir.

J'exagère ? A coup sûr. Il y a toujours des interlocuteurs bien élevés et l'art des Relations Publiques a inséré plus de tact dans les liaisons avec la Presse, mais il y a encore du chemin à faire.

*

* *

Informer, c'est faire savoir. Mais c'est aussi démentir.

Il ne faut pas faire un vigoureux effort de mémoire pour se souvenir d'un certain nombre de « canards » de grande envergure lancés, au cours des dernières années, dans les ciels orageux. E n mars 1951, l'annonce d'un bombardement de Fez par les troupes françaises fut si hâtivement enregistrée qu'elle déclencha des repré- sentations diplomatiques. Au mois de mars dernier, des millions de naïfs furent endoctrinés de telle manière qu'ils demeurent vraisem- blablement convaincus de la responsabilité de la France dans la catastrophe d'Agadir à cause des expériences nucléaires de Reggane.

Il y a quelques semaines, un journal tunisien annonçait que la France en Algérie « visait avant tout à gagner du temps jusqu'à ce

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qu'elle puisse se servir des bombes atomiques pour bombarder le peuple algérien ».

L'énormité du procédé fait généralement hausser les épaules.

Nous rapportons l'incroyable à notre propre sens de la mesure, oubliant que la plus fabuleuse invraisemblance a d'autant plus de chances de séduire qu'elle dépasse les limites de l'habituel.

Dans un remarquable article publié par La Revue de la Défense Nationale au mois de juin dernier, Mme Suzanne Lamblin notait avec pertinence, au sujet des procédés employés par l'U. R. S. S. :

« On entend souvent dire en Occident, à propos de telle ou telle incar- tade soviétique : Bah! Ce n'est que de la propagande! Cette manière de se consoler est pernicieuse car, en vérité, avec les Soviets, c'est lorsqu'il s'agit de propagande que les choses deviennent graves ».

On peut en dire autant de toutes les puissances qui, sans posséder la terrifiante supériorité des fusées, bourrent leur arsenal de mots explosifs.

On peut croire, comme Lincoln, qu'on peut tromper quelqu'un tout le temps, qu'on peut tromper tout le monde quelque temps, mais qu'on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps. Je crains que cette maxime ne perde de sa vérité. L a mitraille des fausses nouvelles et des commentaires abusifs finit en effet par impressionner la crédulité des foules, m ê m e au sein d'un peuple qui se veut « le plus spirituel du monde ».

. L'art du démenti consiste à faire triompher le fait sur la ver- sion. Il faut mettre le nez sur les réalités.

L'homme qui a pris conscience du fait résiste à l'affabulation et son témoignage enraye l'épidémie de l'erreur. On l'a constaté au sein de notre jeunesse, au début de la guerre d'Algérie : le Parti Communiste a pu susciter de l'agitation au sein des premiers contingents de « rappelés ». Sa manœuvre fit long feu dès que plu- sieurs milliers de jeunes purent certifier devant leurs proches des conditions de la présence française au-delà de la Méditerranée.

Il faut miser sur la puissance du concret.

C'est d'ailleurs en exploitant des réalités douloureuses qu'ont"

été, en sens inverse, nourries les campagnes de doute et de frus- tration.

Informer, c'est en fin de compte conduire le destinataire à des choix.

Je tiens à cette formule du choix. Autrement dit, il ne s'agit

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pas de prétendre lancer des avis ex cathedra. Il est plus loyal et plus fécond de susciter les raisonnements qui conduisent aux conclusions que nous tenons pour vraies.

J'ai évoqué le rôle du journaliste. L'un de ses privilèges est celui du choix devant l'accumulation des télégrammes sur les bandes des téléscripteurs : choix d'un événement au détriment d'un autre, choix du titre qui accentue la portée du fait, choix de la place qui valorise l'insertion, choix du commentaire qui engage le raisonne- ment.

S'il fallait un exemple pour illustrer les conséquences de son jugement, je citerais la déposition devant le Sénat américain de M. Earl Smith qui fut Ambassadeur'des Etats-Unis à Cuba de mai 1957 à janvier 1959. Pour ce diplomate, il n'y a aucun doute : la personnalité tonitruante de Fidel Castro ne s'est imposée qu'à partir du moment où le New York Times a commencé à dépeindre le chef de bande « sous les traits séduisants d'un Robin des bois politique, ». De ce moment, les fonds et les partisans affluèrent au campement de la Sierra Maestra.

A noter que les premiers articles du New York Times remontent au début de l'année 1957. Ils n'ont pas produit un effet décisif sur le champ. Les opinions ne se brusquent que dans des cas excep- tionnels. La façon de les aborder réclame généralement de la patience.

Informer, cela ne signifie donc pas — surtout si l'on cherche à entraîner des convictions — transmettre des arguments à la minute où l'actualité les appelle. Il ne faut pas attendre que la scène s'anime pour planter le décor et situer les personnages. Une action persé- vérante et honnête doit incliner les réflexes de l'opinion, de ceux qui la guident ou l'observent.

Cette action n'est pas simple, ni dans sa conception, ni dans son agencement.

C'est en effet par milliers que peuvent se chiffrer les destina- taires d'une information judicieuse, qu'il s'agisse des agences, des stations de radio et de télévision, des publications de toutes caté- gories, des sociétés de pensée, des cercles diplomatiques, des cou- loirs parlementaires, des syndicats... C'est vrai des Relations Publiques « intérieures » à l'égard de notre propre opinion, balancée par ses inquiétudes et ses découragements. C'est encore plus vrai de tous les milieux où se façonnent les opinions des peuples frémis- sants de jeunesse, opinions auxquelles l'O. N. U . sert désormais de

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majestueuse caisse de résonance. Qui possède un répertoire exact et complet des centres sur lesquels il conviendrait de diriger nos démarches selon les exigences de l'actualité ?

À l'époque où les peuples promus à l'indépendance exercent une attraction majeure sur les chasseurs de nouvelles et les distributeurs de commentaires, la tenue d'un tel répertoire et l'utilisation de son registre deviennent d'une nécessité évidente.

Le seul fait qu'un instrument aussi indispensable fasse défaut prouve que techniquement les moyens mis à la disposition de l'exactitude et de la bonne foi demeurent médiocres.

L'improvisation aggrave les inconvénients de cette médiocrité.

M. Jacques Soustelle a rapporté devant le Parlement les circons- tances dans lesquelles s'engagea la bataille quand l'O. N. U.

s'empara pour la première fois des problèmes de l'Algérie. « On fit en un mois ce qu'il aurait fallu faire en un an... à la française, au dernier moment... un peu dans le style des taxis de la Marne ». Des exemples de cette nature doivent servir de leçon et non pas d'alibi.

Informer, c'est aussi réunir.

J'hésite d'autant moins à donner cette définition — je l'ai crue au moment originale — que l'ancêtre du journalisme français, Théophraste Renaudot, fut l'inventeur d'un « Bùr.eau de rencontre où chacun peut donner et recevoir des avis de toutes les nécessités et commodités de la vie et société humaine ».

Si l'information des masses exige des moyens à caractère indus- triel — la presse à grand tirage, la radio-télévision, le cinéma, l'édition populaire... — l'approche des cadres et des élites se conçoit selon d'autres procédures. ,

A ce titre, les initiatives engagées afin de faire connaître à des émissaires d'outre-mer les traits de nôtre pays paç des voyages d'études, des stages, des excursions de vacances... méritent compli- ment. Les fréquentations qu'elles provoquent font fructifier le capital de confiance et d'amitié qui est le meilleur trésor d'avenir.

En outre, la découverte des réalités françaises restitue à l'aide financière et technique sa valeur intrinsèque. Les subventions accordées -au développement de l'Afrique, de l'Asie, des Caraïbes ou de la Polynésie ont été maintes fois considérées comme des précautions de nantis ou des aumônes de Samaritains opulents.

Richard Wright n'a-t-il pas dénoncé avec aigreur « les aristocrates compatissants de l'Occident » ?

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Il ne faut pas hésiter à faire visiter après Donzère-Mondragon, P e n h o ë t ou Poissy, les villages de notre province qui attendent un équipement à la mesure de leurs besoins immédiats. Il faut faire savoir qu'à côté des équipements spectaculaires de notre économie, des chefs-d'œuvre de notre progrès social, il demeure en nos pro- vinces des zones sous-développées. Il faut démontrer que nous ne prélevons pas les dons et les prêts sur notre superflu, mais sur notre nécessaire.

Ce n'est pas là une réflexion « cartieriste ». Je ne partage en aucune manière la thèse qui est entrée dans le vocabulaire sous le nom de mon éminent confrère de Paris-Match. Mais je soutiens que les générosités acquièrent plus de valeur aux yeux des bénéficiaires qui les savent issues d'une épargne ou d'une privation.

Le spectacle de la France dans ses rudes diversités contribue d'ailleurs à enseigner les traditions de labeur et d'industriosité qui assurent la force des peuples en progrès.

Je me souviens d'une conversation avec un paysan malgache qui se lamentait sur la stérilité des « tanets » ravagés par l'érosion.

Il fut stupéfait d'apprendre que dans ma Savoie natale, ce désastre a été enrayé par les montagnards qui, à chaque automne depuis des siècles, remontent au sommet de la pente assez de terre pour que les labours successifs ne fassent pas glisser l'humus au fond de la vallée.

Mais d'autres dialogues sont, utiles.

Un ancien Président du Conseil remarquait récemment que

« les cadres syndicaux » (de notre pays) se détournent de plus en plus de la démagogie verbale. C'est, concluait-il, rassurant pour l'avenir ». Si la décantation du vocabulaire est propice à la fécondité du syndicalisme français, le même diagnostic est valable à l'égard des pays en évolution.

Or, la politique métropolitaine a diffusé au-delà des mers une logomachie hérissée de formules ambiguës, à l'abri desquelles serpentent des philosophies subversives. Je pense à la terminologie marxiste qui imprègne certaines professions de foi, parfois curieuse- ment jumelée aux promesses de garantie des investissements pri- vés. Ce genre d'éloquence se périmera vite si, comme l'affirmait M . Mamadou Dia, l'Afrique veut échapper à cette séquelle que le Premier Ministre du Sénégal appelait « le paternalisme idéologique ».

Il ne s'agit pas de se lancer dans des controverses politiques, mais d'étudier en commun, au cours de Colloques et de Tables

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rondes — dont l'habitude se répand heureusement — les données objectives des intérêts réciproques. Ces échanges de vues permet- tront de réhabiliter des thèses que la propagande a dénaturées ou de faire sonner le creux de telles autres auxquelles l'illusion donne, son plein.

Ainsi, les Relations Publiques — véritable « système de compré- hension humaine » — ne consistent-elles pas seulement à donner du lustre à la réputation de notre Patrie. Elles tendent à restaurer la valeur des doctrines que le tumulte des réclames extérieures a sou- vent rendues inaudibles. Elles empêchent que les plus nobles conceptions servent d'artifices contre les principes sans lesquels notre idéal, notre prestige et nos patrimoines seraient fatalement ravalés.

*

* *

Mais qui a la charge de ces Relations Publiques ?

L'État bien sûr, par priorité. Mais le secteur privé y a aussi sa part. *

Cette part n'est pas seulement une obligation. Elle est une pré- rogative. Dans les régimes où le pouvoir ne monopolise pas les interventions, l'État, m ê m e quand il dispose de moyens abondants, compte sur le relais et mise sur le renfort du secteur privé. Dans un appel lancé en 1956 par le Président Eisenhower, j'ai noté cette phrase « Si nous voulons remporter la victoire dans le grand combat actuellement en cours, il nous faut Vappui actif des institutions et des groupements privés ».

L'essentiel est qu'une logique commune inspire toutes les ini- tiatives.

Dans un lumineux rapport à la Biennale Internationale de l'Information, M. Louis Devaux, aujourd'hui Président de Shell Française, citait en exemple les agents de Relations Publiques qui, interrogés par les Research Commutées of the Public Relations, avaient mis en avant la nécessité de connaître tous les aspects opérationnels de la Société qu'ils représentaient. Autrement dit,

" ces agents demandaient à connaître la politique de leur firme afin d'y conformer toutes leurs initiatives.

Cette revendication est encore plus naturelle au niveau des Relations Publiques d'un pays.

Il n'est plus de point d'appui capable de se défendre isolément.

Toute la ligne doit agir de concert.

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C'est d'ailleurs la plus sûre méthode de conserver notre crédit devant des peuples où la solidarité des semblables est une vertu cardinale.

L'éclat d'un pavillon assure la protection d'un patrimoine comme la maîtrise d'une technique propage l'universalité d'une culture. On ne sauvegarde pas des capitaux en larguant des trésors spirituels, pas plus qu'on ne rehausse un prestige en dépréciant les réussites matérielles. Tout se tient, et qui veut protéger son seul bien se voue à la déconfiture. La règle est d'autant plus vraie en un temps où la subversion s'en prend à la fois à l'esprit et à la1 matière.

*

* *

Parce que des pavillons multicolores ont été envoyés au sommet des m â t s où ne flottaient jadis que le bleu, le blanc et le rouge de notre drapeau, d'aucuns prêchent le désistement. Or je le disais tout à l'heure, l'union des intelligences et des cœurs peut se rebroder sur de nouveaux canevas, si nous avons le doigté patient de la duchesse d'Alençon, à qui la légende attribue la découverte de cette dentelle précieuse qu'on appela « le point de France ».

Des partenaires nous attendent et qui comptent sur nous.

D'autres nous observent afin de savoir comment, sur les principes intangibles, nous saurons concevoir des structures nouvelles. Les Relations Publiques de la France doivent nous mettre, eux et nous, en condition d'une coopération fructueuse par l'alliance, comme l'écrivait encore un expert, « d'un intérêt bien compris et d'un désintéressement judicieux ».

G E O R G E S RIOND.

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