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CONTRE-INSURRECTION EN SIERRA-LEONE : UNE ANALYSE STRATÉGIQUE DE LA DÉSINTÉGRATION DES FORCES ARMÉES

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CONTRE-INSURRECTION EN SIERRA-LEONE : UNE ANALYSE STRATÉGIQUE DE LA DÉSINTÉGRATION DES FORCES ARMÉES

Adam Baczko

Institut de Stratégie Comparée | « Stratégique » 2012/2 N° 100-101 | pages 171 à 189

ISSN 0224-0424

DOI 10.3917/strat.100.0171

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-strategique-2012-2-page-171.htm

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Contre-insurrection en Sierra-Leone : une analyse stratégique de la désintégration

des forces armées

Adam BACZKO

e 23 mars 1991, entre 100 et 200 combattants se récla- mant du Front Révolutionnaire Unifié (RUF) traversent la frontière libérienne et pénètrent dans le territoire sierra-leonais par le sud et le sud-est. Cette incursion marque le début d’une guerre qui dure jusqu’en février 2002. 1991 et 1992 sont tout particulièrement décisives puisque, pendant ces premières années de combats, les forces militaires de la république du Sierra Leone (RSLMF) prennent des décisions et commettent des erreurs stratégi- ques qui provoquent leur désintégration en 1997. Deux ans plus tard, les anciens membres de cette armée, en collaboration avec les insurgés du RUF, attaquent la capitale Freetown et perpétuent un massacre aux allures orgiaques1.

En raison de l’intensité et des formes de la violence, une image de chaos a été associée à cette guerre. Dès lors, les concepts classiques de l’analyse politique et stratégique n’ont plus semblé décrire de manière pertinente la Sierra-Leone des années 1990. Le journaliste américain Robert D. Kaplan a ainsi vu dans ces événements une préfiguration de “l’anarchie en marche” qui s’étendait à l’ensemble du monde2. Contre ces récits à la tonalité apocalyptique, d’autres penseurs ont analysé les pratiques des combattants sierra-leonais à partir des concepts de griefs (grievances), d’avarice (greed), ou de culture, c’est- à-dire respectivement, par le ressentiment de la population, la présence de diamants et l’histoire. En ayant recours à des éléments déjà présents avant l’invasion, ces explications partagent un fort déterminisme. Le

1 Les exactions lors de la prise de Freetown ont été immortalisées par le docu- mentaire de Sorious Samura, Cry Freetown. Les images de ce film montrent parfaite- ment cette dimension d’orgie dans la violence. Ces atrocités que les mots et les con- cepts ne parviennent pas à décrire mériteraient plus d’analyse.

2 Robert D. Kaplan, “The coming anarchy”, The Atlantic Monthly, vol. 273, 1994.

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RUF n’aurait fait que déclencher un processus déjà en gestation qui s’est ensuite déroulé de manière presque inexorable. Entre fatalité et anarchie, peu de place a donc été laissée aux stratégies des mouvements armés.

N’est-il pas néanmoins permis de comprendre la durée de la guerre, la désintégration de l’armée et le massacre de Freetown comme le résultat des interactions entre les effets des stratégies employées par les différents acteurs du conflit ? La stratégie de contre-insurrection mise en place par l’armée pour affronter la guérilla du RUF est notam- ment à l’origine des réactions en chaîne qui aboutissent à la dissolution des forces armées. Surprise par l’invasion du RUF, l’armée est trop petite, mal équipée et mal approvisionnée pour se battre contre une guérilla dans les jungles montagneuses du sud de la Sierra-Leone. Con- frontée à une insurrection qui se fond dans la population et la végéta- tion, elle se révèle incapable d’obtenir les renseignements nécessaires pour identifier et localiser les rebelles. Sans information pour se battre, les forces armées sont réduits à l’emploi d’une violence dispropor- tionnée visant sans distinction les civils et les combattants ennemis. Si la tradition répressive des forces sierra-leonaises n’explique pas les atrocités commises, les soldats engagés dans cette logique de violence extrême ont pu puiser dans les expériences passées des pratiques de violence. Néanmoins, ce passé ne déterminait pas le sort des forces armées qui auraient pu vaincre en s’adaptant. Une génération de jeunes officiers l’a appris dans ses défaites et innove considérablement pour combattre les insurgés. Ils ne parviennent cependant pas à généraliser à toutes les forces armées ces innovations qui n’ont concerné que certains districts, en particulier celui de Segbwana. Face à eux, les résistances institutionnelles et politiques sont trop fortes. En raison des défaites et du mauvais approvisionnement, l’insubordination ne cesse de s’aggra- ver. Plus la guerre se prolonge, plus ce manque de discipline limite les effets des innovations tactiques et stratégiques de l’armée. Lorsqu’un coup d’État porte, en 1992, une génération de jeunes officiers au pouvoir, l’armée est dans un tel état de déréliction qu’un processus d’adaptation ne suffit plus et qu’une refondation complète de l’insti- tution devient nécessaire. L’abandon des soldats sur la ligne de front par le commandement et l’impunité qui accompagne l’application de la stratégie de violence disproportionnée des forces armées provoquent la transformation des unités régulières en milices s’approvisionnant aux dépends du territoire qu’elles occupent.

Ni déterminé, ni contingent, le déroulement d’une guerre est avant tout le fait des institutions et des individus qui la mènent. Ceux qui prennent part à une guerre peuvent évidemment être dépassés par les événements. Ils peuvent se méprendre, faire des erreurs, se laisser entraîner par des émotions ou des habitudes, mais ils en demeurent les acteurs. Dans le cas de la Sierra-Leone, n’est-ce pas la décision prise

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par les forces armées de ne pas différencier les combattants des civils dans l’usage massif de la violence qui permet de comprendre la désintégration de l’armée et le carnage commis par ses membres deux ans plus tard ? Pour appréhender la déréliction des forces armées, ne faut-il pas analyser en profondeur le problème stratégique auxquelles elles ont dû faire face, comprendre la manière dont elles l’ont conçu ainsi que les effets de la solution qu’elles ont apporté ?

En ignorant les signes annonciateurs de l’incursion du RUF, l’armée s’engage en effet dans la guerre avec des effectifs insuffisants, mal équipés et surtout privés de logistique adéquate. N’ayant pas cerné la nature de la guerre dans laquelle ils s’engagent, les forces armées et le gouvernement ont été incapables de mesurer la place centrale de l’information pour combattre une guérilla. Afin de pallier l’absence de renseignements fiables et de connaissances locales, l’armée déploie une stratégie de violence massive sans distinguer les civils des insurgés.

Pour ce faire, elle peut puiser dans sa longue tradition de violence répressive. Pour vaincre et ne pas s’enfermer dans une logique de mas- sacre contre-productive, les forces armées doivent au contraire s’adap- ter, comme l’ont compris de jeunes officiers sur le front. Leur échec face aux résistances institutionnelles, politiques et à l’effondrement de la discipline conduit à la désintégration de l’armée.

Le déclenchement de la guerre en Sierra-Leone : une armée surprise et mal préparée

Au moment de l’invasion du RUF, l’armée sierra-leonaise est prise par surprise. Le RUF est un groupuscule de quelques dizaines de combattants dirigé par Foday Sankoh. Ancien caporal de l’armée sierra-leonaise, il a été successivement photographe et cameraman.

Avec ses compagnons, il s’est entraîné dans les camps libyens de Mouammar Kadhafi et a évolué dans les réseaux révolutionnaires panafricains3. Dans cette vaste nébuleuse politique, Sankoh rencontre ses futurs alliés burkinabés et libériens, en particulier Charles Taylor qui commande le Front National Patriotique du Libéria (NPFL). Grâce à cet appui en hommes de leurs alliés, le RUF concentre suffisamment de combattants pour lancer une double offensive et pénétrer dans les districts frontaliers de Kailahun et Pujehun, au sud et au sud-est de la Sierra-Leone.

3 Pour des études plus poussées sur le RUF, voir Ibrahim Abdullah et Patrick K.

Muana, “The Revolutionary United Front of Sierra-Leone : a revolt of the Lumpenpro- letariat”, dans Christopher Clapham (ed.), African Guerrillas, Londres, James Currey, 1998, pp. 172-193 et Ibrahim Abdullah, “Bush path to destruction : the origin and character of the Revolutionary United Front/Sierra Leone”, Journal of Modern African Studies, vol. 36, n° 2, 1998, pp. 203-235.

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Même si l’armée ignore alors l’existence de ce mouvement révo- lutionnaire, elle aurait pu prévoir l’incursion de mars 1991. Depuis décembre 1990, les nombreux raids en provenance du Libéria laissent présager une invasion. Charles Taylor a menacé à plusieurs reprises la Sierra Leone de représailles en raison de sa participation au contingent de la force d’interposition ECOMOG4. Celle-ci constitue, en effet, l’unique obstacle qui l’empêche de pénétrer dans la capitale libérienne et de s’emparer de l’État. Par ailleurs, dès 1990, des rumeurs plus ou moins fondées circulent au Libéria sur la formation en Sierra-Leone d’une milice contre le NPFL. D’anciens officiers et politiciens déchus cherchent de fait à recruter des combattants dans les camps de réfugiés.

Les 138 000 Libériens d’ethnie Krahn et Mandigo qui ont fui en Sierra- Leone, parmi lesquels figurent de nombreux soldats de l’ancienne armée du président libérien assassiné, représentent potentiellement une sérieuse menace pour le flanc nord du NPFL5. Bon gré, mal gré, en cette fin d’année 1990, la Sierra Leone fait partie du théâtre d’opéra- tions libérien. Elle est un acteur de cette guerre et son territoire un point d’appui pour les ennemis du NPFL. Même en ignorant que Taylor s’appuierait sur le RUF pour mener une guerre par procuration, une invasion de la Sierra-Leone par la milice libérienne est probable.

Mais ni le gouvernement ni les forces armées ne prennent au sérieux ces menaces. Pour l’élite de Freetown, Pujehun et Kailahun sont des régions lointaines et sans importance6. Dans ce pays dont la capitale est une ancienne colonie qui a progressivement assujetti un hinterland autochtone, seule la sécurité de Freetown importe. Un raid sur les districts sud du pays apparaît un problème peu urgent comparé aux autres difficultés qu’affrontait l’État, notamment les pressions des bailleurs de fonds internationaux7.

L’armée n’est donc pas du tout préparée à la guerre lorsque débute l’invasion. Les forces armées disposent, en 1991, d’environ 1 500 soldats professionnels et d’autant de réservistes. Le plus entraîné des deux bataillons est envoyé combattre au Libéria aux côtés de l’ECOMOG qui d’ailleurs met en cause la qualité de ces troupes8.

4 ECOMOG : Brigade de surveillance du cessez-le-feu de la Communauté écono- mique des États de l’Afrique de l’Ouest. Créée lors de la guerre civile au Libéria, elle sera déployée en Sierra-Leone suite à l’invasion du RUF.

5 Stephen Ellis, The Mask of Anarchy : the Destruction of Liberia and the Religious Dimension of an African Civil War, New York, New York University Press, 2001, p. 89.

6 David Keen, Conflict and Collusion in Sierra Leone, Londres, James Currey, 2005, p. 84.

7 Pour une analyse de la situation de l’État sierra-leonais à la veille de l’incursion du RUF, notamment en termes économiques, cf. William Reno, Corruption and State Politics in Sierra Leone, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.

8 Le commandant en chef de l’ECOMOG avait demandé en particulier le retrait du commandant du contingent des Sierra-Leonais pour négligence du devoir et lâcheté au

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Seuls 700 hommes encore moins bien formés, positionnés principale- ment autour de Freetown, défendent l’ensemble de la Sierra-Leone.

Ainsi, une vingtaine de policiers, se partageant une seule mitrailleuse, défendent Pujehun Town, la capitale du district de même nom.Comme l’admet abruptement le général Mohammed S. Tarawallie, comman- dant des forces armées pendant l’invasion du RUF : “Je vais vous avouer qu’au moment où a commencé la guerre avec les rebelles en mars 1991, nous avons vraiment été attrapés avec notre pantalon baissé, la force de l’armée dépassait à peine l’héritage colonial – et les armes et la logistique étaient inadéquates”9 L’équipement est en effet largement dépassé et en mauvais état. Certains fusils datent encore de l’époque coloniale. Un membre d’une ONG, présent à Kailahun lors de l’invasion du district par le RUF, rapporte que les soldats n’avaient que quatre cartouches, une manifestation flagrante de l’absence de logis- tique10. Ainsi surprise, l’armée s’engage sans le savoir contre une guérilla alors qu’elle manque d’hommes, d’équipements et d’une logis-

tique adaptée à la situation.

Une guerre mal comprise : la centralité de l’information

Toutes ces raisons expliquent que, trois mois après l’incursion, le RUF contrôle près d’un cinquième du pays. Dès leur arrivée dans une région, les rebelles mettent en place de larges campagnes de recrute- ments volontaires ou forcés. Contrairement aux forces de libération nationale, les recrues du RUF ne reçoivent que peu d’entraînement et ne sont l’objet d’aucun endoctrinement. L’encadrement est très faible, puisque Sankoh purge rapidement les quelques intellectuels qui ont participé à la création du mouvement, tels Abu Kanu et Rashid Mansa-

ray. De plus, le RUF n’a ni logistique ni implantation territoriale. Il vit de la prédation, extorquant ou pillant une population que l’armée ne protège pas. Le RUF, qui est parvenu à pénétrer en Sierra-Leone grâce à ses alliés libériens et burkinabés, ne se maintient et ne s’implante dans le sud, en 1991 et 1992, que grâce à la faiblesse de l’armée.

Jamais la guérilla sierra-leonaise ne rivalisera avec l’efficacité opéra-

tionnelle des mouvements révolutionnaires salvadorien ou vietnamien.

Toutefois, le petit groupe de combattants du RUF se transforme en une insurrection rurale lâchement structurée avec des effectifs équivalents à ceux de l’armée.

Pendant que le RUF étend sa puissance militaire et son emprise sur les régions du sud, l’élite politico-militaire sierra-leonaise se

combat. Cf. Lansana Gberie, A Dirty War in West Africa : The R.U.F. and the destruction of Sierra Leone, Londres, Hurst & Company, pp. 33-34, p. 58.

9 David Keen, op. cit., p. 83.

10 David Keen, op. cit., p. 83.

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méprend complètement sur l’ennemi et la nature de la guerre. Ses mem-

bres pensent faire face à un simple raid de plus grande ampleur et non à une insurrection, dont la fin consiste à conquérir l’État. Initialement, l’armée imagine que l’incursion est le fait du NPFL et que les camps de réfugiés libériens constituent son objectif. Le gouvernement et l’armée n’ont pas compris que les Libériens, comme les Burkinabés, ne sont que des mercenaires et des supplétifs destinés à se retirer dès que l’insurrection sera suffisamment puissante. Moins nombreux, les com- battants du RUF forment néanmoins le noyau de cette force d’invasion.

Et Sankoh vise à mettre fin au régime du président Joseph Momoh, c’est-à-dire à prendre Freetown. Quand Momoh réalise qu’il ne lutte pas contre une invasion extérieure, il l’interprète à tort comme un soulèvement populaire de l’ethnie Mende qui soutient traditionnelle- ment l’opposition11. L’armée reçoit donc des instructions allant dans le sens d’une stratégie de répression massive. Mais, en punissant les habitants du sud, qui ne soutiennent les insurgés que sous la contrainte, les forces armées incitent la population à se ranger du côté du RUF, aggravant la menace qui pèse sur le régime. Ni le haut commandement ni le gouvernement ne comprennent, dans les précieux mois de l’année 1991, que des guérilleros cherchent à conquérir l’État en recourant à l’insurrection révolutionnaire12.

Or, combattre un tel ennemi exige de conceptualiser et d’appli- quer une stratégie complètement différente de celle de la répression. La guérilla consiste en effet à harceler l’ennemi en se dissimulant parmi les civils et/ou au moyen du terrain et à n’attaquer que lorsque la supériorité est suffisamment nette pour que la victoire soit acquise.

Afin de ne pas être continuellement battue, l’armée doit reprendre l’initiative et engager le combat quand ses soldats sont en position de supériorité. Pour ce faire, il lui faut trouver les insurgés qui se dissi- mulent. Les forces armées doivent donc régler un double problème, l’identification et la localisation des guérilléros, illustré par ce témoi- gnage d’un soldat sierra-leonais :

J’ai été envoyé dans le Pujehun sud en 1989. J’étais dans la marine sierra-leonaise… Vous combattez les gens que vous êtes en train de protéger. C’était la même chose pour les Américains au Vietnam. Je vais entrer dans Bo dans mon treillis – quand il y a une attaque, ils peuvent m’attaquer, ils peuvent m’identifier. Mais pour déterminer qui est un rebelle et qui n’en est pas, Vous ne savez pas…

11 Paul W. Richards, “Rebellion in Liberia and Sierra Leone : a crisis of youth ?”, Conflict in Africa, 1995, p. 149.

12 Voir aussi Lansana Gberie, op. cit., p. 60.

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les civils nous disaient qu’ils nous emmenaient dans un camp du RUF, et nous nous faisions ensuite attaquer13. Les combattants du RUF peuvent se fondre dans la population.

Le manque de signes distinctifs chez les insurgés empêche les soldats de différencier les combattants des simples civils. Le besoin primordial pour les forces armées est donc d’obtenir les renseignements que seuls les habitants des alentours détiennent. Les civils savent très bien l’identité et la localisation des insurgés près de leur village. Mais, dans sa défaite initiale face aux rebelles, l’armée a montré jusqu’ici plutôt son inaptitude à protéger ses informateurs et ses collaborateurs, alors que, dans ces régions, rares sont ceux profondément attristés par les difficultés du régime du président Momoh. Donner des renseignements aux militaires est donc une action particulièrement dangereuse, et le comportement des forces armées dans ces districts incite peu à prendre de tels risques. Il existe bien un bureau du renseignement militaire s’appuyant sur les dénonciations, mais le peu d’informations recueillies se révèle résulter de vendettas locales et ne pas être fiables14.

En outre, les combattants du RUF peuvent aisément se cacher dans les districts du sud couverts de bush, une jungle accidentée parti- culièrement propice à la guérilla. Comme une partie de ses membres a été recrutée localement, le RUF dispose d’une assez bonne connais- sance du terrain. À l’inverse, les recrues urbaines de l’armée peinent dans ces régions. Les bataillons et compagnies régulières sont trop larges pour le combat et les patrouilles dans la jungle requièrent des unités plus petites et plus autonomes. L’armée souffre particulièrement des difficultés logistiques inhérentes à ce type de topographie, aggra-

vées par l’incompétence et la corruption du gouvernement et de l’armée. Le manque d’infrastructures depuis la démolition de la ligne de chemin de fer Freetown-Bo vers le sud dans les années 1970 entrave d’autant plus l’acheminement des renforts et du ravitaillement15. Privées de moyens de communication tels que les radios, les unités évoluent isolées les unes des autres. Les rares coordinations se font par coureur, un moyen lent et hasardeux. Toutes ces faiblesses profitent au RUF qui peut donc aisément se cacher dans les jungles épaisses du sud du pays.

13 David Keen, op. cit., p.85.

14 “Sierra Leone : The extrajudicial execution of suspected rebels and collaborators”, Amnesty International, 1992.

15 Le parti au pouvoir voulait isoler de cette manière le Sud qui était perçu comme un bastion de l’opposition. Il n’a que trop réussi. Lansana Gberie, op. cit., pp. 33-34 et Paul W. Richards, Fighting for the Rainforest : War Youth and Resources in Sierra Leone, Londres, James Currey, p. 43.

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La tentation de la facilité : pallier l’ignorance par la violence Comme le gouvernement et le haut commandement se mépren- nent sur la nature de la guerre à conduire et de l’ennemi à affronter, ils croient pouvoir vaincre sans surmonter les difficultés propres à la guerre. Ils adoptent une stratégie de violence aveugle et dispropor- tionnée afin de soumettre la population par la terreur et d’éliminer le RUF en massacrant indistinctement civils et insurgés. Un tel usage de violence est peu coûteux à mettre en œuvre, puisqu’il ne s’applique nullement à identifier et à localiser les combattants ennemis. Il suffit d’accroitre les capacités militaires, une mesure immédiatement prise par le gouvernement qui porte l’effectif des forces armées à 6 000 soldats réguliers16. Une telle solution convient parfaitement à une armée qui manque de renseignements et de connaissances du terrain.

Dans une situation similaire, l’armée philippine a cédé à la même tentation lors de ses opérations contre la guérilla sur l’île de Negros :

Le principal problème pour les militaires philippins était celui que les Américains ont rencontré au Vietnam : ils ne pouvaient déterminer qui était le poisson jusqu’au moment où ils commençaient à tirer. Pour rester en sureté, les Philippins, comme les Américains au Vietnam, ont erré du côté de la disproportion [overkill], supposant que tout le monde était ennemi jusqu’à preuve du contraire17.

La violence massive et indiscriminée résulte souvent d’un choix par défaut des militaires harcelés par les guérilléros. N’ayant pas les ressources et les renseignements nécessaires pour distinguer les civils des combattants, l’armée se trouve prise au piège par sa propre stratégie.

En effet, partout où les forces armées ne parviennent pas à obtenir les informations essentielles à l’identification et la localisation des insurgés, les soldats s’adonnent à la violence aveugle et dispropor- tionnée. Ces exactions condamnent l’armée à long terme en exacerbant les sentiments d’hostilité de cette population dont elle a besoin pour

16 Entre avril et août 1991, c’est près de 2,6 milliards de leones qui auraient été dépensés pour équiper et entraîner les forces armées. En se basant sur le cours du leones donné par le Military Balance 1991, cette somme peut être estimée entre 10 à 15 millions de dollars, soit le triple du budget annuel de 1985. Ce chiffre paraît crédible pour une armée dont les effectifs en service sont multipliés par quatre. Une large partie de la somme n’a probablement jamais atteint le front du fait de la corruption géné- ralisée. Cf. Abdul K. Koroma, Sierra Leone : The Agony of a Nation, Freetown, Andromeda Publication, 1996, pp. 148-149, cité par Keen, op. cit., Koroma était le ministre des Affaires étrangères lorsque l’insurrection fut déclenchée.

17 Alan Berlow, Dead Season : a Story of Murder and Revenge, New York, Vintage Books, 1998, p. 180 cité par Stathis N. Kalyvas, The Logic of Violence in Civil War, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 147.

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trouver les insurgés et les éliminer. En outre, chaque fois que l’armée commet des atrocités, elle alimente indirectement le RUF en recrues et en ravitaillement.

De leur côté, les rebelles ne perpétuent pas moins de massacres.

Au contraire, tout au long de la guerre, les exactions des hommes de Sankoh dépassent largement, en nombre comme en intensité, celles des forces armées18. Cependant, le manque de discrimination dans la vio-

lence est fatal pour l’armée et non pour le RUF. Ce dernier se trouve dans une situation stratégique différente. L’armée s’est complètement retirée des districts que contrôlent les insurgés. Lorsque le RUF extor- que des ressources ou recrute par la terreur, les habitants de ces régions n’ont pas d’alternative. L’armée ne les protégeant pas, ils doivent se soumettre à la terreur qu’impose le RUF.

À l’inverse, quand les forces armées perpétuent des atrocités, elles renforcent le soutien que la population apporte au RUF, notam- ment en recrues et renseignements, sans en collecter plus de leur côté.

Par conséquent, à mesure que la guerre se prolonge en 1991, les échecs de l’armée se multiplient, avec des effets sur sa crédibilité et sur le moral des troupes. Sur le long terme, une violence massive qui ne distingue pas entre civils et insurgés est une logique fatale pour l’insti- tution militaire. L’armée devient de moins en moins capable d’identi- fier et de localiser les rebelles et, dans le même temps, son esprit de corps s’effondre face à la multiplication des défaites. L’usage massif de la violence sans différencier les civils des militaires cesse d’être inten- tionnel et devient alors le seul moyen à la disposition des forces armées. Lorsqu’à la fin de l’année 1991 le gouvernement déclare que

“tous ceux trouvés derrière les lignes rebelles seront considérés comme rebelles”, il officialise une stratégie sans avoir conscience de déclen- cher un processus de désintégration de l’armée. Une stratégie basée sur la violence de masse est un piège pour les forces armées, et elles se sont jetées dedans.

L’influence du passé : la violence comme moyen ordinaire de gouverner

Une stratégie de violence aveugle et disproportionnée s’inscrit parfaitement dans la culture institutionnelle des RSLMF. En effet, en 1991, l’armée n’est nullement une force de combat. C’est une institu- tion coercitive qui perçoit la violence comme un moyen ordinaire pour gouverner des populations. Les similarités dans les pratiques suggèrent que les exactions des soldats de 1991 sont ancrées dans une culture institutionnelle formée dans les expériences de répression.

18 Macarton Humphreys et Jeremy M. and Weinstein, “Handling and Manbrandling Civilians in civil warˮ, American Political Science Review, vol. 100, n° 3, p. 434.

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En effet, les forces armées sierra-leonaises (RSLMF) sont créés à l’indépendance en 1961 à partir des forces de frontière (Frontier Force) dont la fonction est de défendre la petite colonie urbaine de Freetown contre les agressions des tribus indigènes environnantes. Les correspon-

dances entre les pratiques des membres des forces armées et celles des expéditions coloniales de la Hut Tax War en 1898 sont frappantes : extorsions par des démonstrations de force, pillages, négociations avec les chefs patrimoniaux, parades publiques de suspects et cérémonies de flagellation à connotation éducative19. À part une éphémère contribu- tion à la campagne de Birmanie en 1944, les RSLMF ne peuvent se référer à aucune expérience combattante pour souder les unités et penser leur doctrine. Ils sont les descendants d’une institution de pacifi- cation coloniale qui a appris à être efficace dans sa fonction : la sécuri-

sation des villes au moindre coût.

Avec l’indépendance, les forces armées deviennent un outil de répression au service du pouvoir. L’indigénisation accélérée favorise cette évolution. D’un jour à l’autre, les jeunes officiers sont promus aux positions supérieures de commandement qu’occupait précédemment l’encadrement britannique. Aux carences d’expérience et de compé- tences qui deviendront chroniques dans l’armée, s’ajoute le très faible niveau général d’éducation à tous les échelons20. Ce manque de profes- sionnalisme des officiers les rend particulièrement influençables. Pour asseoir son pouvoir, le premier président de la République sierra- leonaise, Milton Margaï, les intègre donc à ses réseaux de loyauté21.

Cette clientélisation de l’armée est le point de départ d’une politisation continue de l’institution militaire qui continue sous la prési- dence de Siaka Stevens. Le recrutement est guidé par des considéra- tions plus politiques que professionnelles, ce qui participe à la trans- mission de l’incompétence et du manque de professionnalisme aux générations suivantes d’officiers sierra-leonais22. Les positions mili- taires se trouvent très vite définies, non pas en fonction des tâches à

19 E.D.A. Turay and Arthur Abraham, The Sierra Leone Army : a Century of History, Londres, Macmillan, 1987, p. 21.

20 Contrairement à la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne, l’armée était une institution peu prestigieuse au Sierra Leone. Les plus brillants Sierra-Leonais allaient à l’université et devenaient professeurs ou hauts fonctionnaires. Fourah Bay College avait même valu à Freetown le surnom “d’Athènes de l’Afrique”. Seuls les pauvres avec un accès minimal à l’éducation pouvaient espérer s’élever par les moyens d’une carrière militaire. Cf.Turay and Abraham, op. cit., p. 87.

21 La distinction entre contrôle civil objectif et subjectif de Huntington est très éclairante pour comprendre comment les RSLMF sont devenues une institution politisée et clientéliste. Cf. Samuel P. Huntington, The Soldier and the State : the Theory and Politics of Civil-Military Relations, Cambridge, Harvard University Press, 1957, pp. 80-84.

22 Joe A. D., “Background to the conflict (1961-1991) : what went wrong and why ?”, dans Bound to Cooperate : Conflict, Peace and People in Sierra Leone, Genève, UNIDIR, 2006, p. 33.

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accomplir, mais des avantages promis à l’intérieur des circuits de corruption.

Ces évolutions modifient en profondeur la perception que l’armée a de la fonction de la violence. Elle n’assure plus simplement la sécurité du centre du pays, elle devient le moyen de perpétuer un ordre étatique bâti sur des réseaux économiques parallèles de corrup- tion23. Le régime de Stevens banalise l’utilisation des forces armées pour gouverner la population : pression électorale, influence d’un chef tribal en 1979 et suppression d’une révolte dans les régions d’ethnie Mende en 1982. Comme le dit Cyril Foray, ancien ministre des Affaires étrangères :

L’idéalisation de la violence par Mr. Stevens et sa clique politique a produit une croyance au sein d’une génération entière de jeunes Sierra-Leonais que la violence paye, que c’est peut-être un mode de vie, et que c’est le chemin le plus court et le plus efficace vers la réussite et le succès24. C’est cette génération élevée dans cet environnement de fascina- tion pour la violence qui compose les effectifs des forces armées en 1991.

Lorsqu’il succède à Siaka Stevens, Joseph Momoh ne fait qu’amplifier cet usage néo-patrimonial de la violence. Confronté à la baisse des revenus diamantaires induite par la corruption généralisée, il cherche à reprendre le contrôle des activités minières par la force. Les opérations Clear All et Clean Sweep dans les régions de production de diamants sont des démonstrations de force, dont les scènes d’exactions et de pillages rappellent étrangement celles de la guerre civile de la décennie suivante. William Reno, qui a analysé les pratiques du régime du président Momoh, conclut qu’elles “brouillaient la distinction entre une opération pour défendre l’État et une opération pour trouver des profits personnels, caractéristique des activités des chefs de guerre”25. La violence est progressivement apparue à tous les échelons de l’armée comme un moyen ordinaire et viable de gouverner, où intérêts politiques et intérêts personnels concordaient aisément.

Cependant, s’il est possible d’ancrer les formes de violences pratiquées par les soldats dans les expériences passés des forces armées, celles-ci ne déterminent nullement les réactions de l’institution dans cette situation d’exception. Raymond Aron appelait à se méfier du déterminisme historique :

23 William Reno, op. cit., 1995.

24 David Keen, op. cit., p. 18.

25 William Reno, Warlord Politics and African States, Boulder, Lynne Rienner, 1998, p. 121.

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Qu’il s’agisse d’une victoire militaire ou de l’écroulement d’un empire, on découvre toujours des raisons lointaines et valables qui, après coup, confèrent une apparente nécessité à l’issue effective. On oublie que l’issue con- traire aurait peut-être comporté une explication aussi satisfaisante. En d’autres termes, la rétrospection crée une illusion de fatalité26.

L’armée péruvienne en guerre contre le Sentier Lumineux dans les années 1990 est parvenue à s’extraire des logiques de la violence disproportionnée. Un processus d’adaptation similaire aurait pu se pro- duire au sein des forces armées sierra-leonaises. L’issue contraire, la victoire de l’armée, était possible.

Discriminer dans l’usage de la force : la tentative d’adaptation de l’armée

Une partie de jeunes officiers sur le front ont compris que l’armée devait évoluer pour vaincre en tirant les leçons de leurs échecs successifs. Le capitaine Ben-Hirsh devient, par l’ampleur de ses succès et l’image charismatique qu’il en tire, l’incarnation la plus illustre de ces innovateurs. Dans les années 1991-1992, il arme des civils pour affronter les combattants du RUF dans le secteur de Segbwana. Il fonde en fait les premières forces de défense civile, appelées à devenir célè- bres sous le nom générique de Kamajor. Ben-Hirsh forme ces unités autour des chasseurs traditionnels, détenteurs du monopole de certaines chasses, notamment la traque du léopard. Parce que ces hommes sont les initiés de puissantes sociétés secrètes, de nombreux pouvoirs magiques leur sont attribués27. “Pour que la contre-insurrection réussisse, il était nécessaire d’opposer au mythe de l’invincibilité du RUF un mythe encore plus puissant avec la force psychologique requise pour restaurer la confiance de la part de la population déplacée [par les affrontements]”, affirme Patrick Muana28.

Cependant, la création des forces de défense civile n’est pas simplement une mesure à visée symbolique, voire religieuse. En les créant, Ben-Hirsh répond au double problème de l’identification et de la localisation des combattants ennemis. L’origine du mythe de l’invin-

26 Raymond Aron, Introduction à la philosophie de l’histoire : essai sur les limites de l’objectivité historique, Paris, Gallimard, 1986, p. 224.

27 Kamajor est en fait le nom d’une des sociétés de chasseurs traditionnels autour desquelles furent organisées ces gardes civiles. D’autres existaient, mais le mot Ka- major devint rapidement le nom générique de toutes les forces de défense civile, quelle que fût la société qui en formait le cœur.

28 Patrick K. Muana, “The Kamajoi militia : civil war, internal displacement and the politics of counter-insurgency”, Africa Development, vol. 22, n° 3/4, pp. 83-84.

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cibilité des insurgés du RUF repose effectivement sur leur capacité supérieure à utiliser le terrain et à se fondre dans la population. Cette croyance est une transposition en termes symbolico-religieux de la supériorité tactique bien réelle des guérilléros. Lors de la guerre d’Afghanistan, les soldats soviétiques parlent pareillement des dukhi, les fantômes, les âmes, pour désigner les moudjahidin. De même, les troupes américaines aux Philippines au début du XXe siècle disent

“chasser le fantôme” lorsqu’ils partent en opération29. Les forces armées sierra-leonaises sont autant désemparées que ces soldats sovié-

tiques et américains devant la manière de combattre de leurs ennemis.

Comme eux, les Sierra-Léonais expriment dans le langage et les croyances leur impuissance à contrecarrer la stratégie de guérilla du RUF. L’anthropologue Paul Richards, témoin de la guerre civile, raconte que les insurgés comprennent très bien ce que transposer leurs succès militaires et leurs opérations courantes en termes symboliques et magiques peut leur apporter30. Ainsi, le RUF conduit fréquemment ses recrutements dans la jungle en imitant les rites d’initiation poro qui marquent le passage de l’enfance à l’âge adulte en Afrique de l’Ouest.

Ces mythifications amènent les insurgés à se croire invincibles et terrorisent les soldats et les civils31. Les croyances dans l’invisible, par exemple les esprits, donnent sens au visible. La victoire s’explique ainsi par les pouvoirs magiques du chef et la défaite par ceux de l’ennemi. Les soldats et la population ont fini par interpréter les échecs répétés des forces armées comme la preuve de l’invincibilité du RUF.

Cependant, ces mythes doivent pouvoir s’ancrer dans des effets de réalités tangibles pour s’incarner. Bien que les soldats s’expriment en termes religieux et symboliques, leur problème est d’abord de nature stratégique et politique. En manquant ce lien entre les croyances et les événements, de nombreux ouvrages sur les guerres africaines caractéri- sent trop souvent de primitives, de barbares et d’irrationnelles les prati- ques guerrières observées en Afrique dans les années 199032. Personne n’aurait osé affirmer que la stratégie soviétique en Afghanistan repose sur la croyance que les moudjahidin sont des fantômes. Le fait que les soldats transposent de cette manière leur incapacité à atteindre un

29 “GIs Battle ‘Ghosts’ in Afghanistan”, The Washington Post, 16 mai 2002 et Glenn A. May, Battle for Batangas : A Phillipine province at war, Yale, Yale University Press, 1991, p. 161 cité par Kalyvas, op. cit., p. 89

30 Richards, op. cit., pp. XXII-XXIII.

31 William P. Murphy, “Military patrimonialism and child soldier clientelism in the Liberian and Sierra Leonean civil wars”, African Studies Review, vol. 46, n° 2, pp. 75- 77.

32 Parmi les exceptions notables, il convient de citer l’excellent ouvrage d’Isabelle Duyvesteyn, Clausewitz and African War : Politics and Strategy in Liberia and Somalia, Londres, Frank Cass, 2005. Ce livre montre la pertinence de l’analyse clausewizienne, en tant qu’analyse stratégique par excellence, pour la compréhension des guerres africaines.

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ennemi qui les harcèle a paru évident. Les forces armées sierra- leonaises sont confrontées à la même difficulté : elles doivent identifier et localiser leur ennemi.

Le recrutement par le capitaine Ben-Hirsh de chasseurs tradition-

nels ainsi que d’autres acteurs locaux répond à ce problème. La popu-

lation rurale, en particulier les chasseurs, possède ce mélange de connaissances géographiques et culturelles qui fait tant défaut aux recrues urbaines dans les jungles accidentées du sud. Les habitants peuvent aisément identifier qui soutient l’insurrection dans leur village.

En outre, ils se battent pour le défendre contre le RUF. Ces milices suivent une logique territoriale, offrant aux forces de sécurité une protection locale bon marché et une unité qui connaît particulièrement bien les alentours. Enfin, la création des Kamajor est une opération psychologique qui délivre un message à la population : “l’armée est avec les habitants”. Une milice locale mobilise et implique la popula- tion du côté des militaires. Avec l’augmentation de l’efficacité des opérations militaires et de la sécurité dans le secteur, elle restaure la crédibilité de l’armée. Dès lors, l’efficacité des opérations militaires augmente de manière flagrante. Des années après la fin de la guerre, un fermier se rappelle que “les civils et les militaires coopéraient à cette époque. Nous amenions les militaires là où étaient les bandits”33. Cette mesure ressemble fortement à celle qu’ont pris, d’autres armées con-

frontées au même problème. Ainsi les harkis sont-ils initialement créés en Algérie pour disposer de “troupes locales plus aptes que tout autre à lui fournir des renseignements et participer au maintien de l’ordre dans un pays qu’elles connaîtraient aussi bien que les dissidents”34. De manière similaire, les Américains et les Britanniques mettent sur pied des gardes de village au Vietnam et en Malaisie. Le capitaine Ben- Hirsh ne tire-t-il pas de l’expérience les mêmes leçons que les autres armées aux prises par le passé avec des mouvements de guérilla ?

Et cette innovation n’est pas la seule. D’anciens insurgés captu-

rés et qui ont été débauchés sont recrutés pour combattre contre leur ancienne faction. Nul doute que la fluidité entre les membres des RSLMF et du RUF participe quelques années plus tard à la création d’une collusion sur le terrain, comme l’affirme David Keen dans son ouvrage sur la guerre sierra-leonaise. Certes le ressentiment des mem-

bres de l’armée et de l’insurrection peut expliquer leur alliance contre le gouvernement en 1997, mais il reste que le recrutement de transfuges de la guérilla est une mesure sensée en termes tactiques35. Un ancien

33 David Keen, op. cit., p. 91

34 Lettre du ministre de la Défense nationale et des forces armées au ministre de l’Intérieur du 25 avril 1955, cité par François-Xavier Hautreux, “L’engagement des harkis (1954-1962) : essai de périodisation”, Vingtième Siècle, n° 90, p. 34.

35 En Sierra Leone, si l’armée avait été bien approvisionnée et disciplinée, le recrute- ment d’insurgés aurait participé à la victoire des forces armées. Dans la situation

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insurgé connaît les stratagèmes et les modes opératoires de ceux avec qui il s’est battu. Il est plus apte à les trouver et à les combattre.

L’armée britannique est arrivée aux mêmes conclusions en affrontant les Mau-Mau au Kenya en 1954. Théorisées sous le nom de “contre- gang”, ces unités d’anciens guérilleros sont un des outils majeurs de ses victoires en Malaisie, dans le Dhofar et en Irlande du Nord36. Progres-

sivement, les larges bataillons sont divisés en commandos de 50 à 100 hommes. L’équipement est allégé afin d’atteindre une autonomie suffi-

sante pour patrouiller dans la jungle37. La création des commandos de chasse en Algérie, la division des unités en sections renforcées chez les Marines au Vietnam ou les Britanniques en Malaisie a le même but : améliorer la mobilité tactique, indispensable pour localiser les rebel- les38. De même, le déplacement de civils mis en place par l’armée et leur “encampementˮ doit être compris à la lumière des logiques régis- sant le Briggs Plan en Malaisie et le Strategic Hamlet Program au Vietnam : empêcher les civils de fournir du ravitaillement aux insurgés et les extraire des zones de combat pour que le RUF ne puisse plus se fondre dans la population. Dans la pratique, avec l’effondrement de la discipline à mesure que la guerre se prolonge, les soldats voient dans ces rassemblements de populations des opportunités pour piller et extorquer39. Néanmoins, une fois encore, la mesure répond adéquate-

ment au problème posé par la situation stratégique des forces armées.

C’est la multiplication des insubordinations qui pervertit les effets de ces opérations. Loin du chaos sans logique qui ressort de la lecture des analyses décrivant ces événements, toutes ces innovations montrent l’existence d’une réelle volonté d’adaptation chez une partie de l’enca- drement. Son échec signifie la faillite de l’armée.

Le cercle vicieux se referme : résistance au changement et indiscipline dans les forces armées

À côté de ces jeunes officiers, de nombreux militaires n’agissent pas avec autant de volontarisme que les troupes du capitaine Ben-

inverse, il accélère leur déréliction. Contrairement à ce que dit Keen, op. cit., la collu- sion n’est pas la cause de la désintégration, elle est une manifestation de l’état très avancé de ce processus.

36 Cf. Frank E. Kitson, Gangs and Counter-gangs, Londres, Barrie and Rockliff, 1960, pour la conceptualisation britannique du contre-gang. Le livre étant très rare, on trouve un résumé de l’expérience kényane de Kitson dans Bunch of five, Londres, Faber, 1977.

37 David Keen, op. cit., p. 92.

38 Andrew F. Krepinevich, The Army and Vietnam, Baltimore, The John Hopkins University Press, 1986, pp. 69-73 et David Ucko, “Countering insurgents through distributed operations : insights from Malaya 1948–1960”, The Journal of Strategic Studies, vol. 30, n° 1, p. 51.

39 David Keen, op. cit., p. 88.

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Hirsh. Si certaines unités s’adaptent, cet apprentissage n’est toutefois pas généralisé au reste de l’armée. Le processus d’adaptation se heurte en effet à des résistances à la fois institutionnelles et politiques. Nom-

breux sont les officiers passifs, ainsi que les soldats qui profitent de la confusion de la guerre pour piller en toute impunité. En outre, si l’élite politique a pris conscience que le RUF menace son pouvoir, elle ne comprend pas que l’enfermement stratégique des forces armées met bien plus en péril la stabilité du pays. Dans cette guerre distante, rurale, il est plus important pour le régime de s’assurer qu’un officier sierra- leonais ne devienne pas suffisamment populaire pour être en mesure de prétendre au pouvoir que de vaincre le RUF. En avril 1992, le capitaine Ben-Hirsh est tué dans une embuscade vraisemblablement tendue par des membres des forces armées ou au service du gouvernement40.

Comme nous l’avons vu, ni le gouvernement, ni le commande- ment militaire n’accordent une réelle importance au fait que l’approvi- sionnement et l’équipement de l’armée soit insuffisant pour mener cette guerre. À cette absence de logistique s’ajoute un manque de contrôle, de discipline. Dans ce contexte d’abandon et d’impunité, l’esprit de corps, déjà fortement affaibli par la corruption généralisée, se désa-

grège. Les soldats transfèrent de fait leur loyauté à l’officier qui les nourrit plutôt qu’à un État aussi incompétent qu’invisible sur le front41. À mesure que la guerre se prolonge, l’isolement des officiers contribue à ce qu’ils exercent un pouvoir absolu sur le territoire dont ils ont la charge42. Dans ce contexte d’insubordination, l’armée ne peut plus s’adapter. L’augmentation d’autonomie tactique induite par la création des unités commandos réduit ainsi un peu plus le contrôle du comman- dement central sur ses troupes. Dans les districts du sud, on assiste en fait à une privatisation progressive de la violence au profit des officiers, dont les agissements autonomes semblent plus caractéristiques des chefs de guerres que de l’encadrement d’une armée régulière43.

La mort du capitaine Ben-Hirsh, en avril 1992, provoque une mutinerie des Tigers du 4e bataillon qui en ont assez de mettre leur vie en danger “malgré un très mauvais support logistique mis en place par le gouvernement dont les dirigeants restent à Freetown à s’enrichir par l’appropriation flagrante des fonds de guerre”. Ils marchent sur Free-

town et prennent le pouvoir sous le nom de NPRC (New Provisional Ruling Council)44. Parmi ces jeunes officiers populaires, le capitaine

40 Patrick K. Muana, op. cit., p. 83.

41 David Keen, op. cit., p. 92.

42 Lansana Gberie, op. cit., p. 73,

43 Pour une définition du chef de guerre et une explication de sa logique stratégique, cf. John Mackinlay, “Warlords”, RUSI Journal, vol. 143, n° 2, 1998, pp. 24-32.

44 Jimmy D. Kandeh, “What Does the ‘Militariat’ Do When It Rules ? Military Regi- mes : The Gambia, Sierra Leone and Liberia”, Review of African Political Economy, vol. 23, n° 69, 1996, pp. 390

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Valentin Strasser est nommé à la tête de ce nouveau régime. Il cherche immédiatement à remettre l’armée à niveau en portant ses effectifs à près de 14 000 hommes et en équipant mieux une partie des troupes, notamment grâce à l’aide de l’ECOMOG. Une série d’offensives victorieuses, qui culminent avec la capture en avril 1993 du quartier général du RUF, à Pendembu, donne l’illusion que la situation se redresse. Néanmoins, l’armée ne poursuit pas Sankoh, pourtant réfugié dans la ville de Giéma, à une quinzaine de kilomètres seulement.

L’offensive révèle que l’adaptation dont avait besoin l’armée en 1991 n’est plus suffisante en 1993. Après deux ans de guerre, une refon- dation complète est devenue indispensable du fait de l’effondrement complet de la discipline dans l’institution.

Le nouveau régime ne parvient pas à sortir l’armée du piège stratégique dans lequel elle s’est elle-même enfermée pendant la pre-

mière année de combat. Au contraire, l’impunité engendrée par l’aban- don des militaires est officialisée par la prise de pouvoir des échelons inférieurs de l’armée, habitués à recourir au pillage et à agir brutale- ment. Ainsi Strasser utilise l’armée pour obtenir les diamants indispen- sables à l’achat d’armes. Mais les dirigeants du NPRC, dont l’objectif est d’anéantir rapidement le RUF, ne mesurent pas à quel point ils encouragent la privatisation de la violence et l’effondrement de la discipline. Comme le disait le général Tarawallie : “Là où l’armée est gouverneur, agent du maintien de l’ordre et littéralement tout, il ne devrait [doit] pas être surprenant que la discipline s’est effondrée à l’intérieur de l’armée”45. Or, chaque augmentation des effectifs se fait avec des jeunes des bidonvilles, parfois même des enfants. Et la seule chose permettant de maîtriser ces jeunes peu éduqués et plein de ressentiment est une stricte discipline46. L’augmentation des effectifs dans ce contexte d’impunité généralisée est donc contre-productive.

Les nouveaux soldats recrutés accentuent la désintégration de l’armée en un groupe de milices, puisque l’institution n’a pas les moyens de les canaliser. Insubordonnée, l’armée se laisse porter par les événements, alors que c’était justement par la discipline, en tant que contrôle social, qu’elle pouvait briser son cercle vicieux.

Épilogue : la dissolution de l’armée et le massacre de Freetown Vers 1994-1995, un nombre croissant de soldats n’obéit plus au gouvernement ou collabore avec le RUF47. Les pillages, l’exploitation économique de la population et les abus de la part de l’armée se

45 David Keen, op. cit., p. 93.

46 Ibrahim Abdullah, op. cit., 1998.

47 “Sierra Leone : Human rights abuses in a war against civilians”, Amnesty Inter- national, 1995.

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multiplient. Les “sobels”, ces soldats qui se déguisent en rebelles afin d’attaquer les civils, incarnent la désintégration de l’armée. Dans cette période, l’effondrement des forces armées semble sans issue. Chaque mesure pour stopper leur décomposition ne fait plus que l’accélérer.

L’utilisation de mercenaires, comme celle des Kamajor, pour pallier au manque de loyauté de l’armée, provoque des frictions qui dégénèrent en affrontements armés. Les membres des forces armées encore loyaux se sentent particulièrement humiliés et trahis par le gouvernement, tandis que les militaires agissant en chefs de guerre voient d’un mau- vais œil ces nouveaux acteurs qui menacent leur pouvoir. Un nouveau coup d’État et des manifestations populaires obligent le NPRC à organiser en 1996 les premières élections démocratiques que connaît la Sierra-Leone. Le nouveau président Tejan Kabbah comprend très vite qu’il ne peut plus compter sur les RSLMF qui n’ont d’armée plus que le nom. Il tente de reprendre le pays en main en s’appuyant sur les troupes nigérianes de l’ECOMOG et des forces de défense civile qui ont essaimé à travers le pays au point de compter près de 20 000 hommes. En réponse à cette dissolution de l’armée, des militaires colla- borent avec les insurgés afin de fomenter un coup militaire sanglant sous le nom d’AFRC (Armed Forces Revolutionary Council). Repous- sés hors de Freetown par une offensive de l’ECOMOG, les anciens membres des forces armées ne reviennent qu’une fois à Freetown, en janvier 1999, pour commettre le pire massacre jamais commis pendant la guerre.

Entre le soldat des forces armées en 1991, incapable de vaincre son ennemi, démuni, plein de ressentiment à l’encontre du commande-

ment, et le milicien de l’AFRC en 1999 qui ne ressent aucune loyauté ni pour la population, ni pour l’État, avide de violence et d’atrocités pour se venger et punir les autres de ses propres souffrances, un processus complexe s’est déroulé. L’armée se trouve tiraillée entre les tentations de la violence de masse en l’absence de renseignements et la nécessité de discriminer dans l’usage de la force pour vaincre le RUF.

Des tentatives d’adaptation ont été mises en place. Cependant la résis- tance institutionnelle et politique, cumulée à un manque patent de discipline, empêche ces innovations de porter leurs fruits. Par-delà l’image de chaos reprise par une partie de la littérature sur la question, nous avons tenté de mettre ici en évidence qu’au contraire, ce sont bien des logiques complexes qui peuvent permettre d’expliquer l’intensité de la violence atteinte à la fin de la décennie en Sierra-Leone et la désintégration des forces armées qui l’accompagne.

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Harry Summers avait choisi de titrer un de ces articles “Une guerre est une guerre, est une guerre, est une guerre”48. Il nous rap- pelle qu’au-delà des spécificités propres à chaque conflit armé, des points communs, des logiques de violences et une certaine unité de la nature même de la guerre demeurent, avec les stratégies et les tactiques qui en découlent. Ne pas savoir – ou pouvoir – adopter des mesures, pourtant rendues nécessaires par la situation, peut avoir des consé- quences extrêmes pour l’armée, mais aussi pour la population dont elle a la charge. Dans certaines guerres civiles comme en Sierra-Leone, au Libéria ou encore en Afghanistan et en Somalie, la capacité ou non de l’armée à s’adapter à la nature du conflit peut rapidement devenir une question de vie ou de mort pour l’État et la société, et le niveau atteint par la violence dans ces conflits est souvent à la mesure de l’échec des forces armées. Ne pas comprendre la guerre que l’on mène à un prix.

48 Harry G. Summers, “A war is a war is a war is a war”, dans Loren B. Thompson, Low-Intensity Conflict : the Pattern of Warfare in the Modern World, Lexington, Lexington Books, 1989, pp. 27-49.

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