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PRATIQUES DE DIRIGEANCE par Bruno ROUSSET

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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PRATIQUES DE DIRIGEANCE par Bruno ROUSSET

Article paru dans l’ouvrage collectif de:

Frank BOURNOIS, Jérôme DUVAL-HAMEL, Sylvie ROUSSILLON, Jean-Louis SCARINGELLA,

Comités exécutifs : voyage au cœur de la dirigeance, Edition d’Organisation, Paris, 2007.

Cette contribution traite des cinq points critiques qui déterminent les conditions de succès d’une bonne dirigeance. Au travers de notre expérience de manager d’entreprise, nous nous intéressons tour à tour aux statuts, avec leurs impacts sur la vie des entreprises, aux logiques

de contrepouvoir, de diversité et de complémentarité, tant dans l’équipe de direction que

dans les conseils et comités qui l’accompagnent, à la

respectabilité de l’entreprise, de ses valeurs, aux comportements qui portent les dirigeants et leurs collaborateurs. Nous

terminerons par des préconisations en termes de motivations.

Introduction

« Qui se plaint de l’inactivité des administrateurs a tort. Un conseil qui agit sème le désordre. Pour qu’une affaire prospère, il faut que le conseil ne fasse rien. Mais cela ne suffit pas toujours », constate Auguste Detoeuf.

L’entreprise, bien qu’ayant sa propre personnalité, est à l’image de celui qui la dirige. Changez la tête et vous transformez la personne morale. C’est pourquoi, il nous est apparu qu’une recherche basée sur une praxis d’entreprise, tant chez April et ses 22 filiales, que dans le portefeuille des 20 participations d’Evolem, permettait de mettre en évidence les facteurs de succès et d’insuccès les plus fréquemment rencontrés dans la direction des entreprises. Dans un contexte où l’on fait appel, dans le discours médiatique, au gouvernement d’entreprise, notre approche met délibérément l’accent sur la personnification des responsabilités et des comportements, sans ignorer les phases consultatives nécessaires à toute prise de décision. La direction d’une entreprise est affaire d’homme, elle ne se partage pas. Le capitaine est seul maître à bord, il décide en dernier ressort, en son âme et conscience de ce qui est bon pour l’entreprise, son avenir, ses clients, ses collaborateurs et ses actionnaires.

Le pseudo partage des responsabilités, le simulacre de consultation et le gouvernement collectif sont de fausses réponses à de vrais problèmes rencontrés dans quelques entreprises conduites par des dirigeants indélicats.

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Point de vue personnel

« Il semble que je suis un peu plus sage que les autres hommes parce que ce que je ne sais pas, je ne crois pas le savoir. » (Socrate)

L’entreprise, avant d’être une concentration de moyens de production, est une communauté d’hommes et de femmes réunis pour œuvrer sur un projet. Elle se constitue pour partager les expériences, les synergies nécessaires à rendre l’offre de l’entreprise incontournable et pour satisfaire les attentes économiques des actionnaires, les aspirations évoquées dans la pyramide de Maslow pour les salariés. Ensemble, les hommes et les femmes de l’entreprise doivent augmenter leur bien-être matériel et moral, apprendre et progresser, participer à ce que nous osons appeler une Co-création permanente.

Dès la création d’April Group, nous avons travaillé sur ces sujets pour comprendre les mécanismes d’un développement harmonieux et profitable pour tous. Nous avons pris le recul nécessaire pour identifier notre code génétique. L’intuition commune, la vie partagée d’une petite équipe au format start-up, sont devenues un système. Aujourd’hui, ce patrimoine peut se décomposer de la manière suivante :

Des principes d’action et de comportement :

Ecoutes et considération, cohérence du discours et des actes, communauté d’intérêts entre les clients, les collaborateurs et les actionnaires, recherche du progrès permanent avec la remise en question qui l’accompagne, exemplarité dans les comportements, décentralisation et subsidiarité dans la distribution des responsabilités, confiance en l’homme acteur de sa vie professionnelle ;

Une vision partagée : changer l’assurance pour la rendre plus humaine ;

Par une démarche d’entrepreneur rupturiste, April a construit un nouveau territoire où l’assurance devient le service, le mépris la considération, l’insolence la réactivité, la complexité la simplicité, les habitudes l’enthousiasme et l’innovation, la certitude la remise en question.

Mon expérience de dirigeant

« Agis toujours d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. » (Kant)

De l’entrepreneur au Manageur

Entrepreneur, c’est nommer. Outre le nom de l’entreprise dont je suis très fier, car il exprime le renouveau printanier et qu’il se démarque nettement des appellations de sociétés d’assurances traditionnelles, nous avons dû verbaliser aussi le métier et le projet.

Dès le départ, l’entreprise s’est construite dans l’enthousiasme de la jeunesse des premiers collaborateurs autour du projet de créer un architecte de services en assurances et des deux fondateurs, Xavier Coquard et moi-même. Notre mode de management a pris rapidement un tour collectif et social : partage sans réserve de l’information, budget de formation élevé (jusqu’à 9% de la masse salariale) pour les employés, hiérarchie légère et esprit d’équipe. J’ai rapidement endossé le rôle de l’animateur, en rendant chaque collaborateur acteur de son poste.

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3 La liberté interne, la clarté et la légitimité de nos objectifs, la cohérence de notre organisation orientée sur les courtiers et les clients, la culture du service rapide et efficace, l’intéressement de nos collaborateurs aux résultats, ont été déterminants pour franchir sans crise majeure toutes les étapes de notre croissance. La pratique de la délégation et le principe de confiance a priori, n’excluant pas le contrôle a posteriori, ont soutenu notre expansion sans créer de goulots d’étranglement.

D’une cellule monocellulaire, nous avons fait d’April un archipel de 22 sociétés gérées par de véritables dirigeants mandataires sociaux autonomes. La taille et l’expérience accumulée confèrent aujourd’hui au groupe une « portance » automatique qui transforme le rôle du dirigeant que je suis.

De l’entrepreneur des origines, combattant l’adversité que connaît toute start-up dans ses débuts, j’ai dû progressivement endosser la peau du manager, organisant et structurant le protoplasme initial.

De même, je me suis peu à peu entouré de compétences complémentaires à la mienne, étant à la base un homme de marketing en recherchant la différence en termes de fonctionnement et d’expérience, sans hésiter à recruter plus compétent…

Du manager à l’actionnaire

La présence en bourse d’April Group en 1997 a introduit une dimension supplémentaire dans mes différentes postures de dirigeant.

Les contraintes du droit boursier, notre volonté de communiquer à la façon transparente et à l’identique avec tous les publics internes et externes, au nom de la simplicité et de la cohérence, m’ont conduit à codifier un impératif nouveau dans notre management : c’est le fameux triptyque

« clients, collaborateurs et actionnaires » et à mesurer désormais périodiquement depuis sept ans, le niveau de satisfaction des intérêts des trois parties prenantes en recherchant le meilleur équilibre.

On aperçoit aisément les difficultés qui surgissent d’une telle situation.

Je possède plus de 60% du capital de cette société, dont 32% constituent le flottant du marché. Je dois poursuivre l’œuvre entreprise en 1988, en respectant nos principes fondamentaux, véritables soubassements de notre dynamique de société de services, travailler sur la durée (dans notre métier, le facteur temps est considérable), répondre à des préoccupations pas trop orientées sur le court terme de la part des marchés financiers et gérer mon patrimoine.

D’un côté, investir sur l’avenir, construire des portefeuilles d’activités nouvelles et de l’autre, produire des comptes trimestriels pour des publics qui ignorent la complexité du monde de l’entreprise, qui ne traduisent qu’en chiffres ce qui est aussi de la chair et qui se bercent de certitudes en croyant tout maîtriser sur la foi d’une hyper communication financière. Outre la tolérance du discours et de l’action, le chef d’entreprise cotée que je suis, a pris le parti de la durée et de l’universalité dans son mode de fonctionnement.

Certes, nous devons créer de la valeur pour l’actionnaire (ce que nous avons réalisé en multipliant le cours de la bourse par six en six ans), mais par effet d’annonce. Si la spéculation des marchés est un mal nécessaire pour assurer la liquidité des valeurs, nous privilégions les relations avec les actionnaires long terme. Il n’y a pas d’antinomie à octroyer d’excellents rapports qualité/prix aux clients, à rémunérer correctement les collaborateurs et à satisfaire les actionnaires à condition de ne rien laisser au hasard et de confier à des personnes différentes le soin de répondre des intérêts de chacune des catégories. Il est à cet égard remarquable que les entreprises à capitaux familiaux fassent mieux que le marché, tant en termes de croissance que de création de valeur sur de longues durées.

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Manager, actionnaire, propriétaire

Sur un plan plus personnel, la question de la motivation d’un dirigeant fortuné m’est régulièrement posée. En effet, une nouvelle race de dirigeants entreprend avec un objectif premier : l’enrichissement.

Je crois qu’il n’est pas sain de porter un projet de création d’entreprise avec ce seul objectif. Il y manque « l’élan du cœur guidé par le désir sincère de servir le monde et les autres ».

Je connais de nombreux créateurs et repreneurs malheureux, après avoir fait fortune en cédant leur entreprise, et se retrouvant sans projet.

Le responsable ne peut trouver de motivation dans la possession, mais dans la création et la participation collective à un projet, dans « l’être dirigeant » plus que dans l’avoir. Pour reprendre la pensée de Bergson, tant qu’il y a de la création, il y a de la joie. Le dirigeant, même riche propriétaire, continue de se construire par l’entreprise et d ‘autres engagements, qu’ils soient lucratifs ou bénévoles.

Construire l’avenir

En 2003, j’ai pris la décision de consolider la séparation des grandes fonctions de l’entreprise. La difficulté à assurer durablement la défense des intérêts de toutes les parties prenantes, ainsi que ma volonté de conserver dans le groupe l’esprit entrepreneur de notre genèse, m’ont conduit à repenser la gouvernance de l’entreprise.

Nous avons transformé April en société à conseil de surveillance et directoire. J’ai été nommé, en décembre 2003, Président du Conseil de surveillance avec pour mission, l’animation de ce conseil, le pilotage de la stratégie, la communication avec les actionnaires et les marchés financiers. Cette nouvelle posture me permet de prendre le recul nécessaire pour penser aux changements nécessaires à la croissance du groupe, de conserver la vision globale et de demeurer le gardien de nos valeurs et principes d’actions. Comme Président du Conseil de surveillance d’April Group et en parallèle, Président d’Evolem, ma structure de capital d’investissement, je suis passé de la gestion opérationnelle à l’accompagnement stratégique et humain de nos dirigeants.

Notre parti pris pour l’action

« Pour diriger, il faut connaître les hommes. Pour connaître les hommes, il faut les écouter. » (Auguste Detoeuf).

L’entreprise est un lieu de complexité qui ne laisse pas de place à des théorèmes absolus. Cependant, ce que nous avons observé dans le cadre de nos missions de développement d’entreprise et d’accompagnement de dirigeants, nous conduit à risquer quelques conseils qui ont souvent fait preuve de leur efficacité sur le terrain.

Tout d’abord, le dirigeant doit travailler à construire et maintenir une cohérence acte/discours, passé/présent/futur, entreprise/environnement, c'est-à-dire être le porteur de sens de l’ensemble.

Cela passe par une réflexion sur l’entreprise et sur l’homme dirigeant. Les premières questions sont fondamentales et d’ordre quasi-philosophique : Qui suis-je ? Que dois-je faire ?

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5 Le statut (actionnaire majoritaire, minoritaire, non associé) joue un rôle discriminant sur le comportement. Mais, au-delà, nous ne saurions trop insister sur la notion de responsabilité individuelle. Gardons nous de l’illusion d’un contrôle collectif excessif qui conduit à une irresponsabilité collective. Le dirigeant est le premier responsable économique et social.

Plus les pouvoirs sont concentrés, plus le risque de dérive et d’aveuglement est fort.

Le dirigeant entrera résolument dans un système de contrepouvoirs et de différences solides, tant du côté des collaborateurs que des organes d’administration et de contrôle (conseils et comités), sans sombrer toutefois dans la démagogie (souvent d’apparence).

Un dirigeant n’est pas éternel ; Il n’est pas non plus de droit divin. Il convient de mesurer périodiquement son adéquation à la fonction pour anticiper son futur positionnement au regard des évolutions de l’entreprise et la recherche des complémentarités par l’élargissement de l’équipe de management. Toutefois, nous reconnaissons que cette mission d’évaluation est parfois difficile à mettre en œuvre…

Connaître l’entreprise, son histoire, ses valeurs, son mode de fonctionnement est aussi un passage obligé sans lequel la construction ne saurait être durable. Un dirigeant égocentré, même de bon niveau, n’aura de l’entreprise que la vision du borgne. L’entreprise est un corps vivant qui mérite le respect, en tout premier lieu de la part de celui qui la dirige.

Le dirigeant est le Primus inter pares. C’est vers lui que se portent tous les regards de ceux qui en attendent de la passion, de la communication, de la décision et de l’action avec beaucoup de courage et d’exemplarité. Ces qualités sont malheureusement trop rares.

Enfin, mon ultime conseil portera sur la motivation. En premier lieu, celles des équipes qui nous entourent. Lorsque je rencontre un collaborateur quel que soit son niveau, je m’interroge systématiquement sur le socle de sa motivation : a-t-il un territoire identifiable » avec des responsabilités ? Est-il fier de son entreprise ? A-t-il acquis dans l’entreprise des connaissances nouvelles ? Est-il considéré par son supérieur ?

En résumé, quels que soient le statut, la personnalité et l’histoire de l’entreprise, la dimension humaine, l’exemplarité du comportement sont les déterminants d’une dirigeance efficace et durable.

Bibliographie

Ghosn C., Ries P., Citoyen du monde, LGF, 2005

Lenhardt V., Les Responsables Porteurs de sens, Insep Consulting.2002 Welsch J., Mon métier de Patron, village mondial, 2005

Senge P., Gauthier A., La Cinquième Discipline, First, 1991

Robert G., Hagstrom J., Stratégie de Warren Buffet, publications Financières Internat, 1997.

Références

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